Correspondance de Napoléon Ier – Janvier-Février-Mars 1811

Paris, 1er janvier 1811

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Paris

Mon Cousin, il me revient que le sieur Bourrienne a gagné 7 à 8 millions à Hambourg en délivrant des permis et faisant des rete­nues arbitraires. Je suis également instruit que le sénat de Hambourg a fait pour plusieurs millions de dépenses secrètes pour des sommes remises à des Français. Je veux avoir des idées claires sur ces affaires. Comme gouverneur du pays, et devant liquider le sénat, il faut que vous sachiez tout. Mon intention est d’obliger tous les individus qui auraient reçu des sommes sans mon consentement à les restituer, et d’employer cet argent à des travaux publics.

Je vous envoie un rapport que me remet le général Rapp. Faites-lui connaître que je verrai avec plaisir que les matelots des villes hanséatiques, de Papenburg, de Hollande, même les Américains qui se trouvent à Kœnigsberg et Memel sur les bâtiments confisqués, soient envoyés à Danzig, d’où on les fera venir en France pour armer nos bâtiments. Demandez-lui des éclaircissements sur l’affaire de 800,000 francs du consul Clérembault, car ce n’est pas de cette manière qu’elle m’est présentée. Envoyez-moi les noms des maisons françaises qui sont intéressées dans ce convoi de Carlshamm.

 

Paris, 1er janvier 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je vous remercie de ce que vous me dites pour la nouvelle année. Je souhaite que vous ayez l’espérance, cette année, d’avoir un garçon. C’est le meilleur souhait que je puisse vous faire.

 

Paris, 2 janvier 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, j’attends d’ici à quinze jours les états des armées étrangères au 1er janvier, comprenant tous les renseigne­ments que vous devez avoir reçus depuis la remise des premiers livrets.

 

Paris, 2 janvier 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, vous devez répondre au chapitre de Florence que je n’ai appris qu’avec indignation qu’il s’était mis en révolte contre mon autorité et avait reçu communica­tion d’un prétendu bref du Pape, sans qu’il eût été enregistré au Conseil d’État ; que ses membres ne pouvaient pas méconnaître à ce point leur devoir et les lois de l’Empire, qui sont aussi celles de l’ancien grand-duché de Toscane ; que Sa Majesté a ordonné qu’on arrêtât et qu’on traduisit devant les tribunaux criminels ceux qui avaient ainsi violé les principes fondamentaux de l’État ; qu’elle a ordonné que les vicaires généraux eussent à se rendre à Paris ; que sa volonté souveraine est qu’ils reconnaissent l’archevêque Osmond, comme ayant les pouvoirs de vicaire capitulaire ; qu’ils réfléchissent au tort qu’ils se feraient à eux et à la religion, en se mettant en désobéissance ouverte avec le souverain.

Vous écrirez à la grande-duchesse de bien faire comprendre au chapitre que, si l’archevêque Osmond n’est pas sur-le-champ installé, je dissoudrai le chapitre de Florence ; enfin que je lui recommande de prendre les mesures de vigueur convenables pour arriver au but et faire reconnaître l’archevêque.

 

Paris, 2 janvier 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre du 26 décembre, avec un projet de décret relatif aux vélites et aux gardes d’honneur. Ce que vous proposez serait impossible pour les gardes d’honneur. Mon but serait manqué si l’on prenait des gens qui ne payassent rien. Ce sont des gens riches qu’il faut prendre, afin d’aguerrir la tête de la nation. Quant aux vélites, il faut me faire un rapport pour me proposer de donner, comme récompense, l’exemption de payer à ceux qui au­raient cinq ou six ans de service. Faites-moi également un rapport qui me fasse connaître le payement actuel de la garde et quelle diffé­rence cela ferait.

 

Paris, 2 janvier 1811

Au prince Camille Borghèse, gouverneur général des départements au-delà des Alpes, à Turin

Mon Cousin, je ne sais ce que vous avez de troupes à Savone; mais je pense qu’il est nécessaire d’y avoir 500 hommes d’infanterie et 100 hommes de cavalerie; s’ils n’y sont pas, portez la garnison à ce nombre.

Il est nécessaire d’envoyer à Savone une compagnie d’artillerie du 4e régiment*, et d’avoir quelques pièces de canon en état dans la citadelle de cette place. Je désire même que vous y teniez toujours une centaine de milliers de rations de biscuit, afin qu’en cas d’évé­nement la garnison puisse se jeter avec le Pape dans la citadelle et s’y renfermer plusieurs jours. Ceci n’est qu’une précaution et peut être superflu, mais les précautions sont toujours bonnes à prendre.

Il est convenable que la compagnie d’artillerie du 102e qui est à Gênes se rende à Savone.

 

Paris, 2 janvier 1811

A Elisa Napoléon, grande-duchesse de Toscane, à Florence

Ma Sœur, le ministre des cultes me remet une lettre du chapitre de Florence qui fait connaître qu’une prétendue lettre du Pape lui défend de donner des pouvoirs à l’archevêque Osmond. Je suis sur­pris que vous n’ayez pas mis une assez grande vigilance pour être instruite de ces menées et les prévenir. Il vous reste à réparer ce défaut de surveillance par des mesures de vigueur. Faites arrêter la partie du chapitre qui s’est montrée malveillante, et faites-vous re­mettre la lettre du Pape, qui ne peut avoir aucune valeur, les lois de l’Empire, comme celles de l’ancienne Toscane, défendant aux chapitres et évêques de recevoir aucun bref du Pape sans qu’il ait été enregistré au Conseil. A défaut de ces formalités, tout bref du Pape est nul et non avenu. Enfin, si vous trouviez de l’opposition dans le chapitre, je vous autorise à le supprimer et à en faire séques­trer tous les biens.

 

Paris, 3 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je désire avoir un livret de la Grande Armée, comprenant l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, les équi­pages de pont, le génie, avec remplacement des troupes au 1er jan­vier et les ordres qu’elles ont reçus.

INFANTERIE.

La Grande Armée sera composée de quatre corps. Le corps d’ob­servation de l’Elbe comptera pour deux.

Je vous ai fait connaître l’organisation du corps d’armée de l’Océan, qui n’aura que 3 divisions au lieu de 4, et celle du corps d’observa­tion d’Italie, qui n’aura que 3 divisions au lieu de 4, savoir : 2 divisions françaises et 1 italienne.

La Grande Armée ne sera donc composée que de 15 divisions; j’en joins ici l’état pour plus de clarté; il y aura 2 divisions de moins que dans le premier projet, ce qui influera sur l’artillerie.

CAVALERIE.

La cavalerie légère sera divisée en 14 brigades. Vous en avez les numéros; pour plus de clarté, je joins ici l’état de leur formation. Ces 14 brigades formeront 7 divisions.

La cavalerie de réserve sera composée de 6 divisions, savoir : 5 divisions de cuirassiers et 1 de dragons; pour plus de clarté, j’en joins ici l’organisation.

Il y aura donc une division de cavalerie de plus que je n’avais ordonné; ce qui donne une augmentation de deux batteries d’artil­lerie à cheval de plus que je n’avais ordonné.

ARTILLERIE.

Les 14 divisions françaises auront chacune une batterie à pied de six pièces de 6 et de deux obusiers, et 13 batteries à cheval de qua­tre pièces de 6 et de deux obusiers, la 7e division étant servie par une compagnie d’artillerie à cheval polonaise. Le corps d’observation de l’Elbe, formant deux corps d’armée, aura 4 batteries de réserve, chacune de six pièces de 12 et de deux obusiers à grande portée ou licornes. Le corps d’observation de l’Océan aura 2 batteries pareilles. Le corps d’observation d’Italie aura 2 batteries pareilles; total de l’artillerie française attachée aux 14 divisions d’infanterie, 35 batte­ries à pied, à cheval ou de réserve, formant quarante-huit pièces de 12, cent quarante-six pièces de 6, soixante et dix obusiers, dont seize à grande portée ou licornes ; total, 264 pièces attachées à l’infanterie.

La division italienne aura 1 batterie à pied et 1 à cheval. La garde italienne aura 1 batterie à pied et 1 à cheval. Il y aura 2 batteries d’artillerie de réserve italienne attachées à la garde; total de l’artille­rie attachée à l’infanterie italienne, 6 batteries à pied, à cheval ou de réserve, formant douze pièces de 12, vingt pièces de 6, douze obusiers, dont quatre licornes ; total, 44 pièces de canon italiennes.

L’artillerie de la cavalerie sera composée de 12 batteries à cheval ou de soixante et douze pièces, savoir : quarante-huit pièces de 6 et vingt-quatre obusiers ; total, 72.

Le total de l’artillerie de la Grande Armée sera donc de 51 batte­ries à pied, à cheval ou de réserve, formant soixante pièces de 12 françaises ou italiennes, deux cent quatorze pièces de 6 et cent six obusiers ; total, 380 bouches à feu, sans comprendre l’artillerie régimentaire.

Conformément à l’état ci-joint, les 15 divisions auront 174pièces de régiment, dont dix italiennes et seize de la Confédération.

La Garde impériale aura 8 batteries d’artillerie à cheval, 8 batte­ries d’artillerie à pied et 4 de régiment; total, 24 batteries servies, vingt-quatre pièces de 12, quatre-vingts pièces de 6, trente-deux pièces de 4, quarante obusiers, dont huit à grande portée ou licornes; total, 176 pièces. Ce qui, avec les trente-six pièces de la garde ita­lienne, y compris les seize de la réserve italienne, fera 212 pièces pour la Garde.

Ainsi il y aura à la Grande Armée quatre-vingt-quatre pièces de 12, deux cent quatre-vingt-quatorze pièces de 6, cent quarante-six obu­siers et deux cent six pièces de régiment, y compris la Garde; total général, 730 bouches à feu.

 

ÉQUIPAGES DE PONT ET PARCS DE SIÉGE.

Il y aura 3 équipages de pont, dont 2 sont formés et 1 avec les agrès seulement, servis par 13 compagnies de pontonniers;

2 équipages de siège avec au moins 12 compagnies françaises pour le service des 2 équipages, et 12 alliées, dont 3 italiennes, 3 polo­naises et 6 des autres nations ;

24 compagnies de sapeurs françaises, 2 italiennes, non compris les sapeurs de la Garde ;

6 compagnies de mineurs ;

1 bataillon d’ouvriers de la marine, de 6 compagnies.

 

TRANSPORTS MILITAIRES.

Il y aura 7 bataillons, dont 6 français et 1 italien, formant 1,774 voitures.

 

GÉNIE.

2 équipages de siège et 3 équipages de pont,  composés des sim­ples matériaux en réserve à Danzig.

Il faudrait joindre à l’artillerie un certain nombre de pièces attelées au parc général, pour pouvoir promptement réparer les pertes.

Paris, 3 janvier 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, on vient de découvrir ici une clique du Pape. Un abbé Fontana et un abbé Gregori, que j’avais fait venir de Rome, étaient les intermédiaires de la correspondance du Pape avec les vicaires, généraux de Paris pour semer le désordre. Ils ont été arrêtés tous avec leurs papiers; il en résulte que le Pape, à la plus horrible con­duite, joint la plus grande hypocrisie. Je vous donne ces renseignements pour votre gouverne, afin que le ministre des cultes veille à ce qu’il ne se trouve rien de pareil dans le royaume.

 

Paris, 5 janvier 1811

NOTE POUR LE BIBLIOTHÉCAIRE DE L’EMPEREUR

L’Empereur désire que M. Barbier lui envoie, le plus tôt possible, le résultat de ses recherches sur la question de savoir s’il y a des exemples d’empereurs qui aient suspendu ou déposé des papes.

 

Paris, 5 janvier 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Je pense qu’il est nécessaire de faire un court exposé de l’affaire du Pape, avec les pièces, pour en saisir une commission présidée par l’archichancelier et composée du ministre d’État Régnaud et des conseillers d’État Merlin et Boulay, pour prendre leur avis sur les diffé­rentes questions. Rédigez votre rapport au Conseil d’État, et propo­sez un projet de décret et les autres mesures à prendre.

 

Paris, 5 janvier 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, je vous envoie un mémoire qui m’a été remis. Faites-moi connaître ce que vous pensez sur l’idée de sonder les évêques avant la réunion d’un concile national. Il me semble qu’il serait convenable que vous fissiez un exposé de la ques­tion sur lequel vous prendriez l’opinion de quelques évêques. Cet exposé porterait sur le refus du Pape de donner l’institution canoni­que, sur sa bulle d’excommunication, sur son éloignement de Rome, sur la liberté dont il a joui à Savone, sur l’abus qu’il en a fait, sur les lettres qu’il a écrites au cardinal Fesch (dont on joindrait des copies), qui ont fait connaître l’esprit d’irritation et de frénésie qui anime le Pape, sur ses lettres au cardinal Maury, au grand vicaire d’Astros. Les premiers à interroger seront les archevêques, ceux de Paris, de Lyon, de Tours, de Malines, de Toulouse, de Turin, de Bordeaux, ensuite quelques évêques, les plus forts. On consultera les autres après. Demandez-leur de vous remettre dans les huit jours leur opinion motivée sur ces questions :

1e Question. — Le Pape a-t-il le droit d’excommunier les souve­rains et leurs ministres pour des objets temporels ? Quelles sont les mesures auxquelles peut donner lieu cette excommunication, colpor­tée par la malveillance et servant à exciter dans l’Etat des rumeurs ? Quel parti y a-t-il à prendre ? Que prescrivent les maximes de l’Église gallicane ?

2e Question. — Le Pape ayant violé le Concordat par le refus qu’il a fait de donner l’institution canonique aux évêques sans res­triction, l’Empereur ne veut plus exposer à ces outrages la dignité de sa couronne. Dans cet état de choses, quel est le moyen canonique qu’indique l’histoire de l’Église pour parvenir à instituer canoniquement les évêques ?

3e Question. — Sa Majesté, par amour du bien, ayant consenti que les évêques qu’elle aurait nommés administrassent leurs diocèses comme vicaires capitulaires, le Pape avait-il le droit de défendre aux chapitres de leur donner les pouvoirs, d’entretenir dans l’État des correspondances clandestines, de prêcher la révolte à l’autorité et de substituer l’arbitraire de sa volonté aux droits des chapitres ?

4e Question. — Enfin que convient-il de faire dans ces circonstan­ces pour mettre un terme à des oscillations si contraires à l’indépen­dance de la nation, à la dignité du trône et au bien de l’Église, qui souffre de ce que le souverain est dans la crainte de se voir troublé par l’esprit d’usurpation et atrabilaire du Pape ?

 

Paris, 5 janvier 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, hier, me trouvant au Conseil d’État, j’ai demandé au comte Portalis s’il avait connaissance d’un libelle du Pape, qui avait circulé ici, tendant à provoquer la désobéissance et le mépris de l’autorité. Après avoir hésité, ce conseiller d’État m’ayant répondu qu’il en avait eu connaissance, je l’ai chassé de mon conseil, lui ai ôté toutes ses places et l’ai exilé à quarante lieues de Paris. Je vous mande ceci afin que l’on soit bien convaincu de mon intention pro­noncée de faire cesser cette lutte scandaleuse de la prêtraille contre mon autorité.

1)Même lettre au prince Borghèse et à la grande-duchesse de Toscane

 

Paris, 7 janvier 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, vous témoignerez mon mécontente­ment à mon chargé d’affaires à Stuttgart de ce qu il a sollicité une feuille de route pour mon service particulier, et vous lui ferez com­prendre qu’il n’y a que le grand veneur qui puisse faire venir des cerfs pour moi, et que le grand veneur n’ordonne rien pour mon service sans le payer comptant. Vous lui enjoindrez de se rendre chez M. de Taube pour lui faire connaître que ces cerfs n’étaient pas pour moi ; que c’est à tort qu’il s’est mêlé de cette affaire ;  que le service de ma Maison est payé argent comptant, et qu’il est pourvu à toutes les dépenses de mon service particulier par des fonds de la Couronne. Vous parlerez dans ce sens au ministre de Wurtemberg à Paris. Voyez aussi le grand veneur et le comte de Cessac pour savoir ce que cela veut dire et pourquoi on veut faire en pays étranger ce qu’on ne ferait pas en France, puisque la guerre ne payerait pas cela. Écrivez à mes ministres en Allemagne qu’ils ne doivent avoir aucun égard aux demandes qui seraient faites par des personnes attachées à moi service particulier, parce que toute dépense privée est payée sur les fonds de la Couronne, et non sur les fonds de la guerre, de l’admi­nistration de la guerre ou de tout autre département. En général, mes ministres n’ont pas  une bonne direction.  Puisque ce chargé d’affaires ne savait rien,  il devait se taire et ne pas prendre parti dans une affaire qui ne le regardait pas.

 

Paris, 8 janvier 1811

Au prince de Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, je réponds à votre lettre du 17 décembre dernier. Tous les décrets du roi numérotés 43, 44, 45, 46, 47 et 48,qui élèvent des individus à la noblesse de Hollande, doivent être regar­dés comme non avenus. Le décret numéroté 49 doit exister dans le sens qu’il donne le droit au général Dumonceau de porter le titre de comte; mais il s’appellera le comte Dumonceau et non le comte Ac Begen-Duin. Même observation pour les décrets numérotés 50, 51, 52, 53, 54, 50, 57 , qui concernent les amiraux Ver Huell, Dewinter, Kinsbergen, et les sieurs Twent (Ministre du Waterstadt), Travers (Capitaine des gardes du roi Louis), etc. Pour le numéro 56, il faudra prendre des informations pour s’assurer que les six individus mentionnés dans ce décret sont des sujets méritants. Quant au numéro 57, ce décret peut donner le droit à l’individu qu’il concerne de reconstituer le majorât par-devant vous. Présentez-moi un projet de décret relatif à tout cela; moyennant ces dispositions, je crois avoir décidé toutes les affaires qui regardent la noblesse de Hollande, et je suppose qu’il n’y a plus d’autres titres.

 

Paris, 8 janvier 1811.

Au comte Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Je désire un rapport qui me fasse connaître si je dois accorder à Terveere, dans l’île de Walcheren, le droit de recevoir des smogglers, sans que cela fasse trop de tort à Dunkerque. Pour décider cette question, faites-moi connaître : 1° le nombre de smogglers dans l’année 1810; 2° de quels ports d’Angleterre ils sont venus. Des renseignements me portent à penser que ceux qui viennent à Dun­kerque viennent de la rive droite de la Tamise ; ce qui porte à penser que ceux qui viendraient à Flessingue viendraient de la rive gauche.

 

Paris, 8 janvier 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, le bref du Pape au chapitre de Paris n’a pu être dénoncé au Conseil d’État, puisqu’il n’a pas été présenté au chapitre ; mais celui adressé au chapitre de Florence doit l’être, puisque le chapitre a délibéré. Envoyez donc ce bref aux sec­tions de législation et de l’intérieur du Conseil d’Etat réunies, pour me présenter un rapport sur ce qu’il y a à faire.

 

Paris, 8 janvier 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous prie de me faire le dépouille­ment de tous les bâtiments français du commerce qui ont navigué en 1810, en indiquant leur nombre, leur tonnage et la force de leurs équipages. Vous ferez dresser un état de ceux de la Méditerranée et un autre de ceux de l’Océan, en les distinguant par arrondissements de préfecture maritime.

Il faut avoir soin que les mêmes bâtiments ne soient pas portés deux fois. Par ces états on connaîtra le nombre des matelots exis­tants. Il résulterait des renseignements que j’ai qu’il y aurait 40,000 matelots français qui naviguent sur les bâtiments du commerce, indépendamment des pêcheurs.

 

Paris, 8 janvier 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mou Cousin, écrivez au duc d’Istrie de se rendre à Bayonne. Il pourra loger, à Marracq, dans l’appartement qu’occupait l’Impéra­trice. Donnez-lui l’ordre d’établir là sa correspondance avec les généraux Reille, Caffarelli et Thouvenot, et de prendre des mesures pour disperser promptement les brigands qui infestent la Navarre et le faire vivement pourchasser. Il écrira également au général Dorsenne pour que ces mesures se combinent et rendent libres les derrières de l’armée. Vous lui ordonnerez de passer en revue les dépôts.

 

Paris, 10 janvier 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Monsieur le Duc de Gaète, les principaux emplois de l’administra­tion des finances en Illyrie ont été donnés, dans le premier moment de l’organisation de ces provinces, à des hommes qui, en général, n’ont pas l’expérience ni toutes les connaissances nécessaires. Mon intention est que vous me présentiez, dans le plus bref délai, pour les places de conservateur des forêts, de directeur de l’enregistrement et de directeur des contributions, ainsi que pour les autres places principales, des hommes parfaitement capables, en état de mettre l’administration au courant de celle du reste de l’Empire et sachant les langues allemande ou italienne, suivant la province où ils devront résider.

Je désire que le directeur de l’enregistrement ne perde pas de temps à prendre connaissance de toutes les questions domaniales et puisse vous envoyer promptement des renseignements détaillés sur cette partie.

Faites-moi un rapport sur la manière dont on administre les sels et tabacs en Illyrie. Ne pourrait-on pas y établir une régie semblable à celle qui est à Turin ?

 

Paris, 10 janvier 1811

Au général Lacuée, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, j’ai définitivement organisé la Grande Armée en quatre corps, à compter du 15 février.

1er CORPS D OBSERVATION DE L’ELBE.

Le prince d’Eckmühl, commandant. Les 1e, 2e, 3e, 4e, 5e divi­sions d’infanterie et les 1e et 2e brigades de cavalerie légère.

2e CORPS D’OBSERVATION DE L’ELBE.

Le duc de Reggio, commandant. Les 6e, 8e et 9e divisions d’in­fanterie et les 5e et 6e brigades de cavalerie légère. Au 15 février, tout ce corps sera réuni à Munster et Osnabrück.

CORPS D’OBSERVATION DE L’OCÉAN.

Le duc d’Elchingen, commandant. Il sera au 15 février à Mayence. Les 10e, 11e, 12e, 7e divisions (la 10e division se réunit à Mayence, la 11e se réunit à Düsseldorf, la 7e est à Danzig, la 12e division ne pourra être formée que dans le courant d’avril), les 9e et 14e bri­gades de cavalerie légère. Tout cela sera prêt à marcher le 15 février.

CORPS D’OBSERVATION D’ITALIE.

Les 13e, 14e et 15e divisions d’infanterie, les 12e et 13e brigades de cavalerie légère. Elles seront réunies le 15 février à Bozen, Trente, Vérone et Brescia.

RÉSERVE DE CAVALERIE.

La réserve de cavalerie sera divisée en trois corps : 1e corps, général Nansouty :   1e division de cavalerie légère, général Bruyère; 3e brigade, général Jacquinot; 4e brigade, général Piré; 1e division de cuirassiers, général Saint-Germain ; 5e division de cuirassiers, général Valence.

2e corps, général Montbrun : 2e division de cavalerie légère com­prenant les 7e et 8e brigades, général Vattier; 2e division de cuirassiers, général Saint-Sulpice; 4e division de cuirassiers, général Defrance.

3e corps, général Latour-Maubourg : 3e division de cavalerie légère comprenant les 10e et 11e brigades, général Kellermann; 3e division de cuirassiers, général Doumerc ; division de dragons, général Lahoussaye.

Du reste, il n’y a aucun changement dans l’organisation des bri­gades d’infanterie, si ce n’est que le 24e léger est mis dans la 10e divi­sion à la place du 26e, et que le 26e est mis dans la 6e division à la place du 24e.

Dans les derniers états, il n’y avait que 13 brigades de cavalerie légère ; il y en a aujourd’hui 14. La 14e est formée du 4e et du 28e de chasseurs ; elle est sous les ordres du général Beurmann.

Chaque division de cavalerie aura besoin de son ambulance, de ses commissaires des guerres et de son administration. Il serait bon que chaque corps, composé de trois divisions, eût ou un ordonnateur, ou du moins un commissaire des guerres principal.

La Garde sera toujours composée de quatre divisions, comme il a été dit. Je désirerais que, vers le 15 février, l’état-major général pût être réuni à Mayence. J’attendrai le rapport que vous devez me faire là-dessus.

 

Paris, 11 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, le régiment de la Méditerranée remplit déjà un grand but, puisqu’il met à même de réunir successivement à Corfou un grand nombre de troupes, qu’il sert à garder la Corse et l’île d’Elbe. Mon intention est que vous me présentiez des projets de décret pour les caporaux et sergents qu’il faut y envoyer, comme on y envoie des officiers ; sans cela on ne pourra jamais compter sur ce corps.

Un des bataillons de ce régiment vient de partir pour Corfou; il faut que les hommes soient rayés des contrôles. Je suppose que vous avez envoyé peu d’officiers avec ces 500 hommes. Il me tarde beaucoup que ce régiment soit entièrement organisé.

Il me semble qu’on pourrait laisser les 2e, 3e et 4e bataillons en Corse, et mettre le 5e bataillon au fort Lamalgue; ainsi le dépôt de d’habillement et de l’équipement serait en France. On n’habillerait pas les hommes à Toulon, de peur qu’ils ne désertassent, mais seulement lorsqu’ils seraient embarqués.

Je pense que les conscrits réfractaires des départements de Rome, de la Toscane, de Gênes, du Piémont, doivent être dirigés sur Cività-Vecchia, Livourne et Gênes. Je donne ordre au ministre de la marine qu’il y ait constamment dans ces ports des bricks et petits bâtiments pour transporter ces conscrits en Corse aussitôt qu’ils arrivent.

Les conscrits partant de ces ports ne pourront pas être habillés ; il sera donc nécessaire qu’il y ait un dépôt à Ajaccio pour les habiller et les équiper à leur arrivée.

Tous les conscrits réfractaires des 7e, 8e, 9e, 19e, 10e 6e, 18e et 5e, 27e, 28e, 29e et 30e divisions militaires serviraient à former ce régiment.

Il faut bien prévenir que les brigands et mauvais sujets ne soient pas confondus avec les conscrits simplement réfractaires. On enverra les premiers aux bataillons étrangers ou au bataillon colonial qui était en Corse.

Je désire que vous me présentiez un projet de décret pour former un autre régiment d’infanterie légère, qui se réunira à Belle-Île et qui prendra le nom de régiment de Belle-Île, lequel sera entièrement composé de conscrits réfractaires, qui seront tirés des 11e, 12e, 13e, 22e, 14e, le, 2e, 3e, 4e, 24e, 25e et 26e divisions militaires. Il sera nécessaire d’envoyer non seulement les officiers, mais encore les sergents et caporaux. Ce régiment sera porté au complet de 4,000 hommes. Il servira soit pour des expéditions maritimes, soit pour toutes autres opérations. Il pourra fournir un bataillon pour la gar­nison de l’île de Groix. Il faudra également distinguer les hommes susceptibles d’entrer dans ce régiment de ceux à reléguer dans les bataillons coloniaux.

Peut-être pourrait-on former un troisième régiment à l’île de Ré, lequel aurait un bataillon à l’île d’Yeu, un à l’Île d’Oléron et un à l’île d’Aix ; ce qui aurait l’avantage de garder ces îles et de s’assurer de ces conscrits.

Par ce moyen j’aurai trois régiments ou 12 à 15,000 conscrits réfractaires, étant tous dans des îles.

J’aimerais assez avoir en Corse deux régiments au lieu d’un, c’est-à-dire huit bataillons ou 6 à 7,000 hommes.

Faites-moi connaître la quantité de conscrits réfractaires qui exis­tent par département. Je formerai, si cela est nécessaire, des colonnes mobiles de ma Garde pour les faire rejoindre.

Avant de rien exécuter, faites-moi un rapport sur le contenu de cette lettre. Vous discuterez la question des bataillons coloniaux.

Peut-être serait-il convenable, pour épargner du travail aux bureaux de la guerre, que le 3e et le 4e bataillon de ces régiments de conscrits réfractaires fût un bataillon colonial et soumis à la même administration.

J’attendrai, sur tout cela, votre rapport.

 

Paris, 13 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous renvoie les pièces relatives à la première expédition de Corfou. La Pauline et la Thémis me paraissent suffisantes dans cette rade. Mon intention est que vous ordonniez au commandant de la Pomone que, si les frégates la Pauline et la Thémis avaient été inter­ceptées et n’étaient pas arrivées, il prenne le commandement de la marine de Corfou et permette par là aux frégates la Danaé et la Flore de remplir leur mission pour l’Adriatique. Si, au contraire, la Pau­line et la Thémis sont arrivées, mon intention est que la Pomone et la Persane se rendent à Ancône, en leur faisant connaître que, selon les circonstances, elles peuvent relâcher aux bouches du Cattaro, à Pola, à Trieste, à Raguse, ces ports étant gardés par mes troupes et parfaitement armés.

La Pomone pourrait embarquer les hommes impotents et qui géné­raient la garnison, et ramener en Italie une partie des Albanais, qui vont devenir inutiles au général Donzelot, ainsi que le bronze, artil­lerie et fer inutiles à la colonie. On pourrait charger la Persane d’huile ou d’autres objets utiles aux habitants, afin que cette flûte ne revienne pas à vide.

Je ne veux pas laisser au général Donzelot la Persane, qui est une trop bonne flûte. Je préfère qu’elle vienne à Ancône avec la Pomone, d’où je lui ferai faire un second voyage à Corfou.

Dans le nombre des ports de l’Adriatique où pourront se réfugier mes frégates, vous mettrez Brindisi.

J’aurai donc par ce moyen trois nouvelles frégates françaises dans l’Adriatique; ce qui, joint aux deux françaises que j’y ai, me ferait cinq frégates françaises.

Faites-moi connaître si les officiers commandant ces frégates se trouvent naturellement placés sous celui qui commande à Ancône, et s’il est leur ancien. Ayant l’espérance d’avoir bientôt quatre ou cinq vaisseaux dans l’Adriatique, ces cinq frégates me seront utiles et auront l’avantage de croiser dans une mer étroite et dont tous les ports m’appartiennent.

Si la Pomone et la Persane arrivaient à Brindisi, je désirerais que le roi de Naples fît charger la Persane de blé et de munitions, et fît mettre à bord les hommes qui se trouvent encore à Otrante pour faire un voyage à Corfou.

Rédigez dans ce sens mes instructions au commandant de la Pomone. Faites-moi connaître aussi ce que vous pensez sur le place­ment de quelques frégates à Brindisi, pour de là escorter des gabares pour l’approvisionnement de Corfou.

 

Paris, 15 janvier 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, recommandez aux sieurs Otto, Bourgoing, à mes ministres à Munich et dans les différentes cours d’Alle­magne, de recueillir toutes les pièces qu’ont imprimées les Autrichiens sur les campagnes depuis quinze ans, et surtout sur les dernières, et de les envoyer à mon secrétaire de cabinet Mounier. Ecrivez égale­ment à mon ministre à Berlin de ramasser tout ce qui est relatif aux campagnes de Prusse et autres campagnes d’Allemagne qu’on pourrait trouver, et de l’envoyer également au baron Mounier.

 

Paris, 15 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

S’il en est encore temps, envoyez au commandant des trois fré­gates qui escortent le convoi de Barcelone l’instruction de croiser dans la Méditerranée, après qu’il aura jeté son convoi dans cette place. Faites-lui connaître que nous sommes maîtres de Malaga, du fort de Marbella ; que la tranchée devant Tortose a été ouverte en décembre, et qu’à l’heure qu’il est cette place doit être en notre pouvoir; que les prises en vivres qu’il fera dans sa croisière il les envoie à Barcelone.

Il n’y aurait pas de mal même qu’il parût devant Alger, et qu’il de­mandât au consul comment se comporte le dey.

 

Paris, 15 janvier 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Le secrétaire intime de l’archichancelier reçoit trois fois par semaine à un premier étage. Beaucoup d’agents de change se rendent chez lui ; il se mêle de beaucoup de tripotages ; il s’y débite de fort mauvaises nouvelles. II y a quelques jours qu’on a dit que le prince de Condé était à la tête des insurgés d’Espagne et allait se faire couronner roi à Madrid. Il faut avoir là un regard, et on trouvera la source de tous les mauvais bruits qui courent dans Paris.

 

Paris, 16 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Vous m’avez parlé de 18 ou 20,000 fusils qu’on trouverait en Hol­lande à bon marché. Il serait peut-être convenable que vous écrivis­siez au sieur Bourgoing que ces fusils seraient très bons pour armer les paysans du duché de Varsovie, et qu’il faudrait que le Roi en fit l’achat pour ledit duché.

 

Paris, 16 janvier 1811

Au baron Costaz, intendant des bâtiments de la couronne, à Paris

Faites-moi un rapport sur la démolition de l’église de Saint-Thomas du Louvre et des maisons que j’ai acquises entre les Tuileries et le Louvre, afin de déblayer ces terrains et de donner du travail à la population de Paris. Quelles sont les maisons qu’on doit acquérir cette année et dont les marchés pourraient se faire sans difficulté ?

 

Paris, 17 janvier 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, faites connaître au roi d’Espagne qu’ayant donné le gouvernement de Madrid au général Belliard, et ce général n’ayant pas cessé de me rendre de bons services, je n’entends pas que son gouvernement lui soit ôté, et surtout qu’il soit donné à des officiers qui ne seraient pas au service de France; que si donc cela était vrai, et que le roi eût retiré le gouvernement de Madrid au général Belliard, il eût à le lui rendre sans délai; que c’est mon ordre formel; qu’en général j’entends qu’aucune troupe française ne soit mise sous les ordres d’officiers au service d’Espagne.

 

Paris, 20 janvier 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, il est nécessaire d’envoyer à mes ministres en Russie, en Autriche, en Danemark, des copies des livrets que vous m’avez remis, afin qu’ils vous les renvoient avec leurs observations sur chaque régiment. Ce travail leur servira à eux-mêmes de guide.

 

Paris, 20 janvier 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Monsieur le Duc de Gaète, je désire que vous me fassiez connaître ce qui existe à la caisse de la loterie, pour lots non réclamés, sur l’exercice de 1810 et années antérieures. Je désire également que vous me fassiez connaître ce qui reste de libre sur le cinquième du produit net des saisies des douanes pour les exercices 1810, 1809 et antérieurs. Enfin je désire savoir ce qui reste libre sur le fonds des amendes des fraudeurs. Indiquez-moi dans quelle caisse chaque restant libre se trouve.

 

Paris, 21 janvier 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, j’attends l’état que je vous ai de­mandé pour régler les remontes de 1811. J’ai reçu celui du ministre de la guerre, mais je n’ai point le vôtre. Vous me ferez connaître, par l’état que vous devez me remettre, les remontes qui entrent dans le budget de 1811. Il résulte de l’état du ministre de la guerre qu’an 1er novembre dernier j’avais 78,000 hommes de cavalerie et seule­ment 58,000 chevaux, ce qui ferait donc un déficit de 20,000 che­vaux, qui seraient nécessaires pour remonter les hommes à pied, dont 3,000 chevaux de hussards, 6,000 de chasseurs, 7.000 de dragons et 3,000 de cuirassiers. D’un autre côté, il résulte du même état qu’il manque au complet de la cavalerie, en hommes, 8,000 hom­mes. Ce qui ferait donc 28,000 chevaux manquant pour avoir un complet de 86,000 chevaux.

 

Paris, 21 janvier 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, à Paris

Mon Cousin, mon intention est d’envoyer à votre armée un nou­veau régiment français d’infanterie légère et quatre régiments hollan­dais, et qu’il soit formé une 4e division, de sorte que votre corps sera composé de quatre divisions, chacune de cinq régiments, savoir: d’un régiment d’infanterie légère et de trois régiments de ligne fran­çais et d’un régiment hollandais. La division où sera le 33e léger aura un autre régiment d’infanterie légère français. Mon intention est de réunir l’artillerie et tout ce qui est nécessaire pour pouvoir, dans le courant de l’été, former, de ces quatre divisions de cinq régiments chacune, cinq divisions de quatre régiments. Il est donc nécessaire qu’il y ait aux parcs de l’artillerie et du génie le matériel nécessaire pour former ces cinq divisions. Comme chaque régiment sera de quatre bataillons, je désire qu’il y ait trois pièces régimentaires au lieu de deux; ce qui ferait soixante pièces de régiment. Chaque division d’infanterie devrait avoir une compagnie d’artillerie légère, ce qui ferait cinq compagnies; la cavalerie, trois compagnies; ce qui ferait huit compagnies d’artillerie légère pour le corps d’armée. Chaque division d’infanterie devrait avoir aussi une batterie et demie d’artillerie à pied, ce qui ferait environ huit compagnies d’artillerie à pied. Il faudrait donc un matériel de soixante et quinze bouches à feu pour l’infanterie, de dix-huit pour la cavalerie, ce qui ferait quatre-vingt-treize, et de sept pour le parc; total, cent pièces de canon. Je pense qu’il faudrait cinq compagnies de sapeurs pour les divisions et quatre compagnies pour le parc, et quatre compagnies de pontonniers pour le parc. Les dix régiments de cavalerie actuelle­ment existants formeraient la cavalerie de l’armée. Il faudrait que le génie eut tous les outils nécessaires. Les régiments ayant le nom­bre de leurs caissons augmenté, on compléterait les quatre batail­lons du train; ce qui fournirait les caissons nécessaires pour les cartouches, et près de quatre-vingts caissons seulement pour les vivres, ou presque l’équivalent d’un bataillon. Il y aurait, indépen­damment de cela, deux bataillons d’équipages militaires, formant deux cent quatre-vingt-huit caissons.

Ainsi votre corps d’armée serait composé de cinq divisions d’infanterie, de trois brigades de cavalerie légère, d’une division de cava­lerie de réserve, de cent quatre-vingts bouches à feu, et présenterait, tout compris, une force de 80,000 hommes, que je voudrais avoir toujours disponible pour former l’avant-garde et porter où cela serait nécessaire. J’ai désigné le général Haxo pour commander le génie. Faites mettre sur un état l’organisation que je projette, et sur un autre ce que vous avez et ce qui vous manque.

 

Paris, 21 janvier 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre du 10. Je vous remercie de la nouvelle que vous me donnez. Le caractère de l’individu doit vous faire connaître si cette confidence est l’écho de propos vagues, comme il y en a tant, ce qui dès lors paraîtrait un piège qu’on vous aurait tendu, ou si elle est la conséquence d’un plan auquel on travaillerait.

En général, ce n’est pas la première fois que je sais, par Berlin et par d’autres villes d’Allemagne, qu’on croit que vous suivez une autre direction que celle que je vous donne, ce qui a l’inconvénient de nuire à votre crédit et à vos affaires.

 

Paris, 22 janvier 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre d relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, vous recevrez les décrets que j’ai pris pour la prise de possession des pays réunis à l’Empire. II faut faire des instructions pour les commissaires chargés de prendre possession et pour les commissaires chargés de traiter, ce qui est deux choses différentes. Je désire annoncer ces dispositions, par des lettres signées de moi, aux différents princes. Ainsi vous me présenterez des projets de lettres pour le roi de Westphalie, pour le duc d’Oldenburg, pour le duc d’Aremberg et pour le prince de Salm. Il faut surtout appuyer sur ce que les ordres du conseil britannique ont nécessité ces mesures et sur le nouveau système qu’ils ont introduit dans le monde. J’ai chargé le duc Dalberg de traiter avec le ministre du roi de Westphalie pour régler tous les intérêts.

 

Paris, 24 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je m’empresse de vous envoyer un procès-verbal d’épreuves faites à Séville, d’où il résulte qu’on a lancé à 2,500 toises des obus de 8 pouces pesant 80 livres. Rassemblez un comité d’officiers d’artille­rie et faites-moi un rapport sur l’avantage de fondre de ces pièces et de continuer ces épreuves, qui me paraissent très précieuses pour la défense de l’Escaut et pour les rades.

Je désirerais faire partir de Toulon 6,000 obus de 8 pouces. Faites-moi connaître s’ils existent à Toulon et places environnantes, et d’où il faudra les tirer ; si deux frégates pourront porter cette quan­tité de projectiles. Il faudrait joindre à cet envoi de la poudre et autres objets nécessaires à l’armée d’Andalousie. Deux frégates porte­raient ces munitions à Malaga, d’où on pourra facilement les trans­porter à Cadix.

 

Paris, 24 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vois par votre lettre du 23 janvier qu’à mon grand étonnement vous aviez connaissance qu’il existait 104 déserteurs français dans les régiments d’Illyrie. Les comptes qu’on m’a rendus ne les portaient pas à ce nombre. Je suis surpris que vous ne m’ayez pas rendu compte de cela, car c’est une chose nouvelle que de voir déserter à l’étranger 100 hommes anciens et vrais Français. Faites-moi un rapport sur ce qui a été fait au sujet de ces déserteurs. A-t-on fait des enquêtes dans leur pays ? A-t-on pris des renseignements dans les régiments ? Je désire que vous me présentiez l’état de la désertion à l’intérieur, en masse, par régiment; mais que vous me remettiez l’état nominatif des déserteurs à l’extérieur.

Envoyez au comte Otto, mon ambassadeur à Vienne, l’état de ces déserteurs. Je sais que plusieurs se repentent. On leur accordera amnistie en considération de la circonstance du mariage ; on les fera revenir de Graz et autres points de l’Autriche, où ils sont dans une profonde misère, et on les renverra à leurs régiments en Illyrie.

Vous témoignerez mon mécontentement d’abord au duc de Raguse de ce qu’il n’a pas pris des mesures pour empêcher la désertion, et aux colonels de ce qu’il puisse y avoir dans leurs régiments un si grand nombre de déserteurs.

 

Paris, 24 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Le duc de Raguse met sur pied quatre bataillons de chasseurs illyriens, savoir: un de Lika, un d’Ottochacz, un d’Ogulin et un de Szluin, indépendamment d’un régiment de pandours. Il me semble que cela coûtera beaucoup d’argent inutilement. Sur ces quatre, deux bataillons sont suffisants. Le duc de Raguse ne devrait point lever de corps sans vos ordres. Cela m’engage à des dépenses tout à fait inutiles.

 

Paris, 25 janvier 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

II est nécessaire d’écrire sur-le-champ au duc de Dalmatie qu’après la prise de Badajoz il doit se porter sur le Tage avec son équipage de siège,  pour donner les moyens au prince d’Essling d’assiéger et prendre Abrantès.

 

Palais des Tuileries, 27 janvier 1811

NOTE DICTÉE EN CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’INTÉRIEUR

Les ponts d’Austerlitz, de la Cité et des Arts rendent 296,000 francs : 1° ils coûtent de frais de perception 50,000 francs, ce qui fait 16 pour 100; 2° c’est une grande gêne et un esprit de fiscalité peu analogue au caractère français que, dans une ville comme Paris, on soit obligé de payer au passage de tous les ponts; c’est une véri­table imposition. La ville ne pourrait-elle pas traiter de l’acquisition des ponts ? Des personnes pensent qu’avec une redevance de 150 ou 200,000 francs la compagnie se trouverait fort heureuse. Ce serait une charge pour Paris, mais aussi un impôt de moins. N’y aurait-il pas quelques moyens d’indemniser la ville de ce sacrifice et de rendre ainsi libre le passage de tous les ponts ?

 

Palais des Tuileries, 27 janvier 1811

NOTE  DICTÉE EN CONSEIL D’ADMINISTRATI0N DE L’INTÉRIEUR.

De toutes les communications de la Baltique au Rhin, la meil­leure, la plus courte, la plus économique, c’est la mer; mais la mer étant interdite par des forces supérieures, de là naît l’idée et vient la nécessité d’une communication intérieure de la Baltique au Rhin. La première idée qui se présente, c’est de partir de Hambourg, de fran­chir l’Elbe, suivre les waddens (bas-fonds) jusqu’à Delfzijl. Il est vrai que cette navigation n’est bonne que pour des bâtiments tirant quatre pieds d’eau ; mais cette navigation, comme la première, a l’inconvénient de pouvoir être interceptée par l’ennemi. Alors l’idée la plus natu­relle est de défendre l’Elbe jusqu’à Cuxhaven, et de joindre l’Elbe avec le Weser à Bremerlehe par un canal latéral sans écluses. La navigation de Hambourg à Cuxhaven peut être pratiquée par des bâtiments immenses; celle de Cuxhaven au Weser par le canal; à Bremerlehe on prendrait le nouveau canal, qui conduirait jusqu’à Delfzijl. Ce projet n’a point été étudié; c’était faute de renseignements positifs que Sa Majesté avait adopté le projet d’un canal pas­sant par l’Oste. Ici il y a un partage d’eau, ce qui est une chose tou­jours difficile. Il est vrai que l’Oste est navigable jusqu’à Bremervœrde, où il faudrait rompre charge jusqu’au Weser. Ainsi Sa Majesté n’ar­rête point ce projet, jusqu’à ce qu’on l’ait étudié. Dès l’année pro­chaine on fera le projet pour la jonction de l’Elbe au Weser. L’on déterminera le point où le canal devra joindre l’Elbe. On proposera à Sa Majesté la nomination d’une commission mixte d’officiers du génie de terre, d’officiers de marine et d’ingénieurs des ponts et chaussées, pour déterminer ce projet.

Le premier point est de vérifier le travail de M. Beautems-Beaupré par une commission d’officiers de marine et du génie.

2° Déterminer le point où on fera le bassin, puisque les vaisseaux engagés dans l’Elbe risqueraient de périr par les glaces. Il faut qu’on s’assure de la possibilité d’établir le bassin dans l’emplacement qui sera désigné.

3° Deux forts seront nécessaires à droite et à gauche de ce grand établissement, afin de se trouver toujours maître de 2,000 toises de rade, et alors on établirait le long de la mer, à 7 ou 800 toises, un fort comme le fort Lasalle du Helder, coûtant à peu près un million, où 1,000 ou 1,500 hommes pourraient soutenir un siège très long, parce qu’on ne peut être attaqué que par les digues.

Si ce travail pouvait être étudié d’ici au mois d’avril, on pourrait commencer ce fort dans la campagne prochaine, et l’avoir dans l’année comme le fort Lasalle. Le ministre de la marine tiendra un conseil où seront appelés le général Haxo, MM. Tarbé, Blanken, Sganzin, Cachin et Beautems-Beaupré, pour faire un premier projet qui sera remis à Sa Majesté, et ensuite on enverra sur les lieux pour étudier le terrain.

 

Paris, 27 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, donnez ordre qu’un général de brigade de confiance, choisi parmi les officiers de mon armée de Naples, se rende à Otrante. Vous le chargerez de vous écrire tous les jours, de vous envoyer l’état de tout ce qui, en personnel et en matériel, arrive à Otrante de Naples et d’Italie, de tout ce qui est embarqué et de tout ce qui part, de tout ce qui est pris en chemin.

Vous ferez connaître au roi de Naples l’ordre que je donne. Cet officier veillera à ce que tout ce qui passe à Corfou, matériel et per­sonnel, soit tenu en ordre, surveillera les transports et rembarque­ment, et exercera sa surveillance tant sur Otrante que sur Brindisi et autres ports voisins.

Donnez-lui l’ordre de numéroter ses rapports et de ne pas manquer de vous écrire tous les jours.

 

Paris, 27 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous envoie votre rapport sur les frégates de l’île d’Aix. Je vous prie de m’apporter, demain matin au lever, une carte de l’île d’Aix et de la rade des Basques, avec l’endroit où mouillent les Anglais, pour savoir s’il n’y aurait pas quelque possibilité de les éloigner. Nous avons aujourd’hui des moyens de tirer des bombes à 2,700 toises.

Faites-moi connaître s’il ne serait pas plus facile aux trois frégates de partir l’une après l’autre que de partir ensemble, et enfin s’il ne serait pas possible d’armer quatre vaisseaux à l’île d’Aix en quatre ou cinq jours, en faisant tous les préparatifs d’avance, en y envoyant des équipages et en y versant même les équipages des frégates, de manière à avoir la supériorité sur les bâtiments ennemis qui sont dans la rade des Basques.

 

Paris, 27 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je reçois votre lettre du 25 janvier. Je voudrais envoyer à Malaga six mille bombes de 8 pouces pesant, l’une portant l’autre, 40 livres; mille bombes de 10 pouces pesant chacune 100 livres, et mille de 12 pouces pesant 150 livres; autant de poudre que possible, mais au moins cent milliers. Je chargerais volontiers tout cela sur une belle flûte de 800 tonneaux, que deux frégates escorteraient. Cette expédition pourrait se rendre à Ajaccio ou à Porto-Ferrajo ;  elle prendrait là 5 ou 600 hommes, et irait débarquer ces hommes et toutes ses munitions à Malaga. Les frégates feraient au retour une croisière devant Alger, se présenteraient devant Cagliari, où elles ne trouveraient tout au plus qu’une frégate, et feraient tout le mal qu’elles pourraient aux Anglais et aux Siciliens. Elles pourraient aussi passer devant Valence, Alicante et autres villes de la côte d’Espagne, où elles feraient beaucoup de prises. Elles feraient rafle sur la côte et feraient tout le dommage qu’elles pour­raient aux insurgés.

 

Paris, 27 janvier 1811

Au général comte Andréossy, président de la section de la guerre au conseil d’état, à Paris

Réunissez la section de la guerre et proposez-moi un projet pour récompenser les militaires retirés et blessés, en leur donnant de préférence les places des administrations forestières, des postes, des tabacs, des contributions, enfin par toute espèce de places que les militaires, officiers et soldats retirés sont susceptibles d’occuper ; car il est contre mon intention et la justice de donner ces places à des gens qui n’ont rien fait. Je me rapporte au zèle et à l’intelligence de la section pour me proposer les mesures convenables.

 

Paris, 27 janvier 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre du 19 janvier. Je trouve que le mot « reconnaissance « est de trop dans votre lettre du 18 au landamman; l’esprit, du reste, m’en a paru très bon. En général, il faut avoir soin que vos lettres soient moins familières et aient un peu plus de dignité lorsque vous écrivez à des étrangers.

 

Paris, 28 janvier 1811

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Qui est-ce qui dirige les travaux de l’île Perrache ? On se plaint à Lyon que beaucoup d’individus demanderaient du travail, comme moyen de subsistance, et que les ateliers de cette île en refusent et n’emploient que 150 hommes.

 

Paris, 29 janvier 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, je vous renvoie votre exposé sur les affaires avec le Pape. J’y trouve des inexactitudes : par exemple, la réunion des États romains à l’Empire a eu lieu lorsque le Pape était à Savone, et non lorsqu’il était à Rome. Il ne faut pas parler de d’Astros ni de son pamphlet, et moins encore du mariage et de la légitimité de l’enfant; cela est trop absurde. Il faut dire qu’aussitôt qu’un courrier m’eut instruit qu’on avait été obligé d’éloigner le Pape de Rome, parce qu’il voulait exciter un soulèvement dans le peuple, j’ai ordonné qu’il fût conduit à Savone. On peut ne pas parler de Grenoble. Il faut parler de la circonstance de mon nom omis dans la bulle, et joindre, comme pièces justificatives, les lettres que lui écri­virent les évêques français ; vous les trouverez ci-incluses. Il faut parler avec plus de détails de la dernière bulle du Pape aux cha­pitres, et montrer l’inconséquence du Pape qui prétendait ne pou­voir instituer les évêques et qui pouvait cependant écrire à nos chapitres pour prêcher la révolte et semer le trouble en France. Il faut parler des constantes dispositions du Pape d’entraver les affaires spirituelles jusqu’à ce qu’il eut recouvré la souveraineté de Rome. Il faut joindre à cet effet, comme pièce justificative, un extrait de la correspondance du préfet de Montenotte. Il faut, en général, soigner de nouveau ce récit et démontrer que le soin constant du Pape a été d’affaiblir la puissance de la France, parce que la France était maî­tresse de l’Italie; qu’il a employé, pour atteindre ce but, son influence spirituelle autant qu’il l’a pu ; citer les brefs que j’ai reçus le lende­main des victoires d’Austerlitz et de Friedland, dans lesquels il m’in­juriait parce qu’il croyait que je serais battu. Enfin réunissez toute les pièces qui peuvent être jugées utiles pour les joindre comme pièces justificatives à cet exposé.

 

Paris, 29 janvier 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au maréchal Macdonald qu’aussitôt que Tarragona sera prise il fasse des dispositions pour prendre Cardona et les autres forts qui restent à l’ennemi dans la Catalogne.

 

Paris, 30 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Vous ne m’avez pas encore remis le rapport sur la marine hollan­daise. Je vois qu’il y a cinq vaisseaux armés et quatre désarmés à Medemblik ; ce qui fait neuf; il y a à Amsterdam deux vaisseaux, le Ruyter et l’Evertsen, que l’on peut considérer comme achevés (Faîtes-moi connaître quand ils seront mis à l’eau) ; ce qui fait donc onze vaisseaux. Il y en a deux en construction à Rotterdam, dont l’un, le Tromp, est aux 19 vingt-quatrièmes et peut être considéré comme achevé. Faites-moi connaître quand il sera mis à l’eau.

Le treizième vaisseau, qui s’appelle le Piethein, est en construction à Rotterdam. Ce vaisseau est aux 6 vingt-quatrièmes. La question sur laquelle je vous prie de me dire votre opinion, c’est de savoir s’il convient de l’achever, ou s’il vaut mieux le remplacer par un vaisseau de 74 ou par une très bonne frégate du modèle français.

Le Van-der-Werfy de 50 canons, qui est à Rotterdam, est aux 8 vingt-quatrièmes. Faites-moi connaître si c’est une frégate ou un vaisseau, et s’il convient de l’achever.

La Meuse et l’Yssel, sur les chantiers d’Amsterdam, sont aux . . . vingt-quatrièmes. Je pense que ce sont de nouvelles frégates françaises, qu’il convient alors d’achever.

Faites-moi connaître ce qu’il convient de faire des frégates la Reine et la Kenau-Hasselaer. Convient-il de les armer ?

Quels sont les constructions et les armements que vous comptez faire en 1811 dans les deux arsenaux d’Amsterdam et de Rotterdam ? Vous pouvez décider cela aujourd’hui, puisque j’ai réglé le budget de la Hollande à 14 millions.

 

Paris, 30 janvier 1811

Au capitaine de vaisseau Rolland, commandant la division navale à l’île d’Aix

Monsieur le Capitaine de nos vaisseaux Rolland, notre intention est que notre frégate l’Hortense, capitaine Halgan, soit armée au grand complet, équipée de 225 marins, officiers compris, et 200 hommes de troupes passagères, et approvisionnée de cent cinquante jours de vivres et eau pour les 425 hommes qu’elle doit recevoir à bord.

Dans les huit jours qui suivront la réception du présent ordre, cette frégate, ainsi chargée, doit être prête à partir et n’avoir plus aucune communication avec la terre; et aussitôt que la circonstance vous paraîtra favorable, vous lui donnerez l’ordre d’appareiller pour suivre la mission particulière que nous lui prescrivons par une lettre que nous écrivons au capitaine Halgan et que vous lui remettrez.

Quant au vaisseau le Régulas et aux frégates la Pallas et l’Elbe, notre intention est que ces trois bâtiments soient armés et équipés selon les règlements, et que vous preniez sous vos ordres des canon­nières , péniches et autres bâtiments légers, pour exercer les équi­pages et protéger le cabotage, de sorte que, si la présence de l’en­nemi vous empêchait d’appareiller, vous fassiez séjour dans la rade de l’île d’Aix, et que vous rendiez ce séjour de votre division utile, en remplissant le double but de protéger le cabotage et de former vos équipages.

Toutefois notre intention est que, huit jours après la réception de notre présente lettre, vous soyez prêt à partir et à profiter de toutes les circonstances, s’il s’en présentait de favorables, pour prendre le large et aborder dans quelqu’un de nos ports de l’Océan, tels que Brest et Lorient, ou même gagner un de nos ports de la Méditer­ranée, si des événements imprévus vous faisaient juger ce parti con­venable.

Nous vous laissons le maître de rester en croisière pendant le temps que vous croirez pouvoir le faire avec succès.

Nous comptons que vous justifierez, par votre activité, votre zèle et votre habileté, la confiance que nous avons placée en vous.

 

Paris, 30 janvier 1811

Au capitaine de vaisseau Halgan, commandant la frégate l’Hortense, à l’île d’Aix.

Monsieur Halgan, capitaine de nos vaisseaux, ayant résolu d’en­voyer dans nos établissements à l’est de l’Ile de France notre frégate l’Hortense, dont le commandement vous est confié, nous vous avons fait connaître par notre ministre de la marine comment nous enten­dions que fût disposé l’armement de cette frégate, l’organisation de son équipage, la quantité des troupes passagères qu’elle doit rece­voir à bord, de manière que ces troupes et l’équipage s’élèvent à 425 hommes, et que la frégate soit approvisionnée de 150 à 155 jours de vivres et d’eau pour ce nombre d’hommes.

Nous vous avons fait connaître aussi la quantité de métaux, fusils, pierres à fusil que nous avons ordonné être embarqués sur notre susdite frégate.

Aujourd’hui nous vous faisons savoir que notre intention est que vous vous rendiez sur notre île de Java, dans les mers orientales, où, arrivé, vous remettrez à la disposition de notre gouverneur général dans cette colonie les troupes passagères qui sont à votre bord au nombre de 200 hommes, les fusils, métaux et autres objets que vous avez pris en chargement. Vous prendrez ses ordres pour votre réarmement et votre destination ultérieure.

Vous prendrez ou détruirez tous les bâtiments ennemis que vous pourrez atteindre dans votre traversée, sans vous écarter de votre route, en observant que la proportion de votre eau et de vos vivres avec la longueur de cette traversée vous impose l’obligation de vous porter aussi directement que possible sur notre île de Java, comme aussi d’augmenter votre approvisionnement de campagne de celui de toutes les prises que vous pourrez faire ou de toutes autres ressour­ces qui vous seront offertes.

Vous éviterez toute relâche qui ne serait pas indispensable.

Notre ministre de la marine est chargé de vous transmettre des instructions de détail relatives à votre mission. Nous comptons que vous ne négligerez rien pour la bien remplir, ainsi que celles qui vous seront ultérieurement confiées, par le gouverneur général de nos établissements dans les mers d’Asie. Nous nous reposons à cet égard sur votre courage et votre zèle pour notre service.

2)Cette mission a été ajournée par dépêche du ministre de la marine en date du 2 mars 1811; et, le 11 du même mois, le capitaine de vaisseau Halgan a été invité à renvoyer toutes les instructions qu’il avait reçues. (Note de la copie. )

 

Palais des Tuileries, 30 janvier 1811

Au capitaine de vaisseau Jurien, commandant le vaisseau l’Eylau, à Lorient.

Monsieur le Capitaine de nos vaisseaux Jurien, nous vous faisons savoir que notre intention est que vous appareilliez de notre rade de Lorient sur notre vaisseau de guerre l’Eylau, dont nous vous avons donné le commandement, pour vous rendre dans notre rade de Brest, où nous voulons réunir une escadre dont ledit vaisseau fera partie.

Vous devrez donc mettre sous voile aussitôt que les circonstances vous paraîtront favorables, et nous vous laissons toute liberté sur la route que vous aurez à suivre, vous autorisant à prendre le large, en tant que vous le jugerez convenable, pour choisir les temps, les vents et les parages qui pourront favoriser votre atterrage; à l’effet de quoi vous devez être approvisionné de cinq mois de vivres et de quatre mois d’eau, en partant de Lorient.

 

Paris, 31 janvier 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, présentez-moi le projet de décret relatif à la répartition des 3,000 matelots hollandais. Les amiraux Dewinter et Ver Huell peuvent faire ce travail mieux qu’on ne le ferait à Amsterdam. Je désire que vous me le présentiez demain au conseil.

Voici le canevas de ce décret. 1° L’inscription maritime est établie en Hollande. 2° Un appel de 3,000 marins est fait sur ladite inscrip­tion. 3° Moyennant rappel de ces 3,000 hommes, tous les autres hommes inscrits ne pourront être contraints à aller à bord des vais­seaux et seront dégagés de toute contrainte en conséquence de l’in­scription maritime. 4° Toutes les fois que ces hommes ne seront pas fournis, l’embargo sera mis sur les bâtiments du port. 5° Les hommes devront être âgés de moins de cinquante ans et de plus de vingt-quatre. 6° Les préfets feront connaître sans délai aux sous-préfets le nombre de marins que leur arrondissement doit fournir; ceux-ci le communiqueront aux maires, et le conseil municipal procédera à l’appel des individus. Le commis à l’inscription maritime tiendra les matricules. 7° En cas de mort ou de désertion, la commune devra pourvoir au remplacement. 8° La contrainte sera établie, s’il y a lieu, par la voie des garnisaires.

Il faut joindre à ce décret un tableau de répartition par départe­ment et par port. Déterminez l’endroit où l’on enverra les marins, savoir : à Rotterdam sur les deux vaisseaux, et au Texel sur les trois vaisseaux qui sont en rade. On pourrait recevoir les 3,000 hommes sur ces cinq vaisseaux seuls, s’il était nécessaire. Il faudrait adopter un pareil décret pour les îles de la Zeeland et les départements des Bouches de l’Escaut et du Rhin. Ces départements peuvent, je crois, fournir 500 matelots; on procéderait de la même manière : les hommes seraient envoyés à Anvers.

 

Paris, 31 janvier 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Qu’est-ce que c’est que ces Filles de Saint-Thomas ? Dans quel quartier sont-elles ? Ont-elles des lettres patentes ? Font-elles profes­sion ? Enfin il se fait à Paris beaucoup de choses contraires aux lois de l’État. Partout on rétablit des couvents de religieuses. Faites-moi on rapport sur cet objet, et prenez des renseignements exacts.

 

Paris, 31 janvier 1811

DÉCISION

M. Gaudin, ministre des finances, soumet à l’Empereur un arrêté du préfet de Gênes interdisant aux confréries de    disposer de leurs biens, meubles et immeubles. Renvoyé au ministre des finances, qui proposera un  projet de décret pour  confisquer tous   les
biens de ces confréries et en disposer. Il me semble qu’une dispo­sition toute naturelle à en faire serait de les donner aux hôpitaux. Napoléon.

Paris, 1er février 1811.

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, il faudrait réunir lundi le conseil du clergé, pour lui communiquer les différentes bulles da Pape et les différentes circonstances où nous nous trouvons, la cor­respondance du préfet de Montenotte et surtout la partie de cette cor­respondance qui fait voir la mauvaise conduite du Pape, afin qu’il fasse connaître son sentiment sur ce qu’il est convenable de faire.

 

Paris, 2 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, tenez un courrier prêt à partir ce soir, qui portera la lettre de l’Impératrice à Vienne. Vous pouvez en pré­venir M. de Schwarzenberg, s’il veut envoyer des dépêches par ce courrier.

Faites vous-même vos dépêches pour le comte Otto. Vous lui prescrirez de passer une note pour demander le renvoi de tous les officiers et soldats, sujets de la France, qui sont retenus de force en Autriche contre les traités. Vous lui ferez connaître que l’arrêté du duc de Raguse (Par cet arrêté, le duc de Raguse ordonnait le séquestre de toutes les propriétés que possédaient en Illyrie les sujets autrichiens) n’a pas été approuvé et que cela n’aura pas de suite. Écrivez-en un mot au prince de Schwarzenberg; il y a une décision du Conseil d’État très solennelle sur cette affaire.

 

Paris, 2 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je désirerais qu’on fit au Dépôt de la guerre le plan des attaques et des sièges des différentes places prises dans les campagnes d’Alle­magne, comme Danzig, Raab, les places de Silésie, avec des cartes et des mémoires. Mon intention n’est pas d’imprimer ce travail, mais de le garder au Dépôt, de sorte qu’en cas d’une guerre ces maté­riaux puissent être consultés. On peut également faire rédiger l’histo­rique des sièges des places d’Espagne, telles que Saragosse, Tortose, Lerida, Mequinenza,  Ciudad-Rodrigo,  Almeida, l’attaque de Madrid, de Marbella, de Cadix. Il n’y a aucun inconvénient à imprimer ce volume.

 

Paris, 2 février 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

J’apprends que les entrepreneurs du Cercle des étrangers, rue Richelieu, ont fait construire un immense salon pour donner des bals masqués. Je vous ai déjà fait connaître que je n’entendais pas cela. Ils comptent déjà y mettre des tables de trente-et-un et des rou­lettes. Ainsi, pour couper court à tout, point de masques dans cette maison.

 

Paris, 2 février 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je vous envoie des dépêches d’Espagne; en les trans­mettant au duc d’Istrie, dites-lui qu’il est ridicule de voir le général Dorsenne prendre des décrets ; que les généraux ne doivent pas se servir de formules qui n’appartiennent qu’à la souveraineté ; qu’ils ne doivent agir que par des ordres du jour, et qu’ils ne peuvent rien arrêter ni décréter. Faites-lui connaître mon étonnement de ce que le général Kellermann se soit cru le droit de faire des acquisitions de domaines nationaux; que ces acquisitions doivent être déclarées nulles ; que ce n’est pas pour faire des opérations de cette espèce que j’envoie des généraux en Espagne, mais pour conquérir et sou­mettre le pays; qu’il est contre toutes les règles que des hommes chargés de l’administration et de l’autorité abusent de leur situation pour s’immiscer dans de pareils profits; qu’en France les administra­teurs mêmes n’entrent pour rien dans les affaires de ventes et de domaines. Écrivez dans ce sens au général Kellermann, et témoignez-lui mon excessif mécontentement d’une conduite aussi peu délicate.

 

Paris, 2 février 1811

Au général Duroc, duc de Frioul, grand maréchal du palais, à Paris

Depuis Marengo un certain nombre de colonels et chefs d’escadron et de bataillon de notre Garde ont été tués sur le champ de bataille. Ils ont des enfants qui auraient hérité de leurs titres et de leurs dota­tions si l’institution eût existé alors ; mon intention est de revenir là-dessus et de donner des titres et des dotations à leurs enfants. Ce qui me met sur la voie, c’est que Dahlmann, Morland et d’autres ont laissé des enfants sans dotation ni titre; faites-moi un rapport là-dessus. (Morland, colonel des chasseurs de la Garde, tué à Austerlitz. Il fut rem­placé par Dahlmann, tué à Eylau.

 

Paris, 2 février 1811.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant

Mon Cousin, le général Lepic restera aux grenadiers. J’ai nommé le major Delaitre colonel dans la ligne; il n’a pas assez fait la guerre pour être nommé général de brigade. J’ai nommé Daumesnil général de brigade commandant à Vincennes. Quant au colonel Chastel, nous verrons quand il sera arrivé.

 

Paris, 2 février 1811.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, le port de Saint-Georges, dans l’île de Lissa, est impor­tant. C’est un point qu’il faut occuper et ôter aux Anglais. La pre­mière expédition contre cette île a été manquée, puisqu’on n’a pas fait les 200 Anglais prisonniers. Mon intention est que vous preniez des mesures pour occuper cette île, et que vous vous concertiez à cet effet avec le duc de Raguse. Il y a deux manières d’arriver à Lissa, soit de partir à l’improviste d’Ancône avec 800 hommes, soit de partir de Lésina-Grande ; il me semble qu’il n’y a qu’une distance de quatre lieues. Ce trajet doit pouvoir facilement être fait dans la nuit. Le seul inconvénient qu’il y a à partir de Lésina-Grande, c’est qu’il est difficile de dérober la connaissance des préparatifs aux Anglais; au lieu que d’Ancône ils ne s’en aperçoivent point. J’estime donc qu’une demi-compagnie d’artillerie, une demi-compagnie de sapeurs avec un bon capitaine de génie, six pièces de 18 en fer avec leurs affûts et 200 coups à tirer par pièce, deux mortiers avec 150 bom­bes par mortier, un obusier et deux pièces de campagne, et 1,500 outils, sont suffisants pour cette expédition. Vous enverrez à Ancône le capitaine Dubourdieu. Vous avez dans ce port un nombre de fré­gates suffisant pour porter 800 hommes et les munitions. Il faudrait les faire accompagner par quelques canonnières et bâtiments légers ; elles pourraient débarquer à Saint-Georges ou sur un autre point de l’île. Les frégates reviendraient à Ancône; un brick et trois ou quatre canonnières ou autres petits bâtiments resteraient à Saint-Georges. Le duc de Raguse peut avoir réuni à Trau 3 ou 400 hommes pour jeter dans l’île de Lésina-Grande, afin d’établir la communication entre Lissa et autres îles voisines. Si le duc de Raguse n’a pas assez de bâtiments à sa disposition, on peut faire partir de Venise quel­ques canonnières ou petits bâtiments de cette espèce; mais il faut avoir bien soin de ne pas attirer l’attention des Anglais de ce côté jusqu’à ce que l’opération soit faite. Concertez-vous pour ces détails avec le duc de Raguse.

Lorsque l’île sera soumise, il faudra y faire construire un fort ou redoute, contenant une batterie de six pièces de canon pour la défense du port Saint-Georges, et l’approvisionner toujours pour trois mois. Il sera nécessaire que le duc de Raguse envoie à Lésina-Grande un officier supérieur intelligent et pourvoie à la défense de cette île. Les deux frégates françaises qui étaient à Corfou doivent être parties pour Ancône; cela augmenterait beaucoup vos moyens. Faîtes-moi un rapport sur l’occupation des différentes îles de la Dalmatie, afin d’ôter ces points de refuge aux croisières anglaises.

 

Paris, 3 février 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

La conscription va se lever. Il est très important que les majors soient à leur poste et à leur dépôt. Faites-moi connaître les majors présents et ceux absents. J’ai créé le grade de colonel en second pour commander les différents régiments de marche et pour les circonstances extraordinaires. Il est de la plus grande importance que tous les majors se trouvent à leurs corps.

 

Paris, 3 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre lettre du 2 février. Les régiments que je veux lever dans les trois départements porteront les n° 127, 128, 129. Ils doi­vent être composés de cinq bataillons. En attendant, donnez l’ordre au prince d’Eckmühl de former deux bataillons de ces régiments à Hambourg, deux à Brème et deux à Osnabrück. Présentez-moi la nomination de trois colonels et de trois majors parlant bien allemand. Le prince d’Eckmühl nommera provisoirement les capitaines, lieute­nants, sous-lieutenants et les sous-officiers. Le quartier-maître devra être Français. Les troupes du pays qui sont à Hambourg, à Brème, à Lubeck, dans l’Oldenburg, formeront le fond de ces six batail­lons. La conscription des trois départements doit être de 4,000 hom­mes. Ainsi, en opérant selon nos principes, et en supposant cinq ans, on aurait 20,000 hommes à lever. Il n’en faudra que 12,000. Quand les régiments seront réunis, on laissera au prince d’Eckmühl et au conseil provisoire la faculté de les organiser de la manière la plus appropriée au pays. On ne s’occupera de la conscription qu’au 1er juillet, quand le pays sera organisé selon les lois françaises.

 

Paris, 3 février 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je réponds à votre lettre du 30 janvier. Vous me proposez 50,000 fusils français pris à Vienne, 40,000 armes autrichiennes, total 90,000 fusils, qui me reviendraient environ à 900,000 francs. Je ne puis là-dessus que m’en rapporter à l’opinion des officiers d’ar­tillerie. Si l’Autriche a des fusils français qu’elle nous a pris dans les campagnes précédentes, il me semble que ces fusils me seront fort utiles et qu’il est avantageux de les acheter à un bon marché pour les transporter à Danzig. Les fusils autrichiens, il paraît convenable de les prendre à Vienne, pour les diriger sur Danzig. Si j’avais la guerre avec la Russie, je compte que j’aurais besoin de 200,000 fusils avec baïonnettes pour armer les insurgés polonais. Faites-moi un rapport pour savoir combien il y en a dans le duché, combien j’en ai envoyé dernièrement, et ce qui me reste d’armes dont ne se servi­raient pas mes troupes de ligne, etc.

C’est sur le rapport général que me fera l’artillerie sur cela, que je me déciderai. Il n’y a pas de doute que les circonstances du papier-monnaie peuvent faire qu’il y ait de très bons marchés à faire à Vienne. Il faudrait savoir quelles sont celles de ces armes qui pour­raient armer mes troupes et celles qui ne serviraient qu’aux insurgés.

Ces 90,000 fusils, si je les prenais, devraient être transportés au premier port de la Vistule, où ils seraient embarqués pour Varsovie, Thorn et Danzig

Je désire donc un rapport qui me fasse connaître si je trouverais à Varsovie 200,000 fusils pour armer les insurgés polonais, indé­pendamment des besoins de l’armée, 10,000 paires de pistolets et 20 ou 30,000 sabres.

Informez-vous si les fusils que j’ai envoyés dernièrement d’ici sont arrivés à Varsovie.

 

Paris, 3 février 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Il me revient beaucoup de réclamations contre le travail des im­primeurs. Je désire que vous me remettiez un travail qui me fasse connaître les noms des imprimeurs supprimés, le nombre de presses qu’ils avaient, leur ancienneté, la réputation de probité dont ils jouissent. On m’assure que sur la liste des imprimeurs conservés il y en a un qui est encore à Sainte-Pélagie, et qu’un autre est un Anglais établi à Paris seulement depuis un an.

 

Paris, 3 février 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je désirerais avoir un point fortifié sur l’Elbe, qui remplit le double but de m’assurer un pont sur cette rivière et de servir de refuge à ma flottille, au matériel que j’aurai dans la Baltique et à ce que j’aurai sur l’Elbe. Il me semble que la position de Lauenburg, à l’intersection de la Baltique et de l’Elbe, remplirait mon but. Faites-moi reconnaître cette position à six lieues de Lauenburg, en montant et en descendant l’Elbe. Vous sentez qu’en cas d’un mouve­ment de l’armée en avant on pourrait enfermer là le matériel et les dépôts qui seraient dans le pays.

Vous recevrez demain un mémoire sur la Jahde. Donnez des ordres pour que des batteries soient formées et que ma flottille soit protégée. Il sera peut-être nécessaire de les fermer à la gorge pour les mettre à l’abri des incursions des Anglais. Vous avez assez de canons de fer à Magdeburg pour pouvoir en tirer, si vous en avez besoin. Il ne faut point que ces batteries soient trop fortes, vu que, l’armée se portant ailleurs, il faudrait beaucoup de monde pour les garder, ou les laisser tomber aux mains des Anglais, ce qui serait une perte considérable. Ne mettez sur les côtes que des batteries de canons de fer.

 

Paris, 3 février 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je vous ai fait connaître que j’avais fait offrir Erfurt au prince d’Oldenburg. S’il n’en veut pas, tant pis pour lui. Le sénatus-consulte est formel et n’admet point de prince souverain dans l’Empire. Il faut ôter les armes du prince aux troupes qui com­poseront les nouveaux régiments.

 

Paris, 3 février 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, faites faire par des ingénieurs géographes et par des officiers d’état-major la reconnaissance des routes de Hambourg à Wesel, de Hambourg à Lubeck et de Hambourg à Stettin. Faites faire cette dernière opération sans alarmer personne.

 

Paris, 3 février 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, le ministre de la guerre vous expédiera le décret dont je vous envoie la copie. Moyennant la formation de ces six bataillons, vous pouvez donner de l’emploi et une organisation régu­lière aux troupes des pays qui forment les trois nouveaux départe­ments. Les colonels et majors vont vous être envoyés sans délai de France. Vous prendrez pour recruter ces bataillons les mesures les plus convenables pour le pays. Je ne pense pas qu’il faille organiser la conscription; c’est une opération qu’il ne faut pas mal commencer, et, tant que le pays ne sera pas organisé, il vaut mieux se servir de l’usage ancien que du nouveau. Prescrivez provisoirement aux chevau-légers un uniforme a peu près semblable à celui des chasseurs, nais approchant de celui des uhlans, et faites en sorte qu’il ne soit pas trop coûteux.

 

Paris, 3 février 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, j’ai reçu votre lettre du 27 janvier. Je viens de nom­mer, comme vous le désiriez, à l’archevêché de Milan. Il sera peut-être convenable que cet archevêque, après avoir reçu les pouvoirs du chapitre, vienne à Paris, où il prêtera son serment et où sa pré­sence sera utile. Je suppose que vous proposez un homme dont vous êtes sûr. Je vous envoie le décret qui le nomme directement, afin qu’avant de le publier vous vous assuriez qu’il accepte. Il sera convenable qu’après cela vous envoyiez ce décret à Aldini, pour qu’il l’expédie officiellement.

 

Paris, 4 février 1811

DÉCISION

Le ministre de la police générale propose à l’Empereur de confier  à Lacretelle jeune, auteur de  l’Histoire de France pendant le XVIIIe siècle, la continuation des Éléments de l’histoire de France, par l’abbé Millot, en remplacement de Joseph Chénier décédé. Lacretelle devra recevoir, sur le produit des journaux, l’indemnité de 6,000 francs dont jouissait Chénier. J’approuve que vous chargiez des hommes de lettres la continuation de l’histoire, mais sans rien leur payer. Lorsque l’ouvrage sera achevé, il me sera présenté, et je récompenserai en  conséquence du travail.

 

Paris, 5 février 1811.

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, répondez à M. de Winzingerode que vous avez reçu sa lettre du 23 janvier ; qu’il faut finir les affaires de la Westphalie, tant pour la solde et les services de l’armée que pour les autres arrangements. Faites la même réponse à sa lettre do 30 janvier.

Encouragez beaucoup le baron Bourgoing à envoyer des agents à Breslau pour savoir ce qui se passe. Faites-lui connaître que j’ap­prouve ce qu’il a fait à l’égard de ce jeune officier d’Emden qui a quitté le service de Prusse, et donnez-lui l’instruction d’aider et de venir au secours de tous les officiers prussiens et autrichiens qui quit­teraient le service de ces puissances pour passer en France.

Envoyez au ministre de la guerre le nommé Thompson Lynes, et faites-lui comprendre que le temps n’est pas éloigné où je m’occu­perai sérieusement de l’Irlande.

 

Paris, 5 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je désire que vous fassiez écrire au Transport Office pour demander si l’on veut échanger le général anglais lord Blanry, qui a été fait prisonnier à Malaga, contre le général Lefebvre-Desnouettes. Vous ferez remarquer à cet effet que le général Lefebvre n’est que colonel de la Garde, et qu’il a été pris faisant un service de colonel.

 

Paris, 5 février 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, mon intention est d’avoir un approvisionnement de réserve en grains froment de 50,000 quintaux étriqués dans chacune des villes de Toulouse et de Metz. Le froment pour la réserve de Toulouse sera acheté dans les départements de l’ouest, celui pour celle de Metz dans les départements du Mont-Tonnerre, de Rhin-et-Moselle et de la Roër. La formation de ces réserves et les soins de leur conservation seront confiés à la direc­tion générale des vivres de la guerre, qui établira une comptabilité particulière pour ces opérations.

Vous me ferez connaître quelle somme est nécessaire pour former chacun de ces deux approvisionnements de réserve, pour leur entretien et leur conservation pendant six mois.

Lorsque les réserves dont il s’agit seront formées, vous m’en rendrez compte, et je vous ferai passer mes ordres sur l’emploi que je voudrai en être fait.

 

Paris. 5 février 1811.

A M. Grimm, landamman de la Suisse

Monsieur le Landamman, je retrouve dans les sentiments que vous exprimez en arrivant à la première magistrature de la Suisse les mêmes dispositions et le même bon esprit qui ont animé vos prédécesseurs. La Confédération suisse obtiendra aussi toujours de moi les mêmes sentiments d’intérêt et d’amitié. Elle a, sous les administrations précédentes, conservé sa tranquillité : je désire qu’elle continue d’en jouir par l’effet de vos soins. Le maintien de sa paix intérieure est un dépôt qui vous est confié, et il est le plus grand bien que puisse attendre de vous un peuple dont les intérêts me seront toujours chers.

 

Paris, 6 février 1811.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je pense que vous devez envoyer le Moniteur d’aujourd’hui au duc de Dalmatie, au duc de Trévise, au général Belliard, au duc d’Istrie, aux commandants de Ciudad-Rodrigo et d’Almeida, au général Thiebaut et aux généraux Dorsenne, Caffarelli et Reille. Écrivez au duc d’Istrie, en lui envoyant le Moniteur, pour lui annon­cer qu’il y trouvera les dernières nouvelles que nous avons du Por­tugal, qui paraissent être du 13; que tout parait prendre une couleur avantageuse; que, si Badajoz a été pris dans le courant de janvier, le duc de Dalmatie a pu se porter sur le Tage et faciliter le rétablisse­ment du pont au prince d’Essling; qu’il devient donc très important de faire toutes les dispositions que j’ai ordonnées, afin que le géné­ral Drouet, avec ses deux divisions, puisse être tout entier à la dis­position du prince d’Essling. Écrivez en même temps au duc de Dal­matie pour lui faire connaître la situation du duc d’Istrie et lui réitérer l’ordre de favoriser le prince d’Essling pour son passage du Tage; que j’espère que Badajoz aura été pris dans le courant de janvier, et que vers le 20 janvier sa jonction aura eu lieu sur le Tage avec le prince d’Essling- qu’il peut, si cela est nécessaire, retirer les troupes du 4e corps; qu’enfin tout est sur le Tage.

P. S. Je vous renvoie votre lettre au duc d’Istrie; faites-la partir.

 

Paris, le 6 février 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Je vous prie de me présenter un projet de décret pour organiser les compagnies de canonniers et du train des seize régiments de l’armée d’Allemagne de sorte qu’ils aient quatre pièces de canon, des cais­sons d’infanterie pour quatre bataillons au lieu de trois, et des cais­sons d’équipages militaires pour quatre bataillons au lieu de trois. Remettez-moi l’état de l’augmentation du matériel et du personnel que nécessitera cette organisation et de la dépense que cela fera. Il me semble qu’il faut s’y prendre de bonne heure, afin que ces corps aient disponibles soixante-quatre pièces de régiment, soixante-quatre caissons de cartouches et soixante-quatre caissons de transports mili­taires; tout cela prêt à marcher aussitôt que les 4e bataillons seront arrivés, ce que je suppose pouvoir être dans le courant de l’été.

 

Paris, 7 février 1811

Au comte Aldini, ministre secrétaire d’état du royaume d’Italie, en résidence à Paris.

J’ai fait venir d’Espagne des archives appartenant aux affaires du Milanais depuis 1516 jusqu’en 1729. Voyez si cela peut être de quel­que utilité à mon royaume.

 

Paris, 8 février 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Je vous prie de m’apporter demain , au conseil des ponts et chaus­sées, tout ce qui est relatif à la gare aux vins, avec un projet de décret pour prendre un parti définitif.

Les marchands de vins que j’ai vus et interrogés aujourd’hui pré­tendent que leurs intérêts ont été mal défendus devant vous et leurs syndics, et qu’en établissant la halle aux vins au quai Saint-Bernard, quand cela coûterait 6 millions, en faisant l’opération par compagnie, ils prendraient autant d’actions que l’on voudrait. Faites-moi donc connaître ce que devient cette affaire.

 

Paris, 8 février 1811

DÉCISION

Le ministre du trésor public présente à l’Empereur un rapport sur un nouveau prêt de 1,200,000 francs à faire à la Maison Gros-Davilliers, à laquelle il a été déjà prêté une somme de 800,000 francs. L’intérêt exigé sera de 5 pour 100, et le remboursement aura lieu par des payements mensuels de 100.000 francs, à
partir de septembre 1811.
Approuvé un nouveau prêt de 1, 200,000 francs ; ce qui, avec les 800,000 accordes précédemment, fera 2 millions, sous les réserves comprises dans le rapport.

 

Paris, 9 février 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Dans le budget de Paris, comme il y a des fonds de reste, j’ai préféré faire rembourser les 500,000 francs que la ville doit à la caisse de l’extraordinaire. Par ce moyen, ce sera un million que la ville de Paris aura acquis sur l’emprunt, et sur 8 millions il n’y en aura plus que 7 à rembourser. En vendant les marchés aux hospices, on aura 7 millions disponibles. Je pense qu’il ne faudrait pas les employer à rembourser l’emprunt, puisque la ville peut continuer tous les ans à faire ce remboursement sur ses revenus ; mais on pourrait très bien destiner ces 7 millions à faire le marché qui doit agrandir les halles depuis les Innocents jusqu’à la rotonde de la halle aux blés. La dé­pense de ce marché est, je crois, évaluée à pareille somme. D’ail­leurs , la ville de Paris peut bien continuer pendant plusieurs années de faire sur ses revenus des sacrifices pour un avantage aussi important, dont je sentais le besoin, mais que je regarde comme l’entre­prise la plus intéressante pour la ville depuis que je connais la question. C’est pour cela que j’accorde pour le budget de la ville 600,000 francs cette année, et, comme les hospices peuvent très bien fournir 1,400,000 francs en 1811 , cela fera donc 2 millions qu’on pourra employer dans la première année à exécuter, comme par enchantement, ce grand projet d’utilité publique. J’accorde à cette mesure d’autant plus d’intérêt qu’elle importe aussi bien à la commodité du peuple qu’à la salubrité et à la beauté de la ville.

Une fois les maisons des hospices affectées à cette destination, l’argent ne manquera pas et l’on obtiendra les avances qui seraient nécessaires. Voyez donc à prendre des mesures pour que ce marché soit entrepris et fait dans le plus court délai possible.

En outre, les hospices devront affecter une somme de 10 millions à la construction de la halle aux vins.

Cela fait donc 17 millions environ pour lesquels ils seront enga­gés, et c’est à peu près l’emploi de toutes leurs maisons.

Je pense aussi que 1,000,000 francs seront une somme suffisante cette année pour commencer la halle aux vins.

Ce sera donc 3 millions qu’on devra tirer cette année des pre­mières ventes des hospices. Si le préfet présente le décret pour affran­chir ces maisons de leurs inscriptions hypothécaires et donner à la mesure toute l’activité convenable, ce fonds doit se réaliser sans retard. D’ailleurs, comme une grande partie des 3 millions est destinée à payer des indemnités de maisons et de terrains, soit pour les nouvelles halles, soit pour la gare aux vins, on pourra avoir des fa­cilités pour ce genre de payement.

Je tiens que les quatre choses les plus importantes pour la ville de Paris sont : les eaux de l’Ourcq, les nouveaux marchés des halles, les abattoirs et la halle aux vins.

Faites faire les projets et devis de la halle aux vins et des nou­veaux marchés , et présentez-moi ces deux projets avant le mois d’avril.

 

Paris, 9 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Le 19 janvier, 29 conscrits réfractaires faisant partie d’un convoi de 100, allant du fort Lamalgue à Rome, se sont évadés près de Breglio. Je vous avais recommandé de ne pas faire voyager les con­scrits réfractaires. Pourquoi donc les fait-on aller de Toulon à Rome par terre ? Cela est tout à fait contraire au bien de mon service. Le 28 novembre, 38 autres se sont échappés à peu de distance de Tou­lon. Le 24 décembre, 20 autres se sont échappés près de Toulon. Quelle est donc la nécessité d’envoyer ces conscrits réfractaires à Rome ? Il paraît qu’il y a anarchie au ministère de la guerre, puisque mes intentions ne sont pas remplies.

 

Paris, 9 février 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je médite une expédition qui devra partir de Toulon. Cette expédition sera composée du 3e bataillon du 62e, complété à 800 hommes, de deux bataillons des 5e, 81e, 79e, 11e et 60e de ligne et d’un bataillon du 22e d’infanterie légère; total, douze bataillons ou 10,000 hommes.       

Ces troupes seront prêtes à partir au 10 mars et à s’embarquer par l’escadre. Le général Plauzonne se rendra à Toulon pour en prendre le commandement. Un chef de bataillon du génie, un chef de bataillon d’artillerie, deux compagnies d’artillerie, une compagnie de sapeurs et douze pièces de canon feront partie de l’expédition.

Concertez-vous avec le ministre de la marine pour les moyens d’embarquer les troupes.

Faites connaître au général Plauzonne qu’elles seront portées à 15,000 hommes et qu’elles sont destinées pour la Sicile ou pour un autre point.

Un adjudant commandant sera nécessaire à cette division.

Faites-moi un rapport pour disposer ces troupes de la manière la moins coûteuse. Elles pourront être cantonnées dans les villages environnant Toulon.

 

Paris, 9 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, écrivez au port de Toulon pour que tous les préparatifs soient faits de manière à ce que l’expédition poisse partir le 20 mars au plus tard, et débarque 15,000 hommes dans le lieu qui sera désigné. Il est nécessaire d’avoir pour cette expédition les quinze vaisseaux, six frégates, six flûtes, quatre gabares, six corvettes et six gabares-écuries. Vous connaissez mes intentions. Parlez sérieusement avec le ministre de la guerre là-dessus. Écrivez au préfet maritime et à l’amiral, et faites-leur comprendre l’avantage de continuer le système qu’ils suivent, de manière que l’expédition puisse partir au moment où l’ennemi s’y attendrait le moins. Les troupes seront cantonnées à Toulon et dans les environs.

 

Paris, 9 février 1811

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de la Garde, à Paris

Voyez le ministre de la guerre, qui seul peut déterminer s’il con­vient de faire revenir le matériel que vous avez à Bayonne; car il est important que le matériel soit prêt à la Fère ou à Metz , afin que les mouvements de la Garde n’éprouvent aucun retard.

Faites revenir d’Espagne les hommes d’artillerie de la Garde qui ne sont pas montés, les hommes du train qui n’ont pas de chevaux à servir. J’ai ordonné que les douze pièces d’artillerie légère restas­sent dans la province de Burgos; je les ferai revenir en cas d’événe­ment : on peut donc compter sur elles. Je ne puis compter de même sur les trois compagnies de canonniers-conscrits. Je désire donc un nouvel état qui présente l’organisation de l’artillerie en cas de guerre selon les bases suivantes, savoir : six compagnies d’artillerie à pied de 140 hommes, servant huit pièces de canon chacune, savoir: seize pièces de 12, vingt pièces de 6 et douze obusiers; total, 48 bouches à feu;  et trois compagnies d’artillerie à cheval, chacune à 100 hommes et servant vingt-quatre pièces, savoir : seize pièces de 6 et huit obusiers; total, 72 pièces, avec double approvisionnement, soixante caissons d’infanterie et autres équipages nécessaires. Chaque compagnie du train sera portée à 140 hommes, et dès lors à un ombre de chevaux proportionné. Une partie de compagnie du train reviendrait d’Espagne, mais l’autre partie resterait avec les trois compagnies de conscrits. Me faire la distribution de cela, de sorte que je serais assuré d’avoir dans les douze compagnies du train de la Garde, qui feraient 2,680 hommes, de quoi servir non seulement les soixante et douze bouches à feu, mais aussi les vingt-quatre bouches à feu des trois compagnies de conscrits.

Ainsi donc l’équipage d’artillerie de la Garde serait de quatre-vingt-seize bouches à feu, en y comprenant les vingt-quatre pièces des conscrits et en y mettant en temps de guerre cinq batteries tirées de la ligne, savoir :

Deux batteries de 12 servies par l’artillerie de ligne, ou seize pièces; trois batteries d’artillerie à cheval; ce qui ferait quarante touches à feu; cela porterait l’artillerie de réserve à trente-deux touches à feu de 12, cinquante-deux de 6 et vingt-quatre de 7 ou de 4 et vingt-huit obusiers; total, 136, et, en cas d’absence des trois compagnies de conscrits, 112 pièces.

Seize pièces de 12 de la Garde, seize pièces de 12 de la ligne; total, 32 pièces.

Vingt pièces de 6 de l’artillerie à pied de la Garde, seize pièces de i de l’artillerie à cheval et seize pièces de 6 de la ligne; total, 52 pièces.

Huit obusiers de l’artillerie à cheval de la Garde, douze de l’artillerie à pied de la Garde et huit de l’artillerie à cheval de la ligne ; total, 28 obusiers.

Vingt-quatre pièces des trois compagnies de conscrits; total général, 136 pièces.

Il est donc nécessaire que vous travailliez avec le ministre de la guerre pour que le matériel vous soit bien assigné, que vous ayez les harnais et l’état précis des hommes qui doivent recruter.

Les munitions aussi sont d’une grande importance, pour être sûr que vos caissons sont chargés de munitions qui ne sont pas confectionnées depuis trop de temps.

Je ne désire pas pour le moment faire de dépense, mais que tout soit préparé pour pouvoir, un mois après que j’aurai prévenu, remplir mes intentions.

Placez du reste le matériel de l’artillerie de la Garde entre la Fère et Vincennes, comme vous l’entendrez ; prenez des mesures pour que le polygone et les exercices pour l’instruction des canonniers aient lieu avec la plus grande activité. Faites tirer des obus, des bombes et beaucoup de boulets rouges.

 

Paris, 9 février 1811

Au prince Lebrun, lieutenant général de l’empereur, en Hollande, à Amsterdam

Des gardes de police existent dans plusieurs villes de Hollande, entre autres à Zwolle. Mon intention est non-seulement de les con­server, mais même de les augmenter, a6n qu’en cas d’absence de troupes la police puisse se faire par cette garde.

 

Paris, 10 février l811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je pense qu’il faut faire une note au prince Kourakine pour demander si l’intention de la Russie est de donner suite à l’article 5 du traité de Tilsit. Par cet article, «les hautes parties contractantes conviennent, en attendant la confection d’un nouveau traité de commerce, de rétablir les relations commer­ciales entre les deux pays sur le même pied qu’elles étaient avant la guerre ». Si le dernier ukase s’applique à la France, cet article est violé. Demandez si l’intention de la Russie est de faire un nouveau traité de commerce. Faites un projet de note dans ce sens, que vous me remettrez.

 

Paris, 10 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, pressez à Anvers la construction et la mise à l’eau des cinq vaisseaux qui, avec les douze que j’y ai, doi­vent porter l’escadre à dix-sept vaisseaux. Donnez ordre que les trois vaisseaux qui sont au Texel et les deux vaisseaux qui sont à Rotter­dam se rendent à Flessingue; ce qui portera le nombre des vaisseaux de mon escadre de l’Escaut à vingt-deux. Donnez ordre que quatre frégates hollandaises se rendent par l’intérieur à Anvers, et que deux corvettes se dirigent du Havre et de Dunkerque sur Flessingue. Remettez-moi dans la semaine les ordres à signer pour le mouve­ment de vaisseaux qui doit avoir lieu à l’extérieur. Quant à Boulogne, il est nécessaire que vous y envoyiez des ordres pour passer des revues, et que vous dirigiez des conscrits sur ce port, afin d’avoir là un ou deux équipages complets.

 

Paris, 10 février 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je viens de recevoir les quatre adresses des évêques et chapitres de Novare et d’Udine, qui m’ont fait le plus grand plaisir. Je me suis empressé de les faire mettre dans le Moniteur. Faites-moi passer, aussitôt que vous les aurez, les adresses de Milan, de Ve­nise, de Bologne et, s’il est possible, celles de tous les diocèses du royaume.

 

Paris, 12 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je pense qu’il est nécessaire que vous écriviez au landamman de la Suisse une lettre que vous lui ferez remettre par mon ministre. Je suppose qu’on lui a remis ma réponse à la lettre qu’il m’a écrite lors de son entrée en charge. Vous écrirez donc au landamman que mon intention est de ne toucher en rien à l’intégrité de la Confédération suisse, que j’ai garantie; mais qu’il faut convenir qu’il est des parties des cantons du Tessin qui influent trop sur le bien du commerce de Milan et sur le système de l’Italie; qu’il y aurait de l’avantage pour les deux pays à en venir à une déli­mitation qui, en laissant exister le canton du Tessin, rectifiât leurs limites et améliorât la frontière d’Italie , et à convenir que les douanes italiennes pourront surveiller et contrôler ce qui se passe sur la cime des Alpes ; que cette dernière clause ne subsistera que pendant la guerre maritime.

 

Paris, 12 février 1811.

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

La poste de France de Hambourg a envoyé un paquet à Gœteborg, pour être envoyé à Londres. Ce fait est positif, puisqu’il m’est dé­noncé officiellement. Sachez quel est l’agent qui s’est rendu coupable de cette violation et faites-le arrêter. Il est nécessaire que vous fas­siez changer les agents des postes de Hambourg et des principales places des nouveaux départements.

 

Paris, 12 février 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Je viens de signer les décrets que vous m’avez présentés pour rece­voir les comptes du produit des passeports et des ports d’armes.

Je remarque dans la composition des produits de chaque départe­ment une ineptie qui prouve que ces perceptions ne sont pas faites partout avec le même soin ou la même fidélité. Comment se fait-il que le droit de port d’armes, qui produit 2,440 francs dans le département de la Drôme, ne produise que 750 francs dans l’Isère, et comment ne compte-t-on dans la Haute-Loire que 130 francs de recette, tandis qu’il produit 1,880 francs dans le Cantal ? Comment ne produit-il que 90 francs dans la Lozère et que 20 francs dans le Lot-et-Garonne ?

Quant aux passeports, je ne comprends pas comment cette per­ception, qui est de 15,000 francs à Macon, peut n’être que de 9,000 francs à Lyon et que de 3,000 à Dijon.

Suivez ces rapprochements et vous reconnaîtrez un grand nombre de départements qui ont mis au moins de la négligence dans cette perception.

Faites des reproches aux administrateurs qui les méritent, et pre­nez des renseignements sur la vraie cause de ces non-valeurs.

 

Paris, 12 février 1811.

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Monsieur le Duc de Rovigo, je vous renvoie votre travail sur les commissaires généraux de police. Je ne le comprends pas et je désire que vous me le représentiez mercredi prochain, développé dans un travail complet. Il y a, dans l’Empire, un directeur général de police à Turin, un à Florence, un à Rome et un à Amsterdam; ce qui fait quatre directeurs généraux. C’est le premier grade de la police. Mon intention est que chacune de ces places ne coûte pas plus de 50,000 fr., savoir : 25,0000 francs pour le traitement du directeur général et 25,000 francs pour frais de bureaux, traitements d’agents et dépenses accessoires. Ces 50,000 francs seront payés, savoir: moitié par le trésor et moitié par la ville, chef-lieu de la direction. Les noms des employés et agents de chaque direction seront visés par vous dans les comptes de chaque mois, et même mon intention est que vous régliez en détail le budget de ces quatre grandes direc­tions. Chacune devant coûter 50,000 francs, la dépense totale sera pour les quatre de 200,000 francs, dont 100,000 francs à la charge du trésor, sur le budget de votre ministère, et 100,000 à la charge des villes. Quant aux commissaires généraux, il ne doit pas y en avoir dans les gouvernements où il y a des directeurs généraux. Ainsi je viens de supprimer le commissariat général de Cività-Vecchia. Ces places doivent être gérées par de simples commissaires qui ne coû­tent pas plus de 4 à 5,000 francs de traitement et pas plus du double pour frais de bureaux et accessoires. A Livourne, le commissaire ne doit pas avoir plus de 10,000 francs de traitement, le secrétaire général est inutile, et au total les dépenses doivent être fixées de manière à ce qu’elles n’excèdent pas 20,000 francs. Quant aux com­missaires de Lorient, du Havre, de Perpignan, de Rotterdam, ils ne doivent coûter chacun que 8 à 10,000 francs dont 4,000 francs de traitement et 4,000 francs de frais accessoires. Alors ces dépenses peuvent très bien être à la charge des villes. Mais tout cela doit être le résultat d’un règlement, divisé en plusieurs titres et complet dans son ensemble : titre premier, Directeurs généraux; titre deuxième, Commissaires généraux, et titre troisième, Commissaires spéciaux. Présentez-moi ce décret mercredi prochain. J’attends ce travail pour arrêter votre nouvelle rédaction du budget de 1811.

 

Paris, 13 février 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Le sieur *** nommé à la place de receveur de l’octroi de Rome, ne présente pas une garantie suffisante pour remplir cette place. On m’assure que c’est un négociant qui a fait faillite et qui a déjà été exclu de diverses administrations. On ajoute que c’est en surprenant la religion de la Consulte qu’il est parvenu à se faire nommer à la place de receveur de l’octroi. Rendez-moi compte de cette affaire el proposez-moi de déplacer cet individu.

 

Paris, 13 février 1811.

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Témoignez votre mécontentement au directeur de la police d’Amsterdam de ce qu’il a mis deux prisonniers russes à la disposi­tion du consul de Russie. Il ne devait point le faire sans avoir pris votre ordre. Défendez que pareille chose arrive à l’avenir.

 

Paris, 13 février 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, au 1er avril l’armée d’Allemagne sera composée de la manière suivante :

1e division : le général de division Morand, commandant; les généraux Dalton et l’Huillier, généraux de brigade. 13e d’infanterie légère; 17e, 30e, 61e de ligne.

2e division : le général de division Friant, commandant; les géné­raux Grandeau et Duppelin, généraux de brigade. 24e d’infanterie légère; 43e, 48e, 111e de ligne.

3e division : le général de division Gudin, commandant; les géné­raux Desailly, Royer et Leclerc, généraux de brigade. 7e d’infanterie légère; 12e, 21e,  25e de ligne.

4e division : le général de division Dessaix, commandant; les généraux Barbanègre et Friederich, généraux de brigade. 33e léger; 57e, 108e, 85e de ligne.

Chaque régiment, dans le courant de l’été, aura 4 bataillons; ce qui fera 16 bataillons par division ou 12,000 hommes.

Chaque régiment aura également, dans le courant de l’été, 4 pièces de canon; ce qui fera 16 pièces de canon par division. II y aura par division une compagnie d’artillerie à cheval servant une batterie de pièces de 6, et une compagnie d’artillerie à pied servant une autre batterie; ce qui fera 12 pièces par division et 48 pièces pour le corps d’armée. Une batterie d’artillerie achevai sera attachée à chaque brigade de cuirassiers; ce qui fera 12 pièces de canon pour les deux brigades et, avec les 48 pièces de l’infanterie, 60 pièces de canon. Il y aura enfin une batterie d’artillerie à cheval et deux bat­teries de pièces de 12 à la réserve de l’armée, plus 2 canons, ce qui fera 80 pièces, qui, avec les 64 pièces des régiments, feront 144 pièces. Chaque division aurait une compagnie de sapeurs avec ses outils. Il y aurait au parc au moins six compagnies d’artillerie à pied et quatre compagnies de sapeurs avec leurs outils, indépendam­ment de 15,000 outils attelés, et au moins deux compagnies de pontonniers. Il y aurait de plus une compagnie d’armuriers, le 12e bataillon d’équipages militaires complété selon mon décret, une compagnie d’infirmiers, etc.

Le corps d’armée aura 16 caissons d’infanterie par division avec les bataillons, servis par les régiments; 20 caissons par division avec l’artillerie de la division; 80 au parc du corps d’armée; total, 224 caissons d’infanterie ou 3,584,000 cartouches attelées; plus 3 millions de cartouches prêtes à distribuer aux troupes, à Magdeburg ou à Hambourg.

Il y aura double approvisionnement, savoir : un approvisionne­ment avec les pièces, un demi avec le parc de la division, un demi avec le parc de l’armée.

Les bataillons du train devant être portés au complet, il faut les économiser le plus possible, pour en employer une partie à la for­mation d’un autre corps. Je suppose que 600 voitures d’artillerie sont suffisantes, sans y comprendre l’artillerie des régiments, et qu’ainsi il ne faudra que deux bataillons bien complets, ayant 3,000 chevaux; ce qui me rendra disponibles les deux autres batail­lons pour un pareil train de bouches à feu. Ainsi il ne faut augmen­ter en rien le matériel de ce corps pour garder deux bataillons dispo­nibles. Et comme j’ai huit bataillons du train, quand je les aurai complétés, ils pourront suffire à quatre corps d’armée, qui, à 80 bou­ches à feu chacun, formeraient un nombre de 320 pièces, indépen­damment de l’artillerie des régiments.

Ayant pris des mesures pour avoir promptement des pontons à Danzig, mon intention est qu’il n’y ait aucun équipage de pont à ce corps d’armée. Soumettez-moi le plan de cette formation en détail, en désignant les compagnies d’artillerie, de sapeurs, de pontonniers et celles du train et des équipages militaires. Comme j’ai porté à 6 compagnies les bataillons des équipages militaires, il y aura une compagnie à chaque division et deux au parc de réserve, de sorte qu’il y aura 64 caissons de régiment pour porter le pain, à un par bataillon ; ce qui, joint à 40 caissons par division y fera 224 caissons. Je conçois qu’au mois d’avril ce bataillon ne sera pas formé en entier, mais vous me ferez connaître ce que je pourrai faire marcher à celle époque.

Les mouvements de l’armée d’Allemagne doivent se faire par Wesel, qui est le grand dépôt.

Ces ordres doivent être tenus secrets, et vous devez prescrire les différentes dispositions sans que personne ait connaissance de cette lettre. Vous m’apporterez vous-même la formation de l’armée en ses différentes parties, avec la désignation des officiers, pour que je l’approuve, et vous l’enverrez ensuite au prince d’Eckmühl, comme définitivement arrêtée.

Je n’ai pas besoin de dire que dans les six compagnies d’artillerie qui seront envoyées au parc je ne comprends pas celles des places de l’Oder et de Danzig. Ce qui est relatif à ces places sera l’objet d’un autre travail, dont je m’occuperai aussitôt que je pourrai le faire.

 

Paris, 13 février 1811

A M. Locré, secrétaire général du conseil d’état, à Paris

On a discuté une fois au Conseil d’État un projet relatif à la for­mation en compagnies des prisonniers de guerre, qui devraient être mises à la disposition du génie et des ponts et chaussées. Je n’entends plus parler de cela depuis deux mois. Je désire que cette affaire soit remise à la discussion vendredi. Voilà le temps où cela devient fort important.

 

Paris, 13 février 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre du 8 février. Si j’avais la guerre sur le continent, la première chose à faire serait d’évacuer les îles de Dalmatie et de ne pas disséminer ainsi 1,500 hommes qui pourraient être utiles ailleurs. Mais, dans les circonstances actuelles, où j’ai dans mon royaume d’Italie une si grande quantité de troupes qui ne font rien, il est pour moi de la plus grande importance de rendre difficiles les croisières ennemies dans l’Adriatique, afin que les communications de Venise avec la Dalmatie et d’Ancône avec Corfou soient moins gênées. Je ne vois donc pas de difficulté d’occuper ces îles. Cette mesure peut n’être pas nécessaire pour Curzola; Curzola est trop près de Raguse : les batteries se croisent; d’ailleurs faites-moi un mémoire là-dessus. II faut faire garder toutes les îles que courraient occuper les Anglais; mais ceux-ci, ayant des armées en Portugal, des troupes à Zante et en Sicile, ne sacrifieront jamais ,1500 hommes pour prendre ces îles, et je serai certain de les garder avec 500 hommes. Il faut nommer un commandant dans chaque île et tirer parti des habitants. J’attache une grande importance à ce que les Anglais n’aient aucun point dans l’Adriatique où ils puissent mettre pied à terre. Quant à l’approvisionnement de ces postes, c’est un enfantillage; quand j’approvisionne Corfou, comment me serait-il difficile d’approvisionner des îles plus voisines et dont les communications avec le continent sont bien plus faciles ? Ainsi, tant que je n’aurai pas de guerre sur le continent, mon intention est que les Anglais n’occupent point les îles de la Dalmatie. Écrivez-moi ce que vous aurez fait pour cela.

 

Paris, 14 février 1811

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Le Temple est un véritable palais. On ne pense pas qu’aucun hôtel de Paris soit plus beau et plus étendu. Il parait même plus grand que l’hôtel du ministre de la guerre. Si cette opinion est une erreur, il faut la faire connaître.

L’emplacement de la tour du Temple peut faire un beau jardin qui aurait le double avantage d’être agréable au public et à la personne qui habiterait le palais.

Il convient de coordonner les dispositions faites pour les hangars du marché du Temple, de manière à conserver les communs et les écuries qui, selon le plan du marché, devraient être abattus. Il est beaucoup plus convenable de se soumettre à des irrégularités dans le marché et de le diminuer de quelques hangars que de pousser le marché jusque sous les fenêtres du palais et de le rendre inhabitable.

Sa Majesté désire que le ministre de l’intérieur lui fasse un rap­port sur le palais du Temple, le jardin à lui donner, les communs et les écuries à conserver, et les modifications à faire au plan du marché.

Sa Majesté désire aussi que le ministre lui fasse connaître à quel usage le palais du Temple peut être affecté.

 

Paris, 14 février 1811

NOTE POUR LE MINISTREDES FINANCES

Sa Majesté désire que le ministre des finances se réunisse au mi­nistre du trésor et au conseiller d’État Appelius pour rédiger an projet de décret dont les dispositions sont indiquées ci-après :

1° Tout ce qui était dû aux habitants de la Zeeland, du Brabant et du quartier de Nimègue sur la dette hollandaise jusqu’au 1er juillet 1809, et qui n’a pas été porté au budget de 1810, sera soldé sur ledit exercice sans délai et par les soins de notre ministre du trésor public.

2° Ce qui est dû aux habitants desdits pays sur la dette hollan­daise, depuis le 1er juillet 1809 jusqu’au mois de septembre 1810, leur sera payé conformément aux dispositions du décret du 23 sep­tembre dernier.

3° Tout ce qui sera dû auxdits habitants, à dater de septembre 1810 et à l’avenir, sera payé de la même manière que cela a lieu pour les autres créanciers de Hollande. Les fonds seront faits à Middelburg et à Bois-le-Duc.

Sa Majesté désire qu’à cette occasion le ministre lui fasse un rap­port sur les recettes et les dépenses des pays dont il s’agit et qui composent les départements des Bouches-du-Rhin et des Bouches-de-l’Escaut, pour l’exercice 1810 et pour les exercices antérieurs.

Pour les exercices antérieurs et même pour le premier semestre de 1810, les habitants de ces pays, ayant été dans le même système que les Hollandais, doivent avoir été payés par la Hollande; mais il est probable qu’il y aura eu des arriérés. Sa Majesté a ordonné, l’année dernière, des dispositions que le ministre est invité à remettre sous ses yeux, en coordonnant les arrangements à prendre avec ceux qui ont été pris pour la Hollande.

Peut-être serait-il plus simple d’ordonner que tout l’arriéré serait payé par le syndicat de Hollande, qui toucherait tous les revenus arriérés antérieurs à 1810.

Quant à 1810, les finances sont chargées de tout solder, puis­qu’elles ont été chargées de tout recevoir.

Comme Sa Majesté a déjà statué sur différentes questions, il est bon de revoir tout ce qui a été fait, afin d’éviter des dispositions con­tradictoires.

 

Paris, 14 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, la première fois que vous écrirez au Transport-Office, vous pourrez lui faire connaître qu’un nommé Kolli, qui se dit Irlandais, et qui a été trouvé porteur d’une lettre du roi d’Angleterre et d’une commission qui l’intitule ministre plénipo­tentiaire auprès de Ferdinand VII1, est au nombre des prisonniers; que Sa Majesté ne serait pas éloignée de l’échanger contre une per­sonne d’un grade équivalent à celui de ministre plénipotentiaire.

 

Paris, 15 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, le 13e de cuirassiers a 300 hommes à son dépôt; mon intention est que sur ce nombre il soit fait choix de tous les hommes en état de servir, qui seront distribués de la ma­nière suivante : 70 seront envoyés au 2e de cuirassiers, 30 au 3e, 100 au 12e et 10 au 9e; total, 210. C’est-à-dire que ces 210 hom­mes seront envoyés aux quatre régiments qui sont en Allemagne. Par ce moyen, le 13e régiment de cuirassiers, au lieu de 1,300 hom­mes, n’aura plus que 1,100 hommes à l’effectif ; ce qui est suffisant.

Comme les quatre régiments de cuirassiers qui sont en Allemagne doivent être portés à 1,100 hommes, cela soulagera d’autant h conscription.

Il faudrait donner ordre que tous les hommes disponibles qui se trouvent aux dépôts des quatre régiments de cuirassiers, des quatre de chasseurs et des deux de hussards qui sont en Allemagne, se ren­dissent aux escadrons de guerre. Il faudrait y envoyer également toutes les selles disponibles, afin de pouvoir faire monter sans retard les 1,200 chevaux de cuirassiers et les 1,600 chevaux de chasseurs et de hussards qui vont être levés sur les lieux. Il faudrait prescrire aux généraux de cavalerie de bien veiller aux remontes, et de n’ac­cepter que des chevaux de 5 à 8 ans qui soient en bon état. Cinq régiments de dragons sont à l’armée d’Italie; ils ont avec eux leurs dépôts; ils doivent cette année recevoir 900 chevaux. Il y a en outre, dans le royaume d’Italie ou de Naples, six régiments de chasseurs ou de hussards qui doivent aussi recevoir une grande quantité de chevaux.

Les chevaux arrivant très difficilement en Italie, j’ai décidé que les cinq régiments de dragons et les six régiments de hussards et de chasseurs qui sont à l’armée d’Italie ne garderaient en Italie que trois escadrons, c’est-à-dire 600 chevaux, et que les 4e escadrons, avec tous les hommes à pied, se rendront en France. Vous désignerez les places où ils doivent établir leurs dépôts; et les chevaux de remonte, ainsi que les hommes de recrue, au lieu d’aller en Italie, seront diri­gés sur ces dépôts. La 6e division militaire me paraît celle qu’il est le plus convenable de choisir pour placer ces onze dépôts. Il faudrait décider quelle est la partie des ouvriers et du dépôt qui doit rester avec les escadrons de guerre.

Faites-moi un rapport et présentez-moi un projet de décret là-dessus. Concertez-vous pour cela avec le ministre de l’administration de la guerre. Il peut y avoir de l’avantage à avoir des dépôts d’infanterie en Italie, mais il me semble qu’il n’y en a pas pour les dépôts te cavalerie.

 

Paris, 15 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, j’ai signé votre budget. Vous aurez remarqué que j’y ai inséré un million pour le bassin de Breskens. Il est donc indispensable que vous me présentiez un rapport sur cet objet important.

Je désire avoir un rapport sur tous les travaux de Flessingue, soit du port, soit du magasin général.

Enfin je désire que vous me remettiez un projet sur Cherbourg, qui lève toutes les difficultés.

 

Paris, 15 février 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je vous envoie un mémoire très important sur la ma­chine à mâter de Venise et sur les travaux d’Ancône ; prenez des mesures pour qu’on ne s’éloigne pas de cette direction. Je suis accou­tumé depuis longtemps à faire faire de grands travaux, et je sais ce qu’il m’en a coûté dans les commencements pour avoir laissé des ingénieurs suivre leurs idées particulières. Rappelez donc vos ingé­nieurs à l’exécution simple des projets que j’ai fait approuver par les maîtres de l’art.

 

Paris, 16 février 1811

Au général Duroc, duc de Frioul, grand maréchal du palais, à Paris

Monsieur le Duc de Frioul, je vous envoie un rapport de l’inten­dant général, contenant des propositions sur lesquelles je désire que vous preniez l’opinion du sieur Fontaine. Je ne voudrais pas qu’on fît des places d’architecte dans un palais des récompenses pour des subalternes. Je veux des hommes forts en connaissances et en talents. Venez ce soir, après mon dîner, avec l’intendant général, l’intendant des bâtiments et le sieur Fontaine, pour arrêter ce qui est relatif an Palais-Royal et me parler du palais d’Iéna et d’autres travaux.

 

Paris, 17 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je désire que vous envoyiez un cour­rier à Constantinople. Mandez à M. Latour-Maubourg de se rappro­cher le plus possible de la Porte, de faire en sorte, sans se compro­mettre, que le nouveau sultan m’écrive et m’envoie un ministre; de mon côté je lui répondrai, je renouerai mes relations et j’enverrai un ministre. Ce courrier, en passant à Vienne, remettra à M. Otto une lettre que vous lui écrirez pour le rassurer entièrement. Vous instrui­rez M. Otto de la démarche que le prince de Schwarzenberg a faite auprès de vous pour la Porte, et vous lui demanderez de sonder davantage le terrain pour savoir ce que cela veut dire.

 

Paris, 17 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je désire que vous envoyiez demain un courrier à Saint-Pétersbourg. Vous enverrez des lettres de récréance au duc de Vicence. Vous lui ferez connaître qu’après en avoir conféré avec le gouvernement russe il peut partir, soit comme ayant obtenu un congé de deux mois, soit comme remplacé et en remettant ses lettres de récréance, selon que l’empereur de Russie le jugera convenable; mais, dans l’un et l’autre cas, il fera connaître que je désire envoyer à Pétersbourg, pour le remplacer, une des trois personnes ci-après : le comte Larochefoucauld , qui a été am­bassadeur à la Haye; le comte de Narbonne, aujourd’hui mon ambas­sadeur à Munich, ou le comte Lauriston, mon aide de camp; que je désire connaître celui des trois qui serait le plus agréable à l’empe­reur Alexandre; que ce n’est qu’aussitôt que je le saurai que je me déciderai, voulant en cela, comme en toutes choses, ne rien faire qui puisse être désagréable à l’empereur. Vous donnerez au duc de Vicence des instructions sur l’affaire d*Oldenburg.  Les termes du sénatus-consulte sont précis. J’ai fait ce qui dépendait de moi en donnant au prince d’Oldenburg une exacte et réelle indemnité.

Vous chargerez le duc de Vicence d’avoir une conférence avec M. de Romanzof et avec l’empereur; de déclarer à l’un et à l’autre que je persiste dans l’alliance; que je n’entrevois aucune circonstance possible où je fasse la guerre avec la Russie, le seul cas excepté où la Russie se mettrait avec l’Angleterre; que je n’ai aucune alliance avec aucune puissance, et que ma politique est dans la même situation.

 

Paris, 18 février 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot de Préameneu, faites-moi un rapport sur la cathédrale de Rennes. Cette ville a-t-elle suffisamment d’égli­ses ? Est-il utile de continuer la construction de la cathédrale ? On m’assure que cela ne coûtera pas 400,000 francs.

 

Paris, 18 février 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Faites-moi connaître où en est le remboursement de la dette pu­blique à Rome, et à quel taux se vendent aujourd’hui les luoghi di monti.

Faites-moi un rapport sur les relais de poste de Nocera et de Gualdo à Rome; qu’est-ce qui a porté à les supprimer ?

 

Paris. 18 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Mon intention est que vous preniez des mesures pour que les offi­ciers ne soient plus logés à Rome chez les particuliers et pour qu’aucun logement militaire ne pèse plus sur les habitants.

Faites-moi connaître si l’on a armé le promontoire de Circeo, près de Terracine. On se plaint que les corsaires s’y cachent pour arrêter le cabotage de France à Naples.

 

Paris, 18 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

L’armée de Catalogne excite toute ma sollicitude. Le général Baraguey d’Hilliers ne fait rien et ne correspond plus. Envoyez-lui un officier et dites-lui de vous adresser tous les cinq jours l’état de situation de ses troupes et de bien spécifier tous les cantonnements. Vous me remettrez ensuite ces états. Avec les troupes qu’il a, ce général devrait entretenir des communications suivies avec Barcelone, et toutes les semaines je devrais avoir des nouvelles de cette place. Je n’en entends pas parler. Remuez-le le plus possible.

Je ne sais pas non plus ce que fait le duc de Tarente. On n’entend parler de rien. Probablement il se sera retiré du côté de Lerida, comme il a déjà fait, sans rien dire. Cela fait perdre la bonne saison et le temps de l’expédition de Valence, et cela rend nulle toute l’ar­mée d’Aragon. Ecrivez-lui également.

 

Paris, 18 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vois que les 65,000 fusils qui sont en France sont nécessaires aux gardes nationales et trop éloignés des frontières de l’est. Ce serait d’un mauvais effet de les faire venir; d’ailleurs il faudrait les rem­placer par des fusils d’un autre calibre, ce qui ne serait d’aucun avan­tage. Je préfère donc faire un achat de 54,000 fusils à Vienne. Reste à savoir comment il faudrait faire pour couvrir cet achat, de manière qu’il ait l’air d’être fait par la Saxe et que nous n’y soyons pour rien.

En attendant, je désire que vous fassiez réunir à Wesel les 21,000 fusils qui sont en Hollande, les 6,000 qui sont à Maëstricht, et 7,000 qui sont à Anvers, ce qui fera 34,000 fusils; que vous les teniez à la citadelle de Wesel emballés et prêts à partir au premier ordre ; que vous fassiez réunir à Mayence les 4,500 qui s’y trouvent, les 4,600 qui sont à Metz, les 3,000 qui sont à Mézières, les 9,000 qui sont à Lille, les 1,300 qui sont à Douai et les 19,000 qui sont à Strasbourg; qu’ils soient placés dans la citadelle de Strasbourg, en bon état, emballés et prêts à partir. Il me parait convenable que vous les fassiez arranger et emballer à Mézières et à Lille, et qu’ils se ren­dent à Mayence tout emballés. Ainsi j’aurai ces 76,000 fusils, moitié à Wesel et moitié à Mayence.

Mettez-y la moitié des mousquetons que vous m’avez proposés dans votre dernier rapport. Ordonnez que cette opération se fasse avec le plus de mystère possible, de sorte qu’aux premiers jours de mai, si j’avais besoin d’avoir ces 76,000 armes, elles pussent partir vingt-quatre heures après que je l’aurais ordonné. Je n’ai pas besoin de dire qu’il faut qu’elles soient en bon état et prêtes à servir. Il sera nécessaire de joindre une certaine quantité de formes de balle de 22; je pense qu’il faudrait en envoyer pour 5,000 fusils et les faire entrer dans les caisses.

 

Paris, 18 février 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je pensé qu’il est nécessaire de faire venir le major Thevenin, pour le charger du service des équi­pages militaires de l’armée d’Allemagne. Réunissez un conseil pour déterminer l’espèce de caisson à faire construire qui serait le plus propre pour faire la guerre de Pologne. Il faut que ce soit fait avec discrétion et le plus secrètement possible.

 

Paris. 18 février 1811

Au contre-amiral Ruysch, commandant les vaisseaux le Chatham et le Hollandais

Monsieur le contre-amiral Ruysch, nous vous faisons savoir que notre intention est que nos vaisseaux le Chatham et le Hollandais, réunis sous votre commandement, complètent leurs équipages, soient munis de deux mois de vivres et appareillent, aussitôt que vous en trouverez l’occasion, pour se joindre à nos forces navales dans l’Escaut occidental.

Notre intention est qu’il n’y ait point un moment de perdu pour cette opération, et nous chargeons notre ministre de la marine de vous transmettre des instructions de détail sur la formation de vos équipages et sur les moyens d’accélérer l’armement de nos susdits bâtiments ; voulant et entendant que, le huitième jour après la récep­tion de la présente, tous vos préparatifs soient terminés et que vous n’ayez plus de communication avec la terre.

Nous comptons que, moyennant votre activité, la division sous vos ordres sera prête à appareiller avant que l’ennemi ait eu le temps d’être informé du projet de vos opérations, et que, profitant d’un vent favorable et frais, votre traversée sera assez courte pour que vous n’ayez à y rencontrer aucun obstacle de la part de l’ennemi. Mais, si cela avait lieu, et si vous y étiez absolument forcé, vous pourriez entrer dans le Brouwershavens-Gat, ou, d’après les circon­stances, vous vous allégeriez pour pénétrer dans l’intérieur autant qu’il serait nécessaire.

Nous croyons superflu de vous dire que, s’il y avait nécessité de vous éloigner de ces parages, vous êtes autorisé à vous rendre dans tous les ports de notre Empire, et particulièrement à Cherbourg, comme aussi dans ceux de notre allié le roi de Danemark.

 

Paris, 19 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je reçois la nouvelle que l’île de France a capitulé le 3 décembre. Je fais traduire la capitulation, qui sera demain dans le Moniteur. Je désire que vous ne perdiez pas un mo­ment à transmettre cette nouvelle dans les différents ports, surtout dans ceux où il y aurait des bâtiments en expédition pour ces colonies.

 

Paris, 19 février 1811

Au comte de Montesquiou-Fezensac, grand-chambellan de l’empereur, à Paris

Le service des huissiers de la chambre est mal fait. Le conseil privé que j’ai tenu aujourd’hui a été arrangé tout de travers : cela n’est pas étonnant, la porte des grands appartements était tenue par un valet de pied. Jamais le service des huissiers ne s’est si mal fait. Rayez de la liste des huissiers le nommé Henri, et prenez des mesu­res pour que la porte de mon cabinet, surtout dans le grand appar­tement, soit tenue par des huissiers.

 

Paris, 20 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, écrivez à mon consul général en Bosnie de prendre toutes les mesures et de lever tous les obstacles pour que la route de Constantinople à la Bosnie ait lieu. Proposez-moi de mettre des vice-consuls partout où il en demande.

 

Paris, 20 février 1811

Au comte Defermon, ministre d’état, intendant général du domaine extraordinaire, à Paris.

Monsieur le Comte Defermon, le colonel Krasinski, commandant les chevau-légers polonais de ma Garde, fait valoir des droits sur la starostie d’Opinagora, qui fait partie des dotations de la principauté de Ponte-Corvo. Je désire que vous preniez des informations pour connaître si les réclamations de cet officier sont fondées. Je ne verrai point, dans ce cas, de difficulté à distraire le domaine d’Opinagora de la principauté de Ponte-Corvo, et à en fonder un majorât de comte en faveur du colonel Krasinski.

 

Paris, 21 février 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

Faites chercher à Londres les ouvrages et livres faits par les offi­ciers anglais sur les quatre dernières campagnes des Autrichiens et des Russes.

 

Paris, 22 février 1811

Au général comte Bertrand, inspecteur général du génie, à Paris

Monsieur le Général Comte Bertrand , les Anglais sont à poste fixe dans la rade des Basques et inquiètent le cabotage. Je désire que vous m’apportiez le plan de la côte, avec l’indication des batteries, entre la Charente et la Loire; faites-vous remettre les états du nombre de pièces qu’il y a à chacune de ces batteries et de leur calibre. Il doit se trouver au ministère des détails qui fassent connaître celles qui sont fermées à la gorge. Il est nécessaire que cette côte soit suffisam­ment défendue pour que les Anglais n’y puissent descendre et que les batteries soient à l’abri de tout événement.

 

Paris, 24 février 1811

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Monsieur le Comte Montalivet, un grand nombre de couvents sont à ma disposition à Rome, à Florence, à Gènes, à Turin et autres villes d’Italie. Je désire que vous me prépariez un rapport sur ceux de ces couvents qui pourraient être démolis, soit pour faire des places ou des marchés, soit pour ouvrir des communications entre les diffé­rents quartiers des villes, soit enfin pour concourir à leur embellissement. Écrivez pour avoir des plans et des projets là-dessus.

 

Paris, 24 février 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

J’ai signé le décret qui ordonne le payement de l’arriéré des deux départements des Bouches-du-Rhin et des Bouches-de-1’Escaut sur les recouvrements de 1809 et années antérieures.

L’arriéré qui est dû pour 1809 à ces deux départements doit sans doute être soldé par le syndicat de Hollande, mais, comme ce syn­dicat a beaucoup plus qu’il ne faut pour faire face aux dépenses dont il est chargé, je désire que les revenus qui resteront à recevoir sur 1809 et années antérieures soient employés à solder tout ce qui serait du aux communes et aux habitants de ces départements par suite de l’incursion des Anglais; ils furent alors tenus à beaucoup de dépen­ses, pour nourriture et entretien des troupes, dont ces départements n’auront pas été liquidés par le gouvernement hollandais, et dont par conséquent ils ne seraient pas payés. Ecrivez à votre commissaire sur cette question et présentez-moi un projet de décret, mon intention étant de traiter ces deux départements avec plus de faveur que le reste de la Hollande.

 

Paris, 24 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, il faut vous entendre avec le ministre de l’administration de la guerre et me faire un rapport sur la question de savoir comment l’armée d’Allemagne doit vivre. D’après mes déci­sions, 18,500 hommes sont en Westphalie et doivent être nourris, entretenus et soldés jusqu’à cette heure par ce royaume; une autre partie est dans le Mecklenburg; une autre partie est à Francfort. Il me semble que, pour cette portion qui est dans le Mecklenburg et à Francfort, elle doit être nourrie par le pays où elle se trouve; mais je ne crois pas qu’il y ait de dispositions faites pour la solde. Une autre partie de l’armée se trouve dans les départements de l’Elbe, des Bouches-du-Weser et de l’Ems : pour 1811, ces troupes doivent être nourries par le gouverneur général et par les administrations du pays; je désirerais même qu’elles fussent soldées sur les revenus de ces départements. Il faut me présenter un budget qui me fasse connaître ce que la solde coûterait pour 1811, afin de voir s’il y a possibilité de la faire payer sur les revenus de ce pays, et quel supplément il faudrait donner.

 

Paris, 24 février 1811

Au général comte Bertrand, inspecteur général du génie, à Paris

Monsieur le Général Bertrand, je vous envoie le travail du ministre de la guerre pour le budget du génie ; il faut que vous l’étudiiez et que vous m’apportiez tous les plans demain lundi, afin que je puisse ordonner les dépenses de 1811 avec connaissance de cause et rem­plir mon grand but, qui est de donner à toutes les places sur la mer un degré de force considérable par les travaux de 1811. Pour attein­dre ce but, je ne regarderai pas à 3 ou 4 millions de plus. Sachez bien tout cela sur les plans, de manière que je puisse faire le travail en une heure.

 

Paris, 24 février 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, faites-moi un rapport général sur la manière dont doit et peut vivre votre armée; envoyez-moi cela sommairement et le plus tôt possible, afin que je prenne des mesures pour que vous ne manquiez de rien. Votre dépense se divise en deux parties, la solde et l’entretien. Faites-moi connaître à combien se monte la solde. Il me semble qu’elle peut être payée par les revenus de vos trois dépar­tements, hormis celle de 18,500 hommes, qui doivent être soldés par la Westphalie; mais, comme il est probable que, vu la diminu­tion actuelle du territoire de ce royaume, il n’en pourra être soldé qu’une portion, il faudrait pourvoir au reste. Après m’avoir fait con­naître ainsi ce que coûtera la solde d’une armée, rendez-moi compte de la situation de la solde pour 1810. Quant à l’entretien de l’année, j’en vois une partie à Francfort, dans le Mecklenburg, en Westphalie, et l’autre partie dans mes trois nouveaux départements. Selon le principe constant, chaque pays doit entretenir et nourrir la troupe qu’il a.

 

Paris, 24 février 1811

DÉCISION

Le prince royal de Suède, à la date du 10 janvier 1811, demande de conserver auprès de lui les officiers que l’Empereur lui avait laissé, pour un an et au moins le chef d’escadron Genty de Saint-Alphonse. Un prince étranger ne peut pas avoir des officiers français sous ses ordres. Mais si quelqu’un de ces aides de camp veut entrer au service de Suède, je l’accorde, pour faire une chose agréable au prince royal. En faire, en conséquence, la proposition à celui que le prince désire avoir.

 

Paris, 25 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, j’ai lu avec attention les lettres de Stockholm. Il y a tant d’effervescence et de décousu dans la tête du prince de Suède, que je n’attache aucune espèce d’importance à la communication qu’il a faite au baron Alquier (le prince royal de Suède, Bernadotte, demandait l’appui de la France pour reprendre la Norvège au Danemark. A ce prix, il promettait, en cas de guerre entre la France et la Russie, d’envahir la Finlande et de menacer Saint-Pétersbourg). Je désire donc qu’il n’en soit parlé ni au ministre de Danemark ni au ministre de Suède , et je veux l’ignorer jusqu’à nouvel ordre.

Expédiez par l’estafette à Hambourg vos paquets pour mes minis­tres à Copenhague et à Stockholm, et chargez le prince d’Eckmühl de les expédier de Hambourg par des officiers. J’y trouverai deux avantages : mes paquets iront plus vile et il y aura économie. Vous recommanderez au prince d’Eckmühl d’envoyer en poste des officiers d’état-major très intelligents, lesquels, allant et venant fréquemment, apprendront à connaître les localités et observeront ce qui se passe en Danemark et en Suède. Mandez donc au prince d’Eckmühl que j’ai décidé que désormais la correspondance se ferait ainsi.

Vous écrirez à mon ministre en Danemark qu’il fasse connaître au gouvernement danois que je pense qu’il doit tenir en bon état ses places de Norvège, y avoir des troupes suffisantes et se tenir en tout sur un pied respectable. Ces conseils viendront naturellement comme la suite des bruits qui se répandent que la Suède veut prendre la Norvège. Mon ministre emploiera tout pour rassurer, encourager et soutenir le Danemark, et lui faire entendre que, tant qu’il marchera ainsi, je le soutiendrai par toutes les forces de mon Empire; mais qu’il est nécessaire qu’il ne se laisse point prévenir, et qu’il profite des moments où le passage est libre pour faire passer des forces res­pectables en Norvège. Mandez à ce ministre de vous faire connaître les forces que le Danemark a dans cette province, et d’obtenir par ce gouvernement des renseignements sur les armements des Suédois. Recommandez-lui de faire tout cela avec prudence el dextérité.

Mandez à mon ministre à Stockholm que je n’attache aucune im­portance à l’ouverture que lui a faite le prince royal de Suède; que je suis trop puissant pour avoir besoin de personne avec moi; que mes liaisons avec la Russie sont bonnes, et que je ne crains pas la guerre avec cette puissance; que je suis en bonne situation avec l’Autriche; mais que, comme mes finances sont en bon état, j’aug­mente mes armées de 150,000 hommes et que je compte en faire autant l’année prochaine. Il doit cependant insinuer, sans que cela ait l’air de venir de Paris, que, tant que l’alliance avec le Danemark subsistera, la France ne peut souffrir qu’il soit fait aucun tort à la Norvège. Cela doit être dit très doucement et longtemps après l’arri­vée du courrier. Il ajoutera que vouloir prendre la Norvège, c’est une folie de la part de la Suède ; que la Russie n’en serait pas plus contente que le Danemark, puisque, maîtresse de la Norvège, la Suède aurait plus de moyens de reprendre la Finlande, et que repren­dre la Finlande, tant que la cour sera à Stockholm, sera la première pensée et le premier besoin de la Suède; que le Danemark ne peut intervenir dans la guerre contre la Suède que par la Norvège, et que la Russie ne sera jamais assez insensée pour oublier que la Suède est son ennemie inconciliable. C’est par ces considérations générales que le baron Alquier doit répondre, et aussi par des considérations tirées de mon caractère et de mon honneur, qui ne me feront jamais permettre qu’un de mes alliés perde quelque chose à mon alliance. Vous donnerez pour instruction au baron Alquier de garder de la dignité avec le prince, de ne jamais lui parler d’affaires, mais de s’adresser toujours au roi et au cabinet, et de laisser comprendre par sa conduite que ma politique ne se fonde en rien sur la Suède.

Je désire qu’il soit bien avec le ministre de Russie ; qu’il continue à repousser toute idée d’hostilité contre la Russie ; qu’il blâme tout armement que ferait la Suède; qu’il donne toujours le conseil de s’oc­cuper du rétablissement des finances, et voilà tout. C’est la position qu’il doit prendre : calmer au lieu d’exciter, désarmer au lieu d’armer. Vous recommanderez au baron Alquier d’être attentif aux moindres mouvements de la Suède, et d’en prévenir, par lettres en chiffre, mon ministre en Danemark. Vous lui ferez connaître que la corres­pondance se fera par estafette de Paris à Hambourg et de là par des officiers de l’armée du prince d’Eckmühl, ce qui rendra la cor­respondance plus rapide.

P. S. Marquez bien au baron Alquier que tout ce que vous lui mandez dans votre lettre sont des explications générales ; qu’il doit s’en servir pour sa gouverne, mais qu’il ne doit pas laisser penser que le gouvernement a des idées assises; que c’est la tournure qu’il doit donner à ses conversations ; qu’il ne doit avoir ces idées que naturellement, quand il est sondé et obligé de s’expliquer; qu’il doit prendre ad référendum ce qu’on lui dira, vu que réellement je n’ai aucun système sur un pays qui parait si peu assis et sur des projets si éventuels et tellement erronés; qu’il doit montrer confiance au ministre de Danemark, montrer confiance au ministre de Russie, mais garder une certaine réserve avec le gouvernement suédois; avoir des conversations générales dans le sens indiqué dans votre
dépêche. Voilà quelles doivent être ses instructions jusqu’à nouvel ordre. Vous lui ferez connaître qu’on a vu avec peine qu’il se soit décidé à demander les équipages de vaisseaux ; qu’il était bien évident par la marche de la Suède que cette demande était inutile, et qu’on ne lui fournissait qu’une occasion de croire qu’elle avait à disposer de la France. La conversation du baron Alquier doit être la même, toutes les fois que ces questions seront mises sur le tapis : la France n’a besoin de la Suède, ni en matelots, ni en officiers, ni en troupes; elle ne désire rien d’elle et ne lui demande rien.

 

Paris, 25 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je vous ai fait connaître quelles étaient mes intentions sur les instructions à envoyer au comte Otto. Je pense que, quatre ou cinq jours après que votre courrier sera parti, il sera nécessaire de tenir quelques discours au prince de Schwarzenberg, mais plus légers et plus vagues encore que celui que doit tenir le comte Otto, assez forts cependant pour qu’ils fixent son attention et pour qu’il en écrive. Cela doit suffire pour le moment. Vous devez prendre votre texte de la circonstance de l’accouchement de l’Impératrice, qui va resserrer encore les liens de parenté entre les deux États.

 

Paris, 25 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je désire que vous expédiiez un cour­rier demain à Vienne. Vous ferez demander à l’Impératrice ses lettres. Le principal but de l’envoi de ce courrier sera de donner à Vienne des nouvelles de l’Impératrice ; vous en écrirez en conséquence au comte Otto. Vous lui manderez que je ne vois pas d’inconvénients qu’il fasse ce qu’a fait le baron de Breteuil en pareille circonstance, et même qu’il le surpasse de beaucoup; qu’il est donc autorisé à faire toute la dépense qu’il jugera à propos. Vous lui ferez connaître que la fête qu’il a donnée à l’occasion du mariage était mesquine; que ce qui le prouve, c’est la demande de 10,000 francs qu’il a faite pour les frais de cette fête ; que, lorsqu’il s’agit de fêtes, ou il ne faut pas en donner, ou il faut qu’elles réunissent tous les suffrages ; qu’en France, une fête de cette espèce coûterait 100,000 francs; qu’il ne faut pas pour cela sortir de l’usage ; qu’il suffit de faire plus que n’a fait M. de Breteuil.

Vous lui ferez connaître que je désire qu’il sonde M. de Metternich sur les circonstances possibles de la campagne prochaine entre la Russie et la Turquie, pour savoir ce que l’Autriche veut et peut faire. La France avait stipulé par le traité de Tilsit la restitution de la Mol­davie et de la Valachie à la Porte. Depuis, à Erfurt, l’empereur de Russie obtint que la France se désisterait de cette clause et ne se mêlerait point de cette question ; la France fit cela en haine de l’Au­triche, qui faisait alors des préparatifs d’armement, rien ne pouvant être plus contraire aux intérêts de  la monarchie autrichienne que l’occupation de ces provinces par la Russie. Aujourd’hui la France voit avec peine un si grand accroissement de territoire pour l’empire russe, d’autant plus que les principes du dernier ukase excluront de la Moldavie et de la Valachie les soieries et les denrées françaises. Mais est-il à espérer que la Porte puisse défendre encore l’année prochaine ces deux provinces contre la Russie ? N’est-il pas à craindre qu’outre ces provinces on ne perde encore la Servie, ou  que,  la Russie y établissant un hospodar, ce pays ne revienne sous l’influence russe ? La France ne peut manifester aucune opinion contraire à la possession de la Valachie el de la Moldavie par les Russes, sans indisposer alors même la Russie et la pousser à faire sa paix avec l’Angleterre, paix dont le résultat serait inévitablement la guerre entre les deux puissances. D’ailleurs la Russie parait trop avancée pour renoncer de sang-froid aujourd’hui à ces deux provinces. Enfin, la Moldavie et la Valachie n’étant pour la France que d’un intérêt du second ordre, tandis qu’elles sont pour l’Autriche d’un  intérêt du premier rang, il serait important de connaître jusqu’où l’Autriche serait disposée à aller, et ce qu’elle serait en état de faire pour empêcher leur réunion.

Tout cela doit être dit en forme de conversation, vaguement, mais autant qu’il le faut pour reconnaître le terrain et se former une idée. L’union des deux pays, l’heureuse circonstance de l’accouchement de l’Impératrice, qui resserre encore leurs liens, c’est de là qu’il faut partir pour tâcher de découvrir les intentions positives du mi­nistère. Le déplaisir que lui fait l’occupation de la Moldavie et de la Valachie va-t-il jusqu’à ne pas lui faire redouter la guerre avec la Russie ? Enfin quel est son système sur ces affaires ? Quelles espé­rances conçoit-il de la résistance des Turcs ? Mandez au comte Otto de tâcher d’avoir les noms et la force des régiments russes qui se trouvent dans ces deux provinces.

 

Paris, 26 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous renvoie vos instructions et le projet de ma lettre au com­mandant de la division qui doit partir de Toulon, pour que vous les refassiez dans ce sens. Je désirerais qu’au lieu d’une flûte il y en eût deux, l’une chargée d’artillerie et l’autre vide, et que vous y joignis­siez un petit brick bon marcheur. Ces cinq voiles partiraient de Tou­lon et se rendraient à Porto-Ferrajo, où elles embarqueraient le 1er bataillon du régiment de la Méditerranée, fort de 1,000 à 1,100 hommes, savoir : 300 sur les frégates et 700 sur les flûtes. Elles partiraient de Porto-Ferrajo et iraient, selon les instructions que vous leur avez données, reconnaître le cap de Gâta. Mais Almeria, Motril, Marbella et Malaga m’appartiennent; j’attendrai que vous me fassiez connaître ce que c’est que ces différents ports pour voir s’il faut s’en tenir à débarquer à Malaga, ou si l’on peut débarquera Almeria; ce qui, je crois, produirait un grand avantage maritime. Mais, soit que la division aille à Malaga, soit qu’elle aille à Almeria, il est nécessaire qu’elle ne débarque pas avant de s’être assurée que mes troupes sont maîtresses de ces points. Je n’ai point de doute là-dessus, mais enfin elles ne doivent point marcher inconsidérément, puisqu’à la guerre des événements non calculés peuvent arriver tous les quinze jours.

La flûte chargée entrera dans le port; et même, quand l’expédi­tion s’arrêterait à Almeria, si les renseignements qu’aura pris le capi­taine lui donnent sûreté que la flûte peut côtoyer jusqu’à Malaga sans crainte, il pourra la faire entrer à Almeria et lui faire suivre la côte jusqu’à Malaga.

Les deux frégates et la flûte, qui ne porte que des hommes, revien­draient en toute diligence à Ajaccio, où elles trouveraient une flûte qui aura porté des vivres pour réapprovisionner la division pour six mois; et ces deux flûtes embarqueraient tout ce qui se trouverait à Ajaccio du régiment du Midi. Je suppose qu’elles pourraient embar­quer 1,500 hommes et les conduiraient à Almeria. Les deux frégates et les deux flûtes, avec la troisième chargée de tout ce qu’on pour­rait lui offrir dans le pays, soit en plomb, vif-argent, etc., revien­draient à Ajaccio. Les flûtes resteraient dans ce port, et les fré­gates continueraient leur croisière, pour consommer leurs vivres, sur les côtes d’Espagne, devant Valence et sur les côtes de Barbarie, arrêtant tous les bâtiments chargés de blé (il y en a une quantité immense de toutes les nations qui vont à Cadix et à Lisbonne), et les dirigeant tous sur Barcelone, et, au cas qu’ils ne puissent pas atteindre ce port, sur Tortose ou même sur Corfou : sardes, espa­gnols , ottomans, américains, tout ce qui serait chargé de blé aurait cette destination. Si, par des événements imprévus, ces bâtiments étaient obligés de revenir, plutôt que de ramener les troupes en Corse, elles les jetteraient dans Tortose.

Enfin je désirerais qu’une autre expédition composée d’une frégate et d’une bonne corvette partit de Toulon et se rendit devant Valence pour faire rafle de tous les bâtiments qui s’y trouvent, faire des pri­sonniers, rapporter des nouvelles du lieu, et, après avoir été sur cette côte sept è huit jours, se porter sur Alger, établir une croisière car les côtes de Barbarie et arrêter tous les bâtiments de blé dont ces parages sont pleins, et qui sont destinés à l’approvisionnement de Cadix et de Lisbonne.

Les prisonniers que cette division aurait faits devant Valence ou sur les côtes d’Espagne seraient menés à Ajaccio ou à Calvi, selon les circonstances.

Je désirerais que cette croisière allât aussi sur les côtes de Sardaigne.

C’est dans ce sens que je désire que les instructions soient faites. Je suppose que vous préférez envoyer deux frégates, deux flûtes et deux corvettes ou bricks ensemble, ou envoyer séparément une fré­gate, une flûte et un brick. Je désire avoir sur cela votre opinion.

 

Paris, 26 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, la prise de l’île de France ne me laisse pas de doute sur la direction que prendront les trois frégates, por­tant 15,000 hommes, qui sont parties de Brest. Cette expédition ira à Batavia. D’un autre coté, les dernières nouvelles de Londres me feraient penser que les forces qui ont servi à prendre l’île de France pourraient se porter sur Batavia, non pour s’y établir, mais pour prendre la ville. Je désirerais que vous vissiez le général Hogendorp et les officiers qui viennent de Batavia pour savoir dans quel temps les Anglais peuvent faire cette opération, ce que feront nos gens et ce qu’il y a lieu d’espérer.

J’attendrai le rapport que vous me ferez là-dessus pour décider s’il me convient de laisser partir l’expédition qui est à Nantes et celle qui est à Cherbourg.

Si ces expéditions ne partent pas, je les enverrai à Brest, où il faut absolument parvenir à réunir une escadre.

 

Paris, 27 février 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, on m’offre à Vienne une très grande quantité de fusils à acheter à très bon marché. Si j’achetais ces fusils et si je les dirigeais sur la Pologne, cela paraîtrait fort extraordinaire. Cela me fait penser que vous devez demander au ministre de la guerre l’offre qui lui a été faite de ces fusils, l’état de ces armes et leur prix, envoyer ces pièces à mon ministre en Saxe, et le charger de voir M. de Senft. Il dira à M. de Senft que mon opinion est qu’on ne saurait avoir trop d’armes en réserve pour armer la Pologne; que cette occasion qui se présente est très favorable; que le roi de Saxe doit faire demander sous main à Vienne qu’on l’autorise à faire cet achat, vu qu’il a perdu toutes ses armes lors de la bataille d’Iéna; qu’il doit envoyer un officier visiter ces armes et faire le marché, en ne recevant que des armes qui soient bonnes et les dirigeant toutes sur Dresde. Le baron Bourgoing fera connaître à M. de Senft que, si le Roi veut prendre ces armes à son compte, il en est le maître; que, s’il n’a pas le moyen de les acheter, je ne me refuserai pas à les payer, et elles seront tenues à ma disposition à Dresde, dans les magasins du Roi, pour être employées selon les circonstances.

Vous instruirez de cela le comte Otto, et vous ferez sentira tout le inonde la nécessité de mettre de la réserve dans cette affaire, où je ne dois être pour rien.

Le baron Bourgoing dira à M. de Senft que je n’ai aucune raison de croire à une rupture avec la Russie, mais que, dans la situation politique actuelle, il est nécessaire de pouvoir disposer de deux à trois cent mille armes en Pologne.

Vous écrirez au baron Bourgoing qu’il est à souhaiter que les armes qui sont dans le duché de Varsovie soient réparties entre Modlin, Thorn et Zamosc, indépendamment de ce qui peut être laissé à Var­sovie, à Cracovie et à Posen.

Si l’on pensait en Saxe que le tiers de ces armes pût être envoyé dans le duché de Varsovie, il faudrait, avant, me communiquer l’état des armes qui existent et leur distribution, parce qu’il peut y avoir des inconvénients à placer trop d’armes dans les points fron­tières qui ne sont point fortifiés. Cela fait donc sentir l’importance de travailler avec activité à la place de Modlin.

 

Paris, 28 février 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’apprends que les troupes que j’ai envoyées à Toulon sont dissé­minées dans les îles d’Hyères, etc. Faites-moi un rapport là-dessus. Je n’ai ordonné aucun mouvement. Donnez ordre au général Plauzonne de les réunir et de les tenir dans la main, de manière qu’elles puissent être embarquées à chaque instant. Elles ne doivent pas être confondues avec la garnison de Toulon.

 

Paris, 28 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je désire que vous voyiez le ministre de Naples et que vous écriviez à mon ministre de cette cour et au ministre de la marine napolitaine pour demander qu’un vaisseau de 80 et une frégate soient mis en construction au compte de la France, soit à Castellamare, soit dans le port de Naples.

Vous enverrez au ministre de la marine de Naples la copie du mar­ché que nous avons passé avec l’Italie et des modèles de bâtiments. Vous ferez connaître que les fonds seront payés d’avance. Le marché conclu, vous payerez 4 vingt-quatrièmes d’avance, et, tous les mois, vous ferez successivement les fonds d’avance. Il faut que la frégate et le vaisseau soient finis pour le mois de janvier prochain.

 

Paris, 28 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous ai fait connaître que je désirais que les deux frégates que j’ai à Dunkerque se rendissent sans délai à Flessingue. On peut bien les faire partir armées en flûtes; mais on suppose qu’il est possible d’y attacher un demi-chameau, ce qui les soulèverait assez pour les faire sortir armées et les conduire en rade, où l’on ôterait les cha­meaux. Si cela était, il faudrait achever l’autre frégate à Dunkerque. Il serait possible de se servir également d’un chameau pour faire sortir les frégates du Havre dans un moment où les Anglais ne s’y atten­draient pas.

 

Paris, 28 février 1811

A Alexandre Ier, empereur de Russie, à Saint-Petersbourg

Monsieur mon Frère, la mauvaise santé du duc de Vicence m’oblige à lui envoyer des lettres de récréance. J’ai cherché près de moi la personne que j’ai supposé pouvoir être la plus agréable à Votre Ma­jesté Impériale et la plus propre à maintenir la paix et l’alliance entre nous. J’ai fait choix du général comte de Lauriston. Je suis fort em­pressé d’apprendre si j’ai rencontré juste.  Je charge le comte de Czernitchef de parler à Votre Majesté de mes sentiments pour elle. Ces sentiments ne changeront pas, quoique je ne puisse me dissimu­ler que Votre Majesté n’a plus d’amitié pour moi. Elle me fait faire des protestations et toutes espèces de difficultés pour  l’Oldenburg, lorsque je ne me refuse pas à donner une indemnité équivalente et que la situation de ce pays, qui a toujours été le centre de la contre­bande avec l’Angleterre, me fait un devoir indispensable, pour l’intérêt de mon Empire et pour le succès de la lutte où je suis engagé, de la réunion d’Oldenburg à mes Etats.  Le dernier ukase de Votre Majesté, dans le fond, mais surtout dans la forme, est spécialement dirigé contre la France.  Dans d’autres temps, avant de prendre une telle mesure contre mon commerce, Votre Majesté me l’eût fait con­naître, et j’aurais pu peut-être lui suggérer des moyens qui, en rem­plissant son principal but, auraient cependant empêché que cela ne parût aux yeux de la France un changement de système. Toute l’Eu­rope l’a envisagé ainsi;   et déjà notre alliance n’existe plus, dans l’opinion de l’Angleterre et de l’Europe : fut-elle aussi entière dans le cœur de Votre Majesté qu’elle l’est dans le mien, cette opinion géné­rale n’en serait pas moins un grand mal. Que Votre Majesté me per­mette de le lui dire avec franchise : elle a oublié le bien qu’elle a retiré de l’alliance; et cependant, qu’elle voie ce qui s’est passé depuis Tilsit. Par le traité de Tilsit, elle devait restituer à la Turquie la Moldavie et la Valachie; cependant, au lieu de restituer ces provin­ces,  Votre Majesté les a réunies à son empire.  La Valachie et la Moldavie sont le tiers de la Turquie d’Europe; c’est une acquisition immense, qui, en appuyant le vaste empire de Votre Majesté sur le Danube, ôte toute force à la Turquie et, on peut même le dire, anéantit cet empire, mon plus ancien allié. Cependant, au lieu de tenir à l’exécution du traité de Tilsit, de la manière la plus désinté­ressée et par pure amitié pour Votre Majesté, j’ai reconnu la réunion de ces belles et riches contrées; mais, sans ma confiance dans la continuation de son amitié, plusieurs campagnes très malheureuses n’eussent pu amener la France à voir dépouiller ainsi son ancien allié. En Suède, dans le temps que je restituais les conquêtes que j’avais faites sur cette puissance, je consentais à ce que Votre Majesté gardât la Finlande, qui est le tiers de la Suède, et qui est une province si importante pour Votre Majesté qu’on peut dire que depuis cette réu­nion il n’y a plus de Suède, puisque Stockholm est maintenant aux avant-postes du royaume. Cependant la Suède, malgré la fausse poli­tique de son roi, était aussi un des anciens amis de la France. Des hommes insinuants et suscités par l’Angleterre fatiguent les oreilles de Votre Majesté de propos calomnieux. Je veux, disent-ils, rétablir la Pologne. J’étais maître de le faire à Tilsit : douze jours après la bataille de Friedland, je pouvais être à Vilna. Si j’eusse voulu rétablir la Pologne, j’eusse désintéressé l’Autriche à Vienne : elle demandait à conserver ses anciennes provinces et ses communications avec la mer, eu faisant porter ses sacrifices sur ses possessions de Pologne. Je le pouvais en  1810, au moment où toutes les troupes russes étaient engagées contre la Porte. Je le pourrais dans ce moment en­core, sans attendre que Votre Majesté terminât avec la Porte un arrangement qui sera conclu probablement dans le cours de cet été. Puisque je ne l’ai fait dans aucune de ces circonstances, c’est donc que le rétablissement de la Pologne n’était pas dans mes intentions. Mais si je ne veux rien changer à l’état de la Pologne,  j’ai le droit aussi d’exiger que personne ne se mêle de ce que je fais eu deçà de l’Elbe. Toutefois il est vrai que nos ennemis ont réussi. Les fortifica­tions que Votre Majesté fait élever sur vingt points de la Dwina, les protestations dont a parlé le prince Kourakine pour l’Oldenburg et l’ukase le prouvent assez.   Moi, je suis le même pour elle, mais je suis frappé de l’évidence de ces faits et de la pensée que Votre Ma­jesté est toute disposée, aussitôt que les circonstances le voudront, à s’arranger avec l’Angleterre; ce qui est la même chose que d’allumer la guerre entre les deux empires. Votre Majesté abandonnant une fois l’alliance et brûlant les conventions de Tilsit, il serait évident que la guerre s’ensuivrait quelques mois plus tôt ou quelques mois plus tard. Cet état de méfiance et d’incertitude a des inconvénients pour l’empire de Votre Majesté et pour le mien. Le résultat doit être, de part et d’autre, de tendre les ressorts de nos empires pour nous mettre en mesure. Tout cela est sans doute bien fâcheux. Si Votre Majesté n’a pas le projet de se remettre avec l’Angleterre, elle sentira la nécessité pour elle et pour moi de dissiper tous ces nuages. Elle n’a pas de sécurité, puisqu’elle a dit au duc de Vicence « qu’elle ferait la guerre sur ses frontières », et la sécurité est le premier bien des deux grands États.

Je prie Votre Majesté de lire cette lettre dans un bon esprit, de n’y voir rien qui ne soit conciliant et propre à faire disparaître de part et d’autre toute espèce de méfiance et à rétablir les deux nations, sous tous les points de vue, dans l’intimité d’une alliance qui depuis près de quatre ans est si heureuse.

 

Paris, 28 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, proposez-moi sans délai un projet de décret pour la confection des routes nécessaires pour l’extraction des mâts des forêts de la Corse.

 

Paris, 28 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, la construction des vaisseaux est une chose trop importante pour qu’il ne soit pas nécessaire d’instituer un conseil de construction. Ce conseil serait composé d’un président, de deux ingénieurs et d’un auditeur secrétaire. Indépendamment de tous ses membres permanents, tous les ans, pendant trois mois, quatre autres ingénieurs, savoir un d’Anvers, un de Lorient, un de Rochefort et un de Toulon, viendraient à ce conseil pour tenir les séances extraordinaires.

Présentez-moi un projet pour instituer ce conseil.

 

Paris, 28 février 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, on m’assure qu’il n’y a à Toulon que pour dix-huit jours de biscuit, non seulement dans le port, mais même dans les magasins. Faites-moi un rapport là-dessus. Cela me parait fort extraordinaire. Tous mes projets alors seraient manqués, puisqu’il serait impossible de supposer que mon escadre est disponible. Faites-moi connaître pour combien de temps les bâtiments de l’escadre ont de vivres. Mon intention est que chaque bâtiment ait six mois de vivres, soit à bord, soit dans les magasins de l’arsenal et de la ma­rine, de manière qu’à l’arrivée du premier courrier ils puissent partir.

P. S. Vous ne me parlez pas de l’intention où je suis de menacer l’Irlande par l’Escaut, et du besoin que j’ai en conséquence de flûtes et d’écuries sur ce point.

Paris, 1er mars 1811

Au comte Molé, directeur général des Ponts et Chaussées, à Paris

Je suis surpris que vous n’ayez pas encore reçu le budget que j’ai signé il y a huit ou dix jours. Demandez qu’on vous l’adresse sans délai. J’accorde dans ce budget 1,500,000 francs pour la route de Wesel à Hambourg. Aussitôt que le projet de cette route sera arrêté, présentez-le-moi. Je désire que la route passe par Osnabriïck et Bremen. Si ces 1,500,000 francs ne suffisent pas, je ferai de nou­veaux fonds. Si l’on pouvait l’achever dans l’année, ce serait une chose avantageuse; l’argent ne manquera pas pour cela. Il ne faut pas parler de la route de Hambourg à la Baltique, on la fera après ; le principal est d’aller de Wesel à Hambourg.

 

Paris. 1er mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai le projet d’entreprendre bientôt l’expédition de Sardaigne. Pour cela il pourra me devenir utile de lever en Corse un bataillon par district, c’est-à-dire de lever cinq bataillons. On prendrait les offi­ciers qui doivent avoir leur traitement de réforme. Il faudrait consul­ter le général Morand pour savoir s’il y aurait possibilité de faire cette levée et de se procurer ainsi 2 ou 3,000 hommes du pays.

 

Paris, 1er mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous envoie une lettre que je reçois du prince d’Eckmühl. Vous y verrez qu’il y a une grande quantité de marins et d’ouvriers inactifs à Hambourg. Le capitaine Moncabrié doit être depuis longtemps à Paris; il connaît ces fleuves parfaitement. Voilà la centième lettre que je vous écris pour vous demander si l’on peut construire des frégates à Hambourg ou au moins des bricks. Cela serait d’ailleurs utile pour donner du travail aux pauvres et mettre du mouvement dans ce pays. Ces matelots oisifs vont s’en aller à Londres, tandis qu’avec un peu d’activité on les enlèverait tous pour l’escadre de l’Escaut.

 

Paris, 1er mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Tout me porte à penser que j’aurai, cette année, des matelots en nombre suffisant pour faire les équipages des vaisseaux qui sont à Anvers. Je désirerais que le Conquérant fût mis à l’eau cette année. Ce vaisseau et les cinq qui doivent être lancés, joints aux douze qui existent, feraient dix-huit vaisseaux; ce qui, avec les neuf vaisseaux du Texel et de la Meuse, me ferait vingt-sept vaisseaux dans la mer du Nord. Il m’est d’autant plus important d’avoir le Conquérant que sa cale pourrait, cette année, être remplie par un nouveau vaisseau. Ainsi j’aurai l’année prochaine l’Hymen, le Monarque, le Superbe et les vaisseaux mis sur les cales de l’Auguste, du Pacificateur et de l’Illustre; ce qui, pour 1812, porterait à trente-quatre le nombre de mes vaisseaux réunis à ceux du Texel et de la Meuse.

 

Paris, 1er mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, j’ai besoin de 3,000 marins, de marins et non pas de portefaix, de marins et non pas de mousses, de marins et non pas de la canaille du quai de la Ferraille. Vous recevrez le décret que j’ai pris pour cela. Prenez des mesures pour me procurer ces marins à Hambourg, à Lubeck, à Bremen, à Varel, à Papenburg, etc.

P: S. N’envoyez que de bons marins ; ce n’est pas des hommes que je veux, mais des marins ayant beaucoup navigué.

 

Paris, 1er mars 1811

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

J’ai réuni à Toulon une expédition de 20,000 hommes, seize vais­seaux de guerre, dix frégates et vingt flûtes de 800 tonneaux avec des écuries. Cette expédition pourra se porter en Sicile ou ailleurs, selon les circonstances de cette année. En attendant, elle menace l’ennemi. Je désire que vous envoyiez à Toulon votre vaisseau de 74 et votre frégate. A Naples ces bâtiments sont inutiles, ils ne se for­ment pas; au lieu qu’à Toulon ils se formeront à la manœuvre, ils sortiront tous les jours et seront un véritable élément de force.

 

Paris, 1er mars 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, pourriez-vous envoyer un millier de vos bons mats par le Pô jusqu’à Alexandrie, d’où je les ferai transporter à Gènes ou à Savone, la route de Savone étant faite ? Comme vous avez les calculs de ces transports, faites-moi connaître à combien me reviendraient ces mâts avec les frais de premier achat et le transport jusqu’à Savone ou Gênes. il me faut de bons mâts qui puissent servir pour des vais­seaux de ligne.

 

Paris, 2 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, vous recevrez un décret qui nomme le contre-amiral Émeriau au commandement de l’escadre de Toulon. Vous témoignerez au vice-amiral Allemand que je suis satisfait de ses services, et qu’il doit se rendre à Paris, où il recevra une nouvelle destination. Vous ferez connaître au général Émeriau ma satisfaction des services du général Allemand. Vous recommanderez au général Émeriau de maintenir à bord de l’escadre une sévère discipline, d’in­terdire toute communication avec la terre, de faire appareiller fré­quemment l’escadre, et d’utiliser ses appareillages de manière à prendre des frégates aux Anglais, ou du moins à leur inspirer plus de circonspection qu’ils n’en ont montré jusqu’à présent.

 

Paris, 2 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous renvoie les états des déserteurs. Vous voyez qu’ils sont bien nombreux. Cela vient de la facilité qu’on a mise à envoyer dans les régiments des conscrits réfractaires et des déserteurs rentrés. Donnez des ordres pour que les conscrits réfractaires soient envoyés en Corse ou à Walcheren, et rendez le direc­teur des revues et les commandants des colonnes mobiles responsables de l’exécution. J’ai fait faire un relevé des déserteurs au camp de Boulogne ; vous le trouverez ci-joint. Je désire que vous me fassiez connaître où ont passé ceux qui ont déserté à l’étranger; est-ce en Angleterre ? Et de quelle nation étaient-ils ?

 

Paris, 2 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, faites connaître à mon ministre à Naples qu’il est indispensable qu’il m’envoie l’état de situation des troupes napolitaines, y compris la garde; que je désire avoir égale­ment la situation des chantiers, combien de vaisseaux, de frégates en construction, à l’eau, en armement; mêmes détails sur les bricks et canonnières.

 

Paris, 2 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

C’est par l’Angleterre que j’apprends que mon escadre de Toulon n’a que dix-huit jours de biscuit et qu’il n’y a aucune crainte qu’elle puisse sortir. Pourquoi a-t-on laissé détériorer les vivres de campa­gne ? Il y a un an l’escadre avait pour six mois de vivres. L’adminis­tration de la marine parait marcher vraiment en sens inverse de mes intentions. Autant valait-il désarmer les vaisseaux et les faire rentrer dans le port.

 

Paris, 2 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

J’ai lu avec attention le rapport de M. Sané sur l’échantillon des flûtes. Je désire, en conséquence, que vous ordonniez que mes flûtes soient armées de vingt-quatre caronades de 24 et de deux canons de 18, qui pourront être mis en chasse ou en retraite, selon les cir­constances; ce qui portera l’armement à vingt-six canons, et mettra ces flûtes en situation de se battre avec une petite frégate de 12 et d’être supérieures à toutes les corvettes et bricks.

Quant aux flûtes déjà faites, vous ferez changer leur armement à fur et mesure que cela deviendra possible, sans retarder leur mouvement.

Je désire que vous me fassiez un rapport pour déterminer l’arme­ment des gabares de 400 à 600 tonneaux, afin de les rendre le plus fortes possible.

 

Palais des Tuileries, 3 mars 1811

ALLOCUTION DE L’EMPEREUR A LA DÉPUTATION DU COLLÉGE ÉLECTORAL DU FINISTÈRE.

J’agrée vos sentiments. La vraie cause des malheurs qu’a éprouvés la marine vient de la perte des hommes précieux que la France a faite dans les guerres civiles qui ont déchiré surtout la Bretagne et le Poitou. Aussitôt que cela me sera possible, j’irai à Brest Mais la puissance de mes peuples est telle, que dans quatre ans j’aurai plus de cent vaisseaux de haut bord et deux cents frégates. Les matelots de l’Adriatique, comme ceux de la Baltique, viennent déjà de riva­liser de zèle et de courage avec mes Bretons et mes Provençaux pour contribuer à la libération des mers, qui est l’intérêt non seulement de mon Empire, mais aussi de toutes les autres nations du monde.

 

Paris, 3 mars 1811

Au comte Molé, directeur général des ponts et chaussées, à Paris

Remettez-moi une petite note sur le canal qui joindra la Loire à Brest. Les projets sont-ils faits ? Qu’est-ce qu’ils coûteront ? Où passera ce canal ? Quelle quantité d’eau ? La navigation est-elle grande ? Combien d’écluses ?

 

Paris, 3 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je désire avoir un rapport, 1° sur le nombre de conscrits réfractaires (et de quels départements) qui étaient arrivés depuis le 1er octo­bre au 1er mars à Toulon , à Gènes ou à Livourne, pour le régiment de la Méditerranée; 2° ce qu’on pouvait espérer qu’il en arriverait en Corse, provenant de ces divisions, dans le courant de mars et d’avril; 3° ce qui a été dirigé sur le régiment de l’île de Ré, et ce qu’on espérait qu’il arriverait dans le courant de mars sur Belle-Île et Walcheren.

On me rend compte qu’un grand nombre de réfractaires rejoignent de tous côtés. Où ces hommes sont-ils envoyés ? Je désirerais connaître le nombre de conscrits réfractaires et déserteurs par chaque département.

 

Paris, 3 mars 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Répondez à l’ordonnateur Chambon que les trois nouveaux dépar­tements sont à la disposition du prince d’Eckmühl, tant pour les revenus arriérés que pour les revenus de l’année; que c’est avec cela qu’on doit pourvoir à la nourriture, solde et dépense de l’armée; ce qui n’empêche pas que les hommes qui sont en Westphalie ne conti­nuent à être payés par le gouvernement westphalien. Il doit y avoir en Westphalie plus de 18,500 hommes, qui doivent y être nourris. La solde sera perçue et soldée. L’objet de ces réclamations sera réglé par un traité qui va avoir lieu. Les troupes qui sont dans le Mecklenburg et à Francfort sont également nourries par ces pays.

 

Paris, 3 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint copie de la lettre que j’écris au ministre de la guerre et de celle que j’écris au roi de Saxe. Ces lettres sont secrètes et ne sont que pour vous. Vous y verrez que je veux avoir 9,000 hommes à Danzig.

Envoyez à Stettin un très beau régiment de la division Friant et un général de brigade français qui servira à surveiller Liebert et à savoir ce qui se fait. Vous pourrez même y envoyer la compagnie d’artillerie légère de la division Friant, avec ses pièces. Je vous pré­viens que je ne veux pas que ce soit le 111e, mais un de vos beaux régiments.

Les compagnies de pontonniers, d’ouvriers, de mineurs, de sapeurs et d’artillerie destinées pour Danzig doivent être réunies à Magdeburg, et doivent passer en conséquence d’un seul et même avis que vous en donnerez à mon ministre à Berlin. Vous pouvez cependant diviser cette colonne en trois parties pour soulager le pays. Il faut qu’ils aient fait une marche avant qu’on le sache à Berlin. Cette colonne étant arrivée à Stettin, le bataillon polonais du 10e régiment, les quatre compagnies d’artillerie française, la compagnie de pontonniers, la compagnie de sapeurs français, la compagnie de mineurs et les ou­vriers, s’il y en a, les Saxons, si ceux qui sont à Stettin appartiennent au régiment qui est à Danzig, toutes ces troupes, qui feront une force de 2 à 300 hommes, marcheront ensemble, en ne faisant pas de marches ridicules, mais en faisant de bonnes marches, et arriveront à Danzig. En même temps le prince Poniatowski fera arriver à Danzig tout ce qui appartient aux 10e et 11e régiments et les deux compagnies d’artillerie. Ainsi tous mes mouvements seront faits; Danzig, Küstrin, Stettin et Glogau seront en état. Je désire que vous n’envoyiez aucun courrier extraordinaire en Pologne ni en Saxe, afin que tout cela se fasse sans le moindre mouvement. Les compagnies d’artillerie que vous avez à compléter pour Danzig, vous devez les faire aller sur Magdeburg comme pour y tenir garnison. Quand le mouvement sera démasqué et que ces troupes seront à 4 ou 5 journées de marche, il n’y aura pas de mal à faire parler la Gazette de Hambourg du mouvement qui aura eu lieu, mais seulement comme des troupes en marche pour en relever d’autres et renforcer Danzig, menacé par les Anglais.

p: S. Aussitôt que mes troupes seront arrivées à Stettin, vous écrirez au général Rapp pour qu’on ne tienne pas de propos contre la Russie, et pour qu’il soit au contraire amical; que vous lui envoyez des renforts pour mettre son immense place à l’abri de tout événe­ment du côté de l’Angleterre. N’envoyez aucun courrier en Pologne et écrivez-y le moins possible. Ayez le meilleur langage pour la Russie : on se plaint qu’il y a des lettres et des paroles de vous qui sont pour la guerre. Tout ce qu’on dit aux Polonais, ils le répètent et le publient de toutes les manières.

 

Paris, 4 mars 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, j’ai lu avec attention votre rapport. Je n’ai pas jugé convenable de consulter le ministre de l’intérieur; cela tendrait à ébruiter ces mesures. Les négociants sont si indiscrets, que déjà tout ce que vous avez demandé m’est revenu. Je vous auto­rise à employer un million pour faire des avances aux manufacturiers d’Amiens à raison de 20,000 francs par jour; ce qui fera des secours pour cinquante jours ; au bout de ce temps, vous prendrez mes ordres. Prenez des mesures pour que je ne perde point cet argent. Je vous autorise à faire faire des achats à Rouen, à Saint-Quentin et Gand pour deux millions, par la Banque, comme vous le jugerez à propos, et comme vous l’avez pensé. Suivez ces opérations secrètement et avec la prudence convenable.

 

Paris, 4 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je désire que vous envoyiez dix bâtiments légers à Otrante, afin de favoriser la communication d’Otrante à Corfou. J’ai fait dans le temps construire à Toulon des mouches qui paraissent très bonnes pour cet objet. Faites-moi connaître l’espèce de bâtiments de cette nature que j’ai et qui peuvent être utiles pour cette destination. Tous ces bâtiments seraient sous les ordres du capitaine de vaisseau qui commande mes forces à Corfou, et, en cas de siège, ou ils s’enfer­meraient dans la place, ou ils serviraient à la communication. Remettez-moi l’état des bâtiments de cette espèce que vous pouvez envoyer.

Écrivez également au commandant de ma marine que je vois avec peine qu’on laisse insulter mon pavillon par Ali Pacha et ses cor­saires; qu’Ali Pacha n’a le droit d’établir aucun blocus; et, s’il le fait, on doit répondre hostilités par hostilités. Le capitaine comman­dant ma marine doit prendre les ordres du gouverneur général pour tomber sur ses bâtiments et les lui enlever tous à la fois comme pirates.

Envoyez d’Ancône un officier de marine français à Otrante. Corres­pondez avec lui pour que les ports soient suffisamment armés pour favoriser le passage, et enfin connaître les mesures qui peuvent ren­dre le plus facile possible le passage d’Otrante à Corfou.

 

Paris, 4 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je désire que vous écriviez au général Donzelot que je vois avec peine qu’il ne fasse pas assez d’usage des forces maritimes que j’ai mises sous ses ordres, tant pour assurer ses communications avec l’Italie que pour faire respecter mon pavillon; que, toutes les fois que les bâtiments d’Ali Pacha se permettent d’attaquer les miens, il doit poursuivre ces pirates, s’en emparer, et les détenir prisonniers à Corfou ; qu’il ne doit respecter aucun droit de blocus; qu’Ali Pacha ne peut s’arroger un pareil droit, et qu’il faut prendre toute la marine de ce forban ; que le général Donzelot a des forces bien suffisantes pour cela; qu’il ne connaît pas assez l’esprit des Turcs ; que ce n’est pas avec ménagement qu’on en vient à bout; qu’il faut leur montrer de la force; qu’il les ménage trop; que les Anglais sont occupés ailleurs et qu’il n’y a rien à craindre d’eux ; que d’ailleurs Ali Pacha ne peut pas se porter à une opération hostile un peu sérieuse sans être aussitôt déclaré rebelle par la Porte et se perdre; que ce pacha tremblera aussitôt que le général Donzelot lui montrera du caractère et le menacera d’une invasion par le Cattaro et même par des détachements qu’il peut faire sur la cèle. Ce brigand n’ose insulter mon pavillon que parce que Donzelot le laisse faire. Toutes ces balancelles, toutes ces canonnières qui mar­chent bien, devraient servir à la communication avec l’Italie.

 

Paris, 5 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il devient très urgent de faire dans les régiments hollandais les changements que j’ai ordonnés et d’y mettre le tiers d’officiers fran­çais. Il y a un mois que j’ai ordonné cela et vous ne m’avez pas présenté le travail.

Écrivez aux généraux Dutruy et Molitor, qui commandent les divisions, de passer en revue ces régiments, de s’assurer de l’esprit des colonels, majors et chefs de bataillon, et insensiblement de l’esprit des officiers. Envoyez au général Molitor des lettres de passe en blanc, pour des chefs de bataillon ou capitaines et lieutenants, pour le tiers des officiers hollandais, en dirigeant ces officiers, savoir : les trois sixièmes sur les régiments qui sont en Italie et à Naples, les deux sixièmes sur les quinze régiments du corps du prince d’Eckmühl, et un sixième sur les régiments français en Hollande et au camp de Boulogne. Ces généraux passant la revue des corps hollandais ver­ront les officiers et leur donneront ces lettres de passe, comme venant de vous, pour les régiments qu’ils désigneront.  Il faut avoir soin d’ôter les plus mauvais.

 

Paris, 5 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès. Ministre de la marine, à Paris

Les circonstances me portent à différer les expéditions de Saint-Malo et Cherbourg destinées pour Batavia. En conséquence, vous ordonnerez que les troupes débarquent et rejoignent leurs régiments. Le bataillon expéditionnaire hollandais qui est à Saint-Malo se rendra à Brest, où il tiendra garnison dans l’arsenal. Il sera nourri et soldé par la marine et servira de supplément pour le service de la marine jusqu’à ce que je juge convenable de l’envoyer à Batavia. Vous don­nerez l’ordre aux frégates que j’ai à Saint-Malo et à celles que j’ai à Cherbourg de se rendre à Brest.

 

Paris, 5 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, j’ai pris un décret pour porter à dix-huit le nombre des cales de vaisseaux de ligne qui sont à Anvers. Je vous prie de ne porter aucun retard dans l’exécution de ce décret. Ce qui me porte à établir ces dix-huit cales, c’est la considération que, si je ne veux avoir que six vaisseaux par an, je préfère qu’ils restent trois ans sur le chantier, et que, lorsque je n’aurai pas besoin de vaisseaux, je pourrai en tenir six ou huit sur le chantier tout prêts à être lancés. D’ailleurs, les vaisseaux à trois ponts donnant plus d’em­barras dans l’Escaut, je pourrai les mettre à l’eau plus tard que les autres. Enfin j’ai un autre but, c’est que cette augmentation dans les chantiers d’Anvers fasse du bruit. Mon intention est toujours que l‘Illustre, le Pacificateur, l’Auguste, le Trajan, le Gaulois, le Con­quérant, soient mis à l’eau cette année. Ainsi il faudrait que les tra­vaux du port d’Anvers fussent montés de manière que j’aie six vaisseaux à l’eau cette année, ce qui ferait 64 vingt-quatrièmes faits; qu’en place de ces six vaisseaux on mit sur le chantier six autres vaisseaux, et qu’on les poussât, savoir : trois à 8 vingt-quatrièmes, deux 4 vingt-quatrièmes et un à 2 vingt-quatrièmes, ce qui ferait 34 vingt-quatrièmes ; que l’on poussât ceux qui sont actuellement sur le chan­tier, savoir : deux à 12 vingt-quatrièmes, un à 18 vingt-quatrièmes, ce qui ferait 32 vingt-quatrièmes; enfin trois à 6 vingt-quatrièmes et trois à 2 vingt-quatrièmes, ce qui ferait 24 vingt-quatrièmes, et en tout plus de 150 vingt-quatrièmes, ou la valeur de six vaisseaux, égale aux six vaisseaux qu’on lance. Je tiens beaucoup à ce que les travaux du chantier d’Anvers soient conduits ainsi. Je voudrais, lorsque j’irai à Anvers, voir lancer quatre vaisseaux à la fois. S’il n’y a point assez d’ouvriers de marine, il faut en faire venir de nouveaux. Je ne serais pas éloigné de créer deux nouveaux bataillons d’ouvriers conscrits, si cela est nécessaire.

 

Paris, 5 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, donnez ordre que le brick le Génie et des canonnières soient sur-le-champ envoyés devant Flessingue, et que ces bâtiments profitent du moment où les Anglais ne sont pas dans ces mers pour sonder la rade et les passes. Vous mettrez à bord quelques officiers qui apprendront à bien étudier l’Escaut.

 

Paris, 5 mars 1811

Au général comte Lemarois, aide de camp de l’empereur, à Paris

Monsieur le Général Comte Lemarois, vous vous rendrez à Bou­logne, où vous resterez deux jours. Vous prendrez connaissance de la situation des troupes, de remplacement des camps, de remplace­ment de la flottille et de tout ce qui peut m’intéresser. Vous m’écrirez deux heures avant de partir.

De là vous irez à Dunkerque, où vous séjournerez deux ou trois jours, pour voir quelle espèce de commerce font les smogglers, la quantité de journaux anglais qu’ils apportent et la publicité que ces journaux ont à Dunkerque, enfin observer ce qu’il peut m’importer de connaître.

Vous irez ensuite à Ostende; vous y resterez un ou deux jours. Vous prendrez connaissance de ce qui concerne les bâtiments à licence. On m’assure qu’ils commettent des fraudes et qu’ils empor­tent des dentelles qu’ils rapportent ensuite, afin de me faire penser que la balance de ce commerce est en ma faveur.

D’Ostende vous vous rendrez à Anvers, où vous n’arriverez pas avant le 12 ou le 13 mars. Vous passerez huit jours à Anvers. Vous visiterez l’arsenal; vous irez voir mon escadre au Ruppel; vous me rendrez compte de ces visites. Tous les jours vous irez passer deux heures à l’arsenal et sur le fleuve pour voir où en est l’armement des vaisseaux, et dans le bassin pour voir les travaux qu’on y fait. Vous prendrez connaissance de tout ce qui est relatif aux fortifications, et vous m’en ferez une description après que vous les aurez visitées. Vous aurez soin de m’envoyer un rapport détaillé de ce qu’il y a d’im­portant. Vous m’enverrez un état de la quantité de vingt-quatrièmes que l’on aura faits au 1er mars, et des progrès des constructions toutes les semaines. Mon intention est que dans le courant de mars on mette a l’eau l’Auguste, dans le courant d’avril le Pacificateur, dans le cou­rant de mai l’Illustre, en juin le Trajan, en juillet le Gaulois et en août ou septembre le Conquérant, de sorte que j’aie six vaisseaux cette année, ce qui, joint aux douze que j’ai, me ferait dix-huit vais­seaux de guerre. Vous laisserez entrevoir qu’immédiatement après les couches de l’Impératrice, c’est-à-dire vers la mi-avril, il est probable que je viendrai à Anvers. Indépendamment des six vaisseaux dont il est question ci-dessus, je désire avoir cette année la frégate la Terpsichore; il faudrait pouvoir l’avoir le plus tôt possible. Immédiatement après qu’un vaisseau sera à l’eau, on doit en mettre un autre sur le chantier; il faut donc qu’on ait les matériaux tout prêts. Rien ne peut manquer à Anvers. Les ouvriers doivent être assez nombreux; s’ils ne le sont pas suffisamment, on pourrait en appeler de la Hollande et de la Belgique. Quant au bassin, je suis étonné que mes vaisseaux ne puissent pas encore y entrer.

Quand vous aurez passé huit jours à Anvers, et que vous m’aurez ainsi envoyé huit rapports, vous vous rendrez à Rotterdam. Je vous confie sous le plus grand secret que j’ai donné ordre aux deux vais­seaux qui sont dans cette rade de se rendre par mer à Flessingue. Vous vous informerez si des mesures ont été prises pour que des signaux aient lieu entre l’île de Walcheren et Rotterdam, afin qu’on connaisse chaque jour la situation des ennemis devant l’Escaut. Vous resterez trois jours à Rotterdam ; vous visiterez les chantiers et l’ar­senal de Hellevoetsluis en grand détail ; vous m’informerez de l’époque où je puis espérer que les deux vaisseaux pourront partir. Ce moment est favorable, parce que les Anglais ne sont pas encore arrivés; mais, passé le mois de mars, il ne sera plus temps. Après que vous aurez vu le chantier de Hellevoetsluis, vous reviendrez à Rotterdam. Vous me ferez connaître en détail comment marchent la préfecture, les douanes, la conscription, l’inscription maritime, la police, la con­trebande, et l’esprit des troupes hollandaises qui sont dans ce dépar­tement. Vous me parlerez des officiers français qui commandent là, du génie, de F artillerie. Vous profiterez de l’occasion où le générai verrait les troupes, pour les voir manœuvrer, et vous me rendrez compte de l’esprit qui vous aura paru les animer. Il n’y aura pas d’in­convénient que vous donniez un dîner aux officiers à l’auberge où vous serez et que vous causiez avec les chefs et que vous vous assuriez de leur esprit.

On doit travailler à la route de Breda à Anvers; vous m’en parlerez.

En revenant de Rotterdam, vous passerez à Willemstad. Vous me ferez un rapport sur la situation de l’armement de cette place, sur la garnison, sur le commandant, et sur ce qu’on y fait. Vous irez visi­ter l’île de Goeree; vous me parlerez du commandant, des troupes, de l’esprit qui les anime, de la défense de l’île, et de ce qui peut m’intéresser.

De Willemstad vous irez à Berg-op-Zoom ; vous m’enverrez de pareilles notes sur l’armement de la place, sur la garnison, sur le commandant, sur le génie, l’artillerie, sur la police.

De là vous reviendrez à Anvers, où vous attendrez quelques jours; je vous enverrai dans cet intervalle des ordres sur votre destination ultérieure. Vous emploierez ce second séjour à vous occuper des prêtres, de la police, des opérations des colonnes mobiles destinées à faire rejoindre les conscrits.

 

Paris, 6 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je prends le parti que je crois le plus sûr. Je fais partir deux fré­gates avec le Dromadaire. Il faut qu’elles me portent 500 hommes. Je laisse le commandant de l’expédition maître de les prendre où il voudra, à Porto-Ferrajo ou Ajaccio. S’il les prend à Ajaccio, il sera nécessaire qu’un aviso parte vingt-quatre heures avant les frégates pour aborder à Saint-Florent et instruire le général Morand de l’arrivée des deux frégates et de Tordre d’embarquer 500 hommes du 1er bataillon du régiment de la Méditerranée, afin qu’il se rende de sa per­sonne au lieu de rembarquement pour s’assurer que tout est prêt à s’embarquer aux Sanguinaires. Quant à Porto-Ferrajo, comme les hommes sont à Porto-Ferrajo même, il suffira d’un ordre de vous au commandant.

Ce bataillon de 500 hommes sera formé de trois compagnies de marche, chaque compagnie de marche de 170 hommes, commandée par un officier tiré des bataillons. On pourra mettre par compagnie deux sergents, deux caporaux et un tambour. Cela affaiblira le moins possible ce bataillon. Expliquez bien à ce capitaine la formation de ces troupes. S’il ne peut assister au chargement de la gabare et qu’il soit obligé de l’abandonner au port de Malaga, ce que je verrais avec peine, il la reprendra à son second voyage. S’il ne jugeait pas à pro­pos de faire un second voyage, il ordonnera au commandant de la gabare, après qu’il aura déchargé et qu’il se sera chargé soit de plomb, soit de vif-argent, de coton ou autres objets que lui remettra le général Sébastiani, de profiter d’une circonstance favorable pour partir en aventurier. Vous lui recommanderez d’aborder en Corse, parce que probablement Toulon sera bloqué. Dans tous les cas, je préfère que ma gabare mouille à Alger plutôt que de rester à Malaga. Il est nécessaire que vous preniez les lettres du prince de Neuchâtel, tant pour la destination des 500 hommes que pour l’arrivée à Malaga et pour mander mes intentions au général Sébastiani.

Il est nécessaire que vous donniez des instructions détaillées au commandant sur les points de la côte qu’occupent mes troupes et sur les précautions qu’il doit prendre avant d’aborder.

 

Paris, 6 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Mon intention est qu’il soit formé deux colonnes, sous le comman­dement de deux adjudants commandants ou chefs d’escadron intelli­gents, pour surveiller la côte depuis la Loire jusqu’à la Gironde; ce qui fait un espace de cinquante lieues.

Première colonne. — Le chef-lieu de la première colonne sera à Saint-Gilles, ayant sa droite appuyée à quinze lieues de là, au fort de Mindin, et sa gauche au village de Saint-Vincent, c’est-à-dire à dix lieues de là. Cette colonne exercera donc la surveillance sur vingt-cinq lieues de côtes. Elle sera composée d’un escadron du 20e de chasseurs, complété à 200 hommes, d’une compagnie du 82e, com­plétée à 120 hommes, et enfin d’un bataillon de 600 hommes d’in­fanterie; ce qui fera environ 800 hommes d’infanterie et 200 chevaux

Deuxième colonne, — La deuxième colonne aura son chef-lieu au village d’Angoulin, où se tiendra le quartier du commandant; elle aura sa droite à la batterie de l’Aiguillon, et sa gauche à Royan; elle sera composée d’une compagnie du 9e de hussards et d’une du 13e de chasseurs, l’une et l’autre complétées à 100 hommes. Il y aura, en outre, un bataillon complet du régiment de Berg, une compagnie de 140 hommes du 66e et une de même force du 26e; ce qui fera 1,000 hommes d’infanterie et 200 chevaux; total, 1,200 hommes.

Ces deux colonnes seront divisées en détachements et subdivisées en piquets.

Les deux commandants enverront, tous les jours, par ordonnance, leur rapport au général commandant la division militaire à La Ro­chelle, qui devra transmettre ce rapport au ministre. Ils devront de même, tous les jours et par ordonnance, donner avis au préfet mari­time à Rochefort de ce qui se passe dans leur arrondissement. Le commandant de chaque colonne aura avec lui un capitaine en second d’artillerie. Un obusier et deux pièces de canon seront attachés à chaque colonne. Les pièces de la colonne d’Angoulin seront attelées; celles de la colonne de Saint-Gilles ne le seront pas; en cas d’événe­ment, on les attellerait avec des chevaux du pays.

La côte sera partagée entre ces deux arrondissements de comman­dement. Les troupes qui se trouveront dans chaque arrondissement seront sous les ordres du commandant de la colonne.

A l’égard des douaniers, les commandants de colonne n’auront rien à leur prescrire en temps ordinaire; mais ils les auront sous leurs ordres en cas de descente ou d’événement extraordinaire. Chaque commandant devra connaître le nombre des troupes qui se trouvent dans son arrondissement. Les commandants des colonnes, accompa­gnés du capitaine d’artillerie, devront inspecter, dans le courant de chaque mois, toutes les batteries de leur arrondissement, et les faire tirer toutes, en leur présence, à boulet rouge. Ils feront fermer à la gorge les batteries pour lesquelles cette précaution serait jugée néces­saire. Ils établiront des signaux pour être instruits, au point central, soit de jour, soit de nuit, de ce qui surviendrait.  

Tous les jours, les patrouilles de chaque poste devront se croiser avec celles des postes voisins et se transmettre les rapports. La cava­lerie ainsi que l’infanterie seront instruites à la manœuvre du canon.

Enfin toutes les précautions seront prises pour pouvoir, en cas d’évé­nement , se porter rapidement sur le point attaqué et y réunir un bon renfort de troupes.

Je désire que trois ou quatre colonnes semblables soient organi­sées sur les côtes de Bretagne et de Normandie. Veillez à ce que tous les généraux de division vous envoient la copie exacte de ces rapports ; par ce moyen on saura parfaitement ce qui se passe sur les côtes.

 

Paris, 7 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, les derniers états que vous m’avez remis de la situation des armées étrangères sont en général peu exacts. Il est nécessaire qu’en tête de chaque état on relate la situa­tion de l’organisation dans chaque pays.

 

Paris, 7 mars 1811

NOTE POUR LA RÉDACTION D’UN PROJET DE DÉCRET.

1° La conservation des forêts de Corse dépendra du ministère de la marine.

2° Les agents forestiers seront sous ses ordres.

3° Les bois qui appartiennent encore à notre domaine impérial sont mis à la disposition de notre ministre de la marine.

4° Les travaux des ponts et chaussées concernant les routes, les ponts, les quais, etc., en Corse, sont dans les attributions du mi­nistre de la marine.

5° La partie du budget des ponts et chaussées pour lesdits tra­vaux sera retirée du budget du ministère de l’intérieur et portée à celui de la marine.

 

Paris, 7 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je suis instruit qu’au dépôt du 66e on commet des vexations et que l’on Fait des retenues illégales contre les conscrits, ce qui les fait déserter.

 

Paris, 7 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il est nécessaire de régulariser tout ce qui est relatif aux garnisons des vaisseaux. Mon intention est que vous me fassiez connaître les régiments qui fournissent ces garnisons, et que vous demandiez au ministre de la marine celles dont il aura besoin pour les armements qui auront lieu en 1811.

Quand vous aurez ce travail, vous me proposerez de prendre dans les régiments de ligne, et non légers, une compagnie, qui serait 2e compagnie du 5e bataillon de ligne, et qui s’appellera 2e compa­gnie du 5e bataillon ou compagnie de garnison des vaisseaux. Elle sera formée selon les indications du ministre de la marine, et compo­sée d’hommes ayant au moins un au de service révolu et parlant fran­çais, c’est-à-dire qu’aucun Génois, Piémontais, Belge ou natif des quatre nouveaux départements réunis ne pourra en faire partie; elle sera composée absolument d’hommes parlant la langue française. Les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants seront nommés par vous. Les hommes seront pris dans tous les régiments, de manière que ce soit véritablement de bons sujets. Cela n’augmentera point les cadres de mon armée et pourvoira d’une manière constante à ce ser­vice important, et, comme j’ai cent régiments de ligne, la marine pourra avoir aussi cent équipages.

La solde de ces compagnies continue, je crois, à être payée par la guerre. Il serait convenable de spécifier ce qui serait le plus avanta­geux pour la solde, l’habillement et nourriture de ces compagnies, et prendre des mesures pour que le recrutement puisse en être fait convenablement.

 

Paris, 7 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Mon intention est que le vice-amiral  Ver Huell  parte avant le 1er avril de Paris. Il sera chargé du commandement de la marine de la Hollande à Hambourg, Lubeck compris. Il aura le commandement direct de la flottille et sera chargé du choix des rades et de l’organi­sation du service dans ce pays. Il est nécessaire que vous me présen­tiez un projet d’instruction pour rendre cette mission utile. Il ne prendra des ordres que du prince d’Eckmühl.

 

aris, 7 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, faites-moi connaître la situation de la légion portugaise. Je vois qu’il y a trois bataillons d’élite, formant 1,000 hommes, et deux bataillons de marche, forts de 278 hommes, à Bourges; qu’il y a, en outre, deux escadrons de chasseurs, forts de 130 chevaux, et deux autres escadrons de chasseurs n’ayant point de chevaux, forts de 140 hommes; que, indépendamment de ce qu’il y a à Bourges, il y a dans la 6e division militaire un dépôt de chasseurs de 430 hommes et de 20 chevaux, et dans la 7e division militaire cinq régiments, formant le fond de dix bataillons, et deux bataillons provisoires, faisant 3,700 hommes. J’aurais donc près de 6,000 Portugais; il faut bien distinguer les Espagnols des Portugais. Il faudrait voir comment on pourrait les utiliser. J’avais destiné 400 chevaux pour la remonte de cette légion; faites-moi connaître où cela en est. Mettez-moi sous les yeux les comptes que les géné­raux commandant à Bourges, à Grenoble, à Besançon, rendent de l’esprit et de la conduite de ces régiments.

Il y a un dépôt de troupes westphaliennes à Bourges. Il faudrait faire partir pour l’Espagne ce qu’il y a de disponible et renvoyer le reste en Westphalie.

Proposez-moi de renvoyer également en Allemagne les dépôts des régiments de la Confédération employés à l’armée de Catalogne, qui sont dans les 10e et 11e divisions militaires; cela nous rend peu de services et fait beaucoup d’embarras en Allemagne.

Je pense que, sous prétexte d’aller en remonte, on pourrait en­voyer dans la 21e division militaire les hommes à pied de la cavalerie de la légion portugaise qui sont dans la 6e division militaire, et ceux qui sont montés, du côté de la Rochelle ou de Niort. Vous pourriez tirer de ces derniers une centaine de chevaux pour renforcer les co­lonnes de la Loire à la Gironde. Par ce moyen, la cavalerie et l’infan­terie seraient séparées.

Aussitôt que j’aurai un état de la situation de la légion portugaise, que je connaîtrai de quelles nations sont ces hommes, je supprimerai les deux bataillons provisoires qui sont à Bourges, et déparerai les trois bataillons d’élite, que j’enverrai loin les uns des autres.

Les chasseurs de la légion hanovrienne ont 460 hommes et 10 che­vaux à Fontenay. Faites-moi connaître de quelles nations sont ces hommes. Je n’ai pas l’intention de les monter, du moins pour les envoyer en Espagne. Je pense donc qu’il faudrait les incorporer dans les régiments français et dans les nouveaux régiments qu’on va for­mer. On pourrait en renvoyer à Naples, et on laisserait détruire cette légion hanovrienne.

Faites-moi des rapports sur tout cela.

 

Paris, 8 mars 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Le duc de Raguse est arrivé. Je désire que vous teniez un conseil composé des présidents des sections de législation, de l’intérieur et des finances, de Dandolo, ancien provéditeur, et que vous me pré­sentiez un projet de règlement pour l’organisation dés provinces illyriennes, fixant les pouvoirs du gouverneur général, les attributions de l’intendant général, les lois et les budgets de tous les ministères.

 

Paris, 8 mars 1811

DÉCISION

 

Le ministre des finances fait connaître à l’Empereur les motifs qui ont  porté la consulte de Rome à supprimer les deux relais de poste de Nocera et de Gualdo. Cette suppression est inutile et fait beaucoup de tort aux localités.

 

Paris, 8 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous écris cette lettre pour vous faire connaître mes intentions sur le genre de guerre maritime que je veux faire en 1811. Je ne veux pas que mes escadres sortent, mais qu’elles soient approvisionnées comme si elles devaient sortir; que fréquemment des courriers portent aux commandants des ordres cachetés à n’ouvrir qu’en mer à une certaine distance, de sorte que l’amiral lui-même ait la croyance qu’il doit partir; que mes vaisseaux aient six mois de vivres, quatre mois à bord et deux mois à l’arsenal ; que l’embarquement des vivres complets ait même lieu deux fois au moins dans l’année, afin que mes escadres de Toulon, de Brest, du Texel, de l’Escaut se croient vraiment en appareillage. J’espère que dans le courant de juillet ou d’août j’aurai sept ou huit vaisseaux au Texel, une vingtaine de vaisseaux dans l’Escaut, sept ou huit vaisseaux à Brest, six vaisseaux à Rochefort et seize ou dix-sept à Toulon ; ce qui obligera les Anglais à me bloquer avec cinq escadres ou soixante vaisseaux.

Je désire réunir dans l’Escaut toutes les frégates hollandaises et une flotte de transport organisée comme celle de la Méditerranée, par tiers; un tiers cette année, un tiers que l’on construira pour 1812 et un tiers en 1813. Je crois avoir pris un décret là-dessus. Occupez-vous-en et apportez-moi un rapport qui m’en rende compte. J’aurais donc en 1811, en 1812 et partie de 1813, deux armées navales et deux flottes de transport, une à Toulon et l’autre dans l’Escaut. J’ai déjà réglé la flotte de transport de Toulon, que je suppose devoir porter près de 24,000 hommes et 1,500 chevaux, indépendamment de 10,000 hommes que pourrait porter l’escadre de guerre; ce qui ferait plus de 30,000 hommes. Il faudrait que la flotte de transport de l’Escaut m’offrît les moyens d’embarquer 30,000 hommes et 2,000 chevaux; ce qui, avec les troupes embarquées sur l’escadre, formerait une armée de plus de 40,000 hommes. En calculant ainsi, j’ai en vue la destination de la Sicile pour la flotte de la Méditerra­née, et l’Irlande pour celle de l’Escaut; car le nombre d’hommes diminuerait beaucoup si je les envoyais aux Indes occidentales, et encore plus s’ils allaient aux Indes orientales. Si en 1812 les circon­stances sont favorables, ayant une partie de mes troupes d’Espagne disponible, je compte faire l’expédition de Sicile ou celle d’Egypte dans la Méditerranée, et dans l’Océan l’expédition de la Martinique, de la Dominique, de la Guadeloupe, de Cayenne, de Surinam et de tout le continent hollandais. Mon escadre sortirait de l’Escaut avec 30,000 hommes; tout aurait été préparé pour menacer l’Irlande; elle se porterait sur l’Amérique, se séparerait en quatre expéditions, savoir : l’une pour la Guyane française, une pour Surinam, et les deux autres pour les Îles ci-dessus nommées. 30,000 hommes paraissent suffisants pour faire simultanément ces opérations. Je ferais partir la même année une expédition de 8,000 hommes de Brest pour m’emparer du cap de Bonne-Espérance. Ce serait donc 60 ou 80,000 hommes que je répandrais, en évitant les croisières enne­mies, sur les deux mondes. Ces résultats ne pourraient pas sans doute avoir lieu avant 1812 ou 1813, mais il est nécessaire en 1811 de fatiguer les Anglais.

Je désire faire tout ce qui est nécessaire pour donner à mes flottes de l’Escaut et de Toulon un aspect menaçant. Mon intention est même d’embarquer sur les vaisseaux, frégates et transports de ces deux escadres une vingtaine de mille hommes, et de les tenir embar­qués un mois ou six semaines, pour que la menace soit réelle. Quant à Rochefort, je désire que six de mes vaisseaux soient placés sur des chameaux, tout armés, à l’embouchure de la rivière, de sorte que l’ennemi soit forcé d’opposer à mes vaisseaux, qui resteront tranquilles dans le port, une escadre d’au moins six vaisseaux.

 

Paris, 8 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, j’ai lu avec attention votre rapport du 6 sur la flotte de transport de la Méditerranée. Je vois qu’elle se compose de trois parties : d’une première existante et disponible au 1er juillet 1811, savoir : onze flûtes, quatre gabares et quatre écu­ries; total, dix-neuf bâtiments; d’une deuxième partie, qui pourra être disponible au 1er juillet 1812, savoir : huit flûtes, une gabarre et douze écuries; total, vingt et un bâtiments (cette partie, qui doit déjà être sur le chantier, sera poussée cette année entre 8 ou 10 vingt-quatrièmes par chaque bâtiment); et d’une troisième partie qui sera mise en construction en 1812 et disponible en juillet 1813, et qui sera composée de six flûtes et de quatorze écuries; total, vingt bâti­ments. Tout cela me paraît convenable, si ce n’est que je désire que vous fassiez mettre en construction, pour en faire cette année 4 vingt-quatrièmes, un bâtiment hôpital et un bâtiment poudrier. Il faudrait pour l’hôpital une très-grosse flûte. Il est important que tout cela soit ponctuellement exécuté, et qu’il n’en soit pas de cette année comme de 1810, où l’on n’a pas fait ce que j’avais prescrit. Je désire que vous me fassiez connaître quel sera le chargement d’une flûte et d’une gabare, d’une écurie, dans la quadruple hypothèse d’une expédition en Sicile, d’une expédition en Egypte, d’une expédition au cap de Bonne-Espérance et d’une expédition à la Martinique. Chaque flûte ayant une sainte-barbe doit porter de la poudre, 6 ou au moins 4 chevaux, et au moins huit voitures d’artillerie, savoir : deux pièces de canon, deux caissons d’infanterie et quatre caissons pour le service du canon. Les écuries doivent contenir autant d’hommes que possi­ble, indépendamment d’un certain nombre d’hommes pour les chevaux. Les flûtes, les gabares et les écuries doivent pouvoir débarquer facilement. Il faut donc qu’il entre dans leur installation un grand canot ou grosse péniche, portant une caronade de 36 ou au moins de 24, et pouvant débarquer 100 hommes à la fois, de manière que la flotte débarque 5 à 600 hommes à la fois, sous la protection de soixante caronades. Il est nécessaire que cette grosse péniche soit indépendante des autres bâtiments, afin que, l’expédition étant arri­vée à son terme, on puisse laisser ces soixante péniches pour le ser­vice des rades ou des grandes rivières, comme le Nil ou la rivière de Surinam. En général, chaque flûte doit avoir le plus de canons qu’il sera possible, indépendamment de cette péniche principale. On pour­rait la garder dans l’arsenal pour les expéditions où il s’agirait d’un débarquement de vive force. Je désire que chaque flûte puisse mettre en chasse et en retraite deux pièces de 24, et qu’elle ait en outre un armement de vingt ou vingt-quatre pièces de 24; que les gabares et écuries aient un armement proportionné, de sorte que cette flottille de soixante bâtiments n’ait besoin d’aucune escorte, puisse faire tête séparément à un corsaire ou brick anglais, et que, réunis, ils n’aient rien à craindre d’une grosse corvette, et puissent même se battre contre une frégate. Quand je désire avoir deux pièces de 24 par bâti­ment, c’est que, indépendamment de ce surcroît de force maritime que cela donne à ma flotte, je me trouverai, par ce moyen, avoir tout disposé pour débarquer à terre un équipage de siège décent vingt bouches à feu. On pourrait mettre du 18 sur les gabares et les écuries.

Or il n’est pas possible de concevoir une expédition sans qu’on ait besoin de grosse artillerie, soit pour lever les obstacles et conquérir le pays qu’on veut prendre, soit pour conserver les conquêtes qu’on a faites. Présentez-moi un projet de décret pour régler l’armement en guerre, l’approvisionnement en eau, en vivres et le chargement de chaque bâtiment, de manière que cela soit connu d’une manière défi­nitive. Vous ne devez pas mettre un homme de plus pour l’artillerie, les passagers devant être chargés seuls de ce service. Faites-moi connaître ce que c’est qu’une écurie, de combien de tonneaux est une gabare. Ne serait-il pas possible que les écuries fussent, comme les flûtes, de 800 tonneaux ? Ma flotte de transport portera donc 1,300 chevaux sur les écuries et 180 sur les flûtes, ce qui ferait à peu près 1,500 chevaux. Ce nombre de chevaux est nécessaire pour faire une grande expédition. Je désirerais beaucoup que vous fissiez exécuter des modèles en petit d’une flûte, d’une gabare, d’une écurie tout armée, avec tous les détails accessoires, tels que vous les avez adoptés, et avec leur canot et une grande péniche. Il est nécessaire qu’il y ait à Toulon tout ce qui est nécessaire pour une expédition d’Egypte. Faites-moi un rapport sur l’espèce de bâtiments la plus convenable, 1° pour remonter le Nil, 2° pour entrer dans les lacs à côté d’Aboukir.

 

Paris, 8 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Faites-moi un rapport sur le port de Santona, situé sur la cèle d’Espagne, entre le Passage et Santander. Des renseignements me portent à croire que les Anglais veulent s’emparer de ce point pour en faire un second Gibraltar. Quel intérêt ce port peut-il avoir sons le point de vue maritime ? Je désire que, indépendamment de la corvette la Coquette, vous fassiez armer la corvette la Friponne, et les bricks le Flibustier et l’Épervier, afin de pouvoir porter des secours de vivres et munitions à Santander et Santona. Donnez ordre sur-le-champ que ces bâtiments soient armés.

 

Paris, 8 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

En lisant votre état de situation des bâtiments légers, qui est joint à votre lettre du 6, je trouve qu’il y en a plus qu’il n’en faut. Il y en a trois : les goélettes la Rose, l’Estafette, le demi-chebec la Sirène, les trois demi-chebecs qui sont à Bouc, la mouche n° 21 , celle n° 22, les stations de l’île d’Elbe; tout cela offre plus de moyens qu’il ne faudrait pour les bâtiments à envoyer à Otrante; mais il est incertain si ces bâtiments arriveront, et, s’ils arrivent, ils mettront à faire ce trajet un temps infini. Le plus court serait de faire construire à Trieste ou Venise, à mon compte, dix beaux bâtiments légers, plus forts que les doubles péniches et canots de vaisseaux et propres au passage d’Otrante à Corfou. Je désire que vous fassiez arrêter le modèle de ces bâtiments; lorsqu’il aura reçu mon approbation, j’ordonnerai qu’on en construise dix pour la France et dix pour l’Italie. Les dix pour le compte de la France pourraient être construits quatre à Corfou et six à Venise. Ainsi le problème se réduit à ceci : porter des paquets, des hommes, de l’argent de Corfou à Otrante.

Je pense que la station de Corse n’est pas assez forte et que le général Morand a raison. La marine sarde est plus forte que la mienne ; la marine sarde maltraite souvent les bâtiments corses; c’est une véritable honte. Il me semble qu’il est nécessaire d’avoir à Bonifacio une corvette et deux bricks qui aient le double avantage de surveiller la communication des deux Îles et de manière à être plus considéra­bles que les galères et les corsaires sardes.

Je pense qu’il faut également à Bastia et à Ajaccio deux bricks ou corvettes ; mais il faut que ces bâtiments aient ordre d’être perpétuel­lement en appareillage; qu’ils reçoivent les ordres du gouverneur et fassent la police de toutes les côtes. Cela n’empêche pas que ces bâtiments puissent faire des voyages en France et en Italie, soit pour porter des dépêches en France, soit pour amener des matelots; mais ils devront s’en retourner, soit avec des conscrits, soit avec autre chose, à Corfou. Faites-moi un rapport là-dessus. Le service de la Corse a toujours été très mal fait.

 

Paris, 8 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je vous prie de me faire remettre sous les yeux la situation des trois bataillons de marche organisés à Bayonne, afin que je décide sur leur destination ultérieure.

Vous ferez connaître au duc d’Istrie que les dernières nouvelles de Londres donnent des détails sur le Portugal jusqu’au 18 février, qu’il parait que le duc de Dalmatie s’est emparé de Badajoz et marche sur le Tage. Il est nécessaire de faire connaître au duc d’Istrie que je suis surpris qu’il demande des régiments définitifs au lieu de provisoires ; comment peut-il supposer, lui qui est resté si longtemps auprès de moi, que j’ignore que les régiments définitifs sont cent fois meilleurs ? Mais il devrait sentir que je ne puis faire autrement. Les régiments définitifs sont engagés dans l’intérieur de l’Espagne ; je ne puis les renforcer qu’en formant des régiments provisoires avec les détache­ments des dépôts. Par cette mesure, les régiments provisoires doivent rester dans l’arrondissement du nord et être ainsi sous sa surveil­lance et celle des généraux Reille et Caffarelli. Ils doivent donc et avoir un soin tout particulier pour leur fournir l’argent, l’habillement, la chaussure et mettre leur administration en règle. Il faut que vous écriviez au duc d’Istrie et aux généraux Reille et Caffarelli dans ce sens, pour savoir ce qu’ils ont fait pour la bonne organisa­tion de ces corps. Quoi que l’on en dise, le pays est capable de fournir ce qui leur est nécessaire en draps, cuirs, etc. Dans la néces­sité où je suis de former et maintenir des armées du côté du Nord, je ne puis fournir à tous.

Donnez ordre au duc d’Istrie de faire attaquer par le général Seras les corps insurgés qui sont entre Astorga et Villafranca. Ce n’est qu’en prenant avec les brigands l’initiative, qu’on peut espérer des résultats; pour en venir à bout, il faut leur faire une guerre active et vigoureuse.

 

Paris, 8 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, j’ai donné l’ordre aux ministres de la guerre et de la marine, et je désire que vous surveilliez l’exécution de cet ordre auprès du ministre de la guerre, d’envoyer à Santona 100,000 cartouches d’infanterie, vingt milliers de poudre, cinq affûts de 24, cinq cents outils à pionniers et 100,000 rations de biscuit, lesquels seront pris à Bayonne et transportés par mer. J’ai ordonné que le nombre des bouches à feu de Santona fut complété à trente, savoir : quinze d’un calibre supérieur à 18 pour battre la mer, et quinze d’un calibre inférieur à 10 pour être placées du côté de terre. Le général Caffarelli tirera de Saint-Sébastien, de Bilbao, de Santander les pièces nécessaires pour compléter ce nombre; Bayonne même pourra en fournir. On enverra à Santona trois mortiers du calibre des bombes qui s’y trouvent; on les prendra à Saint-Sébastien ou à Santander et, en cas que cela soit nécessaire, on les demandera à Bayonne. Vous voyez par mes dispositions que mon intention est que Santona soit occupée dune manière sérieuse. Vous donnerez ordre au duc d’Istrie d’y envoyer un officier d’état-major pour y commander comme commandant d’armes; d’y mettre une garnison d’un bataillon de 600 hommes; d’y envoyer un officier du génie avec 25,000 francs, un officier d’artillerie et tous le canonniers de marine qui se trouvent à Saint-Sébastien, à Bilbao et à Santander, de manière à former au moins 120 canonniers. Le duc d’Istrie enverra également à Santona la le compagnie de pionniers qui est à Burgos, forte de 150 hommes, avec 1,000 outils qui seront tirés de Bilbao et de Santander. Les 600 hommes du bataillon envoyé à Santona ne feront autre chose que de travailler sans relâche à se retrancher. On élèvera trois bat­teries de cinq pièces chacune du côté de la mer, et on garnira de quinze ou vingt pièces de canon les retranchements du côté de terre. Le général Caffarelli enverra de Bilbao des vivres pour approvision­ner ce poste pendant deux mois, afin que, en cas que les Anglais se présentent, les troupes puissent se défendre assez de temps pour que le général Caffarelli puisse aller les dégager. Avec deux mois de vivres, les avantages qu’offrent les localités et les moyens que je mets à votre disposition, on peut, en avril et mai, mettre ce poste en état de défense et en faire une espèce de citadelle qui serve de point d’appui sur cette côte et empêche l’ennemi de s’en emparer.

Envoyez ces ordres par un de vos officiers d’état-major, qui verra commencer les fortifications, en rapportera le dessin, et rendra compte du commencement des travaux. Je donne ordre qu’un bâti­ment armé se rende à Santona pour être toujours maître de la rade et supérieur aux petites embarcations du pays.

 

Paris, 9 mars 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

J’ai lu avec attention votre travail du 4 mars sur l’organisation des contributions dans les territoires de 3 ou 400,000 âmes pris sur la Confédération du Rhin et réunis à la Hollande. Vous voulez y placer les impositions hollandaises : il me semble qu’il y a là beaucoup d’in­convénients. Ces pays, qui payent moins que la France, se trouve­raient payer plus qu’elle. Mon intention est d’amener la Hollande aux impositions françaises, et le plus tôt que cela se fera mieux cela vaudra. Un grand empire n’est pas gouvernable autrement. Je vou­drais qu’en 1812 vous puissiez en approcher. Cela n’empêcherait pas de conserver le droit de mouture pour équivaloir au payement de leur dette. Je désire donc que les nouveaux pays soient organisés à la française. Cela fera un peu d’embarras; mais ce pays peut être mis dans la dépendance de l’intendant de l’intérieur.

Envoyez chercher le comte Rœderer; il connaît parfaitement le département de Munster, et il pourra vous donner des lumières là-dessus. Je désire que vous fassiez venir à Paris le magistrat de Munster qui vient d’être nommé au Corps législatif et quelques individus de Munster et des pays voisins qui connaissent le mieux ces matières, afin de les consulter. Le comte Rœderer pourra vous en indiquer.

 

Paris, 9 mars 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Le ministre des finances vous enverra le budget de l’année d’Alle­magne que j’ai reçu du prince d’Eckmühl. Je vous prie de me faire un rapport. Je remarque qu’on y porte deux millions pour l’habille­ment. Je désirerais que vous vous chargeassiez de la masse d’habille­ment, de manière qu’on ne donnât rien aux corps de l’armée d’Alle­magne. Cela réduirait les dépensés de cette armée. Vérifiez si les chiffres ne sont pas trop forts, et voyez ce que vous avez porté pour l’armée d’Allemagne dans votre budget.

Faites-moi connaître ce qu’a coûté en 1810 et à combien est éva­luée pour 1811 la masse d’habillement. Les rois de Naples et de Westphalie habillent une partie de mes troupes. Comment payent-ils la masse, et à qui ? Et comment vous arrangez-vous ensuite avec les dépôts ?

 

Paris, 9 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je réponds à votre lettre du 7 mars sur la convention avec la Westphalie. Je ne puis rien changer aux limites portées dans le sénatus-consulte ; les plans ont été envoyés au Sénat. Il faudrait un nouveau sénatus-consulte que je ne veux pas faire ; ce serait jeter une défaveur d’instabilité sur toutes ces acqui­sitions. En cédant le Hanovre à la Westphalie, je lui cède beaucoup plus que je ne lui prends, puisqu’elle me cède une population de 224,000 âmes et un territoire de 76 milles carrés, et que ce que je lui donne comprend 300 et quelques mille âmes et 200 milles carrés. C’est une différence énorme en faveur de la Westphalie, et qui compense entièrement celle qu’il peut y avoir dans les revenus. Je ne dois donc rien à la Westphalie, et c’est elle qui me devrait. Voilà 1’exacte justice.

Cependant, non a titre d’indemnité, mais pour donner une nou­velle preuve de tout le bien que je désire au royaume de Westphalie, je cède ce qui me reste de domaines en Westphalie dont je n’ai pas encore disposé. Le Roi évalue ce restant disponible à 240,000 francs de revenu ; je pense que cette évaluation est exacte; mais il est pos­sible qu’elle soit susceptible de diminution, parce qu’il y a de la part des donataires diverses réclamations à exercer contre le Roi, et qu’il est juste que le restant des domaines leur serve de gage, et enfin parce qu’il faudra déduire de cet abandon les domaines dont je n’ai pas encore disposé dans les pays qui viennent d’être détachés de la Westphalie pour être réunis à l’Empire, mon intention n’étant pas de céder au Roi les domaines qui seraient devenus français.

Il faudra consulter M. Defermon et mettre au moins deux ou trois articles pour bien expliquer cette cession, vu que je ne cède pas les dotations de 4,000 francs ni celles de 2,000 qui n’ont pas encore le nom des titulaires, mais qui sont affectées, ni tout ce qu’il y aurait de vacances par suite de la réversibilité au domaine extraordinaire.

Enfin il est nécessaire aussi que le Roi renouvelle l’engagement d’indemniser tous les donataires qu’il a dépossédés ou auxquels il doit des indemnités.

Je consens à me charger de la dette propre des provinces westphaliennes entièrement réunies à l’Empire, c’est-à-dire de la dette hypo­théquée sur le sol. Je consens que la dette des provinces, dont une partie est réunie à l’Empire et une autre partie reste à la Westphalie, soit partagée proportionnellement en raison de ce que chaque puis­sance conserve de ces provinces. Quant à la réduction du capital, ces dettes suivront le même sort que celles de Hambourg et de Bremen, etc., et je ne pourrai prendre de détermination à cet égard que lorsque je connaîtrai la quantité de la dette.

Je ne puis faire aucun changement aux bons. Ils ne sont plus ma propriété; ils sont entrés dans une organisation de service qui n’est plus susceptible de changement.

Je fais don au roi de Westphalie de toute contribution arriérée du Hanovre. Il n’y a pas de difficulté là-dessus. Par contre, le Hanovre n’aura rien à réclamer de l’administration de l’année pour dépenses dues et qui auraient pu être payées sur cet arriéré.

Quant à Magdeburg, je ne puis me dessaisir en ce moment d’une place de cette importance. Il faut attendre qu’une paix générale ait tranquillisé toutes les affaires.

Les troupes françaises seront réduites à 12,500 hommes, comme cela avait été convenu primitivement, au lieu de 18,500, nombre actuel.

Quant à la question du rachat des donations, je consens pour moi et pour les donataires que tous ceux qui ont 4,000 francs de rente soient remboursés avec un bon de 80,000 francs portant inté­rêt à 5 pour 100, payable par semestre à Paris; lequel bon, repré­sentant le capital, sera remboursé par le roi de Westphalie en 5 pour 100 qu’il achètera sur le grand-livre. Cette conversion se fera aussitôt que faire se pourra, et de manière que tout soit remboursé dans l’espace de dix ans. Par ce traité, le Roi gagnera beaucoup, puisque aujourd’hui, au lieu de payer 80,000 francs à chaque donataire, il pourra rembourser le capital de chaque rente de 4,000 francs avec 64,000 francs. Mais plus le Roi tardera à rembourser, plus il sera dans le cas de perdre.

 

Paris, 9 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, le gouvernement d’Aragon sera augmenté des pro­vinces de Tortose, de Lerida, de Tarragone et des pays à l’ouest d’une ligne partant de la tour de Garraf sur le bord de la mer, passant au col d’Ordal, suivant le cours de la Goya jusqu’à Llorracli, celui de la rivière Llobregos jusqu’au Segre, et de là les frontières de la pro­vince de Lerida jusqu’à la Noguera, qui divisera, comme autrefois, les deux gouvernements jusqu’aux Pyrénées.

Vous ferez connaître cette disposition au général Suchet, en lui annonçant que toutes les troupes faisant partie de l’armée active de Catalogne passeront sur-le-champ sous ses ordres, savoir, quatre régiments (le 7e de ligne, le 42e de ligne, le ler léger, le 10e de ligne), la division italienne, la division napolitaine, le 24e de dra­gons, les dragons Napoléon, les chasseurs royaux.

Il laissera sous les ordres du duc de Tarente le 29e de chasseurs, le bataillon du 93e de ligne, le bataillon du grand-duché de Berg et une compagnie d’artillerie. Ce détachement se rendra à Barcelone pour en augmenter la garnison et faire partie de l’armée de Cata­logne, dont le quartier général sera à Barcelone. L’escadron du 24e dragons et les détachements italiens et napolitains des corps fai­sant partie de l’armée d’Aragon, qui sont dans la haute Catalogne ou à Barcelone, rejoindront leur corps en Aragon aussitôt que ce mou­vement pourra se faire avec sûreté. Il appartiendra à l’armée de Cata­logne d’occuper le Monserrat et d’assiéger Cardona, Berga et Urgèl; il appartiendra à l’armée d’Aragon de faire le siège de Tarragone.

Le général Suchet se concertera avec le duc de Tarente pour la marche de ce dernier sur Barcelone avec le détachement qui doit y entrer avec lui ; on verra s’il est à propos de faire faire un mouvement au corps d’armée active de Catalogne en tout ou en partie, soit pour s’emparer définitivement du Monserrat et refouler l’ennemi sur Tar­ragone, soit, si l’opération n’est pas jugée actuellement nécessaire, pour protéger la rentrée à Barcelone du détachement du duc de Tarente. Dans ce dernier cas, le duc de Tarente menacera Mon­serrat d’une attaque pour y retenir l’ennemi et empêcher qu’il ne sorte pour inquiéter le siège de Tarragone.

Vous vous concerterez avec le ministre de la guerre pour expédier chacun un officier porteur d’ordres en duplicata par deux routes dif­férentes, celle de Pampelune et celle de Jaca. L’officier qu’enverra le ministre de la guerre portera vos ordres et les siens ; il arrivera d’abord chez le général Suchet, à qui il remettra les ordres à lui des­tinés; il ne se rendra chez le duc de Tarente, pour lui remettre les siens, qu’après avoir reçu les ordres du général Suchet. L’officier que vous enverrez par l’autre route avec les duplicata de vos ordres et de ceux du ministre arrivera également d’abord chez le général Suchet, dont il prendra les ordres pour le jour et le temps qu’il arrivera à Lerida. Mon intention est que le général Suchet arrive à l’armée peu après l’officier. Il faut choisir des officiers intelligents et qui connais­sent leur mission, afin qu’en cas d’événement, soit de départ du général Suchet, soit même de mort, ils ne remettent rien au duc de Tarente qu’après avoir vu le général Suchet ; vous comprenez l’importance que l’armée de Catalogne ne reste point sans commandant, et que le général Suchet soit instruit et puisse diriger toute cette affaire.

Vous ordonnerez au général Suchet de s’occuper sur-le-champ du siège de Tarragone. Il choisira sa ligne d’opération ou par Lerida ou par Mora. Il fera fortifier des points intermédiaires; celui de Monblanch parait très important à occuper solidement par des retranche­ments. Il portera des approvisionnements considérables sur le col combinés

 

Paris, 10 mars 1811.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je viens de lire la lettre du duc d’Istrie du 20 février. Il vous dit que cinquante individus ont fait bien du mal en Espa­gne et m’ont mis dans la nécessité d’envoyer dans la Péninsule 100,000 hommes de plus. Qu’il me nomme donc les coupables, afin que je puisse les faire punir.

 

Paris, 10 mars 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Donnez 6,000 francs de gratification à l’évêque de Savone, qui est très pauvre.

 

Paris, 10 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous renvoie les lettres du général Baraguey d’Hilliers. Il n’est pas encore temps de lui faire connaître les changements que j’ai faits dans la Catalogne, puisqu’il ne serait pas convenable que le duc de Tarente les apprît d’une manière indi­recte. Mais il faut lui envoyer un officier et lui mander qu’aussitôt que le général Quesnel sera arrivé à Puycerda et cherchera à prendre le fort d’Urgel, cela attirera d’autant l’ennemi de ce côté; qu’il fau­drait occuper les positions d’Olot et de Vich, et reconnaître les autres positions qu’il y aurait à occuper pour se maintenir réellement en communication avec Barcelone; que l’ennemi va être serré de très près du coté de Tarragone et inquiété du côté d’Urgel; qu’il faudrait l’empêcher de s’établir entre Puycerda ou la vallée du Segre et la vallée de Girone; qu’il parait nécessaire d’occuper Olot, Ripoll et Vich, et d’avoir entre Barcelone et le château de Hostalrich un ou deux points crénelés et fortifiés, du côté de Granollers, situé au point de réunion du chemin de Vich et de celui de Hostalrich; que, si le général Baraguey d’Hilliers fait occuper Granollers et Vich, il se trouvera en communication avec Barcelone; qu’alors des mouvements combines seront concertés avec la garnison, et qu’il sera inutile d’en­voyer le 102e à Barcelone, puisque cela fera le même effet; mais que cela ne peut avoir lieu qu’autant qu’arrivé à Vich et à Granollers on remuera sur-le-champ de la terre, qu’il crénellera des maisons, qu’on placera quelques pièces de canon, et qu’en fin, par ces précau­tions, on se mettra tout à fait à l’abri des miquelets et des bandes ennemies; qu’il a de l’artillerie et des sapeurs qu’il peut employer sur-le-champ; que la mission de l’officier que vous lui envoyez est de rapporter son opinion sur ce plan, sur la manière de remplir le but, d’empêcher l’ennemi de s’établir entre la Cerdagne et Girone, sur le projet d’occuper Olot, et enfin sur celui de se placer à Vich et à Granollers de manière à communiquer avec Barcelone avec des détachements de 2 à 300 hommes; bien entendu que les colonnes placées à Vich et à Granollers feraient des sorties combinées avec celles de la garnison de Barcelone toutes les fois que l’ennemi se pré­senterait; que ces opérations deviendront faciles, la division Quesnel étant à Puycerda, Tarragone se trouvant cernée, et l’armée rentrant en Catalogne (car je ne la considère pas comme étant en Catalogne, en ce moment qu’elle est à Lerida, au delà des montagnes), et que toutes ces dispositions vont faciliter beaucoup la soumission du pays; mais que, pour arriver à ce résultat, il faut se fortifier de manière que des détachements de 50 ou 60 hommes, en ayant du canon, soient à l’abri de toute attaque, ce qui a été fait dans l’intérieur de l’Espa­gne et a partout réussi ; que ce projet est plus avantageux que celui de renforcer Barcelone, d’autant plus que la garnison de Barcelone pourra occuper des points intermédiaires en avant de cette place.

 

Paris, 10 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

La lettre du général Molitor me parait ridicule. Témoignez-lui ma surprise de ses craintes ; écrivez-lui qu’il n’y a point de fleuves qui le séparent de la France, et qu’il n’a rien à craindre des Anglais; que les troupes hollandaises sont très bonnes; que ce n’est pas en décla­mant contre les troupes hollandaises qu’on avance la besogne, mais en faisant connaître les mauvais officiers pour les déplacer ; qu’il doit y avoir à Amsterdam un commandant d’armes; que je ne vois pas d’inconvénient qu’on augmente l’état-major de cette place de trois officiers; que, s’il a besoin de dépenses secrètes, c’est M. l’architrésorier qui doit y pourvoir, et qu’il doit s’adresser à lui; que sa com­munication avec la France est par Gorcum, qui doit toujours être occupé; que la place de Dordrecht est une place de dépôt. Faites-moi connaître qui a placé les approvisionnements d’artillerie à Delft. Le vrai endroit où il faudrait les placer, ce n’est pas à Dordrecht, mais à Gorcum. Au reste, ce point doit être traité au prochain conseil d’artillerie, ainsi que pour les autres places de Hollande.

Quant à son traitement et à celui des généraux, de combien sont-ils ? Faites-moi connaître si vous croyez convenable qu’il faille les augmenter ou donner des gratifications.

Ajoutez au général Molitor qu’il n’y a à craindre aucun débarque­ment que dans le seul cas où nous aurions la guerre continentale, et qu’on y pourvoirait; que même quand il devrait se faire, quoiqu’il n’y eût point de guerre du continent, il n’aurait lieu qu’en juin, et qu’alors il recevrait l’ordre de camper les troupes.

 

Paris, 10 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vous renvoie votre travail sur la répartition de la conscription. J’ai mis sur les états quelques notes de ma main. Je joins aussi quel­ques observations sur des rectifications à faire. Après que ce travail aura subi ces changements, il sera complet. Ces changements ont trois buts : 1° de ne pas donner trop de Piémontais et de Belges à un seul corps; 2° de ne donner à aucun corps plus de 1,200 hommes, afin que les 4e bataillons dont les cadres sont en France soient tous complétés par le premier appel de la conscription; 3° de mettre sur une colonne la distribution de la réserve, de manière à arriver aux résultats suivants : compléter à 4,400 hommes les 15 régiments de l’armée d’Allemagne; compléter les régiments de l’intérieur, les cadres des 5e bataillons et ceux des 3e et 4e bataillons qui sont en France.

Quant à l’état n° 3 de la répartition de 2,300 Toscans, 1,000 Ro­mains, 2,000 Hollandais, 400 hommes des Bouches de l’Escaut, j’y ai mis à la main quelques rectifications qui indiquent de quelle manière je désire que cela se fasse.

Renvoyez-moi votre travail ainsi corrigé.

 

Paris, 10 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, la campagne va s’ouvrir dans la Balti­que. Il serait bien important d’encourager les corsaires à Lubeck et à Danzig. Faites-moi un rapport là-dessus.

P. S. Faites-moi connaître quels sont les plus grands bâtiments qui entrent dans le port de Danzig ; je désirerais y avoir une corvette, deux petits bricks et quelques chaloupes canonnières, non seulement pour la police de la rade, mais pour avoir un prétexte de tenir là deux ou trois officiers. Les bâtiments s’achèteraient ou se construi­raient à Danzig, et seraient armés par des gens du pays. Faites-moi un rapport là-dessus. Aussitôt qu’on saura quelle espèce de bâtiments on peut avoir à Danzig et qu’on aura les plans, il ne s’agira plus que d’y envoyer un officier de marine et un ingénieur.

 

Paris, 10 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrés, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, vous connaissez mes projets sur la marine pour 1811, 1812, 1813 et 1814. Je désire avoir un budget qui me donne une idée des sacrifices que je dois faire pour remplir ces intentions. Vous connaissez la base de ce travail : une flotte à Toulon, une flotte à Brest et une flotte dans l’Escaut; une flottille et, de plus, une flotte de transports dans l’Escaut et une autre à Toulon. Il faut construire, mettre à l’eau et avoir prêts à prendre la mer, avec hommes et vivres, autant de vaisseaux que j’en puis construire.

Le Texel. — En 1812, j’aurai au Texel dix vaisseaux armés et équipés prêts à mettre à la voile, y compris le vaisseau de 74 que je commence cette année. J’aurai aussi les quatre frégates que je com­mence également cette année, et qui formeront l’escadre légère.

En 1813 et 1814, j’aurai le même nombre de vaisseaux; mais au lieu de quatre frégates au Texel j’en aurai six, et deux de plus dans l’embouchure de la Meuse; ce qui fera une nouvelle augmentation de huit. Il faudra y joindre les bricks et les corvettes nécessaires.

J’emploierai ces deux années à bien organiser cette escadre, mais la solde et l’entretien des équipages me coûteront des sommes considérables. Que me coûtera-t-elle en 1812, en 1813, en 1814 ?

Dans l’Escaut. — En 1811, j’aurai douze vaisseaux provenant de 1810; six vaisseaux mis à l’eau, armés et équipés pour 1811, les vivres et la solde pour les équipages pendant les trois derniers mois , deux vaisseaux hollandais; total, vingt vaisseaux.

J’aurai une frégate mise à l’eau et équipée pour 1811, avec solde pour les équipages pendant les trois derniers mois de l’année ; deux frégates de Dunkerque, armées et équipées, avec les vivres pour les huit derniers mois de 1811 ; total, trois frégates.

J’aurai quelques corvettes et bricks et six frégates hollandaises armées en flûte pour servir de transports, lesquelles seront employées comme casernes pour les garnisons de Flessingue depuis août jusqu’à novembre, et rentreront à Flessingue pendant les glaces.

En 1812, mettre six vaisseaux de guerre à l’eau et une frégate; les armer et équiper, et avoir les vivres des équipages pour les six derniers mois.

En 1813, de même, en sorte qu’à la fin de 1813 j’aurai trente-deux vaisseaux et cinq à six frégates dans l’Escaut, indépendamment d’un certain nombre de transports, tout cela équipé, avec des vivres pour 6 mois, et prêt à prendre la mer. Qu’est-ce que cela me coûtera en 1812 et 1813 ?

Escadre de Brest. Chantier de Cherbourg. — En 1811, mettre un vaisseau à l’eau ; en 1812, mettre un vaisseau à l’eau; en 1813, mettre un vaisseau à l’eau; ce qui me fera trois vaisseaux armés et équipés, avec les équipages et les vivres.

Brest. — En 1811, trois vaisseaux existants, dont deux à Cher­bourg et un à Brest. Dans les trois années on construira à Brest trois vaisseaux, savoir, un en 1811, un en 1812 et un en 1813.

Avoir soin que sur ces trois vaisseaux il y en ait deux à trois ponts.

Chantier de Lorient. — En 1811, quatre vaisseaux équipés et armés, avec les vivres et équipages pour les huit derniers mois ; en 1812, deux vaisseaux seront mis à l’eau, armés et équipés; en 1813, de même; ce qui fera dix-sept vaisseaux. II y aura, en outre, la frégate de Cherbourg; celle de Saint-Malo, en ajoutant une frégate par année; celle du Havre et deux frégates à achever; à Brest, une frégate à construire et deux autres; à Lorient, deux frégates com­mencées; à Nantes, six frégates qui sont sur le chantier et qui seront finies en 1812, quatre autres pour 1813; total, vingt-trois frégates. Me faire connaître ce que cela me coûtera en 1812 et 1813.

Escadre de Rochefort. — En 1813, les huit vaisseaux aujourd’hui existants et cinq vaisseaux à trois ponts à construire, y compris les deux actuellement sur le chantier; les six frégates existantes et  la frégate aujourd’hui sur le chantier.

Chantier de Bayonne. — Les deux frégates commencées à Bayonne.

Chantier du Passage. — Deux vaisseaux à construire en 1812 et 1813; deux frégates.

Escadre de Toulon. — En 1811, les seize vaisseaux existants; en 1812, les trois sur le chantier ; en 1813, deux autres, les frégates existantes, la frégate actuellement sur le chantier, une autre.

Chantier de Gênes. — Deux vaisseaux à Gènes en 1813; trois fré­gates actuellement en construction, trois autres.

Chantier de Livourne. — Une frégate actuellement en construction, une autre.

Dans l’Adriatique. — En 1813, les six vaisseaux actuellement en construction, les trois frégates, les deux frégates neuves.

Cela fera, au total, cent trois vaisseaux et soixante et seize fréga­tes; ce qui, joint aux quatre vaisseaux et six frégates du royaume d’Italie et aux deux vaisseaux et quatre frégates napolitaines, fait un total de cent neuf vaisseaux, quatre-vingt-six frégates.

Enfin la flottille et les deux flottes de transports que j’ai ordonnés, et les bâtiments garde-côtes comme ils existent.

Tel est l’aperçu qu’il faut compléter et d’après lequel vous devez raisonner. Or, combien l’équipement, la nourriture, la solde et l’entretien de pareilles forces navales me coûteront-ils en 1812, 1813 et 1814 ?

Faites-moi un projet de budget de 1812 et 1813 dans ce sens.

 

Paris, 10 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je pense qu’il est convenable que vous expédiiez un courrier extraordinaire en Russie. Ce courrier pourra être porteur d’une lettre du général Lauriston à M. de Romanzof, dans laquelle il lui fera connaître son prochain départ, son désir de lui être agréable, et son espérance que sa mission aura l’approbation de l’empereur. Vous ferez connaître au duc de Vicence que, les An­glais annonçant l’intention d’envoyer une flotte considérable dans la Baltique, j’ai cru devoir renforcer la garnison de Danzig de quelques compagnies d’infanterie et d’artillerie ; que l’infanterie est toute saxonne ou polonaise; qu’une partie de l’artillerie seule est fran­çaise; que, Stettin se trouvant, par ces combinaisons, privé d’une partie de sa garnison, qui est envoyée à Danzig, je porte à Stettin un régiment français. Vous écrirez au duc de Vicence que cela doit être pour sa gouverne, et que, quand ces nouvelles perceront, il doit dire qu’il est tout simple que je ne laisse pas Danzig sans garnison, puisque les Anglais débarquant avec 8 ou 10,000 hommes dans la Baltique prendraient ce point important.

Le duc de Vicence doit faire connaître que cette année je forme de grands camps à Toulon, à Boulogne, sur l’Escaut et au Texel.

Vous lui parlerez également de l’inquiétude de la Suède ; vous lui direz que ces gens s’agitent extrêmement; qu’il peut, si cela est néces­saire, en parler à l’empereur et à M. de Romanzof.

Vous lui parlerez également de la levée de la conscription. Vous lui direz qu’elle n’est dirigée que contre l’Angleterre; que je n’ai envie de chercher aucune espèce de querelle à la Russie, mais que je serais forcé de lui faire la guerre si elle se remettait avec l’Angleterre.

Parlez-lui de la situation commerciale de l’Angleterre, de ses vives discussions avec l’Amérique, et de l’espérance qu’il y a d’en venir à un résultat si l’on marche franchement en Russie, de la nécessité d’arranger les affaires relatives au commerce pour éviter toute acri­monie, et de finir également l’affaire du duc d’Oldenburg; je ne puis m’en rapporter là-dessus qu’à votre dernière lettre. Vous ajouterez que je viens d’arrêter le budget des fortifications de Danzig, puisque l’empereur Alexandre fait fortifier de son côté, et parce que je dois d’ailleurs mettre cette place à l’abri des attaques des Anglais.

Par ce courrier que vous enverrez à Saint-Pétersbourg, vous écri­rez au comte Saint-Marsan pour lui faire connaître le langage qu’il doit tenir sur le mouvement des troupes que j’envoie à Danzig et à Stettin; vous lui donnerez aussi des détails sur les fusils, et vous lui ferez connaître notre situation avec la Russie.

 

Paris, 11 mars 1811

Au général comte de Lariboisière, premier inspecteur général d’artillerie, à Paris

Monsieur le Général Comte Lariboisière, je désire que vous pre­niez des renseignements et que vous me remettiez directement, et sans confier à personne mon secret, un projet d’équipage de siège suffisant pour assiéger et prendre Spandau, tiré de la place de Magdeburg; un projet d’équipage pour prendre Kolberg, en le tirant de Stettin et de Küstrin; enfin un projet d’équipage pour faire le siège de Neisse, en le composant de l’artillerie que fournira la place de Glogau et de l’artillerie que peut avoir la Saxe. Faites-moi connaître quelle devrait être la composition de ces équipages pour mener de front ces trois sièges, ce qui existe dans les places que je viens de nommer, le personnel et les attelages d’artillerie qui seraient nécessaires.

 

Paris, 11 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, vous recevrez un décret par lequel je crée deux régiments de la Méditerranée, organisés chacun comme mes régiments d’infanterie; le 1er comme l’infanterie légère, le 2e comme l’infanterie de ligne. Il n’y aura dans ces régiments ni grenadiers, ni voltigeurs; les compagnies d’élite n’y seront formées que d’après mes ordres, lorsque ces régiments auront deux ans de service.

Le 1er régiment sera formé du régiment actuel de la Méditerranée, qui est un régiment d’infanterie légère; il y aura cinq bataillons. L’état-major et le 5e bataillon ou dépôt seront à Ajaccio, où se tiendra son conseil d’administration.

Les quatre bataillons de guerre seront : un à l’île d’Elbe, un à Ajaccio, un à Bonifacio et Sartène, et le quatrième à Ajaccio, selon les circonstances et sa force, ou à Corte et Vico. Ce régiment au complet sera de près de 4,000 hommes.

Le 2e régiment ou nouveau régiment d’infanterie de ligne aura également cinq bataillons. L’état-major et le 5e bataillon seront à Bastia. Sur les quatre bataillons de guerre, un sera à l’île d’Elbe, deux à Bastia et un à Calvi. Les deux bataillons qui seront à Bastia détacheront des compagnies à Saint-Florent et Cervione, si  cela est nécessaire, et celui de Calvi enverra un détachement à l’île Rousse. Cependant, en temps de guerre, on tiendra ces bataillons aussi réu­nis que possible, et on ne fera des détachements qu’en cas d’insuffisance des casernes.

Il est nécessaire que l’on s’occupe avec la plus grande activité à les exercer.

Il faut qu’il y ait à Bastia un bon général de brigade pour surveiller la formation du 2e régiment.

Il y aura à Ajaccio le général de division, avec un adjudant com­mandant, qui sera chargé de surveiller le 1er régiment.

Présentez-moi pour ces deux corps de bons colonels et d’excel­lents majors.

Les officiers et sous-officiers nécessaires pour le 1er régiment doi­vent être tirés de l’infanterie légère, et ceux pour le 2e régiment, de l’infanterie de ligne. Faites nommer sans retard ces officiers et sous-officiers. Il faudra aussi nommer les caporaux, sans quoi on ne pour­rait compter sur ces régiments.

Envoyez-y des tambours et tout ce qui est nécessaire. Il faudra aussi une musique pour chacun de ces régiments, lorsqu’ils seront formés.

 

Paris, 11 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je reçois votre rapport sur le régiment irlandais. Faites-moi un rapport plus détaillé qui me fasse connaître si les officiers et sous-officiers de ce corps sont Irlandais, et s’il y aurait moyen de créer un régiment irlandais qui se recruterait prin­cipalement d’Allemands. Ce régiment pourrait être utile en cas d’une expédition en Irlande. Aussi, s’il se présente assez d’Irlandais pour remplir les places d’officiers, je ne me refuserai pas à former un régi­ment à cinq bataillons comme les régiments de ligne.

 

Paris, 12 mars 1811

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Pourquoi les pensions ecclésiastiques n’étaient-elles pas payées à Rome au 27 février, et d’où cela vient-il ?

 

Paris, 12 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, il serait convenable que le pays de Munster, ainsi que l’Osnabrück et les différentes parties des souve­rainetés qui viennent d’être réunies et forment les trois nouveaux départements, envoient des députés à Paris, tant pour présenter l’hommage de l’obéissance de leurs concitoyens que pour donner des renseignements sur le pays. Il est nécessaire également qu’on finisse promptement tout ce qui est relatif aux princes de Salm et d’Arenberg et que les indemnités leur soient réglées. Il faut mettre dans les journaux des extraits sur la prise de possession de tous ces pays.

 

Paris, 12 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Les conscrits vont bientôt passer en Italie. Il est donc convenable de bien s’assurer que la navigation militaire du Pô, de Turin à Plaisance et à Mantoue, est établie, afin de soulager d’autant ces jeunes-gens, et renouveler les ordres pour qu’au couvent du mont Cenis ils aient du vin et une ration.

 

Paris, 12 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, il résulte du travail que vous m’avez envoyé sur les conscrits réfractaires et déserteurs que les départe­ments qui doivent fournir au régiment de la Méditerranée ont encore 21,000 hommes à fournir, que ceux qui fournissent au régiment de Walcheren doivent encore 11,000 hommes, que ceux destinés à recruter le régiment de Belle-Île doivent encore 6,700 hommes, et ceux destinés au régiment de l’île de Ré 22,000 hommes.

Le régiment de Belle-Île, qui doit recevoir 6,700 hommes, ne recevra probablement que 4,000 hommes tout au plus.

Le régiment de Walcheren, qui a 11,000 hommes à recevoir, n’en recevra probablement guère que 8,000. Aussitôt que ce régiment aura plus de 4,000 hommes, vous m’en préviendrez, afin que j’or­donne la formation d’un second régiment.

Le régiment de l’île de Ré, ayant 22,000 hommes à recevoir, n’en recevra probablement que 10 à 12,000; ce serait un nombre d’hommes trop considérable pour ce régiment.

Je désire faire à cette distribution les changements suivants :

Les hommes provenant de la 21e division militaire, se montant à 2,800, au lieu d’être dirigés sur Belle-Île, le seront sur Toulon, et de là sur la Corse. Les hommes provenant de la 19e division, dont le nombre est de 8,000, seront également dirigés sur la Corse. Il ne restera donc plus pour le régiment de Belle-Île que les 5,500 hom­mes de la 11e division, les 600 hommes de la 12e, les 5,000 hommes de la 20e; total, 11,000 hommes.

Les régiments de la Méditerranée se trouveront recrutés de 10,000 hommes; ce qui, joint à ce qu’ils doivent recevoir, les portera à 31,000 hommes. J’ai déjà formé des cadres pour 8 à 9,000 hommes, puisque j’ai formé deux régiments. Je suis disposé à en former deux autres, aussitôt que les mesures que je compte prendre pour faire rejoindre les conscrits auront produit assez de monde. Je suis bien aise d’avoir 15 à 20,000 hommes en Corse et à l’île d’Elbe, parce que je pourrais en envoyer à l’armée de Naples, à Corfou et même en Andalousie, et j’ai assez de forces maritimes dans la Méditerranée pour tirer un bon parti de ces hommes.

Il me paraît convenable d’envoyer en Corse un inspecteur aux revues très ferme et très sûr. Il faut que le ministre dé l’administra­tion de la guerre prenne des mesures pour habiller cette grande quan­tité de monde, et que l’artillerie envoie des fusils pour les armer; que les services des vivres et des hôpitaux soient montés pour nour­rir et soigner tous ces hommes dans l’Ile d’Elbe et en Corse.

Présentez-moi un projet de formation de sept colonnes mobiles pour faire rejoindre les 30,000 hommes des régiments de la Médi­terranée, chacune commandée par un général de brigade ou un colonel.

La première colonne sera chargée de faire rejoindre les 8,000 hom­mes de la 19e division militaire; la deuxième colonne, les 2,800 hommes de la 21e division militaire; la troisième colonne, les 6,500 hommes de la 10e division militaire; la quatrième colonne, les 6,600 hommes de la 9e division militaire; la cinquième colonne, les 1,200 hommes de la 7e division et les 800 hommes de la 8e division ; la 6e colonne, les 1,000 hommes de la 27e division et les 2,700 hommes de la 28e division; la septième colonne, les 1,200 hommes de la 39e division militaire. Il est nécessaire que ces colonnes soient en activité au 1er avril.

Prévenez le ministre de la marine du nombre d’hommes qui doi­vent être réunis à Toulon, à Gênes et à Livourne, pour que tout soit prêt à les embarquer sans délai sur la Corse.

Il sera formé deux autres colonnes mobiles, dont l’une, comman­dée par le colonel Henry, de la gendarmerie, sera chargée de faire rejoindre les 2,400 hommes de la 16e division militaire, les 1,400 hommes de la 15e et les 4,500 hommes de la 24e destinés à recru­ter le régiment de l’île de Walcheren.

La deuxième colonne sera chargée de faire rejoindre les 1,700 hommes de la 25e division et les 1,200 de la 26e, destinés au même régiment.

Pour le régiment de Belle-Île, il sera formé cinq colonnes : la pre­mière sera chargée de faire rejoindre les 19 hommes des 1e, 2e, 3e et 4e divisions militaires; la deuxième les 900 hommes de la 5e division militaire ; la troisième, les 500 hommes de la 13e division mili­taire; la quatrième, les 1,800 hommes de la 14e division militaire; la cinquième, les 500 hommes de la 22e division militaire.

Pour le régiment de l’île de Ré, il sera formé deux colonnes mo­biles : l’une qui sera chargée de faire rejoindre les 5,500 hommes de la 11e division militaire; la deuxième, qui sera chargée de faire rejoindre les 5,000 hommes de la 20e division militaire ; après avoir fini ses opérations dans la 20e, elle se rendra dans la 12e division pour faire rejoindre les 600 hommes qui s’y trouvent.

Il sera pris des détachements dans les régiments de cuirassiers et d’infanterie pour former ces seize colonnes mobiles.

Pour que ces mesures aient un résultat, il faut que le général Gilly soit chargé de prendre les mesures convenables pour empêcher la désertion dans l’île de Walcheren, de même que les généraux com­mandant à Belle-Île et dans l’île de Ré. Il est nécessaire que vous me proposiez un projet de règlement sévère pour châtier, par de fortes peines, les déserteurs de ces dépôts.

Enfin, il faut que les cadres des officiers et sous-officiers soient promptement rendus à leur poste, afin que les conscrits, étant classés, surveillés par leurs capitaines, sergents et caporaux, armés, habillés et exercés, prennent sur-le-champ l’allure militaire.

Rendez-moi compte si les cadres des quatre bataillons du 1er régi­ment de la Méditerranée sont complets, et si j’ai nommé tous les officiers et sous-officiers.

Présentez-moi, dans la semaine, le projet de formation du cadre du 5e bataillon et du 2e régiment de la Méditerranée. Il est impor­tant d’avoir des colonels et chefs de bataillon sévères et d’un mérite distingué.

Rendez-moi compte également si les cadres des quatre bataillons des régiments de Walcheren, Belle-Île et File de lié sont nommes et s’ils sont à leur poste.

La Garde peut vous offrir 128 vélites, qui ont plus de trois ans de service, qu’on peut distribuer comme sous-lieutenants dans ces régiments; il faut les faire partir sans délai, et leur accorder même des frais de route pour prendre la diligence.

Vous pouvez tirer de la Garde les adjudants-majors et sous-officiers pour les différents bataillons; nuis c’est surtout de bons quartiers-maîtres qu’il vous faut étudier à trouver, ainsi que de très bons colonels.

Portez une grande attention à la formation de ces cinq régiments, à leur habillement, armement et parfaite organisation.

Il est nécessaire que vous écriviez aux colonels et que vous fassiez dire aux officiers de ces régiments qu’ils doivent regarder ce service comme une mission honorable, et que je leur donnerai plus d’avan­cement que dans la ligne, puisqu’ils auront plus de peine à former des soldats de moins bonne volonté; stimulez-les dans ce sens.

Faites-moi connaître ce que pourrait fournir l’école de Fontai­nebleau.

Vous aviez destiné pour aller à Batavia un certain nombre de jeunes gens des lycées. Ayant discontinué les expéditions sur Batavia, vous pouvez distribuer ces jeunes gens comme sergents-majors dans les cinq régiments.

 

Paris, 12 mars 1811

Au général Duroc, duc de Frioul, grand-maréchal du Palais, à Paris

Je désire tirer de la Garde 128 vélites pour les faire officiers. Il faut qu’ils servent depuis deux ou trois ans, soient propres à former des recrues et parfaitement exercés. Je désire en nommer 56 pour les deux régiments de la Méditerranée en Corse. Tachez d’avoir parmi ceux-là une vingtaine qui parlent la langue italienne. Je veux en mettre 24 dans l’île de Walcheren, parlant flamand ou allemand; 24 dans le régiment de l’île de Ré et 24 dans le régiment de Belle-Île. Présentez-moi ce travail, avec un projet de décret, demain.

Je désire avoir 10 adjudants sous-officiers pris parmi les fusiliers qui sont à Fontainebleau et sont capables. Si on pouvait prendre là une trentaine de sergents-majors, ce serait une chose utile.

 

Paris, 12 mars 1811

Au comte de Najac, conseiller d’État, à Paris

Je reçois votre lettre du 10 mars. Je vous ai témoigné mon mécon­tentement de ce que mes ports étaient sans approvisionnements. Pourquoi, lorsque vous avez été chargé de cette partie, n’en avez-vous pas fait insérer l’observation dans les procès-verbaux du conseil de marine ? J’en aurais été instruit quatre mois plus tôt. Pourquoi ne m’en avez-vous pas prévenu ? Vous n’avez fait ni l’un ni l’autre; ce qui me fait voir que vous n’avez point porté dans cet objet important l’attention qu’il mérite et à laquelle je suis accoutumé de votre part.

 

Paris, 13 mars 1811

NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES.

Tout le travail relatif à la nouvelle organisation de la Corse sera renvoyé au ministre des finances.

L’île sera organisée, sous le titre de département de la Corse, en un seul département divisé en cinq arrondissements.

La préfecture sera composée de la même manière que la préfecture actuelle du Golo, sans augmentation ni diminution de traitement.

Il y aura un sous-préfet de plus, qui sera l’auditeur sous-préfet du chef-lieu.

Les dépenses variables seront réglées comme elles le sont à présent pour le département du Golo, à l’exception seulement de l’abonne­ment du préfet, qui sera augmenté de 10,000 francs, et des faux frais du conseil de l’arrondissement de Vico, qui sera supprimé.

L’organisation de la justice est trop nombreuse et trop chère. On ne trouvera pas assez d’hommes instruits pour former à Ajaccio une cour impériale de vingt juges. Il faudrait que l’organisation fût faite de manière à ne pas coûter plus de 150,000 francs. Peut-être serait-il possible de diminuer le traitement des juges de paix. Leur nombre ne paraît pas pouvoir être réduit sans de grands inconvénients.

Quant aux contributions, elles ne peuvent pas être augmentées, mais il est possible de diminuer les frais de perception et d’augmenter d’autant le produit net. Par exemple, le directeur, l’inspecteur et les contrôleurs des contributions directes ne pourraient-ils pas être en même temps directeurs, inspecteurs et vérificateurs de l’enregis­trement ?

Les droits réunis seront supprimés et remplacés par une augmen­tation de 30,000 francs sur la contribution personnelle et mobilière.

Toutes les facilités seraient données aux habitants pour l’intro­duction des denrées de leur cru en France.

Les dépenses de l’administration des forêts pourraient éprouver une réduction encore plus forte que celle qui est proposée.

Il serait à désirer de trouver moyen de rapprocher les dépenses de l’administration des postes de ses recettes.

Les deux départements ont une dette qui paraît s’élever à 418,000 francs. Il faut faire connaître très en détail comment cette dette se compose.

Il faut expliquer aussi comment les forçats napolitains coûtent 100,000 francs aux ponts et chaussées, et proposer des mesures h prendre pour diminuer la dépense des ponts et chaussées en Corse.

Il faut expliquer également comment le ministre de la guerre paye pour les officiers généraux en Corse 121,275 francs; comment il paye pour les garde-côtes  103,840 francs.   Cela parait exorbitant.

11 convient, en général, de diminuer considérablement les dé­penses, qui sont hors de toute proportion avec les recettes, et de prendre pour règle, dans les combinaisons à faire à cet égard, que le trésor ne peut pas payer pour la Corse plus de 800,000 francs au delà des produits du pays; ce qui ferait 13 ou 1400,000 francs pour les dépenses ordinaires. On entend par dépenses ordinaires toutes les dépenses qui se font en Corse pour un service annuel et permanent, et non pas les dépenses de l’entretien des troupes qu’on pourrait y envoyer, les grands travaux des ponts et chaussées qui seraient arrêtés par le budget, etc.

Le ministre des finances réunira le travail et les renseignements qu’il recevra de tous les ministères pour le former en système com­plet, qu’il présentera an conseil d’aujourd’hui en huit. Les ministres apporteront également leurs propositions pour la partie du service qui les concerne respectivement, et Sa Majesté arrêtera les recettes et les dépenses.

Les suppressions qui pourront avoir lieu sur les employés seront compensées par l’avantage qui résultera pour la Corse de la suppression des droits réunis et des facilités qui seront données pour l’in­troduction des produits du pays en France.

 

Paris, 13 mars 1811

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot Préameneu, je vous envoie les pièces qui m’ont été remises par le comité ecclésiastique. Faites-moi connaître votre opinion. Mon projet serait de convoquer tous les évêques de France, d’Italie et d’Allemagne pour le lendemain de Pâques; cette réunion paraît devoir se faire naturellement à Paris. Faites-moi un rapport sur la manière dont cette convocation doit être faite, et con­certez tout ce qui y est relatif avec le comité du clergé.

 

Paris. 13 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, j’ai besoin d’une place forte sur l’Elbe. Si mes armées étaient en Pologne, je ne pourrais pas me passer d’un point fort qui contiendrait les dépôts, où pourraient se rallier la gendarmerie, les administrations, les hôpitaux et toute la flottille que j’aurais sur la Baltique et aux embouchures de l’Elbe. Hambourg pourrait-il remplir ce but ? Sa population est, il est vrai, de 100,000 âmes, mais celle d’Anvers, de Danzig et de Gènes est à peu près aussi considérable. En jetant un coup d’œil sur la carte de Hambourg, je vois que sur une enceinte de 4,600 toises il n’y en a que 1,600 d’attaquables; le reste est couvert par l’Elbe ou par des lacs et des marais. Il parait que le côté attaquable est Altona; mais Altona est à 1,000 toises et ne peut avoir aucune influence sur le front de Hambourg. On m’as­sure que les 1,600 toises qui composent les fronts du côte d’Altona, et qui sont les seuls attaquables, sont fermés par une enceinte d’une très grande dimension et par des cavaliers, et que ce ne serait pas une chose très coûteuse que de faire quelques demi-lunes et contre-gardes bien tracées,   qui obligeraient l’ennemi à deux sièges et à essuyer trois rangs de feu; que ces ouvrages faits en terre auraient des fossés pleins d’eau en telle quantité qu’on pourrait le désirer ; qu’il y a sur l’enceinte et dans la ville un bon nombre de points où l’on pourrait se retrancher, comme des espèces de citadelles, pour contenir la population ; enfin que Hambourg n’a pas de faubourgs devant lui, et qu’il y a peu de places qui offrent l’avantage, sur 4,000 toises, de n’en avoir que 1,600 d’attaquables. Je désire que vous fassiez vous-même le tour de cette place, en dedans et en dehors, et que vous m’en envoyiez un plan avec une reconnaissance, en me faisant connaître votre opinion sur ce qu’il en coûterait d’abord pour mettre cette place à l’abri d’un coup de main, sur les points par où elle peut être attaquée, sur le parti qu’on pourrait tirer des marais et des inondations, sur les magasins à poudre, les casernes qu’on pourrait y avoir, enfin votre opinion sur cette grande question. Les dépôts des régiments et de l’armée, la réunion de la gendarmerie, des compagnies départementales, formant 5 à 6,000 hommes, joints à 7 ou 8,000 hommes dont on ferait le sacrifice, composeraient toujours une garnison de 12 à 14,000 hommes à Hambourg. Aucune opération sérieuse ne pourrait avoir lieu de la part de l’ennemi dans le Nord sans qu’il ait occupé Hambourg. Cette place tiendrait eu respect les Danois. Il resterait à voir de quelle manière on assurerait le passage de l’Elbe, en occupant les îles sur lesquelles on construi­rait des ponts de bateaux. Si Hambourg n’était pas susceptible de remplir mon but, il faudrait reconnaître Lauenburg, qui est à l’in­tersection du canal qui va de la Baltique à l’Elbe. Ma flottille et des corvettes pourraient-elles remonter jusque-là ? La position de Lauenburg est-elle favorable ? Répondez-moi à ces questions, qui sont très importantes; car un point d’appui dans le Nord contre l’Angleterre, le Danemark, la Prusse, me parait nécessaire.

 

Paris, 13 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, vous ne me parlez plus de Helgoland, ni des moyens de s’emparer de cette île. Vous avez une bonne flottille; tenez-vous en situation de menacer au moins ce point important. Encouragez le plus que possible les corsaires. Ne pourrait-on pas trouver à Lubeck ou à Hambourg un ou deux bricks ou bonnes goélettes à armer pour mon compte ? Vous avez sous la main le consul Leroy, qui est très propre à vous donner des lumières là-dessus.

 

Paris, 14 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai pris un décret pour réunir à Fontainebleau un bataillon de fusiliers-sergents et deux bataillons de voltigeurs et tirailleurs-capo­raux. J’ai nommé un major pour commander ce dépôt. Dans le décret il est question de génie et d’artillerie. Donnez ordre que, le 16, le major et les fusiliers-tirailleurs, qui sont à Paris et qui ont été jugés capables d’entrer dans les bataillons, se rendent à Fontainebleau. Présentez-moi un projet d’instruction et des mesures à prendre pour que le génie et l’artillerie enseignent ce qu’il est nécessaire que con­naissent de leur arme des sergents et des caporaux : cela doit se réduire au moins de choses possible.

Comme les officiers et sous-officiers de ces bataillons ne sont pas nommés, chargez le commandant de la Garde de désigner quelques officiers pour faire partir ces bataillons de Paris, et présentez-moi sans tarder la nomination des cadres de ces trois bataillons.

 

Paris, 15 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au général Donzelot qu’il ménage trop Ali Pacha ; qu’il faut qu’il culbute et brûle sa marine à la moindre insulte qu’il fera : il faut rendre à cet homme outrage pour outrage. Aussitôt qu’il verra de la fermeté, il deviendra humble et soumis.

Vous lui ferez connaître que j’ai pris des mesures pour approvi­sionner sa place pour deux ans pour 12,000 hommes. J’ai donné ordre d’augmenter sa garnison, 1° de 800 hommes d’infanterie légère; 2° de tout ce qui sera nécessaire pour compléter le 6e de ligne.

Avec ces nouvelles forces, si le pacha se fâche, il pourra lui décla­rer la guerre et s’emparer de Butrinto. Ali sentira le danger de sa position et celui d’être attaqué en même temps par le continent; il craindra aussi l’indignation de la Porte. Les Turcs ne se mènent point par la douceur; il faut les forcer de craindre. Aujourd’hui que je ne possède plus Sainte-Maure ni Céphalonie, il est inutile de rien ménager; il ne peut rien sur Corfou.

 

Paris, 15 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

 En conséquence des dispositions de ma lettre du 13 février, l’armée d’Allemagne doit avoir deux compagnies de pontonniers ; une est à Danzig; donnez ordre à une nouvelle compagnie de se rendre au quartier général de cette armée au 1er avril. Les deux régiments qui sont à Francfort se rendront à Hanovre, où ils recevront ordre du prince d’Eckmühl pour leur destination. Mon intention est qu’au 1er avril mon armée d’Allemagne soit organisée en quatre divisions, comme je l’ai ordonné.

 

Paris, 15 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, faites connaître à mon ministre à Naples que je désire qu’il se procure des renseignements sur le corps de 1’armée napolitaine et de la garde, et sur les bâtiments en arme­ment, en construction à Naples, à Castellamare, et qu’il vous transmette exactement ce rapport.

 

Paris, 15 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je vous prie de faire un relevé des insultes que ma faites Ali Pacha de Janina, depuis un an. Envoyez un courrier qui passera par les provinces illyriennes, afin de faire connaître au sieur La Tour-Maubourg que mon intention est de déclarer la guerre à Ali Pacha, si la Porte ne peut réussir à le retenir dans le devoir. Vous écrirez la même chose à mon consul près Ali afin qu’il lui déclare que, la première fois qu’il se permettra d’em­pêcher l’approvisionnement de Corfou et refusera le passage aux bestiaux et vivres destinés pour cette place, je lui déclarerai la guerre. Vous écrirez au sieur Lesseps dans ce sens. La douceur et la politesse ne valent rien auprès d’un homme de la trempe de ce bri­gand. Vous aurez soin d’envoyer ces dépêches par duplicata.

 

Paris, 15 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous renvoie la dépêche télégraphi­que, que je n’approuve pas.

Les deux frégates du capitaine Péridier ont dû appareiller le 13 d’Ancône, avec 600 hommes et du canon, pour s’emparer de Lésina; ce mouillage était trop utile aux Anglais et aux corsaires de l’Adria­tique. Expédiez-lui aujourd’hui des ordres à Ancône de partir immé­diatement après l’expédition de Lésina avec les deux frégates, et de se rendre à Trieste. Au préalable, il fera débarquer les canons de bronze qu’il a apportés de Corfou; vous resterez chargé de les faire embarquer sur des barques du pays pour se rendre à Ponte di Lagoscuro, près de Ferrare, où vous les ferez débarquer et remettre à la disposition du ministre de la guerre. Le capitaine Péridier com­mandera à Trieste le port et la marine italienne; il fera armer la frégate russe, que vous ferez nommer la Corcyre, ainsi que la cor­vette le Diomède. Ces deux vaisseaux auront toute leur artillerie, mais vous ne leur donnerez que l’équipage nécessaire pour être armés en flûtes. Le brick le Simplon sera pareillement armé en guerre et se joindra à cette division. Vous ferez acheter sans délai, aux frais de la marine, sous le chapitre des approvisionnements pour l’armée de terre, vingt mille quintaux métriques de blé, que vous trouverez à Trieste à meilleur marché, parce qu’il vient de Hongrie. Vous les ferez embarquer sur la Corcyre, le Diomède et les deux frégates.

Faites-moi un rapport qui me fasse connaître si ces quatre bâti­ments pourront porter cette quantité de blé. 600 hommes d’un régi­ment italien s’embarqueront sur ces frégates pour être transportés à Corfou; ils fourniront pendant la route les hommes nécessaires an service de l’artillerie. Par ce moyen, Corfou sera approvisionné par ce seul envoi pour plus de huit mois; ce qui, avec les mesures que j’ai ordonné de prendre à Tarente pour faire passer des vivres, et avec celles que le vice-roi a prises à Ancône, donnera des vivres pour près de deux ans à cette intéressante colonie.

Comme il y a à Trieste beaucoup de flûtes de commerce, si cela est bien nécessaire pour notre expédition, on pourra en acheter une. Le capitaine Péridier, aussitôt arrivé à Corfou, y laissera la frégate la Corcyre et la corvette le Diomède; le reste des équipages de ces deux vaisseaux sera formé en complément par des hommes du pays; ils seront armés et mis en station à Corfou. On m’a dit qu’ils mar­chaient médiocrement, mais, étant destinés à garder la station, il est peu important qu’ils aient plus ou moins de marche. Le Simplon restera également à Corfou. La Thimis, armée en guerre, retournera à Trieste avec la division Péridier.

Ainsi mes forces dans la mer Adriatique seront disséminées de la manière suivante :

Le capitaine Péridier, commandant ma marine en Illyrie, aura sous ses ordres à Trieste la Danaé, la Flore, la Thémis, indépen­damment de toutes les canonnières, speronares, mouches et courrières qui sont dans l’Adriatique.

Vous lui ordonnerez de sortir tous les jours, afin d’exercer ses équipages et de protéger la côte le plus possible.

Le capitaine Dubourdieu aura à Ancône les frégates la Favorite, l’Uranie, la Charlotte, la Couronne, la Bellone; en tout trois fréga­tes françaises, trois frégates italiennes et trois bricks italiens. Il aura en outre les canonnières et autres bâtiments de la marine italienne.

Il faut nommer pour Corfou un capitaine de vaisseau ad hoc et capable; il commandera la Corcyre, le Diomède, le Simplon et une vingtaine de bâtiments appartenant à la station de Corfou et au royaume d’Italie.

Enfin, à Tarente, le capitaine Maillard aura sous ses ordres la Pauline, la Pomone et la flûte la Persane,

Il est convenable de donner des ordres positifs pour que les com­mandants des stations de Tarente, Corfou, Trieste, Ancône, vous envoient régulièrement les rapports des mouvements de la mer et de la côte, afin que vous soyez bien exactement informé de tout ce qui se passe dans ces parages.

Mon intention est que la Corcyre et le Diomède soient fournis à Trieste d’officiers de marine et de garnisons d’infanterie française. La garnison sera fournie par les troupes des provinces illyriennes. Le Simplon sera organisé de même.

 

Paris, 15 mars 1811

Au général comte Bertrand, inspecteur général du génie, à Paris

Monsieur le Général Bertrand, je désire que vous voyiez le ministre de la marine, le duc de Raguse et le général Lauriston, et que vous traciez sur le meilleur plan de Raguse que nous ayons les fortifications actuelles de cette place, et le plan de ce qu’il faudrait y ajouter pour s’assurer ce port et cette belle rade ; en sorte qu’une escadre de quelques vaisseaux de guerre et un chantier de quelques bâtiments, avec les magasins nécessaires, se trouvassent à l’abri d’un coup de main, et pussent se défendre d’abord contre une attaque pareille à celle qui a menacé Raguse il y a quelques années, et même contre une attaque soutenue par un débarquement anglais. Comme le général Lauriston va partir, et que c’est celui qui connaît le mieux les localités, vous n’avez pas un moment à perdre pour vous occuper de cet objet et me remettre un mémoire, afin que je puisse en causer avec lui avant son départ.

 

Paris, 15 mars 1811

A général Souham, attaché à l’état-major du prince Eugène

Ayant été satisfait de vos services en Catalogne, et ayant égard à la réclamation que vous faites de trois années de vos appointements, pendant lesquelles vous avez cessé d’être employé, je vous ai accordé une gratification de 60,000 francs. Vous trouverez ci-joint l’ordre au trésorier général de mon domaine extraordinaire de vous remettre cette somme.

 

Paris, 15 mars 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Paris

Mon Fils, mon intention est que deux bataillons du 4e d’infanterie légère italienne soient placés à Raguse et deux autres bataillons en­voyés à Corfou. Les expéditions qui partiront de Trieste sous les ordres du capitaine Dubourdieu pourront prendre à bord ces deux bataillons pour les porter à Corfou. Ce sera une belle augmentation de force pour cette île.

 

Paris, 1er mars 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

L’importance de Raguse, à cause de son port, me décide à faire de cette ville une grande place de guerre. Je désire avoir un projet pour fortifier la ville de manière à y comprendre le port et les rades, de manière que mes escadres y soient à l’abri de tout événement. J’y dépenserai cette année 500,000 francs. Le général Poitevin et le duc de Raguse peuvent être chargés de faire le projet. Il est nécessaire que le duc de Raguse soit appelé au comité. Faites-moi sans délai un rapport. Il faudrait qu’avec les 500,000 francs, cette année, j’ob­tienne un résultat, et que 4,000 hommes sur une escadre y fussent à l’abri de tout événement contre des forces supérieures. Je vous prie de me présenter un projet pour l’armement de Raguse et de son port.

 

Paris, 16 mars 1811

NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES.

Il ne peut plus être question d’avoir recours au Pape pour donner l’institution aux évêques. Ce droit lui était dévolu par le Concordat, qu’il a annulé par sa conduite. Il ne me reste donc plus d’autre moyen que celui d’avoir recours à la réunion des évêques, pour qu’ils pren­nent les mesures convenables pour perpétuer l’épiscopat et faire éprouver sans altération le bien de la religion à mes peuples.

 

Paris, 16 mars 1811

Au comité ecclésiastique, à Paris

Messieurs les Cardinaux, Archevêques et Evêques composant le comité ecclésiastique, j’ai reçu et lu avec une grande attention votre lettre du 5 mars. Vous me dites que le clergé de France, imbu de la doctrine sacrée de l’Évangile, s’indignerait de toute entreprise contre l’autorité du souverain.

Le Pape a entrepris contre mon autorité, en excommuniant mes ministres, mes armées et presque tout l’Empire, et ce pour soutenir des prétentions temporelles ; et cependant, dans l’état actuel de la religion catholique, où la doctrine de ceux qui ont subordonné les évêques aux volontés et aux intérêts de la cour de Rome a prévalu, quels moyens ai-je pour mettre mon trône à l’abri de pareilles atta­ques ? Y a-t-il un moyen canonique de punir un pape qui prêcherait la révolte et la guerre civile ?

Le Pape a entrepris non seulement contre mon autorité, il a entrepris aussi contre l’autorité et le bien des églises de l’Empire, soit en laissant perdre l’Église d’Allemagne, soit en refusant d’insti­tuer mes évêques, et, depuis, en défendant aux chapitres de remettre les pouvoirs de vicaire capitulaire aux individus que j’aurais nommés.

Précédemment il avait fait tout ce qui dépendait de lui pour affai­blir l’amour et l’obéissance de mes peuples, en instituant l’arche­vêque de Malines de son propre mouvement, et ne faisant point mention de ma demande dans l’institution qu’il donnait à l’évêque de Montauban.

Des bulles, des correspondances ont été imprimées par ordre du Pape et répandues dans toute la chrétienté. Il n’a pas dépendu de lui que les scènes des Clément, des Ravaillac, des Damien ne se renouvelassent; il n’a pas dépendu de lui que je sois abandonné de mes peuples, de mes armées, comme Philippe le Long. Je suis donc obligé de convenir que, si les foudres de Rome ont eu peu d’effet, je le dois aux lumières du siècle, et peut-être à ce que la religion a beaucoup perdu dans l’esprit des populations de toute l’Europe.

Je sais qu’il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu mais le Pape n’est pas Dieu. Lorsqu’on voit les papes constamment s’agiter et bou­leverser la chrétienté pour les intérêts temporels du petit État de Rome, c’est-à-dire d’une souveraineté qui équivaut à un duché, on déplore l’état de la société catholique, compromise pour de si chétifs intérêts.

L’époque actuelle nous reporte au temps de Charlemagne. Tous les royaumes, principautés, duchés qui s’étaient formés en républiques des débris de son empire se sont renouvelés sous nos lois. L’Église de mon Empire est l’Eglise d’Occident et de presque l’universalité de la chrétienté.

Je suis décidé à convoquer un concile d’Occident, où j’appellerai les évêques d’Italie et d’Allemagne, afin de régler, comme me l’ont témoigné un grand nombre d’évêques, une discipline générale, pour que l’Église de mon Empire soit une par la discipline comme elle l’est par la foi.

Je désire connaître :

1° De quelle manière doit être faite cette convocation; 2° quelle sont les matières à y traiter pour faire disparaître à jamais ces luttes scandaleuses du spirituel et du temporel qui ont été religion, puisque seules elles ont occasionné la séparation de l’Église grecque et de celles d’Angleterre et de toutes les puissances du Nord, et pour chercher les moyens de mettre mon Empire à l’abri de l’ini­mitié et de la haine de la cour de Rome, qui sera constante contre mes descendants comme elle l’a été contre les descendants de Charlemagne, jusqu’à ce qu’ils aient séparé l’Empire, chassé les Français de l’Italie et rétabli leur souveraineté temporelle, qui ne saurait plus désormais exister que par la destruction de l’Empire. Je ne saurais plus regarder le Concordat comme existant, et je ne puis accepter la modification que vous me présentez. Un contrat synallagmatique est nul quand une des parties l’a violé. Le Pape a violé le Concordat depuis quatre ans. Il a violé précédemment celui qu’il avait fait avec mon royaume d’Italie, ce qui a pénétré d’indignation toute mon Église italienne.

Dans cette situation des choses, la clause que l’institution serait donnée par les métropolitains, si le Pape ne la donnait pas, ne ga­rantit pas mes successeurs des querelles qu’ils pourront avoir avec les papes.

 

Paris, 16 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je reçois des plaintes de tous les ports qu’on ne donne plus de lettres de marque et qu’on a mis l’embargo sur les bâtiments. Je vous prie de me faire connaître ce que cela veut dire. Les Anglais sont d’une joie extrême de cette mesure. Répondez-moi sur-le-champ. Si vous avez pris quelques mesures, révoquez-les par courrier extra­ordinaire, et ordonnez qu’on laisse sortir tous les corsaires et qu’on les protège.

 

Paris, 16 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Les constructions ne vont pas à Toulon aussi bien qu’elles devraient aller. Ce n’est pas faute de bois; on m’assure qu’il y en a. Proposez-moi des mesures pour donner une nouvelle activité aux chantiers de Toulon. Vous sentez que dans le système que j’ai adopté chaque jour perdu est un malheur pour la France.

 

Paris, 16 mars 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Paris

Mon Fils, mes troupes sont malades à Venise pendant l’été. L’expé­rience a prouvé que mes flottes de l’Escaut n’avaient point de malades dans la saison malsaine. Je désirerais faire la même épreuve à Venise et embosser quelques gros transports sur lesquels on placerait les troupes nécessaires pour la défense de Malamocco, de Chioggia et autres forts, pendant les mois d’août, de septembre, d’octobre et de novembre ; je crois que je perdrais beaucoup moins de monde. Faites-moi connaître si pendant les étés précédents les malades à terre étaient en proportion avec les malades à bord des bâtiments dans la rade de Venise.

 

Palais des Tuileries, 17 mars 1811

ALLOCUTIONS DE L’EMPEREUR.

AUX DÉPUTÉS DES VILLES HANSÉATIQUES.

Messieurs les Députés des villes hanséatiques de Hambourg, Bremen et Lubeck, vous faisiez partie de l’empire germanique; votre constitution a fini avec lui. Depuis ce temps votre situation était in­certaine. Je voulais reconstituer vos villes sous une administration indépendante, lorsque les changements qu’ont produits dans le monde les nouvelles lois du conseil britannique ont rendu ce projet imprati­cable. Il m’a été impossible de vous donner une administration indépendante, puisque vous ne pouviez plus avoir un pavillon indépendant.

Les décrets de Berlin et de Milan sont la loi fondamentale de mon Empire. Ils ne cessent d’avoir leur effet que pour les nations qui défendent leur souveraineté et maintiennent la religion de leur pa­villon. L’Angleterre est en état de blocus pour les nations qui se sou­mettent aux arrêts de 1806, parce que les pavillons qui se sont ainsi soumis aux lois anglaises sont dénationalisés : ils sont anglais. Les nations, au contraire, qui ont le sentiment de leur dignité, et qui trouvent dans leur courage et dans leurs forces assez de ressources pour méconnaître blocus sur le papier, et aborder dans les ports de mon Empire, autres que ceux réellement bloqués, en suivant l’usage reconnu et les stipulations du traité d’Utrecht, peuvent communiquer avec l’Angleterre. L’Angleterre n’est pas bloquée pour elles. Les décrets de Berlin et de Milan, dérivant de la nature des choses, formeront constamment le droit public de mon Empire pendant tout le temps que l’Angleterre maintiendra ses arrêts du conseil de 1806 et 1807, et violera les stipulations du traité d’Utrecht sur cette matière.

L’Angleterre a pour principe de saisir les marchandises apparte­nant à son ennemi sous quelque pavillon qu’elles soient. L’Empire a dû admettre le principe de saisir les marchandises anglaises, ou pro­venant du commerce de l’Angleterre, sur quelque territoire que ce soit. L’Angleterre saisit les voyageurs, les marchands, les charretiers de la nation avec laquelle elle est en guerre, sur toutes les mers. La France a dû saisir les voyageurs, les marchands, les charretiers anglais, sur quelque point du continent qu’ils se trouvent et où elle peut les atteindre; et, si dans ce système il y a quelque chose de peu conforme à l’esprit du siècle, c’est l’injustice des nouvelles lois anglaises qu’il faut accuser.

Je me suis plu à entrer dans ces développements avec vous, pour vous faire voir que votre réunion à l’Empire est une suite nécessaire des lois britanniques de 1806 et 1807, et non l’effet d’aucun calcul ambitieux. Vous trouverez dans mes lois civiles une protection que, dans votre position maritime, vous ne sauriez plus trouver dans les lois politiques. Le commerce maritime, qui a fait votre prospérité, ne peut renaître désormais qu’avec ma puissance maritime. Il faut reconquérir à la fois le droit des nations, la liberté des mers et la paix générale. Quand j’aurai plus de cent vaisseaux de haut bord, je soumettrai dans peu de campagnes l’Angleterre. Les matelots de vos côtes et les matériaux qui arrivent aux débouchés de vos rivières me sont nécessaires. La France, dans ses anciennes limites, ne pouvait construire une marine en temps de guerre ; lorsque ses côtes étaient bloquées, elle était réduite à recevoir la loi. Aujourd’hui, par l’ac­croissement qu’a reçu mon Empire depuis six ans, je puis construire, équiper et armer vingt-cinq vaisseaux de haut bord par an, sans que l’état de guerre maritime puisse l’empêcher ou me retarder en rien.

Les comptes qui m’ont été rendus du bon esprit qui anime vos concitoyens m’ont fait plaisir, et j’espère avant peu avoir à me louer du zèle et de la bravoure de vos matelots

 

Paris, 18 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, la route de Hambourg à Stettin est trop longue; il faut cependant la conserver, mais en établir une autre par Strelitz sur Stettin ; elle sera plus courte et plus économique pour la Prusse. Je vous ai mandé que je désirais que votre armée soit composée au 1er avril de quatre divisions, dont une placée en entier dans le Meck­lenburg, de sorte qu’en peu de jours cette division pût être à Stettin. Vous pouvez mettre dans le Mecklenburg la division Friant ou celle de Dessaix. Le ministre m’a remis les états de la formation de l’ar­mée au 1er mai. Tout ce qui manquera sera envoyé, hors les 4e ba­taillons, qui seront formés avec des conscrits de cette année : mon intention n’est point de les envoyer dans le Nord avant l’automne. Faites-vous remettre l’état des cadres de ces 4e bataillons ainsi que celui des 5e, afin que vous voyiez s’ils sont composés de bons officiers, pour que les 12 ou 15,000 conscrits que chaque dépôt va recevoir au 1er avril aient des gens capables de les bien instruire. Il faut que tous les chefs des dépôts soient à leur poste. S’il y en avait d’incapa­bles, faites-le-moi connaître.

 

Paris, 18 mars 1811

A maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, lorsque les six bataillons polonais seront complétés à Danzig, cela fera 5,000 hommes; le régiment saxon a plus de 1,500 hommes, ce qui, avec 1,500 Français, ne portera pas la garnison de Danzig à plus de 8,000 hommes; j’ai pensé devoir la renforcer. En conséquence, j’ai demandé au roi de Westphalie de mettre à votre disposition un régiment de 2,400 hommes. Vous leur donnerez l’ordre de partir, en supposant d’abord que c’est pour Stet­tin, mais dans le fait vous les dirigerez à grandes marches sur Danzig. Ainsi, avec les généraux Rapp, Pajol et les autres officiers du génie et de l’artillerie, cette place se trouvera dans une position convenable et formidable. Il faut mettre dans cette opération le plus de secret possible, et que le régiment soit déjà à plusieurs marches de Magdeburg avant qu’on sache qu’il est parti.

 

Paris, 18 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl

Commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, en y songeant mieux, j’ai pensé à réunir à Danzig une garnison de 15,000 hommes. En conséquence, indépendam­ment des deux régiments polonais formant six bataillons, du régiment saxon en formant deux, du régiment westphalien en formant trois, total onze bataillons, j’ai demandé au roi de Wurtemberg un régiment, deux bataillons; j’ai fait la même demande au roi de Ba­vière , deux bataillons; j’y joins un régiment du grand-duché de Berg, deux bataillons ; cela fera donc dix-sept bataillons ou 14,000 hommes ; ce qui, avec les troupes françaises de l’artillerie et du génie, et les 100 hommes de l’artillerie polonaise, fera environ 16,000 hommes. Les généraux Pajol et Bachelu, et le général polonais, seront plus que suffisants pour commander ces troupes. Je les diviserai en trois brigades, sous le commandement du général Rapp, aussitôt que ces troupes auront passé l’Oder. Le roi de Westphalie doit vous écrire pour mettre un régiment à votre disposition. Vous n’aurez rien à faire qu’à mettre en route ce régiment, après vous être assuré qu’il est bien armé; il sera nourri et soldé par la Westphalie. Le roi de Wur­temberg vous écrira de même pour mettre un régiment à votre dis­position. Vous n’aurez également autre chose à faire, aussitôt que ce régiment sera à votre disposition, que de le diriger sur Dresde et de là sur Danzig. Quant au régiment de Berg, il ne pourra guère être prêt que dans le courant d’avril. Le régiment du grand-duché mènera avec lui une compagnie d’artillerie et ses pièces de canon attelées. Les régiments de Wurtemberg et de Bavière de même. Ecrivez au prince Poniatowski pour que les régiments polonais aient chacun leur compagnie d’artillerie et leurs pièces attelées. Écrivez la même chose en Westphalie. Par ce moyen, cela fera une bonne division de pièces de campagne avec ses chevaux ; ce qui sera toujours utile à la place et pourra, en temps ordinaire, servir à son armement.

 

Palais des Tuileries, 18 mars 1811

INSTRUCTIONS POUR LE VICE-AMIRAL COMTE VER HUELL, CHARGÉ DU COMMANDEMENT DES RADES DU NORD, A LÜBECK.

Monsieur le Vice-Amiral Ver-Huell, nous vous faisons savoir que, prenant entière confiance en vos talents et votre dévouement à notre personne, nous avons jugé à propos de placer sous votre commandement les forces navales que nous avons réunies ou que nous réunirons dans nos rades du Nord, depuis et compris la Jahde jusques et compris Lübeck.

En conséquence nous vous avons nommé et nommons, par les pré­sentes, commandant général de notre service maritime dans ces rades, sous l’autorité immédiate de notre cousin le maréchal prince d’Eckmühl, gouverneur général de cette partie de notre Empire.

Nous entendons que vous vous occupiez particulièrement de la surveillance et de la défense de ces côtes et de leurs rades et ports; que vous ne les laissiez point bloquer par des forces inférieures à celles dont vous disposerez; que vous y empêchiez toute insulte, communication ou commerce de nos ennemis ; que vous teniez la main à ce que les officiers et équipages sous vos ordres restent con­stamment à leurs bords respectifs ; que vous les fassiez exercer par des manœuvres continuelles, sur les côtes et parmi les lames, tant pour leur donner l’expérience de la mer que pour courir sur les bâti­ments ennemis qu’ils pourront attaquer avec succès.

Vous rendrez compte à notre ministre de la marine de vos opé­rations, et nous le chargeons de vous faire connaître l’état des flot­tilles qui se trouvent déjà réunies dans nos rades du Nord ou qui sont destinées à s’y réunir d’après les ordres que nous lui avons donnés.

Notre intention est qu’il soit construit dans l’Elbe, dans le Weser et la Trave, des corvettes, bonnes marcheuses, d’un aussi grand tirant d’eau que le comportent ces fleuves et les ports de refuge qu’ils présentent, lesquelles seront destinées à la course et à la protection de ces côtes, et nous vous chargeons de proposer, d’après la con­naissance que vous aurez acquise des localités, l’espèce de bâtiments que vous jugerez devoir être préférée pour remplir cette destination, ainsi que les points où ils pourront être mis en construction.

Et comme l’intérêt de notre service exige que nous ayons dès ce moment à Lubeck un armement convenable, nous vous chargeons d’y pourvoir par des bâtiments que vous disposerez sans délai à cet effet.

Enfin nous vous chargeons particulièrement de tout ce qui con­cerne l’établissement et la direction de notre service maritime dans ces parages, et nous comptons que vous n’omettrez rien de ce qu’il importe et de ce qu’exige l’honneur de nos armes dans toute l’éten­due de votre commandement.

 

Paris, 18 mars 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je désire augmenter la garnison de Danzig d’un régi­ment westphalien de trois bataillons, ayant sous les armes 2,400 hom­mes. Il faut que le colonel et les officiers soient des gens très sûrs. J’ai dans ce moment à Danzig 2,000 Saxons, 4,000 Polonais et 2,000 Français. Je désire y envoyer 2,400 Westphaliens ; ils seront payés et entretenus par votre trésor, mais nourris par moi. Je vous prie de me faire connaître de quel régiment vous pouvez disposer. Il ne faut ni le meilleur ni le pire. Réunissez-le du côté de Magdeburg, de manière qu’on ne puisse se douter de rien. Aussitôt qu’il sera réuni, mettez-le à la disposition du prince d’Eckmühl, qui lui don­nera des ordres. Ces dispositions ne supposent pas la guerre; mais l’importance de Danzig est pour moi sans mesure. Les choses ne sont pas assez tranquilles dans ce moment. D’ailleurs les Anglais doivent envoyer une grande escadre dans la Baltique. Cette considération justifie assez ma prévoyance.

 

Paris, 18 mars 1811

A Frédéric, roi de Wurtemberg, à Stuttgart

Monsieur mon Frère, dans les circonstances actuelles, j’ai cru utile de compléter la garnison de Danzig à 15,000 hommes. Elle se com­pose de six bataillons polonais et de trois bataillons saxons. J’ai de­mandé au roi de Westphalie trois bataillons, ce qui ferait douze bataillons; j’envoie deux bataillons du grand-duché de Berg; je dési­rerais en avoir deux de vos troupes, formant 15 à 1600 hommes, avec deux pièces de canon et une compagnie d’artillerie. Ces forces avec 1,500 artilleurs français composeraient une garnison de 12 à 15,000 hommes. Je n’ai aucune raison de requérir les contingents : c’est une simple mesure de précaution, soit parce que les Anglais doivent envoyer une grande escadre dans la Baltique, soit parce que cette place importante, qui seule peut écarter la guerre de la Confé­dération, doit être à l’abri de toute inquiétude. Je suis bien avec la Russie, mais cependant plus froidement. Il parait qu’on arme dans ce pays. J’aurais pu composer la garnison tout entière de Polonais et de Saxons, mais je désire qu’une place de cette importance soit occupée par différentes troupes ; elle est la sauvegarde de toute la Confédération. J’ai craint d’un autre côté de n’y mettre que des Français, afin de ne pas alarmer mal à propos la Russie en plaçant sur ce point 15,000 Français, que l’exagération aurait portés à 30,000. Ces con­sidérations me portent à prier Votre Majesté d’envoyer à Danzig un de ses régiments. Il serait nourri par moi et soldé par votre trésor. Je prie Votre Majesté de me faire connaître si elle ne voit aucun inconvénient à disposer de ces deux bataillons. Elle pourrait les réu­nir au point de ses Etats le plus voisin de Dresde, afin qu’ils puissent être à Danzig avant le 5 avril. Aussitôt que je serais prévenu, j’en­verrais des ordres pour qu’ils fussent dirigés sur Danzig.

 

Paris, 19 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je pense qu’il est nécessaire que vous passiez au prince Kourakine une note non signée, pour la lui laisser après une conférence que vous aurez avec lui. Cette note porterait en substance : Comme des malveillants se plaisent à exagérer les moin­dres circonstances, qu’à l’occasion, par exemple, d’un convoi de 20,000 fusils que la Saxe a achetés en France, on a dit que la France lui avait envoyé 60,000 fusils; qu’un convoi de quelques pièces do canon que la France a rendues à la Saxe a été également exagéré et dénaturé; que désormais le moindre mouvement ne peut se faire sans être envenimé; que le ministre pense que le meilleur moyen d’empêcher l’effet de cette malveillance, c’est de se prévenir réciproquement de tout ce qui serait susceptible de donner lieu à de mau­vaises interprétations; que c’est ce qui porte le soussigné à commu­niquer à M. le prince Kourakine que la garnison de Danzig va être augmentée; que l’approche d’un grand mouvement des Anglais dans la Baltique a décidé Sa Majesté à porter la garnison de cette place importante à 12,000hommes, ce qui est, vu son étendue, le moindre nombre d’hommes qu’on puisse mettre pour sa défense; que cette garnison se composera de deux régiments du duché de Varsovie, d’un régiment saxon, d’un régiment bavarois, d’un régiment westphalien, d’un régiment wurtembergeois et d’un millier de sapeurs, mineurs et hommes d’approvisionnement y a été envoyé, et qu’il a été ordonné au gou­verneur de compléter ses vivres pour quelques mois.

Vous me mettrez cette note sous les yeux avant de la remettre. On pourra l’envoyer au duc de Vicence.

 

Paris, 19 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’approuve le projet d’organisation de l’artillerie de l’armée d’Alle­magne joint à votre lettre du 18; mais il faut prendre des mesures pour que ce qui est prescrit par les règlements soit ponctuellement exécuté. Les généraux d’artillerie se sont souvent écartés des dispo­sitions de ces règlements, qui sont importants. Leur faire connaître que, quand je passerai la revue de leurs parcs, je leur témoignerai mon mécontentement si les règles ne sont pas suivies. Chaque caisson doit avoir ses outils, ses rechanges et tout ce qui est prescrit. Il ne faut pas que, sous le prétexte qu’on a souvent fait la guerre sans avoir une chose, on se dispense de l’avoir.

Je ne sais pas combien les parcs d’artillerie mettent de flambeaux à éclairer les convois. Il faut en mettre un sur chaque caisson; il faut mettre également des lanternes sourdes.

J’approuve que vous réunissiez à Wesel ou sur la rive gauche les objets d’artillerie appartenant à l’armée d’Allemagne, et que cela parte par un seul convoi.

Peut-être est-il convenable de laisser à Magdeburg ce qui existe. Cela entrera dans la formation d’un second corps.

Vous devez bien remarquer que je n’ai voulu qu’un caisson appar­tenant au bataillon, un à l’artillerie de la division et un au parc de l’armée; cela me paraît suffisant s’il y a un parc général. Je pense donc qu’il faudrait que l’armée d’Allemagne, qui a 64 bataillons, eût 64 caissons pour, du parc des divisions, passer au parc général.

 

Paris, 19 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai lieu de croire que les Anglais ont des intelligences dans le bataillon du régiment suisse qui est à Belle-Île. Faites-moi connaître quand ce bataillon quitte cette île. Je désire qu’au lieu de se rendre à Brest il se rende à Rennes, où il restera jusqu’à nouvel ordre.

 

Paris, 19 mars 1811

NOTE POUR M. BARBIER, BIBLIOTHÉCAIRE DE L’EMPEREUR, A PARIS.

L’Empereur désire avoir le volume de l’abbé Fleury, où il est ques­tion, avec quelques détails, de la Pragmatique Sanction de Bourges, sous Charles VII.

 

Paris, 20 mars 1811

A François II, empereur d’Autriche, à Vienne

Monsieur mon Frère et Beau-Père, hier 19, à sept heures après midi, l’Impératrice me fit demander de descendre chez elle. Je la trouvai sur sa chaise longue y commençant à sentir les premières douleurs. Elle se coucha à huit heures, et depuis ce moment jusque six heures du matin elle a eu des douleurs assez vives, mais qui n’avan­çaient en rien sa délivrance, parce que c’étaient des douleurs de reins. Les gens de l’art pensèrent que cette délivrance pourrait tarder vingt-quatre heures ; ce qui me fit renvoyer toute la cour et dire au Sénat, au corps municipal et au chapitre de Paris, qui étaient assemblés, qu’ils pouvaient se retirer. Ce matin, à huit heures, l’accoucheur entra chez moi, fort affairé, me fit connaître que l’enfant se présen­tait par le côté, que l’accouchement serait difficile, et qu’il y aurait le plus grand danger pour la vie de l’enfant. L’Impératrice, fort affai­blie par les douleurs qu’elle avait essuyées, montra jusqu’à la fin le courage dont elle avait donné tant de preuves, et à neuf heures, la Faculté ayant déclaré qu’il n’y avait pas un moment à perdre, l’ac­couchement eut lieu dans les plus grandes angoisses, mais avec le plus grand succès. L’enfant se porte parfaitement bien. L’Impératrice est aussi bien que le comporte son état; elle a déjà un peu dormi et pris quelque nourriture. Ce soir, à huit heures, l’enfant sera ondoyé. Ayant le projet de ne le faire baptiser que dans six semaines, je charge le comte Nicolaï, mon chambellan, qui portera cette lettre à Votre Majesté, de lui en porter une autre pour la prier d’être le parrain de son petit-fils.

Votre Majesté ne doute point que, dans la satisfaction que j’éprouve de cet événement, l’idée de voir perpétuer les liens qui nous unissent ne l’accroisse considérablement !

3)La même lettre au roi d’Espagne, à l’exception de la dernière phrase – La même lettre en finissant à ces mois, l’enfant sera ondoyé, à la reine de Naples, à la grande-duchesse de Toscane, au roi de Westphalie, à la vice-reine d’Italie et à la princesse Stéphanie de Bade.

La lettre à l’empereur d’Autriche est portée par M. Nicolaï; celle au roi d’Espagne, par le général Defrance; celle à la reine de Naples et à la grande-duchesse, par M. Labriffe; celle au roi de Westphalie, par M. de Rambuteau ; celle à la vice-reine, par M. de Béarn; celle à la princesse de Bade, par M. Marinier. – Note de la minute.

 

Paris, 21 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris.

On m’écrit d’Anvers qu’il y a la plus grande activité dans les tra­vaux, mais que, pour remplir le but que je me propose, d’avoir douze nouveaux vaisseaux en construction, il faudrait une augmenta­tion de 12,000 ouvriers charpentiers et charrons. Il est nécessaire que vous fassiez la répartition de ces ouvriers entre les ports où l’on ne travaille pas, et que vous ordonniez qu’ils se rendent à Anvers sur-le-champ.

 

Paris, 21 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Mandez au commandant de mon escadre de Toulon que je suis instruit que, les 9 et 10 mars, beaucoup d’officiers de mon escadre sont descendus à terre, que même plusieurs d’entre eux ont été en cavalcade à Hyères et à Ollioules. Réitérez l’ordre au général Émeriau de faire tenir mes matelots à bord, et faites bien connaître que c’est mon ordre exprès, que je n’entends pas que cela soit autrement, et qu’aucun officier ni matelot ne descendra à terre que je ne le sache.

 

Paris, 23 mars 1811

A l’impératrice Joséphine, au château de Navarre

Mon amie, j’ai reçu ta lettre; je te remercie. Mon fils est gros et très bien portant. J’espère qu’il viendra à bien. Il a ma poitrine, ma bouche et mes yeux. J’espère qu’il remplira sa destinée.

Je suis toujours très content d’Eugène; il ne m’a jamais donné aucun chagrin.

 

Paris, 22 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, écrivez au général Belliard pour lui témoigner mon mécontentement de la fausse direction qu’il donne aux affaires de l’armée du Centre; qu’il était inutile d’envoyer 3,000 hommes à Cuenca; qu’il fallait garder ces troupes pour porter le plus haut possible la colonne du général Lahoussaye; qu’il fallait placer cette colonne entre le Tage et Badajos, pour être à la disposition du duc de Dalmatie et prêter main-forte à ce maréchal; au lieu que, par la mauvaise direction donnée au corps du général Lahoussaye, il n’a été bon à rien, a désobéi au duc de Dalmatie et n’a fait en Espagne qu’une course inutile et sans aucun avantage pour mon service; qu’il est indispensable, 1° que l’armée du Centre fasse partir tous les déta­chements appartenant à l’armée du Midi, en les dirigeant sur Séville et en n’en formant qu’une seule colonne; 2° qu’elle envoie un corps, le plus fort possible, entre le Tage et le duc de Dalmatie, afin de l’aider dans le grand but de communiquer avec l’armée de Portugal par la rive gauche du Tage et de favoriser les opérations de cette armée.

Vous témoignerez au général Lahoussaye mon extrême méconten­tement de sa mauvaise conduite, et qu’il sera responsable des suites que pourra avoir sa désobéissance aux ordres du duc de Dalmatie.

 

Paris, 22 mars 1811

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Comment arrive-t-il que les travaux du bassin d’Anvers ne soient pas encore commencés ? Ils ne le seront que le 15 mai; de sorte qu’on a perdu les trois plus beaux mois de l’année.

 

Paris, 22 mars 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris

J’apprends que des préfets, et surtout celui de Dijon, reçoivent avec distinction les officiers espagnols dans leurs salons. Insinuez-leur que cela n’est point convenable.

 

Paris, 23 mars 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, donnez ordre au payeur de l’armée d’Allemagne de solder, à dater du 1er avril prochain, à mon compte le 5e régiment polonais qui est à Küstrin, le 10e et le 11e régiment polonais qui sont à Danzig, le régiment de cavalerie polonais et la compagnie d’artillerie polonaise qui sont à Danzig. Faites bien con­naître à votre payeur, 1° que mon intention est de ne solder que les hommes de ces corps présents sous les armes dans les places de Küstrin et de Danzig, et non les hommes qui seraient à leurs dépôts, ou en Pologne, ou aux hôpitaux, ou en pays étranger; 2° qu’en payant la solde je n’entends point payer tout ce qui ne serait pas solde. Vous m’instruirez de ce que viendra à coûter un mois de solde de la gar­nison de Danzig; je ne dois pas payer les Saxons. Je pense que vous devez avoir à Danzig un préposé du payeur de l’armée d’Allemagne. Ce payeur fera recette de toutes les impositions françaises et autres droits à percevoir à Danzig; il fera recette, comme fonds spécial, des droits dont le produit est appliqué aux fortifications; il fera re­cette également des fonds que vous enverrez pour la solde. Vous pouvez mettre à la disposition de ce payeur un premier fonds de deux millions. Le domaine extraordinaire a, je crois, des échéances sur Danzig qu’il peut vous remettre; mais, comme elles peuvent n’être pas payées régulièrement, il ne faut pas vous fier à cette seule mesure, et avoir toujours deux millions dans la caisse du payeur de Danzig.

 

Paris, 23 mars 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, je réponds à votre rapport du 21 sur le service de l’armée d’Espagne. Envoyez-moi l’état de la distribution des 17,019,000 francs entre les différents corps de l’armée d’Espagne, qui a été faite par le payeur général. Faites-moi connaître entre quels corps d’armée il faut classer les 591,000 francs qui ont été payés à Bayonne pour 1811. Je ne sais point ce que veut dire l’arti­cle des payements faits aux dépôts des corps. Sont-ce les dépôts de la 11e division militaire dont il est question, ou les dépôts qui sont dans l’intérieur de la France ? Je désirerais que la comptabilité avec l’Espagne en 1810 et en 1811 fût bien arrêtée. Il faut également distinguer la comptabilité de 1810 de celle de 1811 et la rattacher au budget tel que je l’ai arrêté par mon dernier travail. Je vous ren­voie votre rapport; ces écritures ne me paraissent pas assez claires.

 

Paris, 23 mars 1811

Au général  Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Toutes les troupes alliées qui se trouvent à Danzig doivent être nourries par la ville. Quant aux réclamations sur le duché de Var­sovie, il est si pauvre qu’on ne pourrait en tirer rien. Il faut porter ce qu’on aura à réclamer, pour valoir ce que de droit à la liquidation.

 

Paris, 23 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

J’approuve le projet pour l’armement des deux vaisseaux de Rotter­dam et des sept vaisseaux du Texel que vous me proposez ; mais je ne vois pas à quoi bon armer deux frégates. Elles sont toutes les trois à Rotterdam; faites-les passer par les canaux de l’intérieur dans l’Es­caut, où elles me seront utiles.

Je désirerais que ces vaisseaux eussent des noms que je pusse comprendre. Par exemple, le Doggerbaug, le Zoutman et la frégate le Kenauhanslaer sont des noms trop barbares pour moi. Il faut leur donner des noms hollandais, mais qu’un Français puisse prononcer facilement. Je ne vois là que trois frégates; il me semble qu’il y en a plusieurs autres qu’on peut faire venir à Anvers.

 

Paris, 23 mars 1811

 Au vice-amiral comte Decrès, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, les Anglais paraissent avoir une grande opinion de la marche et de la construction des corsaires de la Manche ; ils disent que ces bâtiments tiennent mieux le vent que leurs fré­gates, et qu’elles ne peuvent pas les saisir. Il paraît qu’ils sont armés en lougre. Il serait nécessaire d’avoir les plans des meilleurs de ces corsaires.

 

Paris, 23 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, sur les trente-quatre péniches qui exis­tent à Lorient, quatre sont hors de service et proposées pour la démolition; dix-neuf sont en bon état, il faut les faire servir. Les onze autres sont proposées pour la refonte. Mon intention n’est pas que les onze péniches à refondre soient démolies ni abandonnées, mais qu’on les laisse périr dans l’état où elles sont. L’expérience a prouvé que, dans des circonstances particulières, des bâtiments portés pour la refonte devenaient utiles cinq ou six ans après, pour un coup de main, par exemple, pour aller à Belle-Île ou à l’île de Groix.

Donnez donc l’ordre qu’on place ces onze péniches dans l’endroit le plus convenable du port, et qu’on ne fasse d’entretien annuel qu’à dix-neuf.

 

Paris, 23 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vois sur les états de la marine 66 aspirants de 1e classe qui sont antérieurs à 1807, c’est-à-dire qui ont cinq ans de service. Ces jeunes gens sont depuis bien longtemps dans ce grade; faites-moi connaître si on ne pourrait pas les avancer. Il y en a 105 qui sont de 1808, c’est-à-dire qui ont quatre ans de service. Cela fait 171 an­ciens, qu’il faudrait faire enseignes ou placer en chef sur la flottille afin d’avoir occasion de les avancer promptement. Enfin il y en a 218 de 1810, c’est-à-dire qui n’ont qu’une année de service. Les 171 qui ont plus de quatre ans de service seraient préférables, comme ensei­gnes, aux enseignes non entretenus, desquels il n’y a rien à espérer. En général, l’avancement des aspirants de la marine est trop lent. II faut, après deux ou trois ans de service, s’ils ont navigué, les faire avancer. On ne peut pas alléguer qu’il n’y a pas de places, puisqu’il y a un si grand nombre d’officiers non entretenus qui sont employés.

 

Paris, 24 mars 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, je vous ai écrit hier d’envoyer un payeur à Danzig. Je viens d’arrêter le budget de cette place ; je veux y dépenser deux millions cette année. Tout le produit des douanes doit y être employé; mais il est bien difficile d’espérer que ce pro­duit puisse couvrir une dépense aussi considérable. Je vous ai mandé que je dois prendre à ma solde deux régiments polonais de la garni­son de cette place; je pense donc qu’il est convenable que je n’y manque pas d’argent. Vous devez connaître ce que j’ai dans la caisse des douanes et dans les autres caisses. Il faut se procurer là une réserve de trois millions, afin que l’argent ne puisse pas manquer dans ce point important.

 

Paris, 24 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Faites-moi un rapport sur la flottille.

La flottille de Boulogne existe. Elle a été faite sur le principe que le port de Boulogne assèche et contient peu d’eau, qu’on peut y embarquer une grosse armée et la transporter sur les côtes d’Angle­terre : cet avantage, nous l’avons. Les péniches pourraient débar­quer seules 20,000 hommes; les chaloupes canonnières, bateaux canonniers , transports, tout cela marche plus ou moins bien ; mais, sous la protection d’une escadre qui paraîtrait devant Boulogne, tout cela est organisé de manière à débarquer une forte armée. D’ailleurs cette flottille existe; il ne s’agit plus que de la conserver et de l’uti­liser pour les projets généraux.

Mais la flottille de l’Escaut se trouve dans une circonstance différente. Là il y a de l’eau ; on pourrait avoir des bâtiments bons mar­cheurs. Il se présente la question de savoir quel est le meilleur bâtiment pour la flottille de l’Escaut. Ces bâtiments doivent porter surtout du gros canon pour pouvoir canonner les frégates et même les vaisseaux; mais ils doivent tirer le degré d’eau nécessaire pour avoir une excellente marche. Cette flottille doit pouvoir éclairer toute l’ouverture de l’Escaut, être toujours sur l’ennemi et tenir ainsi l’es­cadre parfaitement éclairée. On doit même, si l’on veut en hasarder quelques-uns, pouvoir en faire des corsaires. Il me semble que le bâtiment de la flottille bon pour Boulogne, par cela même n’est plus bon pour l’Escaut.

Pour le Zuiderzee, Cuxhaven, l’Elbe et la Jahde, j’ai un grand nombre de bâtiments de flottille qui ne peuvent pas sortir, se hasarder à la mer, parce qu’ils n’ont pas de marche. Cette partie demande à être remaniée et à être l’objet d’une délibération des officiers de marine.

Je vous prie de vous faire remettre sous les yeux les plans des balancelles, lougres, goélettes américaines et des meilleurs corsaires de la Manche, qui paraissent cette année si redoutables aux Anglais, et de me faire un rapport. Le but de ma flottille de Boulogne est de porter des hommes et des chevaux et d’entrer dans un port qui assèche.

Le but de mes flottilles du Zuiderzee, du Weser, de l’Elbe, de la Baltique, est différent; ce n’est pas de porter, mais de faire la course, d’être toujours â la découverte, de me former des matelots et de défendre toutes mes cotes. C’est évidemment un but différent.

 

Paris, 24 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, mon intention est que le 2e et le 4e ba­taillon du 2e régiment suisse, qui sont à Toulon, Marseille et Cette, soient complétés par tout ce qu’il y a de disponible aux 1er et 3e ba­taillons, et que ces deux bataillons, forts d’au moins 800 hommes chacun, se dirigent sur Wesel, mon intention étant de les réunir à l’armée d’Allemagne, où ils feront partie de la division Morand. Vous les ferez passer par Paris, où l’on en passera la revue; je crois que cela ne les détournera pas beaucoup.

Le 2e et le 4e bataillon du 3e régiment suisse se dirigeront, de l’île de Walcheren, d’abord sur Utrecht, où l’on en passera la revue, et de là sur l’armée d’Allemagne, où ils feront partie de la division Friant. Le dépôt de Lille leur enverra à Utrecht tout ce qu’il y a de disponible pour les porter au complet.

Le 2e et le 4e bataillon du 4e régiment suisse seront complétés, autant que possible, par ce qu’il y a de disponible de ce régiment à Belle-Île et à Brest, et, quand ils seront formés et en état d’être pré­sentés, vous les ferez venir à Paris, d’où on les dirigera sur l’armée d’Allemagne, où ils feront partie de la division Gudin.

Enfin les bataillons de tirailleurs corses et du Pô feront partie de la division Dessaix. Vous ferez passer une revue particulière de ces deux bataillons, et vous me ferez connaître quand ils seront en état d’être dirigés d’abord sur Wesel et de là sur l’armée d’Allemagne.

Chacune des quatre divisions de cette armée sera composée de quatre régiments d’infanterie ou douze bataillons, pendant avril et mai, et de deux bataillons détachés; ce qui fera quatorze bataillons par division.

Ce même corps d’armée recevra dans le courant de juin et juillet les 4e bataillons; ce qui portera chaque division à dix-huit ba­taillons, au lieu de seize, et le corps entier à soixante et douze bataillons.

Vous aurez soin que les colonels suisses commandent en personne les deux bataillons de guerre de leurs régiments et que tous les offi­ciers suisses soient présents.

L’augmentation des divisions de l’armée d’Allemagne nécessitera la nomination d’un nouveau général de brigade pour chaque division; proposez-moi ces officiers.

 

P. S. Mon intention est également que les deux premiers batail­lons de chacun des trois régiments qui s’organisent à Hambourg soient joints au corps du prince d’Eckmühl. On y joindra également deux bataillons du régiment d’Illyrie; ce qui fera que chaque division de l’armée d’Allemagne sera composée de vingt bataillons, savoir: seize bataillons français, deux bataillons suisses et deux bataillons allemands. Le total du corps d’armée sera de quatre-vingts batail­lons, formant quatre divisions et douze brigades; ce qui portera l’infanterie à plus de 60,000 hommes.

La cavalerie pourra être augmentée du régiment de lanciers qui se forme à Hambourg, ce qui la portera à 10,000 hommes ; ce qui, avec l’artillerie et les sapeurs, formera une armée de 80,000 hommes; et, comme j’ai porté la garnison de Danzig à 15,000 hommes, ce seul corps d’armée formera donc une armée de 95,000 hommes.

Mon intention est également de compléter les trois régiments de la Confédération qui viennent de Catalogne; faites-moi connaître quelle est leur organisation actuelle. Je les emploierai, en cas d’événement, pour la garnison de Danzig; ce qui permettra au prince d’Eckmühl de former une 5e division active des troupes qui sont en ce moment à Danzig.

M’avez-vous soumis la nomination des colonels et majors des corps qui s’organisent à Hambourg, du régiment de cavalerie et du régiment illyrien ?

Je désire organiser promptement le 2e régiment de lanciers à Sedan, parce que je l’enverrai également à l’armée d’Allemagne; comme il est composé de Polonais, il se recrutera promptement.

 

Paris, 24 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je désire que vous me renvoyiez un état de la formation de l’armée d’Allemagne, avec les changements que je vous ai indiqués dans mes différentes lettres de ce jour : 1° pour le génie; 2° en ajoutant les bataillons suisses, les bataillons des trois régiments qui se forment et les deux bataillons d’Illyrie, ainsi que le général de brigade qui devra être porté de plus dans chaque division. Cet état devra présenter deux colonnes : l’une con­tiendra la situation telle qu’elle sera en avril; l’autre la situation telle qu’elle sera en juin. Dans cette dernière on portera les 4e bataillons, les deux bataillons illyriens, les bataillons des trois régiments qui se forment et les lanciers.

 

Paris, 24 mars 1811

Au maréchal Davout ; prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je viens d’ordonner que les six bataillons suisses fussent dirigés sur votre armée, savoir : deux bataillons du 2e régi­ment, deux bataillons du 3e et deux bataillons du 4e. Les deux batail­lons du 2e feront partie de la division Morand, les deux du 3e feront partie de la division Friant, les deux du 4e feront partie de la divi­sion Gudin. J’ai également ordonné que les deux bataillons de tirail­leurs corses et du Pô qui sont à Boulogne se rendissent à la division Dessaix. Ainsi chaque division sera composée de quatre régiments français à quatre bataillons et de deux bataillons suisses dans le cou­rant de juillet; et, jusqu’à cette heure, chacune sera de trois batail­lons et d’un régiment suisse de deux bataillons; ce qui fera soixante et douze bataillons ou près de 60,000 hommes, qui, joints aux 10,000 hommes de cavalerie et aux 6,000 d’artillerie, formeront un corps de 76,000 hommes.

J’ai réuni, comme je vous l’ai mandé, une garnison de 15,000 hom­mes à Danzig. Dans le courant de l’été je ferai remplacer le régiment qui est à Stettin par des troupes de la Confédération; et, si les événements me le faisaient juger nécessaire, vous pourriez arriver à tire-d’aile à Danzig, vous trouver là avec 90,000 hommes, et vous seriez promptement joint par 50,000 Polonais et Saxons; ce qui ferait sur-le-champ une armée de 140,000 hommes. Votre place serait prise à Hambourg, dans le Mecklenburg et à Stettin, par une armée de quatre-vingts bataillons français, égale à la vôtre, pour assurer vos derrières et être prête à vous joindre, en cas qu’il fallut en venir décidément à des hostilités. Si les trois régiments que vous organisez pouvaient vous offrir chacun deux bataillons sur lesquels on pût compter, on pourrait, dans le courant d’août, joindre deux bataillons à vos divisions. Je suppose que, s’il était question d’agir contre les Russes, ces bataillons seraient sûrs et alors pourraient être utiles. Vous remarquerez que les bataillons suisses et les batail­lons des tirailleurs corses et du Pô doivent être comptés comme fran­çais. Ce ne serait que six bataillons allemands que vous auriez dans votre corps. La garde de votre parc, les petites garnisons qu’il faut toujours avoir, rendraient ce secours précieux, si d’ailleurs on pou­vait compter sur eux. Cela ferait vingt-six bataillons par division ou quatre-vingts bataillons pour votre corps d’armée.

 

Paris, 24 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois vos lettres du 18. L’amiral Ver Huell part pour commander sous vos ordres les côtes de la Baltique et des trois départements.   Il commandera la flottille et prendra les mesures nécessaires pour établir le service.

Je vous ai déjà mandé que le 2e bataillon d’équipages militaires se mettrait en route pour vous joindre. Vous ne recevrez que trois compagnies de six; les trois autres ne partiront qu’en juin, parce qu’elles attendent les conscrits qui dans ce moment se lèvent dans toute la France. Le trésor a donné des ordres pour qu’on payât à Danzig et Küstrin les Polonais. Les Saxons doivent être payés par leur souverain; c’est à vous à donner des ordres pour la nourriture de ces troupes; elles doivent être nourries par la ville. Après tout, cette ville ne paye pas d’impositions : elle peut nourrir 12,000 hom­mes. Quant à la solde, si votre payeur n’a pas encore reçu d’ordres, prévenez-le de faire ses dispositions. Vous pouvez autoriser le général Rapp, comme il a des fonds en caisse pour les fortifications, à avancer au payeur les fonds nécessaires pour payer la solde du mois d’avril. Je vous ai mandé par ma lettre d’hier de faire commencer les travaux des fortifications à Danzig.

Si les circonstances étaient urgentes, j’aurais pourvu à tout d’une manière extraordinaire; mais les circonstances ne sont pas urgentes. Je ne prévois point que votre corps soit obligé à aucun mouvement. Si un mouvement avait lieu, ce ne serait pas avant juillet. Ce qu’écrivent les Polonais sont des bêtises. L’armée russe est trop occupée contre la Turquie; mais j’ai dû prendre des précautions pour mes places.

Ecrivez aux ministres du roi de Westphalie pour faire approvi­sionner Magdeburg. Il faut également insister en Prusse pour que les approvisionnements soient complétés dans les trois places de Küstrin, Stettin et Glogau. Est-ce qu’au lieu de vendre les grains à Glogau on n’aurait pas pu les moudre ? J’ai mis le produit du droit sur les mar­chandises coloniales de Stettin à la disposition du ministre de l’admi­nistration de la guerre, c’est-à-dire de votre ordonnateur, pour l’ap­provisionnement des trois places, surtout de Küstrin, pour avoir une grande quantité de grains aux dépôts. Faites réaliser ces achats de grains, qui seront conservés par les agents français. Je vois que Glogau et Küstrin sont tant bien que mal approvisionnés, mais que Stettin ne l’est pas, puisqu’il n’y a que 5,000 quintaux; ce qui n’est pas le quart de ce qu’il devrait y avoir. Il est bien urgent de presser la Prusse de compléter cet approvisionnement, et que, par le million provenant des marchandises de Stettin, vous portiez la quantité de blé qui doit exister dans cette place à 20,000 quintaux. Je vois qu’il y a à Danzig 128,000 rations de biscuit dans l’approvisionnement courant ; je crois qu’il est plus convenable de les porter à l’approvi­sionnement de siège, ce qui porterait l’approvisionnement de siége à 800,000 rations.

 

Paris, 24 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, le 33e régiment d’infanterie légère doit être arrivé à votre corps d’armée. Les bataillons suisses et les deux bataillons des tirailleurs corses et du Pô, qui sont en marche, arriveront dans le courant de mai. Le 108e étant à Stettin, envoyez aussi le 85e avec le général Friederichs. Le 33e régiment d’infanterie légère et le 57e resteront à Magdeburg sous les ordres du général de brigade Barbanègre. Le général Dessaix et son état-major se porteront à Stettin. Le 85e et le 108e auront avec eux leurs pièces de canon. Le général Dessaix aura en outre auprès de lui sa batterie d’artillerie légère et sa compagnie de sapeurs. Les deux batteries d’artillerie à pied resteront à Magdeburg. Toute la division Friant sera placée dans le Mecklenburg. Le général Friant aura son quartier général à Rostock, et des lignes de correspondance seront établies de manière à correspondre tous les jours avec Stettin. L’artillerie et les sapeurs de cette division seront également placés dans le Mecklenburg. Le 2e régiment de chasseurs sera poussé jusqu’à Danzig. Le 7e de hussards sera envoyé à Stettin et s’y trouvera sous les ordres du général Des­saix. Le 2e régiment de chasseurs passera ainsi sous les ordres du général Pajol, qui aura sous ses ordres, à Danzig, le 2e régiment de chasseurs et le régiment de chevau-légers polonais; ce qui fera une brigade de 2,000 chevaux. La brigade Jacquinot sera composée du 7e de hussards et du régiment de lanciers que vous formez dans la division. Vous êtes le maître de faire laisser au 2e de chasseurs un dépôt dans le Hanovre pour recevoir les chevaux qui lui sont des­tinés et les hommes à pied qui doivent le porter au complet. Les deux autres divisions d’infanterie resteront dans les trois départe­ments. Vous ferez exécuter toutes ces mesures spontanément, secrè­tement et le plus rapidement possible. Je vous envoie l’état de la formation de votre armée; vous y remarquerez que les 4e bataillons n’y sont pas portés, parce qu’ils ne pourront vous joindre qu’à la fin de mai, les conscrits ne devant arriver que dans le courant d’avril.

J’ai mis de ma main les deux bataillons suisses que j’envoie à chaque division. Vous remarquerez aussi qu’on n’a pas mis dans cet état les trois régiments que vous formez. Mon intention est d’attacher deux bataillons de ces régiments à chacune des trois premières divisions de votre corps d’armée. Deux bataillons du régiment qu’on forme en Illyrie seront attachés à la division Dessaix; ce qui complétera votre corps à quatre-vingts bataillons.

Vous remarquerez aussi qu’on a porté le génie trop haut. Mon inten­tion est que vous n’ayez que huit compagnies de sapeurs, y compris celle de Danzig. Chaque compagnie devra avoir un caisson pour ses outils. Vous aurez en outre 6,000 outils attelés; mais vous en tien­drez 20,000 en réserve et non attelés à Danzig. L’organisation du génie est donc trop forte dans cet état; je l’ai diminué; ce change­ment à faire dans l’état m’aurait décidé à en retarder l’envoi, si cependant il n’était pas préférable de ne pas perdre de temps, afin que nous nous entendions.

Ne tenez en Westphalie que 12,500 hommes. Lorsque les deux bataillons de tirailleurs corses et du Pô seront arrivés, vous les pla­cerez également à Magdeburg et aux environs. Dans le courant de mai, trois nouveaux généraux de brigade vous arriveront, mon in­tention étant que chacune de vos divisions soit partagée en trois brigades.

Vous mettrez une brigade de cavalerie légère dans le Mecklenburg sous les ordres du général Friant. Il faut qu’aucun bâtiment ne puisse sortir des ports du Mecklenburg; qu’à cet effet le général Friant orga­nise des bataillons de voltigeurs, mêlés avec de la cavalerie et com­mandés par des officiers intelligents, qui occupent toutes les côtes et ne laissent rien sortir.

Il faudra faire dire avec attention au duc de Mecklenburg mon dis­cours aux villes hanséatiques. Vous lui ferez comprendre qu’il ne peut conserver son indépendance qu’autant qu’il marchera franchement dans le système de la France; que la moindre indiscrétion le compromettrait. Vous écrirez aussi à mon consul à Stralsund pour qu’il fasse comprendre la même chose à la régence, et qu’à la moin­dre contravention la Poméranie suédoise serait sur-le-champ envahie.

Parlez-moi de l’avancement des trois régiments que vous formez. Je préfère que six bataillons de ces régiments vous suivent, parce que des régiments aussi nombreux ne seraient pas sûrs, et que je me contenterai des derniers bataillons pour garder les trois départements sous l’influence des autres troupes françaises qui s’y trouveront. Je crois qu’après la récolte il sera convenable que toutes vos troupes campent par division; mais il y a encore du temps d’ici à cette époque.

Pour que vous puissiez mettre une mesure convenable dans vos dispositions, il est nécessaire de vous faire connaître ma situation. Rien ne me porte à penser que les Russes veuillent se mettre avec les Anglais et me faire la guerre; ils sont trop occupés du côté des Turcs; mais j’ai lieu de croire que, lorsqu’ils auront fini avec les Turcs et que leur armée sera de retour et en force sur les frontières de la Pologne, ils pourront devenir plus exigeants; et il ne sera plus temps alors de faire des mouvements qui les décideraient à brusquer une invasion sur Varsovie. Il faut donc que tous les mouvements que j’ai à faire soient faits dans le courant d’avril ; cela fait, il est proba­ble que nous nous expliquerons et que nous gagnerons du temps de part et d’autre. Mais alors je me trouverai dans une position offensive; Danzig bien approvisionné, bien armé, ayant une garnison suffisante ; vous, ayant presque deux divisions sur Stettin, de manière qu’au moindre mouvement qu’ils feraient je serais aussitôt qu’eux sur la Vistule.

Dans votre correspondance avec le prince Poniatowski, correspon­dance que vous ferez passer comme je vous l’ai dit, vous devez l’en­gager à former des gardes nationales dans toutes les villes. Les fusils ne leur manquent pas; d’ailleurs j’en ai 100,000 qui sont emballés et qui partiront en avril.

Du reste vous devez tenir un langage pacifique. Les mouvements que vous faites ont un motif simple : la prochaine arrivée de l’esca­dre anglaise dans la Baltique et la nécessité de se mettre en mesure partout.

A moins que les Russes ne m’attaquent, je ne compte pas faire d’autres mouvements cette année; mais je veux me mettre en état. A la conscription de cette année succédera celle de l’année prochaine, aussitôt que janvier sera arrivé. Cela me coûtera de l’argent et beau­coup d’argent, et c’est ce qui doit vous faire sentir l’importance de m’en procurer le plus que vous pourrez et de m’en demander le moins possible.

Tous mes régiments de cuirassiers seront complétés à 1,100 che­vaux; tous ceux qui étaient dans l’intérieur, du côté des côtes, se rapprochent de la Belgique, de Wesel et de Mayence; des camps vont être formés à Boulogne, à Utrecht, à Wesel et du côté d’Emden; ces troupes pourront se porter en avant comme l’éclair et former votre seconde ligne. Mes régiments de Naples, qui n’ont pas fait la guerre depuis longtemps, s’approchent du Pô. Mon intention est même de faire remplacer promptement à Küstrin le régiment polonais qui s’y trouve par d’autres régiments de la Confédération, comme je vous l’écrirai un autre jour, afin de pousser le 5e qui est à ma solde, sur Thorn.

J’ai formé un second régiment de lanciers polonais; j’en ai tiré les officiers du régiment polonais de ma Garde et j’en ai donné le com­mandement au colonel Krasinski. Il se réunit en ce moment à Sedan. Je l’enverrai sur Magdeburg pour achever de se former; peut-être même le pousserai-je jusqu’à Danzig.

Veillez à ce que Danzig s’arme et s’approvisionne sous tous les points de vue. Recommandez à Rapp de couper sa langue et de faire entendre que ces préparatifs sont dirigés contre les Anglais.

Vous voilà bien instruit de ma position. Je ne veux pas la guerre avec la Russie, mais je veux prendre une position offensive et faire pour cela des mouvements qui, s’ils avaient lieu plus tard, pourraient faire éclater la guerre; car il est évident que, si ces mouve­ments se faisaient quand les Russes auront toutes leurs forces disponi­bles, ils ne voudraient plus croire à mes explications et marcheraient sur-le-champ pour s’emparer de Varsovie.

Dans vos lettres au prince Poniatowski, faites-lui sentir : 1° la nécessité de former de belles gardes nationales à Varsovie, à Cracovie et dans les autres principales villes; 2° celle de réunir toutes les munitions et toute l’artillerie sur Modlin, afin que rien ne pousse les Russes à se porter sur Varsovie, où ils n’auraient rien à prendre. Sierock n’est pas le point le plus important ; c’est Modlin, et il y faut porter tous ses efforts.

Dites au prince que déjà vous avez 80,000 hommes sous votre commandement; qu’en outre vous allez en avoir 15,000 à Danzig, et qu’enfin trois fois autant de troupes sont sur vos derrières, prêtes à se mettre en marche si on attaquait le grand-duché ; que je ne veux pas attaquer, mais qu’il faut se mettre en mesure; que l’espérance de prendre 80,000 fusils, de la poudre et des munitions pourrait pous­ser les Russes à tenter un coup de main sur Varsovie, mais que cet espoir sera frustré si tout est renfermé dans Modlin. Vous devez aussi faire comprendre au prince que le 5e, le 10e et le 19e régiment ne resteront pas à Danzig; qu’aussitôt que d’autres troupes les auront relevés dans cette garnison ces régiments lui seront envoyés.

 

Paris, 25 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, il serait nécessaire d’avoir un chargé d’affaires près du duc de Mecklenburg-Schwerin. Il a ici un homme d’affaires; je désire que vous ayez une conférence avec cet agent. Vous lui ferez connaître : 1° que je veux franchement laisser au duc son indépendance; que la seule communication par le canal de Lübeck avec la Baltique me suffit ; mais que mes principes sont claire­ment exprimés dans ma réponse aux députés des villes hanséatiques; que vous invitez les ministres du duc à méditer cette réponse; que c’est là ma profession de foi ; que, si le duc prend toutes les mesures nécessaires pour me seconder contre l’Angleterre, pour empêcher toute correspondance et toute communication de commerce et de contrebande, il conservera son indépendance ; que, s’il en agit autrement, il ne la conservera pas; que si les communications ont lieu par ses États avec l’Angleterre, que si la contrebande peut s’y faire, alors je serai obligé de mettre mes douanes à la place des siennes; mais qu’il est impossible d’établir ce régime de douanes sans réunir le territoire, et qu’ainsi l’indépendance du Mecklenburg est entre les mains du duc; que les mezzo termine et les protestations ne peuvent pas me tromper; qu’il faut que le duc agisse et fasse agir comme j’agirais moi-même; c’est donc au duc à organiser ses douanes et à prendre des mesures pour réussir; s’il réussit, il restera indépendant; s’il ne réussit pas, je me chargerai du soin de garder son pays et je le réunirai; que la seconde chose indispensable est de me fournir des matelots, comme ce pays m’en fournirait s’il était réuni; je ne puis pas lui demander moins de 600 matelots, mais de bons matelots; c’est à lui à les lever; je les solderai, je les habillerai et je les nour­rirai; ce ne sont pas des hommes que je lui demande, j’en ai plus qu’il ne m’en faut; mais ce sont des matelots exercés; c’est à lui à prendre des mesures pour réussir et me les fournir; que le troisième point est de prendre des mesures pour armer Rostock, Wismar et les autres points de la côte, de manière que les Anglais ne puissent pas stationner dans les parages du duché; que ma profession de foi est publique : je n’ai pas besoin du Mecklenburg, mais je le réunirai si son gouvernement actuel ne peut me seconder dans ces trois princi­paux moyens de guerre contre l’Angleterre; que je ne suis obligé aucun ménagement envers personne, puisque les Anglais n’en ont sur mer avec qui que ce soit ; que c’est par un ordre exprès de ma part que vous l’avez envoyé chercher et que vous lui faites cette déclaration; qu’il est nécessaire qu’il la transmette par un courrier à sa cour; que le duc doit avoir sécurité entière sur son indépendance, si de mon côté j’ai sécurité sur ces trois objets ; que sur le nombre de matelots que je lui demande je voudrais en avoir 200 d’ici au 30 avril, 200 d’ici à la fin de mai et 200 d’ici à la fin de juin, et même plus tôt s’il est possible; que, quant aux douanes, je le laisse maître de prendre les mesures qu’il croira nécessaires pour garder ses ports et ses côtes conjointement avec mes troupes; mais qu’on élude facilement les troupes, et que, si les marchandises anglaises s’introduisaient par ses États, il perdrait alors ce que je désire lui conserver.

Le résumé de cette conversation, vous l’enverrez au prince d’Eckmühl pour sa gouverne, ainsi qu’au chargé d’affaires que vous allez envoyer à Schwerin.  Proposez-moi la nomination de ce chargé d’affaires.

Envoyez également le résumé de cette conversation au comte de Saint Marsan, afin qu’il soit instruit de ma politique avec le Mecklenburg et que son langage y soit conforme. Il en doit être à peu près de même avec la Prusse. Il doit demander qu’on empêche la contre­bande, qu’on intercepte toute communication avec le commerce an­glais, et même tâter la Prusse pour qu’elle nous envoie un millier de matelots, mais cette dernière partie des demandes doit être traitée plus délicatement. M. de Saint Marsan doit dire que je suis instruit qu’une escadre anglaise entre dans la Baltique; que cela me force d’envoyer des renforts à la garnison de Danzig et de me mettre en mesure de me porter au secours de cette place s’il était nécessaire; que les stipulations du traité de Tilsit avec la Prusse sont positives; que le décret de Berlin doit être exécuté. M. de Saint Marsan doit parler clair : la paix est à cette condition. Il faut que Memel, Königsberg, Swienemünde, etc., soient étroitement fermés, et que les douanes prussiennes empêchent toute communication, soit par lettres, soit autrement, avec les bâtiments anglais dans la Baltique.

Enfin, vous ferez les mêmes communications au ministre de Dane­mark qui est ici; qu’il faut que cette puissance fasse quelque chose ; qu’il faut que le Holstein soit immédiatement fermé; que j’ai toléré l’année dernière ce que je ne peux plus souffrir cette année; qu’a dater de la fin de mai il ne doit plus y avoir de denrées coloniales ; que j’aime le roi de Danemark, et qu’au lieu de penser à diminuer ses États je désire plutôt les augmenter; que je suis sensible à toutes les amitiés qu’il m’a témoignées; mais qu’enfin il est indispensable qu’aucune lettre ne puisse passer en Angleterre, qu’aucune communication ne puisse avoir lieu avec le commerce anglais.

Envoyez aussi chercher le ministre de Suède pour lui déclarer la même chose. Dites-lui que, si un bâtiment chargé de denrées colo­niales, soit américain, soit danois, soit suédois, soit espagnol, soit russe, est admis dans les ports de la Poméranie suédoise, mes trou­pes entreront aussitôt dans la province, ainsi que mes douanes. En­voyez de même à M. Alquier et au prince d’Eckmühl le précis de votre conversation. Répétez à mon consul à Stralsund qu’il doit parler clair et ferme à la régence; qu’ils doivent armer et mettre en état de défense l’île de Rügen et leurs côtes; car, si les Anglais y mettaient le pied, je serais obligé d’accourir et de prendre moi-même soin de garder ces côtes.

Le secrétaire d’État vous enverra un décret que j’ai pris pour les marchandises du Holstein. Vous ferez communiquer ce décret en Danemark, afin que cette faveur, que j’ai accordée, finisse et ne devienne pas une source d’abus.

 

Paris. 25 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je vous renvoie la lettre que vous pou­vez écrire à M. le comte Otto. Je l’ai abrégée et adoucie.

 

LETTRE DU DUC DE CADORE AU COMTE OTTO.

Paris, 26 mars 1811.

Monsieur l’Ambassadeur, j’attends à chaque instant la réponse que vous aurez à faire à la lettre par laquelle je vous engageais à sonder les dispositions de l’Autriche relativement à la possession par les Russes de la Valachie et de la Moldavie.

La réunion de ces provinces à l’empire russe est sans doute un malheur pour l’Autriche; elle a aussi beaucoup d’inconvénients pour la France. Le traité de Tilsit avait stipulé l’évacuation de ces provin­ces. L’animosité qui séparait alors la France et l’Autriche a obligé de renoncer à l’exécution de cette clause. Le dernier ukase de la Russie sur le commerce, si défavorable à la France, et le refroidissement que nous ne pouvons dissimuler exister entre les deux puissances, nous ramènent à sentir davantage les maux résultant de l’incorporation à la Russie de ces deux provinces turques.

Mais mon intention n’est point de traiter maintenant cette ques­tion ; j’y reviendrai lorsque j’aurai reçu votre réponse. Je vous écris aujourd’hui pour une autre question indépendante de la première, quoique ayant un objet semblable. Je ne me permets pas de préjuger ce qu’on a pu répondre à l’ouverture que vous étiez chargé de faire, relative à la Valachie et à la Moldavie, ni par conséquent quelle suite il convient de donner à cette première démarche. L’Empereur veut que vous en fassiez une seconde, relative à l’occupation de Belgrade par les troupes russes. Si Sa Majesté voit avec déplaisir les Russes dans la Valachie et dans la Moldavie, elle serait bien plus alarmée de les voir occuper Belgrade et tout disposer pour établir un hospodar ou prince grec en Servie. Sa Majesté envisage toutes les conséquences fâcheuses d’un tel établissement. La tranquillité de la Dalmatie et des provinces illyriennes en serait moins assurée; l’influence du nouveau gouvernement servien s’étendrait sur tout le littoral de l’Adriatique et sur la Méditerranée; une souveraineté grecque établie en Servie exal­terait les prétentions et les espérances de vingt millions de Grecs, de­puis l’Albanie jusqu’à Constantinople, qui à cause de leur religion ne peuvent se rallier qu’à la Russie : l’empire turc serait blessé au cœur.

L’Empereur veut donc, Monsieur, que vous déclariez à la cour de Vienne son intention de ne point souffrir que les Russes conservent, à la paix, de l’influence en Servie, ni qu’ils y établissent un gouver­nement de leur choix. Vous pourrez même, si vous trouvez le minis­tère autrichien dans des dispositions favorables, concerter avec lui les mesures propres à procurer à la Porte, lors de la paix, la resti­tution de la Servie, ou du moins à empêcher qu’il ne s’y établisse un ordre de choses favorable à l’influence russe, ou qui laisse exister dans cette province un gouvernement grec.

L’empereur Alexandre a pris avec l’empereur Napoléon l’engage­ment de ne rien garder en Servie. L’occupation de Belgrade peut être envisagée comme une violation de cette promesse; la France pourrait donc s’en plaindre, et la cour d’Autriche, quelque démarche qu’elle veuille faire à l’occasion de la Servie, peut être assurée qu’elle sera franchement, loyalement et entièrement appuyée par la France. Ainsi la France sera disposée à prendre tel engagement que la cour de Vienne voudra lui faire contracter, soit pour opérer la restitution de la Servie à la Porte, soit pour empêcher l’établissement d’un gou­vernement grec dans cette province; mais c’est à l’Autriche à agir à Constantinople.

Je vous rappelle, Monsieur, que cette démarche est entièrement distincte de celle que vous avez été chargé de faire relativement à la Valachie et à la Moldavie; qu’elle ne doit point empêcher le résultat de vos premières ouvertures, comme aussi elle est indépendante de la réponse qui vous aurait été faite.

Si vous étiez assuré que la cour de Vienne fit faire quelques démar­ches à Constantinople, vous pourriez en prévenir M. de Latour-Maubourg; lui dire que l’Empereur a vu avec peine cette occupation de Belgrade, et qu’il est disposé à s’opposer à l’établissement d’un gouvernement grec dans cette province. Mais vous ne devez faire cette communication qu’autant que vous auriez une occasion parfai­tement sûre, puisque vous n’avez pas de chiffre pour correspondre avec Constantinople et qu’un courrier dépêché par vous donnerait lieu à des soupçons et à des conjectures qu’il ne faut pas faire naître.

Champagny, duc de Cadore.

 

Paris, 25 mars 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, je vous envoie un travail du prince d’Eckmühl sur le service des finances des trois départements. Vous y verrez que les douanes envoient leur argent à Paris, ce qui estime grande sottise, puisque ensuite il faut que vous renvoyiez de l’argent dans ces départements. Faites-moi un rapport particulier là-dessus. Vous remarquerez qu’on ne doit pas solder le régiment saxon ni la compagnie d’artillerie saxonne qui sont à Danzig; et, comme dans les corps il y a beaucoup d’incomplet, 100,000 francs par mois suffiront. Mon intention est que cet article soit payé sur mon budget sous le titre de solde de Danzig. Vous y enverrez 111,111 francs par mois à compter d’avril, ce qui fera un million pour l’année.

Vous écrirez à Danzig que la nourriture de la garnison doit être tout entière au compte de la ville; que les travaux du génie et de l’artillerie doivent être au compte de la caisse des douanes de cette ville. En cas d’insuffisance il y serait pourvu par un article additionnel au budget de la guerre ; mais, comme il y a peu de mois 500,000 francs étaient déjà dans cette caisse, je suppose que les produits seront suffi­sants. Vous écrirez à Danzig que cet argent restera dans votre caisse, et vous en ferez recette au trésor comme fonds spécial des fortifications de Danzig. Le reste de l’armée d’Allemagne ne doit me rien coûter, hormis 250,000 francs que je veux bien accorder pour subvenir à la solde; ce qui fera trois millions pour l’année, et quatre millions y compris Danzig.

12,500 hommes doivent être nourris et soldés par la Westphalie; une autre partie doit être soldée par moi, mais nourrie par la Prusse ; enfin le Mecklenburg doit nourrir une division.

Le 5e régiment polonais est à ma solde à compter du 1er avril; mais mon intention est qu’il soit payé par la caisse des trois départe­ments et en conséquence des 250,000 francs que je lui accorde.

Les quatre millions que me coûtera l’armée d’Allemagne, vous les porterez dans le budget de la solde de 1811.

De plus, vous aurez besoin d’argent dans le Nord pour solder des chevaux de cavalerie, d’artillerie et les équipages régimentaires. Vous pourrez demander aux ministres de la guerre et de l’administration de la guerre l’état de ces dépenses; je ne pense pas que cela passe deux millions.

La caisse des ponts et chaussées aura de plus à faire des fonds pour les travaux de la route et du canal. Il est nécessaire que vous fassiez ces fonds pour que la caisse des canaux ne fasse pas de frais inutiles.

Présentez-moi un projet sur la manière de faire le service dans tout le Nord.

 

P. S. Vous verrez dans le mémoire de l’ordonnateur Chambon un passage qui dit que le trésor a fait les fonds jusqu’au 31 mars ; je croyais que vous n’aviez fait aucuns fonds pour l’armée d’Allemagne.

Quand vous aurez pris connaissance de ces mémoires et de ces états, renvoyez-les-moi.

 

Paris, 25 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai approuvé le projet qui m’a été présenté pour les fortifications de Danzig; j’ai ordonné que deux millions soient mis à votre dispo­sition pour leur exécution. Tous ces travaux seront commencés à la fois, sans avoir égard à la dépense, mais dirigés de manière qu’ils offrent la perspective d’être terminés dans le courant de l’année et qu’ils puissent avant la fin d’octobre être armés, s’il est nécessaire. Il faut faire en sorte qu’à quelque époque que ce soit les travaux qui auraient été commencés puissent en peu de jours être mis en état de défense et ajouter à la force de la place. Mon intention est que le général Chambarlhiac, le général Haxo et le colonel Richemont par­tent dans la semaine pour Danzig, et dans une même voiture pour faire moins d’embarras; ils diront que c’est un général voyageant avec ses deux aides de camp.

A Hambourg, ils visiteront la place et enverront leur rapport; ils prescriront aux officiers du génie les travaux qui sont d’urgence, Arrivés à Danzig, ils arrêteront le tracé définitif des ouvrages, pla­ceront eux-mêmes les piquets sur le terrain et rédigeront un procès-verbal signé d’eux trois. Le général Chambarlhiac et le colonel Richemont resteront à Danzig pour défendre la place, en diriger les travaux, et y seront définitivement attachés. Le général Chambarlhiac rendra compte au ministre de la guerre et au maréchal prince d’Eckmühl.

Recommandez aux officiers de ne parler dans leurs mémoires que des Anglais, et jamais des Russes. Le langage des officiers doit être que les Anglais veulent s’établir dans cette place pour dominer la Baltique.

Le général Haxo visitera les places de Thorn et Modlin, pour les­quelles il recevra une instruction particulière. Il visitera également Glogau, Küstrin et Stettin, places qui sont sous son commandement, et reviendra à Magdeburg. On ne croit pas que le général Haxo reste plus de trois semaines à Danzig. Il sera nécessaire que vous écriviez à mon ministre en Saxe sur la visite que le général Haxo doit faire à Thorn et à Modlin; mais on a tout le temps, puisque ce ne peut être avant un mois.

Il faut diriger sur-le-champ sur Danzig le nombre d’officiers du génie nécessaire; la plus grande partie de ceux destinés à l’armée d’Allemagne, hormis ceux qui sont nécessaires aux travaux de la côte de Hambourg, peuvent y être envoyés. Il faut demander six ingé­nieurs italiens au vice-roi et les diriger en poste sur Dresde, où vous leur enverrez l’ordre de partir pour Danzig.

Faites-moi connaître s’il y a suffisamment de malles entre Danzig et Paris et s’il faut les multiplier, afin d’être assuré que la correspon­dance ne soit pas interceptée.

 

Paris, 25 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20 mars. Le partage que vous faites de vos seize régiments en quatre divisions ne me parait pas convenable. Le 33e léger et le 111e ne peuvent pas être ensem­ble; ce serait deux régiments étrangers dans la même division. Je vous ai envoyé hier l’organisation de l’armée, telle que je l’ai arrêtée. Dans votre lettre du 20 mars vous me dites que les 5e, 10e et 11e régiments d’infanterie polonaise ainsi que le régiment des chevau-légers polonais doivent être nourris et soldés par moi, tandis que les régi­ments saxons doivent seulement être nourris; cela est juste et je l’entends ainsi; mais je n’entends payer des régiments polonais que ce qui sera dans la place et présent à mon service.

Vous êtes parfaitement le maître d’arranger dans l’Oldenburg les choses comme vous le jugerez convenable. Faîtes en sorte de m’en­voyer 3,000 marins. Vous avez dû recevoir du ministre de la marine avis des avantages à faire aux femmes des marins.

 

Paris, 25 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, demandez au duc de Raguse une carte avec un projet d’expédition en détail sur Monténégro.

 

Paris, 27 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je vous envoie un canevas pour ser­vir à votre lettre au prince Kourakine. Apportez-moi cela demain matin. J’en ai effacé les cinq sixièmes comme inutiles; donnez à votre lettre la forme d’un billet.

A cette occasion faites bien comprendre au prince Kourakine com­bien toutes les mesures qu’on prend en Russie me mettent dans la nécessité d’en prendre; que, cette année, cela me coûte cent millions d’extraordinaire; mais que c’est l’empereur Alexandre qui a com­mencé; qu’on n’avait pas remué une pelle ni une pioche à Danzig; qu’on n’y avait pas fait entrer un convoi; qu’il n’y avait pas même de garnison. Rappelez le désir que j’ai, comme je l’ai témoigné par la lettre que j’ai remise au comte Czernitchef, qu’on en vienne à une explication et que de part et d’autre tout cela cesse.

BILLET ÉCRIT AU PRINCE KOURAKINE, le 29 mars 1811.

Prince, vous avez désiré que je vous rappelasse dans ce billet ce que j’ai eu l’honneur de vous dire dans notre dernier entretien. Les lettres du duc de Vicence de la fin de février et du commencement de mars m’apprennent que de faux bruits circulent à Saint-Pétersbourg et qu’ils y sont accueillis. L’empereur Alexandre a paru persuadé, et lui-même l’a dit au duc de Vicence, qu’un train considérable d’artillerie était entré à Danzig, que les princes de la Confé­dération avaient été requis de réunir leurs chevaux d’artillerie, et que, sur leur réponse énonçant que, sans les obliger à faire la dépense que cette réunion exigerait, leurs chevaux seraient toujours prêts quand on en aurait besoin, on avait insisté sur l’exécution de cette disposition. Ces assertions sont fausses. Aucun train d’artillerie n’est arrivé à Danzig; on n’a pas même songé aux troupes de la Confédération. On a fait grand bruit de quelques fusils achetés en France par la Saxe; mais le nombre n’en est que de 20,000, au lieu de 60,000 qu’on a supposés. On a fait également grand bruit de quelques canons de petit calibre demandés par la Saxe pour ses régiments, et que l’Empereur lui a donnés, parce que toute l’artillerie saxonne avait été prise à Iéna. On n’accusera pas la Saxe d’avoir voulu mettre du mystère dans cette acquisition de fusils et de canons, puisque le transport des caisses de fusils et des canons montés sur leurs affûts s’est fait à travers l’Allemagne sans aucune espèce de déguisement. Voilà quels faits très-simples ont été dénaturés et présentés sous un faux jour. Il est également faux qu’on ait fait à Danzig des fortifications, ainsi qu’on a voulu le persuader à l’empereur Alexandre. Lorsqu’on a vu des préparatifs sur la Dvina, la création de nouveaux régiments et de nouvelles places de guerre, le mouvement des troupes de Finlande et de Sibérie s’avançant vers les frontières occi­dentales de l’empire, le retour de deux divisions qui étaient en Moldavie, cir­constance si propre à retarder votre paix avec la Porte, tous ces faits n’ont-ils pu faire penser et ne tendent-ils pas à prouver que l’empereur Alexandre lui-même n’est plus dans les sentiments de Tilsit ? La facilité avec laquelle on a accueilli à Pétersbourg des bruits sans fondement fait assez prévoir l’exagération avec laquelle quelques mouvements que l’Empereur a jugés nécessaires seront rapportés. C’est pour prévenir ces inconvénients que je me suis empressé de vous les faire connaître. L’annonce d’une escadre anglaise entrant dans la Bal­tique a fait penser à l’Empereur qu’il devait mettre Danzig en état de sûreté. En conséquence, Sa Majesté a fait demander deux régiments au duché de Var­sovie, un à la Saxe, un à la Bavière, un à la Westphalie et un au Wurtemberg. Il y a envoyé un millier de canonniers et un régiment de cavalerie française. La garnison de Danzig pourra être de cette manière portée à 15,000 hommes. L’Empereur a ordonné la réparation des fortifications de cette place et son approvisionnement pour deux ans. Ces mesures sont de précaution et purement défensives. Par ce mouvement la place de Stettin se trouvant sans garnison, Sa Majesté a ordonné au prince d’Eckmühl de la faire occuper par deux régi­ments français. Il manquait quelques approvisionnements à ce que les gens du métier avaient déterminé pour Danzig : Sa Majesté en a ordonné l’envoi. D’ailleurs aucun contingent n’a été demandé à la Confédération, aucun mouvement extraor­dinaire n’a eu lieu dans l’intérieur de l’Empire. Les camps de Boulogne, d’Utrecht et de l’Escaut qui se forment, les grandes levées de marins dont on s’occupe, toutes les dépenses que l’Empereur fait faire dans ses chantiers et qui porteront à vingt-cinq le nombre des vaisseaux lancés cette année, prouvent assez que les idées de Sa Majesté, toujours fidèle au traité de Tilsit, n’ont pour but que l’accroissement de sa marine et la poursuite de la guerre maritime. La réunion des villes hanséatiques et du pays qui les embrasse n’a pas eu d’autre objet. Les circonstances lui sont favorables : les débats de la chambre des communes en Angleterre et la triste situation du commerce de Londres annoncent assez le besoin de la paix et la lassitude de la guerre continentale qu’éprouve l’Angleterre.

Tel est le but auquel on pourra se flatter d’arriver, si l’union entre la France et la Russie est constamment maintenue, et si toutes les deux, animées des mêmes vues et du même esprit, dirigent contre l’Angleterre leurs efforts et leur puissance.

 

Paris, 28 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, en confirmant la disposition qui accorde dans la ligne aux officiers de ma vieille Garde le grade immé­diatement supérieur à celui qu’ils occupent dans la Garde, je vous fais connaître que mon intention n’est pas que cette prérogative s’applique aux deux régiments de lanciers, au 2e régiment de grenadiers à pied, ni à ceux des officiers des corps de la Garde, comme fusiliers, tirail­leurs, voltigeurs, etc., qui ne sont considérés et traités que sur le pied d’officiers de la ligne. Gardez seulement cette décision pour votre gouverne.

 

Paris, 28 mars 1811

Au comte Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Je vois dans le compte que vous me rendez que les travaux de Paris sont retardés par la préfecture et qu’ils ne sont pas même commencés. Je ne vois rien de disposé pour paver le quai des Invalides. Faites- moi connaître ce qu’il faudrait pour cette dépense et sur quels fonds on peut la prendre.

 

Paris, 28 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je vous envoie l’état que le ministre de l’administra­tion de la guerre me remet pour l’approvisionnement de Danzig. Je trouve que 1,100,000 francs de vins sont inutiles, à moins qu’on ne parvienne à envoyer des vins par la Baltique. Je trouve que 400,000 francs pour le foin , 300,000 francs pour le bois sont également inu­tiles. En général, je désire que vous vous fassiez rendre compte secrè­tement de la quantité de ces denrées qu’on trouverait à Danzig en cas de siège, et dont on pourrait aussitôt approvisionner la garnison. Le bois, le foin, le blé, les eaux-de-vie se trouvent ordinairement en grande quantité dans cette ville.

 

Paris, 29 mars 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je vois avec surprise que le baron Durand n’était pas encore arrivé à Naples. Je ne sais ce que cela signifie.

Je vois aussi que je n’ai pas encore de réponse aux courriers qui ont porté la demande de troupes que j’ai faite à la Bavière et au Wurtemberg.

 

Paris, 29 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai pris un décret relatif aux Vélites hollandais. Ils feront partie de la Garde et seront désignés sous le nom de régiment de Pupilles de la Garde. Vous vous entendrez avec le ministre de la marine, tant pour la formation que pour le recrutement de ce régiment, qui devra être organisé le plus tôt possible.

Je porte les compagnies à 221 hommes, parce que, dans le cas où on voudrait faire marcher ce régiment, les jeunes gens au-dessous de dix-huit ans pourraient difficilement suivre; on en laisserait beau­coup en arrière; alors ce régiment se trouverait réduit à 1,500 hommes. Le conseil d’administration des grenadiers hollandais sera chargé de l’administration de ce petit régiment. Les officiers ne doivent pas faire partie de la Garde. Mon intention est de les prendre dans le cadre de ce régiment; cependant, s’il y en a de mauvais, on les ren­verra dans les régiments de la ligne, et, pour remplir les places vacantes, on prendra des jeunes gens de Fontainebleau. Les capo­raux m’ont paru bien jeunes.

 

Paris, 29 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, donnez les ordres suivants pour diriger des renforts sur l’armée du Midi.

RENFORTS A TIRER DE L’ARMÉE DU CENTRE.

Donnez ordre que tout ce qu’il y a à l’armée du Centre du 51e et du 55e soit envoyé à Cordoue. Faites diriger également sur l’armée du Midi le bataillon du 9e qui est à Ségovie, ceux du 10e et du 27e léger qui sont à Madrid; enfin les 4,200 hommes et les 200 che­vaux qui appartiennent à l’armée du Midi. Cela fera donc 5,000 hom­mes de renfort que l’armée du Centre enverra à l’armée du Midi. Toutes ces troupes partiront en deux colonnes et sans délai.

RENFORTS A TIRER DE L’ARMÉE DU NORD.

Navarre. — Donnez ordre de faire partir sans délai les trois com­pagnies du 51e qui se trouvent dans le 3e régiment provisoire, les 300 hommes du 55e et les 400 du 75e qui se trouvent dans le même régiment, où ils forment le 3e bataillon; les 600 hommes du 32e et les 700 hommes du 58e qui forment les deux premiers bataillons du 1er régiment provisoire; enfin les détachements du 54e du 88e et du 34e qui se trouvent dans le 4e régiment provisoire, au 2e batail­lon, et le détachement du 28e qui fait partie du 1er bataillon du même régiment. Ces différents détachements se réuniront à Logroño.

Il en sera fait un 1er régiment de marche de l’armée du Midi, fort de 2,800 hommes. De Logroño, ce régiment de marche se dirigera sur l’Andalousie par Burgos, Valladolid et Madrid.

En conséquence, les régiments provisoires restant en Navarre seront réorganisés de la manière suivante.

Le 4e régiment provisoire sera dissous ; son 1er bataillon deviendra le 2e du 1er régiment provisoire. Le détachement de 300 hommes du 36e sera joint à ce bataillon, en remplacement du 28e, qui en est retiré.

Le 3e régiment provisoire sera également dissous; son 1er batail­lon deviendra le 1er du 1er régiment provisoire.

Le 2e régiment provisoire n’éprouvera pas de changement.

Le 1er régiment sera composé ainsi qu’il suit, savoir : 1er bataillon (1er actuel du 3e) ; détachement du 44e de ligne, 300 hommes; déta­chement du 46e de ligne, 470 hommes; total, 770 hommes ; 2e ba­taillon (le 1er actuel du 4e); détachement du 14e, 200 hommes; détachement du 25e, 480 hommes; détachement du 36e, 340 hom­mes; total, 1,029 hommes; 3e et 4e bataillons, comme ils sont.

Le colonel du 3e régiment commandera le régiment de marche de l’armée du Midi que doivent composer les différents détachements ci-dessus. Le colonel du 4e régiment marchera également avec ce régiment de marche. A leur arrivée en Andalousie, lorsque les diffé­rents détachements auront rejoint leurs régiments, ils seront à la disposition du duc de Dalmatie, qui leur donnera les premiers régiments vacants. Le corps de Navarre se trouvera donc affaibli d’envi­ron 2,800 hommes.

Biscaye. — Dans la Biscaye, donnez ordre que le bataillon de marche du Midi, fort de 600 hommes, et le bataillon du 13e, fort de 800 hommes, forment le 2e régiment de marche de l’armée du Midi. Ce régiment sera fort d’environ 1,400 hommes; il sera sous les ordres du colonel Mejean et se mettra également en marche pour Madrid. Cela fera un affaiblissement de 1,400 hommes pour le gouvernement de la Biscaye.

Province de Valladolid. — Le bataillon du 12e d’infanterie légère, fort de 800 hommes, celui du 32e, fort de 600 hommes, et celui du 58e fort de 500 hommes, formeront le 3e régiment de l’armée d’Andalousie et se mettront également en marche pour Madrid. Le 9e régiment provisoire de dragons se réunira h ces trois bataillons, et le colonel Leclerc commandera la colonne. Les hommes montés seuls suivront ce mouvement. Les dragons à pied rentreront en France. Le 6e et le 7e régiment provisoire se rendront également en Andalousie. La compagnie d’artillerie du grand-duché de Berg rentrera à Bayonne.

Ainsi donc les renforts que l’armée du Nord dirigera sur l’armée du Midi se composeront : du 1er régiment de marche du Midi, fort de 2,800 hommes; du 2e 1,400 hommes; du 3e 2,000 hommes, et des trois régiments provisoires de dragons, 1,800 hommes; total, 8,000 hommes. Ce qui, joint aux 5,000 de l’armée du Centre, for­mera un secours d’environ 13,200 hommes pour l’armée du Midi.

Donnez vos ordres de manière à ne pas être désobéi. Vous les adresserez au général Caffarelli, ou, en son absence, à celui qui commande la Biscaye, pour ce qui regarde le 2e régiment de marche. Le duc d’Istrie composera chaque colonne d’infanterie et de cavalerie, en portant chaque colonne à 2,000 hommes au moins, sans que cela soit cependant un motif de retard ; et même, si la réunion du batail­lon du 12e d’infanterie légère qui est dans les Asturies devait entraî­ner des délais, il ne faudrait pas attendre ce bataillon ; il partirait après. Il faut bien expliquer dans vos ordres qu’ils ne sont suscepti­bles ni de mais, ni de si, ni de car; que, vingt-quatre heures après leur réception, ces régiments doivent se mettre en marche; que les généraux Caffarelli et Reille doivent vous envoyer l’itinéraire de ce mouvement et le jour où ce régiment de marche doit arriver à Madrid ; qu’ils doivent également adresser cet itinéraire au duc de Dalmatie ; que les généraux auxquels vos ordres sont adressés sont responsables du moindre retard.

Quant à l’armée du Centre, vous ordonnerez également que les 5,000 hommes, tant infanterie que cavalerie, de l’armée du Midi, se mettent en marche vingt-quatre heures après la réception de votre ordre. Vous ne permettrez pas de réflexions. Vous annoncerez à Madrid le passage des renforts venant de l’armée du Nord, et vous donnerez des ordres pour qu’il ne soit pas retenu un homme, ces 2,000 chevaux et ces 10,000 hommes d’infanterie devant être de la plus grande utilité à l’armée du Midi. Vous rendrez le général Belliard personnellement responsable de l’exécution de mes ordres. Je désire qu’on fasse marcher ces troupes en masse le plus possible, et qu’on leur donne une bonne direction. Vous ferez comprendre au maréchal duc d’Istrie que le parti qu’a pris le prince d’Essling de venir dans le nord rend les troupes du nord de l’Espagne beaucoup trop nombreuses; que cet affaiblissement qu’il va éprouver est sans inconvénient, puisque le prince d’Essling le couvre et qu’il n’a plus à craindre qu’une division anglaise se présente par Ciudad-Rodrigo; mais que, par suite de ce mouvement du prince d’Essling, c’est le midi qui est exposé, et que je me fie en lui pour faire marcher le plus possible d’artillerie et de cavalerie, pour donner le commande­ment de ces renforts à l’officier le plus capable, enfin pour veiller à l’ordre de leur marche, en recommandant que la cavalerie fasse avant-garde et arrière-garde pour qu’ils ne puissent pas être entamés; que ces troupes ne devront séjourner qu’un jour à Madrid. Tout ceci est si important, que je désire que vous expédiiez un de vos officiers pour porter vos ordres. Cet officier arrivera à tire-d’aile à Vitoria; là il remettra vos ordres a Caffarelli ou à celui qui le remplace, et les fera exécuter sous ses yeux; de Tolosa il expédiera un officier en ordonnance au général Reille pour lui porter les ordres qui le con­cernent, et de Vitoria il enverra par un deuxième officier un dupli­cata de ces mêmes ordres au général Reille. Votre officier continuera ensuite sa route pour le duc d’Istrie.

Vos ordres seront composés, 1° d’un ordre positif et sec, à peu près en ces termes : L’Empereur ordonne, etc. ; 2e d’une lettre contenant vos instructions. Mettez dans l’ordre : « sous peine de désobéissance.»

De Valladolid votre officier se rendra à Madrid. Il y remettra égale­ment votre ordre sec, accompagné de vos instructions. Il verra les troupes commencer leur mouvement et continuera pour se rendre à Séville, auprès du duc de Dalmatie ou de celui qui commande en son absence. Il sera nécessaire que cet officier laisse un double de tous ses ordres à Bayonne, et vingt-quatre heures après son passage le général qui commande à Bayonne expédiera par un de ses officiers les duplicata adressés au général Caffarelli, au duc d’Istrie, au géné­ral Belliard et au duc de Dalmatie, et, par un autre officier, qui se dirigera directement sur Pampelune, les ordres adressés au général Reille, afin que, si votre officier était intercepté, les ordres n’en par­viennent pas moins par duplicata à leur destination.

RENFORTS A TIRER DE L’ARMÉE D’ARAGON.

Donnez des ordres positifs au général Suchet pour qu’il renvoie le régiment des lanciers polonais, ce qu’il a du 64e régiment, et enfin tout ce qu’il a des autres régiments du 5e corps. Il formera de ces troupes une colonne qu’il dirigera sur l’Andalousie par le chemin le plus sûr.

 

Paris, 29 mars 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 23 mars. J’accepte la brigade que vous m’offrez. Je préfère quatre bataillons de ceux déjà levés, à donner des inquiétudes en levant de nouveaux bataillons.

 

Paris, nuit du 29 au 30 mars 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris

Le major général fera prendre demain 200 exemplaires du Moniteur et les expédiera avant dix heures du soir par une estafette extraordinaire, en donnant ordre que de Bayonne ils soient transmis en Espagne, également par une estafette extraordinaire. Le prince de Neuchâtel adressera 50 exemplaires du Moniteur au commandant de Bayonne, qui en remettra 25 à Casablanca à son passage et en en­verra au général Reille en Navarre. Le prince de Neuchâtel adressera les 150 exemplaires restants au duc d’Istrie, qui les fera passer à Madrid, à l’armée de Portugal, et les répandra dans toute l’Espagne.

Le prince de Neuchâtel écrira par cette estafette, et en duplicata par l’officier qu’il doit faire partir demain, au duc de Dalmatie, pour lui faire connaître ma satisfaction de la prise de Badajoz ; mais il lui écrira aussi que j’ai vu avec peine les événements arrivés au 1er corps devant Cadix; que je ne puis approuver les dispositions qu’il avait faites de ce côté; que cet événement n’aurait pas eu lieu et que le siège de Cadix n’aurait pas couru les chances qu’il vient de courir, si, en partant pour l’Estrémadure, le duc de Dalmatie avait mis la division Godinot et le corps du général Sébastiani sous les ordres du maréchal duc de Bellune; que par ce moyen six régiments français et trois polonais, c’est-à-dire près de 20,000 hommes, se seraient trou­vés de plus sous ses ordres, et, lorsqu’il s’est vu menacer par le débarquement d’Algerisas, en rappelant à lui 8,000 hommes du corps Sébastiani et une brigade du général Godinot, il aurait eu trois fois plus de forces qu’il n’en aurait fallu ; que les deux seuls points vraiment à garder pendant l’expédition d’Estrémadure étaient Séville et Cadix; qu’il fallait centraliser tous les hôpitaux dans Séville; que, d’ailleurs, le tiers du 4e corps était plus que suffisant pour tenir en respect les mauvaises troupes de Murcie et contenir en gros tout ce pays.

Le duc de Dalmatie a 60,000 hommes sous ses ordres; il pouvait en laisser 30,000 sous les ordres du duc de Bellune et avoir plus de forces qu’il n’en a eu devant Badajoz. Cette manière de vouloir garder tous les points dans un moment difficile expose à de grands malheurs.

L’Empereur est mécontent de ce que, tandis que le siège de Cadix courait le risque d’être levé, le 12e, le 32e, le 58e et le 43e, formant une division de plus de 8,000 hommes, se trouvaient disséminés dans des points alors insignifiants. Les six bataillons polonais et la cava­lerie légère de Perreymond étaient plus que suffisants pour rester en observation de ce coté, et par conséquent les quatre régiments français et la division de cavalerie du comte Milhaud pouvaient être disponibles pour soutenir le siège de Cadix. D’un autre côté, les deux régiments du général Godinot, formant six bataillons, ne faisaient rien et étaient inutiles dans leurs cantonnements.

La disposition des troupes est le premier mérite d’un général, et Sa Majesté voit avec peine qu’ici les dispositions convenables n’aient pas été faites.

Sa Majesté entend que tous les hôpitaux soient réunis à Saille, de manière que, en occupant le pays pour en recueillir les subsistances et les ressources, on puisse cependant, en cas d’événement, centraliser les forces et n’avoir à garder que quelques citadelles.

Sa Majesté n’approuve pas davantage le parti qui a été pris de garder Olivenza. Il faut faire sauter cette place et en détruire les fortifications.

Quant à Badajoz, tout dépend de la possibilité de l’approvisionner. Si on peut l’approvisionner promptement pour six mois, il faut garder cette place; sinon, il ne faut garder que la citadelle et faire sauter les fortifications de la ville.

L’Empereur a ordonné que tout ce qui appartient aux 51e et 55e régiments, et qui se trouve en ce moment à l’armée du Centre, se mette en marche sur-le-champ pour l’Andalousie. L’Empereur a ordonné la même chose pour les 5,000 hommes, tant infanterie que cavalerie, appartenant à l’armée du Midi et qui se trouvent à l’armée du Centre. Il faut transmettre ces ordres de Sa Majesté d’une manière si positive, que cela soit sur-le-champ exécuté; en même temps donner ordre au duc d’Istrie d’envoyer au duc de Dalmatie 8,000 hommes d’infanterie et 2,000 de cavalerie, qui appartiennent également à l’armée du Midi et qui se trouvent en ce moment sous son commandement.

Ces renforts répareront toutes les pertes et remettront l’armée du Midi dans une situation convenable.

Indépendamment de ce, d’ici à quinze jours un autre corps de 6,000 hommes appartenant à l’armée du Midi s’y rendra également.

Ces dispositions faites, il faut que le duc de Dalmatie se mette en état de se défendre contre une attaque de l’armée de Portugal, et, lorsqu’il en sera temps, de marcher sur Lisbonne avec 30,000 hommes pendant que le prince d’Essling marchera de son côté sur Lisbonne avec 60,000 hommes. Mais cette opération offensive est ajournée jusqu’à ce que le nord du Portugal soit organisé.

Le quartier général de l’armée de Portugal reste à Coimbra. Porto est occupé par un détachement. Cette armée est forte de 70,000 hom­mes sous les armes. Elle a ordre de donner bataille à lord Welling­ton s’il veut s’avancer sur Coimbra, de le harceler et de le menacer sans cesse sur Lisbonne, pour l’empêcher de faire de gros détache­ments contre l’Andalousie. Lord Wellington n’a que 32,000 Anglais sous ses ordres; il ne peut donc en envoyer en détachements que 8 à 9,000, avec 5 à 6,000 Portugais.

Il faudrait toujours tenir à Badajoz la valeur de 15,000 hommes, cavalerie, infanterie, artillerie, en bon état et des meilleurs régi­ments; de sorte qu’au moindre mouvement des Anglais de ce côté le duc de Dalmatie, s’y portant avec 8 à 10,000 hommes, put réunir en Estrémadure 25 à 30,000 hommes. Dans ce cas extraordinaire, un corps d’observation seul resterait du côté de Grenade, et il serait sous les ordres du duc de Bellune.

Le duc de Dalmatie doit correspondre par Madrid avec le prince d’Essling et avec l’armée du Centre.

Le Roi doit toujours tenir un corps de 6,000 hommes, cavalerie, infanterie et artillerie, entre le Tage et Badajoz, prêt à se réunir au corps du duc de Dalmatie, s’il fallait s’opposer à une opération anglaise sur l’Andalousie.

Mais, pour arriver à ce résultat, il faut que le pays soit entièrement débarrassé, que les hôpitaux soient réunis dans Séville, et que Cadix, Séville et Badajoz soient les seuls points à garder, en tenant un corps d’observation à Grenade; dans ce cas, le maréchal duc de Bellune aurait le commandement des troupes qui resteraient à Séville, de celles qui continueraient le siège de Cadix et du corps d’observa­tion du côté de Grenade, tandis que le duc de Dalmatie commande­rait le corps opposé aux Anglais. Le duc de Dalmatie aurait en outre sous ses ordres la division de l’armée du Centre, et pourrait ainsi réunir facilement 30 à 35,000 hommes.

Le siège de Cadix peut se pousser avec la plus grande activité; on peut y mettre le nombre d’hommes nécessaire en les distribuant mieux. Il faut remplacer le 51e et le 55e par les régiments qui ont le plus souffert à Cadix. Il faut même changer quelques régiments fran­çais du corps de Sébastiani.

Enfin le duc de Dalmatie est en situation de résister à 30,000 An­glais, dans l’hypothèse que lord Wellington marcherait sur lui avec toute son armée; le duc de Dalmatie aurait avec lui la division de l’armée du Centre et pourrait opposer plus de 35,000 hommes. Mais cette supposition ne peut pas se réaliser, puisque alors le prince d’Essling marcherait sur Lisbonne et que les Anglais se trouveraient placés entre deux feux et coupés.

Le prince d’Essling tiendra à Coimbra, menaçant Lisbonne, qui sera attaquée après la récolte par 70,000 hommes de l’armée de Portugal et par les troupes qu’il sera possible de tirer de l’Andalousie, suivant les circonstances, pour opérer sur Badajoz et sur le Tage. Ces 100,000 hommes, appuyés sur Coimbra et sur Badajoz, vien­draient à bout de faire la conquête du Portugal, et dans cette con­quête entraîneraient les Anglais dans des événements qui seraient du plus grand intérêt.

A cette dépêche le prince de Neuchâtel joindra l’état des détache­ments qui reçoivent l’ordre de rejoindre l’armée du Midi.

Dans deux jours, le triplicata de cet ordre sera porté par un offi­cier du prince de Neuchâtel.

Le prince de Neuchâtel enverra le général Monthion s’établir, comme bureau d’état-major, à Bayonne. Le général Monthion com­mandera le département et les différents dépôts. Le général Boivin retournera à Bordeaux.

Le général Monthion montera une police pour avoir connaissance des officiers qui passeront, et, lorsqu’ils apporteront des nouvelles intéressantes, il fera parvenir ces nouvelles par une estafette extraor­dinaire, de manière qu’elles devancent de vingt-quatre heures, s’il est possible, l’officier qui les apporte.

Le général Monthion aura le détail de tout ce qui est relatif an départ des trésors et des convois. Il fera partir toutes les estafettes extraordinaires qu’il voudra; le prince de Neuchâtel en préviendra le comte de Lavallette. Je n’ai voulu diminuer que les estafettes qui voyageaient en Espagne, parce que leur fréquence fatiguait trop les escortes; mais de Bayonne à Paris il n’y a pas les mêmes raisons.

Le général Monthion se mettra en correspondance réglée avec les généraux Caffarelli, Thouvenot, Reille et avec le maréchal duc d’Istrie.

Le major général fera une dépêche au roi d’Espagne pour lui faire connaître la situation des armées du Midi et du Portugal et celle que je leur ordonne de prendre. Il le préviendra que l’armée du Centre doit, si les Anglais se portent sur Badajoz, porter une division sur Badajoz et même sur Cordoue pour soutenir l’armée du Midi, si celle-ci était attaquée par l’armée de Wellington.

Le prince de Neuchâtel fera connaître au Roi ce qu’on a envoyé de fonds pour l’armée du Centre et ce qu’on lui envoie encore.

Le prince de Neuchâtel écrira au général Sébastiani que je suis mécontent de ce qu’il garde 16,000 hommes de mes meilleures troupes à ne rien faire; que l’événement de Cadix est de sa faute, qu’il était armée d’observation et que c’était à lui à garantir l’armée assiégeante.

Le prince de Neuchâtel me remettra le plus tôt possible la note de toutes les récompenses que demande le duc de Dalmatie, qui sont justes, afin qu’on puisse les expédier d’ici à peu de jours ; en atten­dant, lui écrire qu’il va les recevoir.

Le prince de Neuchâtel annoncera au duc de Dalmatie que plu­sieurs colonels en second vont lui arriver avec les régiments de mar­che, qu’il pourra leur donner les régiments vacants.

Le prince de Neuchâtel fera comprendre au duc de Dalmatie que le 1er régiment d’artillerie à pied a une compagnie de 80 hommes à Cordoue, et que beaucoup d’autres troupes d’artillerie sont ainsi éparpillées; qu’il peut les réunir pour les envoyer à Cadix.

Le prince de Neuchâtel donnera ordre au 26e de chasseurs de se rendre tout entier à l’armée du Midi. Cet ordre sera en termes précis, et il sera recommandé au duc de Dalmatie d’envoyer ce régiment du côté de Badajoz pour augmenter la cavalerie contre les Anglais.

Le prince de Neuchâtel donnera ordre à la 8e compagnie, qui est à Guadalajara, à la 7e compagnie du 3e régiment d’artillerie, qui est à Ségovie, à la compagnie du 69 régiment, qui est à Madrid, à la 2e compagnie du 2e bataillon de mineurs, qui est à Madrid, à la 3e compagnie du train du génie, qui a 70 soldats et 63 chevaux à Madrid, de se rendre en Andalousie pour renforcer l’armée du Midi.

Le prince de Neuchâtel me fera connaître s’il y a quelques com­pagnies d’artillerie à Rayonne que Ton puisse encore envoyer en Andalousie.

 

Paris, 30 mars 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je désire, dans le courant de mai, faire camper les trois batail­lons du 2e, du 37e et du 124e de ligne entre Groningen et Emden. Il faut choisir à cet effet un emplacement sain et qui ne soit pas à plus d’une journée de la côte. Les neuf compagnies de voltigeurs avec les escadrons du 23e de chasseurs formeront trois colonnes mobiles. Chaque colonne sera composée de 300 hommes d’infanterie et d’une compagnie de cavalerie; elle sera commandée par un chef de bataillon. Ces colonnes seront placées sur la côte de la Hollande ou dans la 31e division militaire. Elles devront communiquer entre elles et surveiller la côte de concert avec les brigades de douaniers, de manière à empêcher toute communication de la part de l’ennemi, il y aura à chacune de ces colonnes deux pièces de campagne servies par l’artillerie des régiments. Le camp sera commandé par un général de brigade; ce sera neuf bataillons qui pourront se livrer aux grandes manœuvres et faire des progrès.

Pour la même époque je désire établir un autre camp près d’Utrecht. Il serait composé des trois bataillons du 18e, trois bataillons du 93e, trois bataillons du 56e, trois bataillons du 125e, trois du 126e; total, quinze bataillons. Ce camp serait commandé par un général de division et trois généraux de brigade. On aura soin de choisir un em­placement sain et convenable. Les compagnies de voltigeurs seront détachées; ce qui fera 15 compagnies dont on formera aussi des colonnes mobiles; on les fera camper en les plaçant le long de la côte de la 17e division militaire. Chaque colonne aura deux pièces de campagne servies par l’artillerie des régiments. Vous prendrez des renseignements sur les localités et vous me présenterez un plan indi­quant remplacement des camps et les différentes directions que pourront suivre les colonnes mobiles.

Je veux en Hollande vingt-quatre bataillons campés au bon air, qui se maintiendront dans un bon esprit militaire et s’exerceront aux grandes manœuvres. J’aurai autant de compagnies de voltigeurs, commandées par des officiers de choix, qui seront chargées de la défense de la côte, qui feront mieux le service que les régiments et dont je serai plus sûr. Le duc de Reggio sera chargé du commande­ment de ces doux camps; il ira y passer un mois et s’assurera de l’instruction dos troupes.

Les îles de Walcheren, Schouwen et Goeree seront gardées parle les régiments de Walcheren. Les 4e bataillons des 124e, 125e, 126e de ligne et du 33e léger seront placés dans les points les plus importants. Pour faire le service dans les villes, il suffira de la gendar­merie et de la garde nationale.

Le camp de Boulogne sera formé des 19e, 72e, 46e, 4e et 123e, de deux bataillons du 44e, un bataillon du 51e, un bataillon du 55e et un bataillon du 36e, en tout vingt et un bataillons, qui seront réunis à la fin de mai. A mesure que les hommes seront habillés aux dépôts, ils se rendront à leur corps. Ces troupes seront exercées aux grandes manœuvres. Pour surveiller la côte depuis Blankenberghe jusqu’au Havre, il sera formé des colonnes mobiles composées des compagnies de voltigeurs de différents régiments et d’une compagnie du 11e de hussards.

Vous me ferez connaître remplacement de ces colonnes, qui devront être réparties pour la défense de la côte ainsi que je l’ai fait entre la Loire et la Charente. Les deux compagnies du 5e et du 13e formeront une colonne qui couvrira depuis Honfleur jusqu’à Cherbourg.

Les trois compagnies du 10e, du 3e et du 105e de ligne, et une compagnie des 47e, 86e, 13e et 70e, formeront quatre colonnes mo­biles pour les côtes de Bretagne, avec des détachements de cavalerie. Dans la Méditerranée, les compagnies de voltigeurs qui sont à Toulon formeront des colonnes mobiles depuis la frontière de l’Espagne jus­qu’à Gènes, celles de Gènes jusqu’à la Toscane, et celles de la Tos­cane jusqu’à Rome.

Vous me ferez un plan détaillé de tout ce système de défense, de manière que les côtes soient bien gardées ; vous renforcerez l’artillerie partout où il sera nécessaire; en un mot, vous pren­drez pour modèle ce que j’ai fait entre la Loire et la Charente. Faites faire des croquis de toutes les côtes et disposez l’organisa­tion des colonnes mobiles; vous m’en présenterez les projets, que je rectifierai.

Il faut que sur mes côtes les ordonnances de cavalerie se croisent, et que dans les points les plus importants on puisse faire mar­cher des renforts, si les circonstances l’exigeaient. Le commande­ment des colonnes sera donné à des colonels, des adjudants com­mandants ou à des chefs d’escadron. Ils auront sous leurs ordres les garde-côtes et les douaniers qui se trouveront dans leur arrondissement. Il faut aussi qu’il y ait pour chaque colonne mobile un officier d’artillerie chargé d’exercer les canonniers au tir des boulets rouges et aux différentes manœuvres du canon.

Les trois compagnies de voltigeurs du 24e léger pourront être dis­ponibles pour les côtes de la Normandie.

 

Paris, 30 mars 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 25 mars. L’équipage de pont se fait à Danzig ; tous les matériaux en sont réunis, et on pourrait en six semaines avoir deux cents bateaux. D’ailleurs, comme mon intention est d’attacher un bataillon de mille ouvriers de marine à l’armée d’Allemagne, et que ce bataillon aura des calfats et tout ce qui lui sera nécessaire, ces bateaux pourront être disposés partout.

Je ne peux pas vous accorder plus de deux bataillons du train, ni avoir égard à vos observations sur ce point. Je n’ai que huit batail­lons en France, y compris les quatre qui sont en Allemagne; je ne compte pas ceux qui sont en Italie : or, à deux bataillons du train par armée, ce sera six pour trois corps d’armée ; il restera donc deux bataillons pour le parc général. Ainsi il faut suivre l’organisation que j’ai ordonnée et compléter deux bataillons du train à 3,000 chevaux.

Les approvisionnements d’artillerie doivent toujours se diviser en deux parties, approvisionnements attelés et approvisionnements non attelés. Si vous opérez, par exemple, sur la frontière de Pologne, vous aurez à Danzig une quantité immense de munitions, et, à mesure que vous avancerez, vous en ferez des dépôts intermédiaires. D’ailleurs, le parc général aurait aussi quelques approvisionnements attelés à vous donner.

Ne réformez pas légèrement les chevaux. Quant à l’observation que vous faites sur les compagnies d’artillerie, on prendra des mesures pour compléter ces compagnies.

 

Paris, 31 mars 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je réponds à votre rapport du 13 mars. L’expédition de Barcelone, escortée par des frégates, ne me parait plus faisable avant octobre, puisque évidemment je compromettrais frégates et blés.  Je désire donc que vous envoyiez 6,000 quintaux de blé, poids de marc; ce qui, avec les 4,000 déjà envoyés, fera 10,000 quintaux. Vous les ferez verser dans les magasins du conseiller d’État Maret, lequel fera sur-le-champ vendre ces blés au peuple. L’argent provenant de la vente sera au compte de l’administration des vivres, qui, sur ce pro­duit, vous remboursera du prix que ces blés vous ont coûté rendus à Toulon, et des frais de transport, comme c’est l’usage dans le com­merce; à moins que le conseiller d’État Maret ne préfère compter avec vous de clerc à maître et vous rendre tout ce qu’il aura retiré de ce blé.

Je désire approvisionner mon escadre de Toulon, mais je voudrais avoir un rapport là-dessus. Je ne puis avoir besoin de l’escadre avant octobre, et, puisqu’on a commis la faute énorme de la laisser sans biscuit et sans vivres, je voudrais connaître ce qu’il m’en coûterait de rapprovisionner en vivres de campagne pour six mois, s’il ne serait pas préférable d’attendre la récolte, et, en supposant qu’elle fût bonne et fit baisser le prix au taux de l’an passé, ce que j’économise­rais. Mais il faudrait que toutes les mesures fussent prises pour qu’au mois d’octobre l’expédition, escortée par des frégates, pût partir pour Barcelone.


 

References   [ + ]

1. Même lettre au prince Borghèse et à la grande-duchesse de Toscane
2. Cette mission a été ajournée par dépêche du ministre de la marine en date du 2 mars 1811; et, le 11 du même mois, le capitaine de vaisseau Halgan a été invité à renvoyer toutes les instructions qu’il avait reçues. (Note de la copie.
3. La même lettre au roi d’Espagne, à l’exception de la dernière phrase – La même lettre en finissant à ces mois, l’enfant sera ondoyé, à la reine de Naples, à la grande-duchesse de Toscane, au roi de Westphalie, à la vice-reine d’Italie et à la princesse Stéphanie de Bade.

La lettre à l’empereur d’Autriche est portée par M. Nicolaï; celle au roi d’Espagne, par le général Defrance; celle à la reine de Naples et à la grande-duchesse, par M. Labriffe; celle au roi de Westphalie, par M. de Rambuteau ; celle à la vice-reine, par M. de Béarn; celle à la princesse de Bade, par M. Marinier. – Note de la minute.