[ed-logo id=’7324′]

Latest Posts

Discours sur l’État de l’Empire – 1806

L'empire en 1806

Le calendrier a changé. L’inutile régularité de celui que la révolution avait vu naître, et dont le but n’avait pas été atteint, a été sacrifiée aux besoins des relations commerciales et politiques, qui appellent un langage commun; trop de variétés encore séparent les peuples de cette belle Europe, qui ne devraient faire qu’une grande famille.

Une autre institution de la révolution, dont l’utilité est évidemment sentie par ceux mêmes qui ont le plus de peine à l’adopter, celle des poids et mesures, cette production de la science dont elle annonce l’empire sur un peuple éclairé, cette institution, dis-je, sera maintenue avec constance, et le Gouvernement s’occupera de plus en plus de généraliser l’usage des nouvelles mesures; il opposera aux habitudes et aux préjugés cette invariable fermeté d’une volonté sage et éclairée, et non ces efforts violents, mais de courte durée, de l’esprit d innovation. Aidé du temps, il triomphera de tous les obstacles; il ne cessera d’agir que lorsqu’il aura vaincu.

Pendant que le Gouvernement prévenait ou réparait les maux en conservant les institutions utiles, relevait ou multipliait les monuments publics destinés à attester la prospérité de l’État, il ne négligeait pas de féconder les sources premières qui l’alimentent.

L’agriculture, la plus importante de toutes, a reçu de précieux encouragements. Les dessèchements des marais de Rochefort, du Cotentin, les travaux des polders de la Belgique, ont été ou commencés ou continués avec un redoublement d’efforts; des dispositions ont été faites, qui préparent les dessèchements des marais de Bourgoing et de Dol.

Les plantations se multiplient; elles sont commencées dans les dunes du Pas-de-Calais; on exécute la loi que vous avez rendue l’année dernière sur la plantation des routes; des pépinières sont placées dans les départements; une instruction déjà préparée réglera la police et assurera la conservation des unes et des autres.

Trois nouvelles bergeries nationales de brebis espagnoles ont été formées cette année au midi, à l’est et à l’ouest de l’empire, et féconderont la propagation d’une race précieuse et l’amélioration croissante de nos laines. Le vaste établissement de la Mandria, au pied des Alpes, a été consolidé par la munificence du Gouvernement. Les écoles vétérinaires ont été améliorées. Le code rural touche à son terme.

La restauration des haras de l’Empire datera de l’année qui vient de s’écouler, et avec elle la régénération des chevaux pour le service de l’agriculture, des transports et de nos armées. Le besoin d’une amélioration aussi essentielle et devenue si urgente ne pouvait échapper à la vigilance de l’Empereur; mais presque tous les établissements étaient languissants ou détruits, les ressources dissipées par une imprévoyance de dix années.

Des hommes de l’art ont parcouru la surface de la France, l’Espagne et le nord de l’Europe; ils ont recueilli encore un nombre considérable d’étalons choisis dans les races étrangères, ou reste de nos plus belles races. Les haras et dépôts existants retrouveront, par la rétrocession de leurs biens, les ressources qui leur sont nécessaires; cinq nouveaux dépôts sont formés. 50,000 francs ont été distribués en primes, et ces primes ont déjà constaté quelques progrès; elles en promettent d’autre, des règlements se rédigent pour garantir un sage emploi, une reproduction avantageuse.

L’industrie française a été affranchie du plus fort des tributs qu’elle payait à l’industrie étrangère; le bénéfice de la consommation intérieure est réservé à nos filatures, à nos métiers, sans que l’appui donné à la fabrication des tissus de coton puisse nuire à celle des draps et soieries. Une école des arts et métiers a été promise à Saint- Maximin, celle de Beaupréau se prépare. Le conservatoire des arts et métiers, confié à des hommes qui l’ont eux-mêmes enrichi de leurs découvertes, offre à l’industrie un musée classé avec ordre, rempli des productions de tous les arts, et traçant l’histoire de leurs progrès.

Une exposition des produits de l’industrie, liée aux solennités qui accompagneront le retour triomphant des armées, mettra sous les yeux de la capitale le dénombrement de tous les ateliers de l’Empire, déterminera une consommation abondante de leurs ouvrage et donnera une impulsion toute nouvelle à leurs efforts. Nos manufacturiers, certains de la protection du souverain, se rappelant que leur ruine fut le véritable but de la guerre, continueront de tromper cette cruelle espérance de l’ennemi, et se prépareront à obtenir, au retour de la paix, le triomphe que doit un jour remporter notre industrie.

Les belles-lettres et les beaux-arts se disposent à prendre l’essor qui convient à un siècle témoin de si grands événements. Leur règne approche. Il est dans la nature des choses que les grandes actions précèdent les tableaux destinés à les retracer, et les plus beaux ouvrages des arts d’imitation. Celui qui fait est suivi de celui qui peint et qui raconte. Ce sont les faits merveilleux qui ont partout donné naissance aux plus brillantes conceptions de l’imagination des hommes ….. Et ne sommes-nous pas dans le siècle des merveilles ?

Le feu sacré est entretenu par nos corps littéraires, dignes de leur réputation et de la réputation de ceux qui les composent; ils conservent la tradition du goût en épurant le langage, le rendant à sa dignité première; ils préparent le succès du génie. Le dictionnaire de l’Académie française, refait sur un plan plus vaste et mieux ordonné, deviendra un monument du siècle de Napoléon. Le Gouvernement protégé cette grande entreprise, et ce code littéraire sera, comme le Code civil, un de ses bienfaits; bienfait pour la France et pour l’Europe, dont la langue française devient de plus en plus le langage.

Nos corps scientifiques s’occupent plus que jamais de rendre utile la science qu’ils ont su rendre familière. La révolution, loin de suspendre leurs travaux, les a fait servir au bien de l’État, et l’État a payé, par de justes honneurs, les services qui lui ont été rendus et les talents dont il a recueilli les fruits.

L’école polytechnique, fille de la science et créée pour la propager, a rempli sa destination; elle vient d’acquérir un nouveau degré de perfection par le régime qui y a été introduit. Ses élèves, assujettis à une discipline presque militaire, y puisent l’habitude de l’ordre et consacrent tout leur temps aux objets de leurs études.

Turin a vu rouvrir, à la voix de Napoléon, son antique université; réglée par des lois plus libérales, entourée de tous les établissements qui secondent le génie de l’étude, elle promet à l’ancienne capitale du Piémont de la rendre le centre des lumières en Italie.

Gênes aussi a obtenu son université, mais accommodée aux besoins d’une cité commerçante et industrieuse; près d’elle un asile se prépare pour les enfants des marins, et, leur offrant tous les bienfaits de l’instruction, récompensera dans les fils le dévouement des pères.

Neuf écoles de droit, en grande partie organisées, forment une pépinière de jurisconsultes éclairés pour les tribunaux et pour le barreau français.

Le prytanée de Saint-Cyr, servant tout ensemble, et à acquitter la dette publique envers les services passés, et à préparer des services futurs, est lié à l’école militaire de Fontainebleau; déjà celle-ci s’honore des lauriers cueillis par ses élèves dans les champs de l’Allemagne et de la Moravie. Vingt-neuf lycées sont en pleine activité; plusieurs autres seront bientôt établis; une nouvelle distribution de pensions nationales, en multipliant et graduant ces récompenses achève d’assurer les ressources de ces établissements, accrues d’ailleurs par une comptabilité plus sévère.

L’entretien de vingt-neuf lycées, les frais d’organisation et les dépenses générales n’ont coûté à l’État, pour un bienfait offert à tous, doublé par un grand nombre, que la somme de trois millions à peu près. Trois cent soixante et dix écoles secondaires sont érigées aux frais des communes et jouissent la plupart, dès leur naissance, de la plus haute prospérité.

Un nombre au moins égal d’écoles secondaires établies par des particuliers, mais surveillées par l’administration publique, complète notre système actuel d’enseignement, système auquel il entre dans les pensées de l’Empereur de donner bientôt plus d’ensemble et de perfection, en fixant son but d’une manière plus déterminée, et en créant l’esprit qui doit animer tous ceux qui se livrent à cette honorable fonction.

Mais, en s’occupant ainsi de favoriser le progrès des lumières en France, de semer partout le germe des vertus publiques et privées, en veillant, avec une prévoyante sollicitude, aux besoins de la génération future, l’Empereur ne pouvait oublier d’étendre ses bienfaits au sexe qui exerce un si grand empire sur nos mœurs; il ne pouvait regarder son éducation comme étrangère aux destins de la patrie, aux intérêts de la morale, à l’attention du législateur.

Trois maisons d’éducation reçoivent les filles de ceux qui auront bien servi l’État; un règlement général, sans rien détruire, mais tendant à perfectionner, donnera une utile direction aux établissements qui doivent former de bonnes épouses et de bonnes mères; déjà l’administration a secondé, protégé plusieurs d’entre eux, sans exiger, pour cet appui, d’autre retour que de servir, envers la classe peu fortunée, les vœux de la bienfaisance publique.

La Banque a rendu des services essentiels, mais n’a pas répondu à tout ce qu’on avait droit d’attendre d’elle. La loi qui l’institue est incomplète; plusieurs de ses dispositions les plus importantes ont été violées. L’escompte, qui ne devait servir qu’à réaliser le crédit de la place, et qui, par la loi, ne devait avoir lieu qu’en faveur des négociants et selon leur crédit, a donné naissance à des opérations qui ont violé, dans la lettre et dans l’esprit, cette institution si importante au crédit et à la vie de notre commerce.

Cet escompte a été souvent trop abondant pour des individus qui ne l’appliquaient qu’à des payements de circulation, non à des effets de commerce ou du Gouvernement, lesquels, ayant derrière eux des recettes ou des marchandises, ne sont jamais illusoires.

Cet objet est un des premiers qui aient fixé les regards de l’Empereur. Il a reconnu avec plaisir la solidité et l’état satisfaisant de cet établissement, malgré ces violations, malgré ces imperfections, qui doivent être corrigées par des lois dans le cours de votre session.

Parmi celles que le Conseil d’État est chargé de vous présenter, vous en verrez une qui ordonne l’achèvement de l’édifice de la Madeleine, où devront être réunis tous les établissements du commerce : Sa Majesté a pensé que c’était une juste indemnité pour les pertes que son peuple avait éprouvées par l’interruption du payement des billets de banque à bureau ouvert.

En vous parlant de la Banque, Sa Majesté a voulu qu’il fût bien clairement exprimé que jamais, sous son règne, aucun papier monnaie, aucune altération dans les monnaies n’aurait lieu. Comment en effet l’un ou l’autre pourrait-il se renouveler sous son gouvernement, lorsque l’histoire de tous les siècles nous confirme que ces expériences désastreuses ne sont faites que sous des gouvernements énervés ? Les billets de la Banque ne seront toujours, aux yeux de l’État, que des billets de confiance, et jamais il ne les reconnaîtra comme obligatoires.