Mouton Georges (1770-1838)


Georges Mouton nait à Phalsbourg le 21 février 1770.
En 1792, il s’engage dans l’armée française, qu’il ne quittera qu’en 1815. Dès les premières actions il attire tous les regards de ses camarades, qui voient en lui un guerrier de formes athlétiques, de tête haute, de cœur élevé, que le danger excite et inspire,.
De 1792 à 1799, d’abord soldat, bientôt officier, puis aide-de-camp du savant Meusnier et du célèbre Joubert, frappés mortellement à ses côtés, ce jeune guerrier, soit en France, soit aux armées du Rhin et d’Italie, monte rapidement par tous les grades jusqu’à celui de colonel, au choix et aux acclamations de ses chefs et de ses camarades.
Il prend le commandement du 3e de ligne, au sein duquel il rétablit l’ordre et la règle, et, triomphant à la fois de tous les fléaux, parmi les Miollis, les Reille, et Soult, et Masséna, que cette seule défense eût suffi pour rendre célèbres, il se fait distinguer dans une multitude de combats, comme l’un des plus intrépides et des plus fermes soutiens de la gloire des armées françaises.
En 1805, il est promu général et d’aide-de-camp de l’Empereur.
A Austerlitz, au milieu des acclamations enivrantes de cent mille soldats, quand Napoléon s’écrie : « Avec de tels hommes on ferait le tour du monde ; » il répond « Oui, sans doute, «mais ne vous y méprenez pas ; la France est trop belle pour qu’on aime à s’en éloigner autant, et à rester si longtemps séparé d’elle. Dans cette joie de la bataille de demain, il y a l’espoir d’en finir. »
A la fin de 1807, il est élevé au grade de général de division et au rang d’inspecteur général. En 1808, les batailles de Rio-Secco et de Burgos viennent accroître sa renommée. A ces deux journées, c’est la division qu’il commande qui remporte la victoire au pas de charge. Cinquante-neuf canons, douze drapeaux, et jusqu’aux cordes et aux chaînes de fer que les moines de l’armée ennemie avaient apportées pour le supplice de nos soldats, deviennent les trophées de ces deux journées.
En 1809, c’est d’abord la manœuvre hardie et savante d’Abensberg, où Mouton prépare la victoire d’Eckmühl. À Landshut, il prend la tête du 17e et, l’entraînant, lui en tête : « Marchons, s’écrie-t-il, et ne tirez pas ! » Malgré les flammes qui consument le pont, et les feux autrichiens concentrés sur ce long et périlleux passage, rien ne l’arrête : il aborde, il rompt l’ennemi consterné, et, par ce sublime élan, il change un combat disputé en une victoire rapide et complète.

Essling ! journée glorieuse et fatale, où la fortune, où les éléments conjurés nous trahissent ; où le fleuve ennemi, s’enflant et s’interposant tout à, coup, livre à l’archiduc la tête de notre armée séparée du reste. Déjà Lannes a succombé ! Plus le combat devient inégal, plus il redouble d’acharnement.
A la vue de notre situation désespérée, de notre épuisement et de quelques planches fragiles, dernière ressource pour sauver ce qui reste de l’élite de l’armée avec son chef, l’Autriche entière en armes, accourant et se précipitant triomphante, accable et écrase de tous ses feux nos débris poussés et acculés contre le Danube !
Tout semble perdu ; Napoléon donne l’ordre à Masséna d’arrêter l’ennemi dans la plaine deux heures seulement encore. « Dites-lui que j’y resterai deux heures, vingt-quatre heures, toujours, répond Masséna, et il tient parole. Le vainqueur de Landshut couvre de son corps l’île de Lobau. Ses cartouches sont épuisées, sa main est fracassée, il a déjà repoussé sept fois l’ennemi à la baïonnette ; Napoléon, qu’il préserve, lui envoie dire de cesser un combat désespéré. Mais le général français montre à l’aide-de-camp le danger, et, calme comme sur un champ de manœuvres ; « Non, répond-il à Rapp, vous savez le métier ; dites à l’Empereur qu’il achève sa retraite, et que, quant à moi, je n’ai d’autre parti à prendre ici que de me faire tuer sur place ! ’»
L’ennemi, étonné de ce double dévouement, s’arrête, il n’ose achever ; la France et son chef sont sauvés pour trois ans encore, et l’Empereur reconnaissant proclame Masséna prince d’Essling ! Quant à Mouton, qu’il appelait son lion : « Sans Masséna, lui a-t-il dit, vous eussiez mérité le nom d’Essling ! » et par une même reconnaissance il veut qu’à l’avenir le titre glorieux de comte de Lobau soit ajouté à ses insignes. [1]« pour avoir sept fois repoussé l’ennemi, et par là assuré la gloire de nos armes » précise le décret impérial.
Après Essling, c’est Wagram ; mais la tige de notre gloire venait d’être héroïquement conservée, et nos lauriers repoussèrent si hâtifs, que la main blessée du comte Lobau saignait encore, lorsqu’elle en cueillit de nouveaux sur cet autre champ de bataille.
Cette fois enfin, la paix et l’archiduchesse sont conquises ; et pendant que la fortune impériale monte à son comble par la naissance du roi de Rome, Napoléon confie secrètement au comte de Lobau la révision du personnel de l’armée entière. Il se repose en lui ; il juge que nul, autant qu’un chef d’un mérite si reconnu, ne saurait aussi bien reconnaître celui de tous ses compagnons d’armes.
En 1812, c’est la campagne de Russie, d’abord triomphale et irrésistible, mais contre nature, et, qui se termine la plus épouvantable des catastrophes. Mouton, désormais grand officier de la Légion d’Honneur, et aide-major général, commande une infanterie de 500,000 hommes, dont à peine quelques uns épars restent debout, et parmi ceux-là, c’est encore Lobau que Napoléon appelle, quand il en choisit trois seulement pour les ramener en France avec lui, et pour y recréer une armée nouvelle.

Au printemps 1813, contre toute attente, l’Allemagne voit soudainement Napoléon reparaître aux champs de Lutzen à la tête de 300 canons et de 300,000 hommes. Mais, surprise à son tour dans sa marche rapide, sa jeune armée, frappée subitement dans son flanc droit, chancelle, près de périr. Pourtant Marmont et toujours Ney, s’appuyant sur nos braves marins, résistent encore ; mais à Raya, une trouée mortelle est ouverte ! Napoléon y place Lobau : à la voix de ce général, nos soldats se rallient, se raffermissent, l’ennemi s’arrête, le combat se rétablit, et Macdonald a le temps d’accourir, et Napoléon lui-même, celui d’achever la victoire avec l’artillerie de sa garde.
Mais aux journées de Bautzen et de Wurtzen, succède, en dépit d’un armistice et, même, d’une victoire à Dresde, c’est le désastre, à Kulm. L’Empereur charge alors Mouton, qu’il nomme à la place de Vandamme, de recueillir les débris de son armée.

A Dresde enfin, où il ne commande pas en chef, Napoléon succombe. Malgré l’avis de Mouton de tenter de recueillir ce qui reste de troupes valides, Napoléon juge l’effort impossible, et , en même temps que la France, il doit s’avouer vaincu en en 1814, privés de plusieurs de ses chefs les plus habiles et de 100,000 hommes.
Après neuf mois d’un calme trompeur, c’est la réapparition de l’Empereur. Dès lors le danger renait, et, de nouveau, le comte de Lobau se trouve au Coeur des Combats, à Fleurus et à Waterloo, où notre aile droite est sous ses ordres. C’est là que, victorieux tout le jour, l’arrivée d’une seconde armée ennemie – celle de Blücher – nous accable. Mouton s’obstine à rallier nos débris, mais abattu lui-même, il tombe aux mains des ennemis.

Le prix de tant de services fut trois ans d’exil, suivis de dix ans d’un simple et noble repos, loin des disgrâces et des faveurs de la Restauration, qu’il respecta jusqu’au jour où elle disparut en 1830.
Déjà, depuis deux ans, l’inquiétude générale l’avait placé parmi les défenseurs de nos libertés, à côté des Sébastiani, des Foy, quand survient cette révolution, complément de celle de 1789. Alors le comte de Lobau accepte ce nouveau danger et, comme membre du gouvernement provisoire, il s’y montre en tête de la France nouvelle.
Quand La Fayette meurt, c’est encore le comte de Lobau qui est appelé à l’honneur de lui succéder dans le commandement de la garde nationale parisienne.
Fait maréchal de France en 1831, Georges Mouton, comte de Lobau, décède à l’âge de 68 ans et 9 mois, dans la nuit du 27 novembre 1838.
À Phalsbourg, une statue a été érigée en l’honneur du maréchal Mouton.
