Dans peu de jours l’Empereur avait transporté son armée des bords de la Manche aux rives du Rhin, il avait pris congé du Sénat de la nation, il avait passé le Rhin, il était à Ulm, à Vienne, à Austerlitz.
Je n’entreprendrai point de vous dire des choses vraiment admirables qui ne peuvent être dignement racontées que par celui qui le a faites; ces choses que nous savons tous, que nous apprendrons à nos enfants au moment où ils commenceront à pouvoir nous entendre, que nos neveux se diront avec orgueil et qui fondent à jamais la gloire de la nation, presque aussi élevée que son incomparable chef. Ministre de l’Empereur, je trompe ses intentions en tenant ce langage; mais je suis Français, heureux de l’être, et je ne puis parler froidement de celui qui fait la gloire et la prospérité de mon pays.
J’ai commencé ce précis de tant d’événements à l’époque du couronnement; vous savez combien glorieuse est revenue, au bout d’un an, cette mémorable époque, et comment cette couronne, donnée par un grand peuple , a été raffermie par Dieu et par la victoire sur une tête si digne de la porter.
Ce que vous savez moins, et ce qu’il m’appartient davantage de vous dire , c’est qu’au milieu de ces immenses et pénibles travaux, lorsque l’Empereur, livré aux hasards et aux combinaisons de la guerre, en éprouvait toutes les fatigues comme le simple soldat, exposé à toute l’intempérie d’une saison rigoureuse, n’ayant souvent pour lit qu’une botte de paille, et pour toit que ce ciel d’où semble émaner tout le feu de son génie, alors même il tenait, à trois cents lieues de distance, tous les fils de l’administration de la France, eu soignait les plus petits détails, s’occupait des intérêts de son peuple comme de ceux de ses soldats , voyait tout, savait tout, semblable à cette âme invisible qui gouverne le monde et que l’on ne connaît que par sa puissance et ses bienfaits. Vous en avez pour preuve les décrets nombreux datés d’Ulm, de Munich, de Vienne, d’Austerlitz.
L’intérieur était dégarni de troupes; Paris n’avait pas un soldat, et jamais l’ordre public n’a été plus exactement maintenu, jamais les lois n’ont été mieux observées. La France obéissait au nom de son souverain, ou plutôt au sentiment d’amour et d’admiration qu’elle éprouve.
C’est ce sentiment qui hâte la marche de la conscription, triple ses résultats et devance l’époque où le contingent devait être fourni; par lui est formé ce long rempart de soldats volontaires qui garnissent nos frontières des bords de la Manche jusqu’aux montagnes des Alpes; armée nouvelle, presque spontanément formée, et qui annonce à l’Europe qu’à la voix de son chef la France entière peut devenir une grande armée.
C’est ce même sentiment de dévouement et d’ardeur guerrière qui animait ces jeunes gens empressés de servir de garde d’honneur à l’Empereur, et qui, seuls dans toute la France, pourraient regretter la rapidité de ces exploits auxquels ils n’ont pu prendre aucune part.
La paix avait été conclue lorsque, dans quelques parties de la France, on savait à peine que la guerre était commencée : guerre moins longue que ne l’est votre session annuelle, et dont les suites doivent embrasser et les siècles et l’Europe et les autres parties du monde.
Si le courage et le génie ont fait la guerre, la générosité et la modération ont fait la paix; un souverain malheureux par la guerre a recouvré par la paix une grande partie de ses États; ses pertes ne sont rien auprès du danger qu’a couru la monarchie dont il est le chef. Des princes, nos alliés, ont vu étendre leur puissance et ennoblir leurs titres. Les bienfaits de l’Empereur environnent la France de peuples amis de son gouvernement. L’Italie, cette noble fille de la France, et qui promet d’être digne d’elle, a recueilli les fruits de la guerre.
Mais sa force fait la nôtre, sa richesse ajoute à notre prospérité nos ennemis sont repoussés de ses rivages, ils ne peuvent plus avoir avec elle de relations commerciales. Cette riche proie est enlevée à leur avidité. L’Italie est une conquête faite sur l’Angleterre. Elle s’unit à l’Allemagne par le double lien du voisinage et de l’amitié; et, par cette alliance que son prince vient de contracter avec la fille d’un des plus puissants souverains de l’empire germanique, c’est maintenant que la paix est assurée aux paisibles habitants des montagnes du Tyrol; le commerce viendra enrichir ses vallées désertes; sa conquête aura été un bienfait pour lui.
L’Empereur, généreux envers ses ennemis, grand pour ses alliés, n’a été ni moins grand ni moins généreux pour son peuple et pour son armée. Jamais une plus belle moisson de trophées n’avait été offerte aux regards des hommes; jamais nation ne reçut un plus magnifique présent. L’enceinte où siège le Sénat de l’Empire, la cathédrale de cette cité, l’Hôtel de ville, sont remplis et décorés des enseignes enlevées à l’ennemi, offertes par la noble et délicate libéralité du conquérant; récompense également honorable pour les compagnons de sa victoire et pour son peuple, qui l’avait suivi de ses vœux et se préparait à le seconder de tous ses efforts.
L’armée a fait plusieurs campagnes en trois mois; la France les a comptées par les succès, l’Empereur les compte pour les récompenses qu’il accorde; les braves qui reviennent avec lui reviennent avec de nouveaux honneurs; ceux qui se sont dévoués pour la patrie lui ont légué les intérêts de leurs familles et le soin de leur mémoire; il y a satisfait. Mais la plus digne récompense du soldat français, c’est le regard de son Empereur; c’est la gloire de l’Empire accrue par son courage; ce sont les transports de la France entière qui l’accueillent à son retour; l’Empereur veut qu’ils viennent les goûter sous ses yeux, qu’une fête triomphale soit donnée par la capitale à l’armée, spectacle digne des grands événements qu’il doit célébrer, où tout l’éclat des arts, où toute la pompe des cérémonies, où tous les signes de la gloire, où tous les accents de la joie publique viendront entourer la Grande Armée réunie auprès de son digne chef, et feront un brillant cortège à ces phalanges de héros.