Correspondance de Napoléon – Mars 1812

Paris, 7 mars 1812.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je réponds à votre lettre sur l’opé­ration des eaux-de-vie : elle me parait mal calculée et ne réussira pas; il faut, ce me semble, renoncer à cette opération. Qu’on n’achète plus rien ; qu’on fasse transporter à Magdeburg tout ce qui est acheté, et que ces transports soient effectués par des marchés tels que les entrepreneurs soient responsables de la quantité et de la qualité des eaux-de-vie. Quant à celle de Paris, vous pouvez la donner au commerce, ou, si vous la faites transporter à Magdeburg, il importe que ce soit avec les mêmes précautions. Il paraît qu’il est facile de s’as­surer si l’eau-de-vie a été altérée. Mais, si ce transport est effectué autrement, les précautions sont un détail immense et ne peuvent avoir un résultat. J’aurai dépensé 2 ou 3 millions et je n’aurai rien. Je crois donc qu’il faut réduire cette opération au moyen d’exécution le plus simple possible.

 

Paris, 7 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 5 mars sur les différents détachements des équipages militaires qui arrivent sur le Rhin. Vous me remettrez sous les yeux les états de mouvement indiquant le jour où les 2e et 3e compagnies du 2e bataillon des équipages militaires arriveront à Magdeburg, ainsi que ce qu’elles ont chargé à Wesel. Mon intention est que le magasin général soit établi à Magdeburg, que ces effets ne soient point déchargés, mais seulement qu’on vérifie les chargements, qu’on répare les caisses, tonneaux ou ballots, et qu’on leur fasse continuer leur route sur Danzig.

Les 1e, 2e et 3e compagnies du 6e bataillon arriveront le 20 mars à Mayence. Si le ministre de l’administration de la guerre a des effets d’habillement à y charger, il en profitera; à défaut de quoi, on les chargera d’effets d’ambulance et, à défaut de ceux-ci, d’eaux-de-vie, de manière que le 23, pour tout délai, elles se mettent en marche pour Magdeburg.

Donnez l’ordre que les trente-neuf caissons d’ancien modèle qui partent de Sampigny pour Wesel continuent leur route sur Hanovre, où ils sont nécessaires pour compléter les 4e, 5e et 6e compagnies du 6e bataillon, que forme le maréchal duc de Reggio.

Les détachements des 1e, 2e 3e, 4e et 5e compagnies du 10e ba­taillon, qui prennent des caissons à Strasbourg, devront s’y charger d’effets d’habillement; à défaut d’effets d’habillement, d’effets d’am­bulance; à défaut d’effets d’ambulance, ils s’y chargeront d’eaux-de-vie, et, s’il n’y a point d’eaux-de-vie, d’outils. Ils passeront le Rhin au plus tard le 22, et se dirigeront sur le quartier général.

Les 1e, 3e et 6e compagnies du 10e bataillon, qui arriveront à Mayence le 20, en partiront le 22. Les 2e, 4e et 5e, qui arriveront le 21, en partiront le 23 et se dirigeront sur le quartier général. Elles se chargeront d’effets d’habillement appartenant à l’administra­tion de la guerre, d’effets appartenant aux corps, d’effets d’ambu­lance, d’eaux-de-vie, de fusils, en ayant soin de mettre un très-léger chargement, et de ne prendre les derniers de ces objets qu’à défaut des premiers.

Je ne sais ce que c’est que dix-huit caissons du 13e bataillon que le ministre veut faire partir de Strasbourg pour Wesel. Un mouve­ment de Strasbourg sur Wesel, quand le corps sur lequel ils se diri­gent est à Stettin, est un faux mouvement qui double la distance. Instruisez le ministre qu’aucun mouvement ne doit se faire que par mon ordre. Ces dix-huit caissons du 12e bataillon ne doivent point partir sans mon ordre. Il faut leur faire acheter des chevaux, leur donner des charretiers pris dans un dépôt, leur faire passer le Rhin et les charger à Strasbourg. Ce sera un bon renfort que recevra le 12e bataillon. Je vois que le 6e aurait soixante voitures, et le 7e deux cents ; aussitôt qu’ils auront leurs conscrits ils devront se mettre en route; mais il est nécessaire que les vingt chariots que le 6e bataillon doit prendre à Sampigny se rendent à Metz, afin qu’ils puissent sans délai partir pour Mayence. Le 7e bataillon doit prendre ses chariots à Anvers, Strasbourg, Auxonne, Douai et Delft.

Il ne faut point que le ministre compte que mon intention soit que les chevaux aillent prendre les voitures : cela retarderait trop l’arri­vée de ce corps à l’année. Mon intention est qu’il prenne les vingt voitures qui sont à Mayence, les vingt qui sont à Strasbourg, ce qui lui formera une compagnie. Les premiers chevaux disponibles parti­ront à cet effet de Metz pour Strasbourg ; les cent chariots d’Anvers, les vingt de Douai et les vingt de Delft doivent être envoyés à Mayence par les transports militaires, et si, lorsque le bataillon sera prêt à partir, ces voitures ne sont point arrivées, mon intention est qu’il prenne des caissons de l’ancien modèle à Sampigny. Les caissons au nouveau modèle suivront plus tard, et, lorsqu’ils seront arrivés à l’armée, ils seront utilisés.

Mon intention est que, sous aucun prétexte, les bataillons n’éprou­vent aucun retard, car l’armée est en marche. Aussitôt que les chevaux el les hommes seront prêts, il faut qu’ils partent avec des caissons de Sampigny, chargés ou non. Le principal est d’avoir des caissons du nouveau ou de l’ancien modèle. Exprimez bien mon intention au ministre de l’administration de la guerre pour que cela n’arrive pas trop tard.

Les caissons du nouveau modèle qui arriveront par les transporte militaires trouveront toujours leur emploi. Aussitôt que les 100 che­vaux du 9e bataillon seront arrivés à Plaisance, les caissons se mettront en marche. Aussitôt que les vingt voitures de celui qui est à Versailles seront prêtes, qu’elles partent; les équipages militaires sont fort en retard. Le 12e bataillon, le 2e et le 9e sont seulement en mesure; le 6e, le 7e et le 10e sont encore bien loin. Je serais fort fâché que tous ces bataillons ne pussent pas partir dans le courant de mars, afin qu’ils puissent rejoindre avant le 1er juin. Je suppose que les trois compagnies du 6e bataillon qui se forment à Hanovre
arriveront à temps.

Je désire que le major inspecteur du train vous fasse un rapport clair sur les autres bataillons que j’ai organisés, savoir : celui à la comtoise n° 14, qui doit être organisé avec des conscrits de Danzig et des Polonais. Les cadres sont-ils désignés et partis ? Un ou plu­sieurs officiers sont-ils partis en poste ? Des ordres ont-ils été donnés pour la construction des voitures et l’achat des chevaux ? Les chevaux peuvent se prendre sur ceux de la Prusse ; le roi de Saxe tient les hommes tout prêts pour les envoyer sur la première demande du général Rapp. Le 20e bataillon de bœufs doit être formé à Danzig; les bœufs doivent être fournis par la Prusse à Danzig. Les chariots doivent déjà être construits. Les cadres sont-ils partis ? Pour les hommes, le général Rapp en prendra à Danzig; le supplément sera fourni par les Polonais. J’ai chargé le roi de Saxe d’organiser un bataillon à la comtoise à mes frais. Je désire cependant que le com­mandant et deux officiers y soient envoyés pour diriger la formation de ce bataillon. L’inspecteur aux revues, qui doit être envoyé à Var­sovie pour faire la revue des hommes de l’armée du duché qui sont à ma solde, fera fournir les avances nécessaires pour l’organisation de ce bataillon d’équipages. Les hommes seront Polonais; le bataillon portera le n° 16. Les bataillons à la comtoise n° 15 et 17 ont-ils leurs cadres nommés ? A-t-on commandé les voitures, harnais et chevaux ? Quand seront-ils disponibles ? Le temps est le grand élé­ment de tout. Il faut que l’inspecteur s’assure bien des faits; c’est de l’argent jeté si on me fait perdre plusieurs mois, car il faudrait faire encore les mêmes dépenses pour y suppléer par d’autres moyens. Le major inspecteur prendra de même des renseignements positifs sur les bataillons de bœufs. Vous lui recommanderez de vérifier soigneusement les renseignements qui lui seront donnés dans les bureaux, et de vous faire sur tout cela un rapport bien circonstancié sur lequel je puisse compter.

 

Paris, 8 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, renouvelez l’ordre au général Reille de se porter sur Berga et sur la Cerdagne française pour déloger les insurgés. Il n’est que trop vrai qu’ils se nourrissent de France, et qu’ils sont cantonnés à Puycerda, d’où ils ne bougent point. Réitérez-lui l’ordre d’en­voyer une division italienne dans la Navarre. Il tiendra l’autre division italienne dans l’Aragon et gardera avec lui la division française.

 

Paris, 8 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, je vous ai fait connaître que je donnais le comman­dement de la division polonaise, composée des régiments de la Vistule, au général Claparède : cependant ce général l’ignorait ce matin. D’où vient cette négligence ? J’ai vu également ce matin l’adjudant-commandant Lagrange: comment n’est-il pas parti pour se rendre auprès du prince de Wurtemberg ? Mes ordres s’exécutent bien lente­ment. Faites-le partir dans la journée de demain.

 

Paris, 8 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, je reçois le rapport du général la Riboisière. Donnez-lui les ordres les plus pressants. Mon intention est que le 12 mars tout ce qui appartient aux équipages de pont se mette en marche de Wesel, de Mayence et de Strasbourg, en se dirigeant sur Magdeburg, afin qu’au 1er avril j’aie dans cette place, sinon tous les che­vaux des équipages de pont, du moins tout ce qu’il sera possible d’avoir. Faites comprendre que tous les chevaux qui n’auront pas passé le Rhin au 10 mars n’arriveront pas à temps pour mes projets.

 

Paris, 8 mars 1812.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Paris

Mon Cousin, vous m’avez dit que le bataillon des Pupilles qui est à Évreux était habillé et armé : il n’a ni habits ni gibernes et est dans le plus mauvais état. Faites-moi connaître quand ce bataillon sera armé et habillé, et faites-moi un rapport sur sa situation, bataillon par bataillon.

 

Paris, 10 mars 1812.

Au comte Collin de Sussy, ministre des manufactures et du commerce, à Paris

Monsieur le Comte de Sussy, par mon décret du 25 décembre dernier, j’ai accordé un million pour le service des subsistances dans les différentes villes. Sur cette somme, 290,000 francs ont été affec­tés pour les primes données aux boulangers de Paris ; il reste donc encore 710,000 francs disponibles. Comme nous sommes dans l’époque la plus fâcheuse de l’année, il est convenable que vous me présentiez un projet pour la répartition de ce reste de fonds.

 

Paris, 10 mars 1812.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous renvoie votre rapport sur la sortie du Rivoli, En relisant mes lettres et vos instructions, je ne sais comment il est possible que cet événement soit arrivé. Je désire approfondir cette affaire.

Écrivez au vice-roi pour savoir si la lettre dont copie est ci-jointe a été remise par lui au capitaine Barré, et si en chargeant l’amiral Villaret de remplacer ce capitaine à Venise on lui a remis également copie de vos lettres et instructions. Dans ce cas, cet amiral aurait montré bien peu de prudence. Si le vice-roi n’avait pas communiqué ces lettres et ces instructions à l’amiral Villaret, il serait coupable. Écri­vez-lui là-dessus une lettre honnête, mais ferme. 1° Mon intention était que le vaisseau ne sortit pas qu’il n’y fût présent : y était-il ? 2° J’avais ordonné que le vaisseau fût accompagné de frégates et de corvettes. 3° Un grand nombre d’avisos devaient éclairer la mer, et, dans ce cas, tous bateaux pécheurs sont avisos. Dans votre lettre au vice-roi, relatez-lui les termes positifs des lettres qui lui ont été écrites, et demandez-lui comment, ayant prévu toutes les circon­stances, il se fait qu’on n’ait pas obéi à mes ordres. Comme j’aime à récompenser et à témoigner ma satisfaction quand on fait bien, je désire aussi témoigner mon mécontentement quand on fait mal. Si l’amiral Villaret a reçu les instructions du vice-roi, c’est à lui que je m’en prendrai. Il faut que votre lettre soit raisonnée. Joignez-y copie de ma lettre et des instructions, afin qu’il soit bien convaincu de son tort; cela aura du moins quelque avantage pour l’avenir; il mettra moins de légèreté dans la lecture des ordres.

 

Paris, 10 mars 1812

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je reçois la situation des hôpitaux au 1er février. J’y vois que les malades sont au nombre de 49,000 au 1er février, et qu’il n’y en avait que 42,000 au 1er janvier; ce qui ferait donc une augmentation de 7,000 malades pendant janvier. Ce premier résultat m’a d’abord effrayé; mais, en y regardant de plus près, je vois que la 32e division est portée pour 6,400 malades au 1er février, et qu’elle était portée pour zéro au 1er janvier; que Danzig est compris pour 1,500 malades dans l’état de février, et qu’il figurait pour zéro dans l’état de janvier: voilà donc une différence de 8,000 qui provient de la manière de disposer les chiffres. Ainsi le nombre des malades a été à peu près le même dans les deux mois de janvier et de février; ils ont diminué en Italie, en Illyrie, dans les îles Ioniennes; ils ont augmenté de 100 hommes dans la 5e divi­sion militaire; ils ont diminué dans la 8e division, dans la 10e et dans la 11e division, quoiqu’il ait passé beaucoup de prisonniers; ils ont également diminué dans la 12e, dans la 16e division, dans la 17e division militaire, enfin ils ont diminué presque partout. Votre résultat n’est donc pas exact ; il y a eu moins de malades en février qu’en janvier, malgré les mouvements extraordinaires de troupes et l’augmentation de 20,000 prisonniers espagnols qui sont entrés dans le pays.

 

Paris, 10 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, témoignez mon mécontentement au duc d’Abrantès de ce qu’il a été à Munich avant ses troupes, et de ce qu’il a ainsi démasqué mon mouvement deux jours plus tôt ; ce qui est cause que le courrier russe, qui ne serait parti que le 2 mars, est parti le 29 février. Je désire qu’il n’aille pas à Dresde et qu’il reste constam­ment avec ses troupes, marchant avec sa 1e division.

 

Paris, 10 mars 1812.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Paris

Mon Cousin, donnez ordre que la 3e division de la Garde, com­posée des trois régiments de la vieille Garde, parte de Metz pour Mayence, savoir : le 3e régiment de grenadiers, le 13; le 2e de chasseurs et le 2e de grenadiers, le 14 ou le 15. Ces régiments ne séjourneront qu’un jour à Metz. La division d’ambulance avec son matériel, une compagnie de sapeurs, une batterie d’artillerie servie par les canonniers de la jeune Garde et deux batteries d’artillerie à pied, formant seize pièces de canon, avec seize caissons d’infanterie et leur approvisionnement, partiront également de Metz successive­ment pour Mayence. Les trois régiments de cavalerie partis de Paris ne feront qu’un séjour à Metz et continueront leur route sur Mayence. Toute l’artillerie de la réserve de la Garde marchera avec les grena­diers, les chasseurs et les dragons. Enfin le parc d’artillerie de la Garde, y compris la réserve de la Garde, ainsi que le parc du génie, les boulangers et les administrations, se mettront également en marche le 15 pour Mayence.

Donnez ordre au général Walther de se rendre à Mayence pour prendre le commandement de la cavalerie, et de l’artillerie légère qui y sera attachée. Faites partir demain un bataillon de chasseurs, composé de 800 hommes, et un bataillon de 800 grenadiers, sous les ordres d’un major. Vous choisirez les hommes les plus fatigués ou que le voyage en poste incommoderait davantage. Les ambulances, les caissons des deux régiments de grenadiers et de chasseurs restant, les chevaux et bagages des officiers des corps qui doivent partir en poste, et ce qui reste des administrations, partiront avec ces deux bataillons; de sorte qu’il ne reste que 1,600 hommes de toute la vieille Garde, lesquels pourront se porter en poste sur l’Elbe, c’est-à-dire en quinze jours.

Ainsi ma Garde sera composée de la manière suivante, savoir : 1e division (division Delaborde) : 5e régiments de tirailleurs et de voltigeurs, quatre bataillons ; 6e régiments de tirailleurs et de volti­geurs, quatre bataillons; 4e régiments de tirailleurs et de voltigeurs, quatre bataillons ; total, douze bataillons.

2e division : 1er régiments de tirailleurs et de voltigeurs, quatre bataillons; fusiliers, quatre bataillons; flanqueurs, deux bataillons; total, dix bataillons.

3e division (vieille Garde) 1er et 2e régiment de chasseurs, quatre bataillons; 1er, 2e et 3e régiment de grenadiers, six bataillons; total, dix bataillons.

La 2e division sera commandée par le général de division Roguet ; la 3e division, ou division de vieille Garde, sera commandée par le général Curial. Vous me présenterez les adjudants généraux de la Garde qui doivent être employés dans ces divisions.

Cavalerie : les cinq régiments formant 5,000 hommes.

Artillerie : l’artillerie se compose,

1° De quatre compagnies de régiment : une compagnie de huit pièces sera attachée à la division Delaborde; une compagnie de huit pièces à la division Roguet; une de huit pièces aux chasseurs, et une de huit pièces aux grenadiers, formant seize pièces pour la 3e division.

2° Il y aura attachées à la 1e division deux batteries d’artillerie à pied formant seize pièces de la réserve attachée à la Garde; à la 2e di­vision , deux batteries d’artillerie de seize pièces de la réserve atta­chée à la Garde ; à la 3e division, deux batteries ou seize pièces ser­vies par la Garde ; à la cavalerie, deux batteries à cheval de la Garde formant douze pièces; à la réserve, marchant avec le parc, deux bat­teries d’artillerie à cheval de la Garde, douze pièces; quatre batteries d’artillerie à cheval de la ligne, vingt-quatre pièces; deux batteries de pièces de 12 de la ligne attachées à la Garde, seize pièces; deux batteries de pièces de 12 de la Garde, seize pièces; deux batteries d’artillerie à pied de la Garde, seize pièces. Les cent soixante et seize pièces de la Garde seront donc réparties comme il suit, savoir : vingt-quatre pièces à la 1e division; vingt-quatre pièces à la 2e divi­sion; trente-deux pièces à la 3e division; douze pièces à la cavalerie; quatre-vingt-quatre pièces à la réserve; total, cent soixante et seize pièces.

Chaque pièce de canon aura aux divisions un approvisionnement complet; le double approvisionnement sera avec la réserve au parc. Chaque division aura ses seize caissons; les autres caissons seront au parc.

Génie : le génie se compose des compagnies de sapeurs. Une de celles qui sont à Metz doit avoir reçu l’ordre de partir avec la 1e di­vision. Une compagnie sera attachée à la 2e division ; une compagnie sera attachée à la 3e division ; une compagnie sera attachée au parc avec des pontonniers, mineurs et ouvriers, ainsi que la compagnie du grand-duché de Berg, avec ses pontonniers et avec les marins.

Il faut que les états de situation de la Garde me soient désormais présentés dans cette forme. On y portera ce qui existe et ce qui manque. Chaque division aura ses ambulances et la partie des admi­nistrations qui lui est nécessaire; le reste restera au parc avec l’ordon­nateur.

Donnez ordre que la compagnie de marins et tout ce qui peut partir parte demain.

J’approuve l’idée de former aux grenadiers et aux chasseurs une 9e compagnie pour la garde de Paris et pour faire le service auprès de l’Impératrice et du roi de Rome. On composera chacune de ces deux 9e compagnies des hommes malingres sortant des hôpitaux, ou vieux et qui ont besoin de repos.

 

Paris, 10 mars 1812.

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Paris

Mon Cousin, il est nécessaire que la Garde emporte ses drapeaux. L’arme des chasseurs n’aura qu’une aigle ; l’arme des grenadiers n’aura qu’une aigle, qui sera toujours portée au 1er régiment de vieille Garde de chaque arme; les grenadiers à cheval n’auront qu’une aigle; les dragons, qu’une aigle ; les chasseurs à cheval, qu’une aigle; les régiments de chevau-légers n’auront point d’aigle.

Donnez ordre aux colonels de fournir le fanion que doit avoir chaque bataillon. Les voltigeurs auront des fanions rouges et les tirailleurs des fanions blancs; ces fanions ne porteront rien qui indique à quel régiment ils appartiennent, ni qu’ils appartiennent à la Garde.

 

Paris, 10 mars 1812.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre du 4 mars. Il est fâcheux que sur une simple lettre d’Aldini vous ayez laissé introduire des marchan­dises coloniales venant d’Allemagne. Il faut un décret pour autoriser de pareilles violations du système continental. Ce n’est pas en n’em­pêchant pas la circulation de ces marchandises que vous avez mal fait, mais c’est en autorisant leur entrée sur une simple lettre.

 

Paris, 11 mars 1812

NOTE DICTÉE EN CONSEIL DES MINISTRES.

Sa Majesté se fait rendre compte de la ressource qu’offrent, pour les secours à la classe indigente du peuple, les soupes à la Rumford. Elle remarque que les soupes à la Rumford n’exigent point de blé. Le fait est qu’on manque de blé en France. Il faudrait ordonner à l’administration des villes et aux préfets de faire établir partout une grande quantité de fourneaux pour les soupes à la Rumford, non seulement à délivrer gratis, mais encore à vendre. Il faudrait d’abord en établir dans les communes des environs de Paris, et notamment à Saint-Denis. Les ministres de l’intérieur et des manufactures s’oc­cuperont de l’exécution de ces dispositions. Le ministre de l’intérieur écrira à tous les préfets pour leur faire connaître que l’Empereur a vu avec mécontentement que, dans les pays où le pain est très-cher et les subsistances rares, ils n’aient pas pris des mesures pour faire établir des soupes à la Rumford par des entrepreneurs qui les vendraient au public. Il établira le calcul qu’une soupe coûte tant et nourrit comme tant de pain; qu’ainsi, dans les moments de pénurie, cette ressource offre au peuple un moyen de se nourrir comme si le pain ne coûtait que tant. Il leur enverra une instruction sur la ma­nière de construire les fourneaux et d’établir les soupes.

On pourrait ensuite les donner à moitié prix. À Saint-Denis et dans les environs de Paris, il faudrait que le préfet fît faire les soupes par des entrepreneurs et les fit afficher. Il faudrait également à Paris introduire l’usage de les vendre, ce qui devrait être absolument séparé de la distribution gratuite. D’ailleurs, l’ouvrier qui a un peu d’ai­sance peut rougir d’aller à la charité, tandis qu’il peut trouver com­mode, surtout pour ses enfants, d’en acheter à bon marché. Il y a plus d’avantage pour le peuple de les établir à vendre que de les donner gratis, car la distribution gratuite ne peut être que limitée, au lieu que dans les pays où le blé est cher cela pourrait prendre une grande extension.

L’administration pourrait, d’ailleurs, aider en fournissant les fours et en veillant à ce que les soupes fussent bonnes et au meilleur mar­ché possible.

L’Empereur ajoute à ces observations les questions suivantes :

Quelle est la manière de se procurer dix millions pour subvenir aux besoins de la classe indigente de la France, ce qui, pour avril, mai, juin, juillet et août, ferait deux millions par mois ? Les ressources paraissent être le revenu des communes.

S’il reste des fonds de départements, soit en non-valeurs, soit des compagnies de réserve, non-seulement de l’année courante, mais de tous les exercices arriérés, soit enfin des économies qui peuvent être faites sur les budgets, en ajournant des dépenses moins urgentes et en accordant quelque chose sur le trésor, s’il est nécessaire ?

Les fonds une fois trouvés, quelle est la manière de les employer, de telle sorte que cela ne soit pas une source d’abus plus nuisible qu’utile ? Ces dix millions doivent être employés à soulager la classe indigente, pour l’indemniser de la hausse du blé. Il faut donc con­naître les départements où le prix est le plus élevé et qui souffrent, et enfin déterminer quelle doit être la distribution de ces fonds entre les départements, et le procédé à suivre pour arriver au but.

Il faut marcher dans la direction qui a été donnée à Paris ; on y a distribué trente mille livres de pain et quarante mille soupes à la Rumford. On peut se vanter aujourd’hui qu’aucun habitant de la capi­tale ne souffre de la faim.

Les ministres de l’intérieur et des manufactures, le ministre du trésor, les conseillers d’État composant le conseil des subsistances et les ministres d’État Regnaud et Defermon se réuniront chez le mi­nistre de l’intérieur, avec le ministre de la police et le conseiller d’Étal directeur général de la comptabilité des communes, pour s’oc­cuper de ce projet.

 

Paris, 11 mars 1812.

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, on envoie beaucoup d’argent à Corfou; cela a des inconvénients. Je désire que vous envoyiez, à compte de ce que vous y faites passer, 500,000 francs en bons du trésor payables, savoir : 300,000 francs par le trésorier de Venise ou de Trieste et 200,000 francs par le trésor de France. Vous man­derez au payeur que les 300,000 francs serviront à payer les achats faits en Illyrie (les Illyriens se feront bien payer à Trieste), et les 200,000 francs pour ceux qui voudront envoyer leur argent en France.

 

Paris, 11 mars 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, mon intention est d’avoir six bataillons de 840 hommes chacun, formés de prisonniers espagnols, de bonne volonté, conformément au décret que j’ai pris; ce qui fera trois régiments.

Le 3e bataillon du régiment de Walcheren est à Strasbourg, et j’ai ordonné par mon décret qu’il prendrait 800 prisonniers. Le 4e batail­lon de Walcheren est en marche de l’île de Ré avec 900 conscrits réfractaires. Mon intention est que ce bataillon vienne à Paris; il continuera de Paris sa route sur l’armée, où il sera incorporé dans l’infanterie de ligne, et le cadre reviendra à Strasbourg pour y prendre des prisonniers espagnols. Vous donnerez ordre au major du régi­ment de Walcheren de se rendre à Strasbourg pour présider à la for­mation et à l’habillement de ces deux bataillons.

Il est nécessaire que les officiers du 4e bataillon ne sachent pas que leurs soldats doivent être incorporés dans les régiments de l’ar­mée, parce qu’ils porteraient moins de zèle à y arriver intacts.

Donnez ordre au cadre du 3e bataillon du régiment de Belle-Île, complété en officiers et sous-officiers, de partir sous les ordres du major du régiment et avec le 4e bataillon complété à 900 conscrits réfractaires, pour se rendre à Paris. Le cadre du 3e bataillon dou­blera celui du 4e bataillon jusqu’à leur arrivée à Paris. Vous ferez retirer du 4e bataillon tous les hommes malingres, les mauvais sujets et ceux dont on ne serait pas sûr.

Arrivé à Paris, le cadre du 3e bataillon se rendra à Strasbourg pour prendre des Espagnols, et le 4e bataillon rejoindra la Grande Armée. Lorsqu’il sera arrivé, on l’incorporera dans l’infanterie légère, et le cadre retournera à Strasbourg pour y prendre des prisonniers espagnols.

Donnez ordre que les cadres des 3e et 4e bataillons du régiment de l’île de Ré, sous les ordres du major, se rendent à Strasbourg pour y recevoir des Espagnols.

Il ne restera donc aux régiments de Walcheren, de Belle-Île et de l’île de Ré, que les 1er, 2e et 5e bataillons.

J’aurai ainsi à Strasbourg trois régiments composés d’Espagnols, commandés par les majors.

La comptabilité se rattachera à celle des régiments de Walcheren, de Belle-Île et de l’île de Ré.

Chargez le général Kindelan, que je nommerai inspecteur des Espagnols et auquel je donnerai le rang de général de division, d’aller passer la revue des dépôts de prisonniers espagnols et d’y choisir les meilleurs sujets, en exécutant tout ce qui est prescrit par mon décret. Vous donnerez ordre que les hommes de ces nouveaux bataillons qui déserteraient, et qu’on ne jugerait pas à propos de fusiller pour l’exemple, soient conduits dans l’île de Walcheren.

Les Espagnols qui seront incorporés dans le bataillon de Belle-Île prendront l’uniforme d’infanterie légère affecté à ce régiment. Ceux qui seront incorporés dans les régiments de Walcheren et de l’île de Ré porteront l’uniforme d’infanterie de ligne de ces régiments, hormis que, dans chaque régiment, ils auront des parements et revers bleus avec un passepoil jaune, pour qu’on les distingue facilement de toute arme française.

Je ne m’opposerai point à ce que, lorsqu’il y aura des vacances, on mette dans ces bataillons quelques officiers et sous-officiers espa­gnols sûrs.

En conséquence de ces dispositions, mon intention est de rappor­ter le décret qui crée le régiment de Catalogne.

 

Paris, 11 mars 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, réitérez l’ordre aux majors des régi­ments de la Vistule de n’admettre que des Polonais et de rejeter tout ce qui est allemand et russe ; ces régiments ne doivent avoir que des hommes parlant polonais.

Donnez ordre au détachement du 7e régiment de chevau-légers polonais, qui arrive à Saint-Jean-d’Angely, d’en partir pour Sedan avec le dépôt du régiment.

Donnez ordre que les dépôts des trois régiments polonais du grand-duché de Varsovie qui sont du côté de Bordeaux se rendent à Sedan. Ces dépôts laisseront aux lieux où ils sont ce qui sera nécessaire aux régiments qui reviennent d’Andalousie et qui passeront à ces dépôts. Il est nécessaire que ces régiments trouvent, en arrivant à Sedan, de quoi s’habiller et s’équiper, et se mettent en état de continuer leur route pour entrer en campagne en arrivant dans le Grand-Duché.

 

Paris, 12 mars 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, remettez-moi la situation de la cava­lerie de la Grande Armée, arme par arme et régiment par régiment. Que cette situation parte du 1er mars; qu’elle me fasse connaître l’état au 1er mars des hommes de chaque régiment à cheval rendus en Alle­magne, première colonne; dans une deuxième colonne, ce qui est à cheval en route pour rejoindre, avec l’époque du départ et de l’arri­vée; dans une troisième colonne, ce qui est à pied au dépôt de Hanovre ; dans une quatrième colonne, ce qui existe en France ; dans une cinquième colonne, les hommes à recevoir de la conscription de 1812. On fera connaître dans le même état les chevaux existants, à recevoir soit en France, soit en Allemagne. Enfin vous me ferez con­naître également ce qu’il y aurait de disponible en hommes montés aux dépôts, au 15 mars, et ce qu’il y aurait de disponible, habillé et équipé, mais non monté, qu’on pourrait envoyer en Allemagne pour prendre des chevaux.

 

Paris, 13 mars 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, expédiez aujourd’hui l’aide de camp du duc de Raguse. Mandez à ce maréchal que vous m’avez mis sous les yeux sa dernière lettre; que la réunion de ses forces à Salamanque n’est pas suffisante pour le but qu’il doit remplir; qu’il est nécessaire qu’il jette un pont sur l’Agueda et y ait une tête de pont, afin que, si l’en­nemi laisse moins de cinq divisions sur la rive droite du Tage, il puisse se porter sur la Coa, sur Almeida, et ravager tout le nord du Portugal ; que la saison des pluies doit finir ; que si Badajoz est pris par deux simples divisions anglaises, et que lui, duc de Raguse, ait retenu sur la rive droite cinq divisions anglaises, la prise de Ba­dajoz ne pourra pas lui être imputée et retombera tout entière sur l’armée du Midi; que si, au contraire, l’ennemi s’affaiblit de plus de cinq divisions et n’en laisse que deux, ou même trois ou quatre sur la rive droite, ce sera la faute de l’armée de Portugal si elle ne marche pas sur le corps de l’ennemi, n’investit pas Almeida, ne ravage pas tout le nord du Portugal et ne jette pas des partis jusqu’au Mondego, qu’enfin le rôle principal de l’armée de Portugal se réduit à ceci : tenir en échec six divisions de l’armée anglaise ou au moins cinq, prendre l’offensive dans le Nord, ou si l’ennemi a pris l’initia­tive, ou si toute autre circonstance l’ordonne, faire filer par le Tage sur Almaraz, pour faire lever le siège de Badajoz, autant de divi­sions qu’en aura fait filer lord Wellington.

Lorsque vous aurez expédié cette lettre, vous direz à l’aide de camp de venir à l’Élysée à huit heures; je lui dirai un mot.

 

Paris, 13 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, prévenez le duc de Reggio que probablement je lui expédierai des ordres qui devront être exécutés vers le 20 ; que je ne suis pas encore décidé sur ce mouvement, mais que j’ai cru devoir l’en prévenir, afin que, recevant les ordres, il puisse les exécuter vingt-quatre heures après. La brigade Corbineau et la division de cuirassiers avec douze pièces d’artillerie légère, formant 3 ou 4,000 chevaux, passeront les premières le pont de Magdeburg pour se diri­ger sur Berlin. Lui, de sa personne, avec son quartier général et la division Legrand, déboucherait un jour après. La division Verdier partirait le même jour de Brunswick. Le parc de l’armée partirait avec la division Verdier. La division Belliard se centraliserait à Mag­deburg. Le maréchal entrerait à Berlin avec ses 4,000 hommes de cavalerie et la division Legrand. La division Verdier resterait à Mag­deburg. Le parc y resterait également. Les choses resteraient ainsi jusqu’à nouvel ordre. Il est donc nécessaire que les troupes de la division Verdier prennent position entre Brunswick et Magdeburg, et que les compagnies soient placées de manière à pouvoir déboucher en vingt-quatre heures. Le maréchal aura une instruction sur la manière de se conduire et sur tout ce qu’il doit faire ; il ne doit en­core que se préparer et ne rien laisser transpirer de ce mouvement. Ses dispositions doivent être faites de manière à se faire honneur par la belle tenue de l’armée. Il pourra s’arrêter, s’il est nécessaire, un jour à Brandenburg. Il devra éviter Potsdam, où, par la convention, on ne doit pas passer. Je suppose que tout son parc sera bien attelé, que chaque division aura ses ambulances, que l’armée aura ses com­pagnies d’équipages militaires, et que rien ne sera conduit par réqui­sition. Envoyez au maréchal une estafette extraordinaire à ce sujet, et que, par le retour, il vous fasse connaître quelle sera la situation de tout son corps d’armée en cavalerie, infanterie, génie, artillerie, sapeurs, etc., au moment de son entrée. Son infanterie pourrait marcher par brigade, chaque brigade ayant, indépendamment de ses canons et caissons de régiments, savoir : la 1e brigade, les batteries d’artillerie à cheval, et la 2e brigade, les batteries d’artillerie à pied. Généraux, officiers d’état-major, ordonnateurs, etc., tout le monde restera à son poste et ne marchera qu’avec la troupe. Le général Doumerc commandera toute la cavalerie.

 

Paris, 13 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, faites-moi un rapport sur le service de l’estafette. Il devient nécessaire d’établir une estafette de Paris à Magdeburg et Berlin. Je pense qu’il sera nécessaire de conserver jusqu’au 1er avril l’estafette de Paris à Hambourg. À dater du 1er avril, la ligne de l’estafette sera transportée de Hambourg à Magdeburg, et il n’y aura plus d’autre estafette que celle de Magdeburg à Paris par Mayence. Au 1er avril, l’estafette ira jusqu’à Berlin et même jusqu’à Stettin.

 

Paris, 14 mars 1812.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, remettez-moi dans la journée un rapport qui me fasse connaître le nom et l’organisation des deux batail­lons de flottille qui sont sous les ordres du vice-amiral Ver Huell, et présentez-moi un projet d’ordre pour faire partir 1,000 de ces ma­rins, français ou hollandais, pour se rendre en diligence à Danzig. Proposez-moi en même temps de faire partir 1,000 autres de ces marins, français ou hollandais, bien armés et bien équipés, sous les ordres du contre-amiral Baste, pour Magdeburg. Il est nécessaire que ces hommes soient armés, qu’ils aient leurs cartouches et des gibernes. Les deux équipages, tant celui qui part du Nord que celui qui part de Boulogne, et la compagnie de 200 hommes des marins de la Garde que le duc d’Istrie a eu ordre de faire partir, seront sous les ordres du vice-amiral Ganteaume s’il peut suivre l’armée. Si l’amiral Ganteaume n’est pas en état de faire la campagne, le capitaine Motard ne pou­vant pas venir, le contre-amiral Baste commandera. Enfin le vice-roi emmène avec lui deux compagnies de marins italiens de Venise. Cela fera donc 2,400 marins que j’aurai à l’armée, indépendamment des deux bataillons d’ouvriers de la marine, qui porteront à 4,000 hom­mes les troupes de la marine.

Vous confierez l’exécution des ordres relatifs au mouvement de la flottille sur Cherbourg à un autre officier; d’ailleurs, il me semble que la saison est bien avancée pour qu’il soit prudent de faire ces mouvements devant l’ennemi, surtout pour les prames. Vous me ferez un rapport qui me fasse connaître où en sont les armements et ce qu’il sera convenable de faire de ce qui restera à Boulogne.

 

Paris, 14 mars 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, la brigade de fusiliers de la Garde est arrivée à Bayonne le 13; la brigade des 1er régiments de voltigeurs et de tirailleurs est arrivée le 14. Mon intention est que ces huit ba­taillons partent en poste du lieu où on les rencontrera pour se rendre à Paris, en faisant trois ou quatre étapes par jour. Chargez le duc d’Istrie d’envoyer au-devant de ces régiments un officier qui sera porteur de vos ordres aux différents préfets pour que tout soit préparé.

 

Paris, 14 mars 1812.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, témoignez mon mécontentement au général qui commande à l’île d’Elbe du peu d’instruction du 7e ba­taillon du 6e de ligne et du 14e léger; ces hommes savent à peine manier les armes ; c’est la faute de ce général : s’il leur avait fait faire l’exercice, et s’il en avait passé la revue lui-même toutes les semaines, ces hommes, qui n’avaient presque rien à faire, seraient aujourd’hui parfaitement instruits. Faites-lui les mêmes reproches pour les hommes tirés des bataillons de la Méditerranée.

Témoignez mon mécontentement au général qui commande en Corse de la mauvaise qualité des fournitures faites aux soldats par l’administration du régiment de la Méditerranée. Les chemises et les souliers sont si mauvais, que le soldat n’a pu s’en servir. Faites faire une enquête pour connaître les auteurs des infidélités et malversa­tions qui ont été commises.

Écrivez à la Grande-Duchesse pour que toutes les troupes qui sont à l’île d’Elbe soient réunies par bataillon tous les jours, de sorte que, d’ici un mois, elles puissent commencer l’exercice à feu et être parfaitement instruites. Recommandez-lui d’envoyer des officiers pour surveiller l’exécution de ses ordres.

Si le chef de bataillon du 3e bataillon étranger, qui est arrivé à Livourne, n’est pas bon, il faut qu’on en mette un autre.

Le secrétaire des commandements de la Grande-Duchesse ne doit pas correspondre avec vous; écrivez que ce n’est pas convenable; qu’il peut faire les lettres, mais que tout doit être signé de la Grande-Duchesse ou par son mari ; que cette manière de faire est ridicule et contraire à la dignité de mes ministres et au bien du service; qu’en fait d’armée il n’y a pas de rang ; le roi d’Espagne doit écrire lui-même au ministre de la guerre, comme il écrit au major général quand il lui rend compte du commandement que je lui ai confié.

Paris, 14 mars 1812.

Au général comte de La Riboisière, commandant l’artillerie de la Grande Armée, à Paris

Monsieur le Comte la Riboisière, je vous envoie cette lettre par un de mes pages, afin d’être sûr qu’elle vous sera remise en main propre, et pour qu’elle ne sorte point de vos mains. L’objet de cette lettre est de vous faire connaître (et je vous mets seul dans mon secret) que mon intention est de débuter dans la campagne par le siège de Dinabourg et par celui de Riga. Je destine l’équipage de siège de Danzig pour Riga et l’équipage de siège de Magdeburg pour Dinabourg. Prenez indirectement et secrètement des renseignements sur ces deux places, et faites-moi connaître, par une note écrite de votre propre main, la composition de l’une et de l’autre de ces places. Faites-moi connaître combien de bateaux il faudrait pour embarquer l’équipage de Magdeburg; il n’y a pas de temps à perdre, désirant qu’il soit embarqué le 1er avril, pour être transporté par la Vistule. Faites-moi connaître combien il faut de jours pour que cet équipage arrive à Bromberg; il faudrait qu’il y fût rendu le 1er mai. Il devra là descendre et continuer la navigation sur le Haff, entrer dans le Haff de Memel, et remonter le Niémen jusqu’à Vilna, d’où il sera porté par terre devant la place de Dinabourg; ce qui est un trajet d’environ quarante lieues. Les mêmes bateaux pourraient-ils suffire pour tout ce trajet, ou faut-il qu’ils rompent charge, et combien de fois ? Il sera nécessaire que cet équipage soit arrivé au 1er juin à Vilna, afin de pouvoir ouvrir la tranchée vers la mi-juin.

Dans le matériel que vous avez à transporter, mettez le matériel du génie, ne jugeant pas nécessaire de mettre le général du génie dans ma confidence.

Combien faut-il de bateaux pour porter l’équipage de Danzig ? De Danzig, cet équipage devra être transporté, soit sur Memel, soit sur Tilsit, pour de là se rendre par terre devant Riga ; c’est un trajet d’une soixantaine de lieues. Les mêmes bateaux peuvent-ils aller à Tilsit ou à Memel ? Quel jour faut-il que le chargement ait lieu à Danzig, et combien de jours faut-il pour opérer le transport ? Il est indis­pensable qu’il ne s’opère qu’au moment opportun, pour ne rien démasquer; le chargement de l’équipage de Magdeburg ne démas­quera rien, puisqu’il peut être censé destiné à l’armement de Danzig ou de Thorn. Enfin faites-moi connaître combien de voitures il fau­dra pour transporter l’un et l’autre de ces équipages de Vilna à Dina­bourg et de Memel à Riga. Je suppose que le siège de ces places ne m’arrêtera pas plus de quinze jours, savoir : cinq jours pour l’investissement, l’ouverture de la tranchée, la construction des batteries et le commencement du feu et dix jours de tranchée ouverte. Il faut donc que les approvisionnements soient arrivés dans quinze jours, à raison d’un convoi par jour, de Memel et de Vilna. Quelle portion de chevaux l’armée pourra-t-elle fournir pour ce charroi, et quelle est la portion qu’il faudra prendre dans le pays ?

 

Paris, 15 mars 1812.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je ne veux point faire acheter d’eau-de-vie à Vienne; mais je vous autorise à charger le comte Otto, mon ambassadeur, de traiter avec un fournisseur pour l’achat de deux millions de bouteilles de vin de Hongrie, avec les conditions qu’il ne reviendra pas à plus de dix sous la bouteille rendu à Varsovie; ce qui fera la dépense d’un million.