Correspondance de Napoléon – Mars 1812

Mars 1812

 

Paris, 1er mars 1812.

NOTE POUR LE COMTE DARU, MINISTRE SECRÉTAIRE D’ÉTAT, A PARIS.

L’Empereur, ayant souvent besoin de consulter la note de ce que la Prusse doit fournir à la Grande Armée, désire que M. le comte Daru l’envoie à son cabinet.

 

Paris, 2 mars 18I2.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, je crois qu’il est nécessaire d’expé­dier aujourd’hui le courrier à Lauriston. Ne lui parlez point de l’es­pionnage de Czernitchef, que vous n’êtes pas censé connaître encore. Expliquez bien à Lauriston que, dans aucun cas, il ne doit prendre d’engagement pour une entrevue; que je verrai avec plaisir nouer une négociation lorsque mes troupes seront sur l’Oder et sur la Vistule ; que je ne veux point d’entrevue ; que c’est un moyen dont il peut se servir, mais qu’il doit toujours me laisser le maître de l’éluder.

 

Paris, 2 mars 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, par le courrier que vous envoyez à Saint-Pétersbourg, vous écrirez, à Berlin, au comte de Saint-Marsan que, aussitôt que le traité sera ratifié, il demande qu’on mette un bon commandant, avec une garnison suffisante, à Memel, et qu’on arme et approvisionne cette place pour la mettre en état de tenir quelques jours, afin que, dans tout événement, cette place ne soit pas compromise et que les Russes ne puissent pas s’en emparer.

 

Paris, 3 mars 1812.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez par l’estafette à mon ministre à Bade pour le charger de demander que l’artillerie du contingent de Bade ait son double approvisionnement, c’est-à-dire quatre cents coups à tirer par pièce ; que les troupes portent pour vingt jours de vivres avec elles, et que le régiment de cavalerie soit porté à 1,000 che­vaux, savoir, à quatre escadrons de 250 hommes chacun, et chaque compagnie à 125 hommes. Le grand-duché de Bade est assez riche pour faire cette augmentation à son contingent. J’en ai besoin et je la désire.

Vous écrirez par l’estafette à mon ministre à Darmstadt que je désire que le régiment de cavalerie du contingent de Hesse-Darmstadt soit porté à 1,000 chevaux, mais que je reconnais que ce pays a fait plus qu’il ne devait et ne pouvait, et que, par conséquent, je n’exige rien de lui; que je demande qu’il lève les hommes et les organise, et qu’il achète les chevaux, et que je payerai le tout; qu’ainsi le grand-duc de Hesse-Darmstadt aura 500 hommes de cavalerie, offi­ciers compris, à ses frais, et que les 500 autres seront à mes frais. Faites faire un traité dans ce sens. Je ferai passer régulièrement les fonds nécessaires pour payer ces dépenses ; cela fera un beau régi­ment pour le prince Emile. Vous demanderez qu’il y ait vingt jours de vivres portés sur des charrois à la suite du contingent.

Faites demander au prince de Nassau s’il pourrait lever un régi­ment de 1,000 chasseurs à cheval, organisé comme ceux de Bade et de Hesse-Darmstadt. Je traiterai avec lui, et je payerai la première mise ainsi que l’entretien.

 

Paris. 3 mars 1812.

Au prince Kourakine, ambassadeur de l’empereur de Russie à Paris

Monsieur l’Ambassadeur, j’ai mis sous les yeux de Sa Majesté les lettres que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire au sujet du sieur Jean Custinguer (Custinguer, concierge de la légation russe, avait été l’intermédiaire dont s’était servi M. de Czernitchef pour gagner un employé des bureaux de la guerre, et obtenir ainsi des renseignements sur les préparatifs ordonnés par l’Empereur en vue d’une prochaine campagne contre la Russie).

Sa Majesté a été péniblement affectée de la conduite de M. le comte Czernitchef; elle a vu avec étonnement qu’un homme qu’elle avait toujours bien traité, qui se trouvait à Paris, non comme un agent politique, mais comme un aide de camp de l’Empereur de Russie, accrédité par une lettre auprès de l’Empereur, ayant un carac­tère de confiance plus intime même que celui d’un ambassadeur, ait profité de ce caractère pour abuser de ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes.

Sa Majesté se flatte que l’Empereur Alexandre sera aussi pénible­ment affecté qu’elle-même de reconnaître, dans la conduite de M. de Czernitchef, le rôle d’un agent de corruption, également condamné par le droit des gens et par les lois de l’honneur.

  1. M. l’Empereur se plaint que, sous un titre qui appelait la confiance, on ait placé des espions auprès de lui et en temps de paix, ce qui n’est permis qu’à l’égard d’un ennemi et en temps de guerre ; il se plaint que les espions aient été choisis, non dans la dernière classe de la société, mais parmi les hommes que leur position attache aussi près du souverain.

Je connais trop, Monsieur l’Ambassadeur, les sentiments d’hon­neur qui vous ont distingué pendant toute la durée d’une longue car­rière pour croire que vous ne soyez personnellement affligé d’une chose si contraire à la dignité des souverains.

Si le prince Kourakine, a dit l’Empereur, avait pu entrer dans de telles manœuvres, je l’excuserais; mais il n’en est pas de même d’un colonel revêtu de la confiance de son maître et attaché de si près à sa personne. »

Sa Majesté venait de donner au comte de Czernitchef une grande preuve de confiance en l’entretenant longtemps et directement ; elle était bien loin de penser qu’elle ne s’entretenait qu’avec un espion et un agent de corruption.

Je suis chargé spécialement de porter plainte à Votre Excellence ; Sa Majesté ne doute pas que l’Empereur Alexandre ne fasse justice d’un pareil manquement aux égards, aux procédés et aux lois de l’honneur.

 

Paris, 3 mars 1812

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur le Comte Bigot de Préameneu, il est temps de finir ce scandale des sœurs de la Charité en révolte contre leurs supérieurs. Mon intention est de supprimer les maisons qui, vingt-quatre heures après l’avertissement que vous leur donnerez, ne seraient pas rentrées dans la subordination. Vous remplacerez les maisons supprimées, non par des sœurs du même Ordre, mais par un autre Ordre de la Charité. Les sœurs de la Charité de Paris y perdront de leur influence; ce sera un bien. Vous leur substituerez des sœurs d’un Ordre dont on est le plus content et qui n’a point donné de sujets de plainte.

 

Paris, 3 mars 1812.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, envoyez-moi la copie de la lettre que j’ai signée pour le capitaine Barré et celle des instructions que vous avez données à cet officier.

On a mis une imprévoyance impardonnable dans la sortie du Rivoli. Le vaisseau anglais était tellement près que, si l’on eût exécuté mes instructions, on aurait été instruit de sa présence. J’attends votre rap­port et les renseignements qui éclaircissent ce malheureux événement.

Toutefois donnez ordre de faire descendre à Malamocco le Regeneratore, le Mont-Saint-Bemard, le Castiglione et la Princesse-de-Bologne, et de menacer de faire sortir ces vaisseaux pour obliger les Anglais à renforcer leurs croisières dans l’Adriatique. Faites com­pléter les équipages de ces vaisseaux. Donnez ordre que l’on con­struise une nouvelle paire de chameaux, pour qu’on puisse faire franchir la passe à deux vaisseaux à la fois. Quand il y aura quatre ou cinq vaisseaux là, j’enverrai une division de vaisseaux pour les prendre sous son escorte. La présence des vaisseaux à Malamocco obligera les Anglais à tenir deux ou peut-être trois vaisseaux. Il suf­fira d’envoyer, quand il en sera temps, quatre ou cinq vaisseaux.

La prise du Rivoli ne doit pas empêcher de rendre justice aux ingé­nieurs et aux hommes de l’art qui ont si habilement exécuté l’opéra­tion de la sortie de ce vaisseau. Faites-moi un rapport sur cette opération, afin que je blâme les uns et récompense les autres.

Indépendamment de la Princesse-de-Bologne, il serait bon d’avoir une ou deux autres frégates à Venise.

 

Paris, 3 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, le corps d’armée polonais formera le 5e corps de la Grande Armée. La 1e division portera le n° 16; la 2e division, le n° 17; et la 3e division, le n° 18. Ce corps sera commandé par le prince Poniatowski.

Le 6e corps de la Grande Armée sera composé de Bavarois. La 1e division portera le n° 19, et la 2e division le n° 20. Ce corps sera commandé par le général Saint-Cyr.

Le 7e corps sera formé par les Saxons. La 1e division portera le n° 21, et la 2e division portera le n° 22.

Le 8e corps sera formé par les Westphaliens. La 1e division por­tera le n° 23, et la 2e division le n° 24.

Le corps wurtembergeois ne formera qu’une seule division, qui portera le n° 25.

La division composée des brigades de Berg, de Hesse-Darmstadt et de Bade, que commande le général Daendels, ne formera qu’une seule division et portera le n° 26.

A dater du 1er avril, les dénominations de corps d’observation de l’Elbe, de 2e corps de l’Elbe, de corps de l’Océan, seront suppri­mées. Le corps d’observation de l’Elbe prendra le nom de 1er corps de la Grande Armée; il sera composé des 1e, 2e, 3e, 4e, 5e et 7e di­visions, et sera commandé par le prince d’Eckmühl. Le 2e corps de l’Elbe prendra le nom de 2e corps de la Grande Armée; il sera com­posé des 6e, 8e et 9e divisions et sera commandé par le duc de Reggio. Le corps d’observation de l’Océan prendra le nom de 3e corps de la Grande Armée; il sera composé des 10e, 11e, 12e et 25e divi­sions, et sera commandé par le duc d’Elchingen.

Le 4e corps de la Grande Armée sera composé des 13e, 14e, et 15e di­visions.

Vous donnerez ordre à la 25e division, composée des Wurtembergeois, de séjourner à Cobourg, et de partir, après un séjour, pour Géra, où elle recevra de nouveaux ordres. A Géra, cette division recevra l’ordre de faire partie du 3e corps. Il est nécessaire qu’elle n’ait connaissance de cette disposition qu’arrivée à Géra. Il est néces­saire également qu’elle ne reçoive l’ordre de départ que le 20 mars, pour partir le 21.

Donnez ordre au général Tharreau de se rendre à Cassel, pour prendre le commandement d’une des divisions du corps westphalien.

Écrivez au roi de Westphalie que je lui ai envoyé le général Vandamme; que je lui envoie le général Tharreau pour commander une de ses divisions; que le général Chabert, n’ayant servi que comme major, n’a pas l’aptitude nécessaire; que je fais choix d’un général de brigade capable pour être son chef d’état-major ; qu’il fasse partir ses bagages et sa maison militaire pour Halle, et qu’il vienne de sa personne, avec très-peu de monde, à Paris. Il viendra incognito; il n’y restera que deux ou trois jours ; après quoi, il ira rejoindre son corps d’armée.

 

Paris, 3 mars 1812.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, réitérez les ordres au prince d’Eckmühl pour qu’aus­sitôt que les brigades de Hesse-Darmstadt et de Bade seront armées à Magdeburg il les fasse sur-le-champ partir pour la Poméranie, afin de désencombrer Magdeburg, qui est tout entier destiné au corps du duc de Reggio. Le duc de Reggio ne vous a pas fait connaître la situation de la division de cuirassiers, ni quand elle sera réunie à Magdeburg. Instruisez le prince d’Eckmühl que la division Bruyère qui doit se placer en avant, sur la rive droite de l’Oder, doit se mettre en communication avec la brigade Pajol, qui est à Danzig, et avec la cavalerie du Grand-Duché, de manière que les ordonnances puissent toujours se communiquer. Prévenez-le qu’il est possible que je lui donne ordre de partir du 15 au 20, pour prendre position sur la Vistule avec tout son corps d’armée et y être rendu le 1er avril; que cependant je ne suis pas encore décidé à ce mouvement ; mais qu’il n’en est pas moins nécessaire que toutes ses divisions soient pla­cées de manière qu’en deux jours elles puissent passer l’Oder; que je suppose que le général Dessaix, avec la partie de sa division qui est à Stettin, sera rendu à Küstrin et aura occupé Landsberg; que j’at­tends pour décider son mouvement à connaître le jour où le général Damas, avec la brigade de Berg, la brigade de Hesse, la brigade de Bade, arrivera dans la Poméranie, à Stettin et à Küstrin ; que cepen­dant, si l’armée russe ne fait pas de mouvement, il est possible que je retarde de mon côté afin de gagner une meilleure saison ; que la brigade Hesse, arrivant le 6 à Magdeburg, doit être arrivée avant le 15 dans la Poméranie.

Écrivez au ministre de la guerre du roi de Saxe, en lui faisant remettre votre lettre par mon ministre à Dresde, que j’ai ordonné au prince d’Eckmühl de se porter avec sa 1e division sur l’Oder, d’en­voyer des détachements de sa cavalerie sur la rive droite et d’entrer en communication avec Danzig et avec les troupes du Grand-Duché; que j’ai envoyé le général Reynier pour commander le corps saxon que je suppose réuni à Guben; que le prince Poniatowski comman­dera trois divisions du Grand-Duché, formant un corps d’armée; que mon intention est que le Roi donne ordre aux commandants des corps saxons et du Grand-Duché d’être aux ordres du prince d’Eckmühl, qui est à Stettin, de correspondre tous les jours avec lui, de lui envoyer exactement leurs états de situation et de se tenir constam­ment prêts à exécuter ses ordres; que ma principale intention est que le Grand-Duché ne soit pas ravagé, et que, si les Russes commen­çaient les hostilités, le prince d’Eckmühl puisse se porter avec assez de rapidité pour protéger le territoire; qu’il faut que le prince Ponia­towski corresponde par ordonnances avec l’avant-garde du prince d’Eckmühl.

Vous ferez connaître au prince d’Eckmühl la lettre que vous aurez écrite au ministre de la guerre du roi de Saxe. Vous lui ferez con­naître que le général Reynier commande le contingent saxon; que je lui ai déjà mandé de faire charger de farine et de biscuit des bâti­ments à Küstrin ; que je suppose aussi que tout ce qu’il trouvera à Stettin, il le fera charger sur des chariots du pays, afin d’assurer ses vivres et de n’avoir à ce sujet aucune inquiétude sur la Vistule. Il doit renouveler les ordres pour qu’à Danzig on convertisse une grande quantité de blé en farine. Enfin vous ferez connaître au prince d’Eckmühl que j’ai ordonné aux Bavarois de partir le 10 pour se rendre à Glogau.

 

Paris, 3 mars 1812

NOTE

Le comte Daru et le ministre de l’intérieur appelleront auprès d’eux l’architecte Fontaine et deux autres architectes pour examiner les questions suivantes.

Les Archives impériales sont très-mal placées. On propose cette année une dépense de 300,000 francs. Il est à craindre qu’elles ne brûlent; or elles renferment en quelque sorte les archives de l’Eu­rope. Le projet de l’Empereur était de les mettre au Louvre.

1e question. — Peut-on mettre au Louvre la Bibliothèque impé­riale et les Archives ?

2e question. — Le deuxième étage du Luxembourg est vide. Faire des logements dans un palais est peu convenable; les officiers du Sénat qui n’y sont pas à vie y seraient mal logés ; de là l’idée d’y mettre la bibliothèque de Sainte-Geneviève; cela offrirait l’avantage de rendre libre pour le lycée l’emplacement de cette bibliothèque.

Mais les Archives sont d’une tout autre importance.

Convient-il de mettre seulement la Bibliothèque impériale au Louvre, avec les manuscrits, les médailles, le garde-meuble et toutes les choses précieuses ? Si l’on avait de la place, qui empêcherait, par exemple, de mettre au Louvre les modèles d’artillerie ? Tout cela orne un palais et y est convenablement placé.

S’il était plus important de placer sur-le-champ les Archives au Luxembourg, ou la bibliothèque de Sainte-Geneviève, y a-t-il assez de place pour les Archives ? Y seront-elles en sûreté ? Si l’on mettait les Archives au Louvre, le pourrait-on dès cette année ?

On fera un rapport à l’Empereur sur cet objet dans la semaine. (Un décret, du 12 mars 1812, ordonna la construction, sur la rive gauche de la Seine, entre les ponts d’Iéna et de la Concorde, d’un édifice destiné à recevoir les archives de l’Empire. Les travaux, commencés peu de temps après, furent abandonnés en 1814.)

 

Paris, 3 mars 1812.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, j’ai appris la catastrophe du Rivoli. Vous n’avez pas, dans cette circonstance, justifié ce que j’attendais de vous. Je vous avais mandé, 1° d’être de votre personne à Venise, au moment de la sortie du vaisseau; 2° d’y attendre le retour des courriers que vous deviez envoyer à Pola et les rapports d’une nuée d’a­visos, qui vous auraient appris avec certitude si l’Adriatique était libre; 3° de faire sortir avec le Rivoli la Princesse-de-Bologne ou une autre frégate. Vous n’avez rien fait de tout cela. Si une frégate seu­lement fût sortie avec le vaisseau, vous auriez été vainqueur. Si vous aviez envoyé des courriers à Pola et des avisos partout, vous auriez su qu’il y avait un vaisseau anglais dans l’Adriatique. Relisez les lettres que je vous ai écrites, et vous verrez que je ne puis attribuer la prise du Rivoli qu’au peu de soin que vous avez mis à exécuter les instructions que j’avais données.

 

Paris, 3 mars 1812.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, on a fait de grandes fautes en laissant sortir le Rivoli sans frégate et sans éclairer les mers. Il ne faut cependant pas que cette perte décourage. Ne faites point sortir le Regeneratore, mais tenez-le à Malamocco. Faites-y descendre le Mont-Saint-Bernard, et, aussitôt que cela se pourra, le Castiglione et la Princesse-de-Bologne. Faites construire une seconde paire de chameaux, afin qu’on puisse faire sortir deux vaisseaux à la fois. Quand le moment sera favorable, j’enverrai une division de vaisseaux, qui me rendra maître de l’Adriatique pendant le temps que les vaisseaux sortiront pour aller à Ancône. En attendant, les Anglais seront obligés de tenir plusieurs vaisseaux dans l’Adriatique.

 

Paris, 6 mars 1812.

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE SUR UN PROJET D’ORGANISATION DE LA GARDE NATIONALE.

Ce décret me parait bien, ainsi que tous les états.

Je ne veux pas de légion ; le dernier grade sera chef de bataillon.

Il faut un titre d’administration ; celui-ci n’est pas assez développé.

Toutes les cohortes se réuniront au chef-lieu de la division, où elles seront habillées et équipées par le conseil d’administration, qui aura à sa disposition tout le dépôt, un officier d’habillement, un quartier-maître, des tailleurs, des cordonniers et un certain nom­bre d’ouvriers ; tout cela comptant dans le dépôt.

Le préfet est président du conseil d’administration ; le sous-préfet du chef-lieu est spécialement chargé des détails. Le conseil d’admi­nistration est composé du préfet, du sous-préfet, de l’ordonnateur de la division, du quartier-maître, du capitaine de l’habillement et de deux capitaines pris dans le dépôt.

Spécifier que la masse de l’habillement se paye au dépôt, celle de linge et chaussure à la cohorte.

Chaque cohorte aura un conseil d’administration qui correspon­dra avec le conseil d’administration du département.

Les réserves seront centralisées.

Le ministre de l’administration de la guerre soldera au conseil d’administration ce qui lui revient pour première mise et masse d’habillement, moyennant quoi le conseil d’administration pourvoira à tout.

Dans le décret, on ne fait pas assez sentir que la garde nationale doit être pour la défense des côtes.

Je crois qu’il faut revenir au décret qui a été proposé, ou bien le modifier de la manière suivante : 5e division, au lieu de trois co­hortes, quatre; 10e division, au lieu de deux cohortes, quatre; 11e division, au lieu de deux cohortes, trois; 20e division, au lieu d’une cohorte, deux ; total, treize, au lieu de huit ; ce qui fera treize cohortes, qui seront destinées à la défense des Pyrénées ; une cohorte pour les côtes de la 9e division ; une pour Bordeaux ; mettez qu’il en faille une pour les autres côtes, il restera toujours dix cohortes. Les quatre cohortes de la 10e division seront toutes formées par les cadres des quatre bataillons du régiment de la Méditerranée, 1er, 2e, 3e et 5e bataillon, qui arrivent à Toulouse.

Dans le décret, il serait peut-être utile, sans s’engager à rien, d’indiquer le lieu où les cohortes devront se réunir.

1e et 2e division militaire, pour former une réserve à Paris, huit cohortes; 3e une; 4e, une; 5e, deux, pour garder Kehl et les places du Rhin; 6e, pour Paris, trois; 7e et 8e, pour Toulon, six; 9e, 10e, 11e, 20e pour les Pyrénées, treize; 12e pour la Rochelle, trois; 13e, pour Brest, six; 14e et 15e, pour Cherbourg, six; 16e pour Bruges, sept; 16e, 18e, 19e, pour la réserve de Paris, quatre; 21e, pour Pontivy, trois; 22e pour Amboise, quatre; 24e, pour l’Escaut, cinq; 25e, pour Wesel, trois; 26e, pour Mayence, trois.

Il faudrait, dans le rapport, dire que c’est la création d’une nou­velle armée de l’intérieur.

Dans le décret d’organisation, il faudrait mettre que les officiers et sous-officiers peuvent être pris parmi ceux qui sont en retraite ou qui ont servi, qui sont dans les départements, et qu’ils cumuleront leurs appointements avec leur retraite, et cela pour les soldats, ca­poraux, sergents, lieutenants et sous-lieutenants, mais non pour les capitaines, qui pourront cumuler une partie.

La cohorte de Toscane serait formée par un des cadres du régi­ment de la Méditerranée, qui est en garnison à l’île d’Elbe; celles de Rome et de Gènes, de même. Le Piémont pourrait fournir quatre cadres.

Mettre que des sénateurs seront envoyés dans les divisions mili­taires pour organiser les cadres, et que, dans chaque département, un conseil présidé par le préfet et composé du sous-préfet du chef-lieu, de l’officier de gendarmerie, de l’officier supérieur comman­dant le département, du commissaire des guerres ou ordonnateur, de l’inspecteur aux revues, désignera les officiers, sous-officiers et soldats pensionnés capables d’entrer dans ces cadres, en les dési­gnant au sénateur, qui tiendra un conseil composé du général de division, de l’inspecteur aux revues, du préfet, de l’ordonnateur, pour désigner ceux qui devront composer les cadres; ils les appelle­ront au chef-lieu et s’assureront qu’ils ont les qualités requises.

Les sous-officiers et soldats qui auraient servi dans la garde natio­nale, ou qui, sans avoir des pensions, auraient déjà servi, seront susceptibles d’être admis.

Le sénateur formera les cadres sur-le-champ et en adressera l’état au ministre de la guerre, qui, après avoir pris communication du procès-verbal du conseil, approuvera les sous-officiers et soumettra à notre approbation les officiers avec les états de service et l’âge des individus.

Aussitôt que ce décret sera rédigé, le général Dumas le présentera imprimé au Conseil.

Il faut bien faire comprendre dans mon décret que cela est l’armée de l’intérieur ; que sans doute la conscription est suffisante, mais qu’elle sera appelée à l’armée l’année prochaine; qu’il est donc con­venable, dans les circonstances, d’avoir une armée toute de l’intérieur, qui, d’ici à deux ans, sera meilleure que l’armée de ligne; de sorte que nous n’ayons aucune inquiétude pour nos établissements du Texel, Toulon, Alexandrie, et pour la sûreté des places qui sont le boulevard de l’Empire; que cette création met pour toujours la France à l’abri de toute inquiétude; que, si elle avait existé, on n’aurait pas vu ce qui s’est passé dans l’Escaut et aux Pyrénées.

Ce qui a pu se passer par des événements particuliers, n’aura plus lieu pour mon empire, 80,000 hommes vieil­lissant cinq à six ans sous les drapeaux, ayant la sûreté de ne pas
sortir de France…………………………………………………….

Cette armée ne sortira pas de l’intérieur, car la conscription de cette année, instruite, restera pour recruter les pertes de la cam­pagne , et ainsi de suite.

Je n’approuve point le considérant du décret ; il faut supposer un sénatus-consulte récent.

Le sénatus-consulte sera précédé d’un rapport du ministre des relations extérieures sur le système actuel de l’influence de l’Empire et d’un rapport du ministre de la guerre.

Ce ne sont pas les bataillons qui manquent en France, mais il est honteux qu’une armée d’élite soit exclusivement affectée à l’intérieur.

On fera remarquer qu’on ne met que des chefs de bataillon, parce que l’état-major, ce doit être l’état-major de l’armée.

Si on avait mis des chefs de légion ayant six cohortes, c’aurait été des chefs avec un esprit à part, au lieu que des cohortes réunies, par deux ou par quatre, sous les ordres d’un major ou d’un colonel, et par six ou huit, sous un général de brigade, formeront un système régulier et utiliseront les états-majors des divisions.

La pratique et l’économie conseillent également cette mesure.

 

SÉNATUS-CONSULTE.

ARTICLE 1er. La garde nationale est divisée en premier ban, deuxième ban et arrière-ban.

  1. Le premier ban est composé de tous les conscrits des six dernières classes.
  2. Le deuxième ban réunit les citoyens jusqu’à quarante ans.
  3. L’arrière-ban, tous les Français jusqu’à soixante ans.
  4. La garde nationale, soit le premier ban, le deuxième ban ou l’arrière-ban, ne peut, sous quelque prétexte que ce soit, sortir du territoire de l’Empire; elle n’est destinée qu’à la garde des frontières,à la police intérieure et à la conservation des grands dépôts de muni­tions, arsenaux et places fortifiées.
  5. Aucune partie du premier ban de la garde nationale ne peut être levée que par un sénatus-consulte, d’avis des ministres.
  6. Le premier ban de la garde nationale pour 1812 sera formé par les différents départements, conformément au tableau ci-joint.
  7. Cent cohortes seront mises à la disposition du ministre de la guerre; chaque cohorte a huit compagnies, dont six d’activité, une d’artillerie et une de dépôt. Les gardes seront pris parmi les hommes de telle et telle classe. Jusqu’à ce qu’il ait été procédé à l’organisa­tion du deuxième et du troisième ban, il n’est rien innové aux lois existantes sur l’organisation et la levée de la garde nationale.

Demain au Conseil d’État; lundi au Sénat; mardi au Conseil d’État pour le rapport.

Le sénatus-consulte, jeudi.

Signé par Sa Majesté vendredi.

Le ministre de la guerre pourra en envoyer un extrait aux préfets des départements pyrénéens ; il préparera son travail pour commen­cer par là.

Le secrétaire d’État me présentera cinq sénateurs : le général Hédouville, pour les quatre cohortes au-delà des Alpes; le général Rampon, pour celles des Pyrénées, 9e, 10e et 11e division; le géné­ral Latour-Maubourg, 13e, 14e et 15e division; Sainte-Suzanne, 5e et 26e division.

Il faut que Daru mette bien l’ordre qu’on ne dépendra pas du ministre de la guerre, et que l’argent soit mis sur-le-champ à la disposition des conseils d’administration.

Daru fondera ces dispositions sur ce que je dois avoir dit, dans quelques occasions semblables, que tant que nous aurons la guerre avec l’Angleterre nous devons rester armés; que le peuple français doit se considérer comme dans des circonstances extraordinaires tant que la paix avec l’Angleterre ne sera pas rétablie.

Dans la forme de l’habillement, parler de nouveaux modèles.

Chaque cohorte aura un fanion, qui sera donné par les conseils d’administration, lorsqu’elles seront réunies en brigades.

L’Empereur donnera l’aigle pour la brigade.

 

Paris, 6 mars 1812.

NOTE DICTÉE EN CONSEIL DES MINISTRES.

Les bassins d’Anvers et de Flessingue suffisent à la marine de l’Escaut. C’est une rade qu’il s’agit d’avoir.

On demande, à la hauteur de Terneuse, un canal analogue à celui de Nieuwe-Diep, soit à Terneuse, soit dans le canal de l’Écluse, soit dans celui du Sas-de-Gand.

Un croquis de l’emplacement du fort de Nieuwe-Diep sera adressé au ministre de la guerre, qui ordonnera au directeur du génie de se transporter sur les lieux et de présenter un projet pour ce fort. Il devra être à 900 toises tout au plus de l’extrémité du banc.

Le directeur du génie fera sonder la ligne avec la plus grande exactitude. Il se concertera avec l’amiral Ver Huell pour marquer le nombre de vaisseaux qui pourront mouiller dans cette rade et les points où ils pourront s’approcher du fort.

Il avait été réglé dans les conseils du génie qu’on ferait deux grosses batteries pour protéger les travaux du fort. On travaillera dès cette année à ces deux batteries, en y plaçant des mortiers et des pièces de 36; et, en attendant que le fort soit terminé, ce qui ne pourra être que la campagne prochaine, on y campera un batail­lon ; ce qui permettra à l’amiral de faire sortir ses frégates et de les tenir en grande rade.

 

Paris, 6 mars 1813.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Paris

Mon Cousin, je vous renvoie les lettres du prince d’Eckmühl. Mandez-lui qu’il doit placer son corps d’armée de la manière sui­vante, à compter du 15 mars :

Le général Bruyère, avec sa cavalerie légère, à une marche en avant de Stargard, en coupant les trois directions de Kolberg, Danzig et Bromberg. Ce général aura son artillerie et son quartier général à une journée d’étape plus près de la Vistule que Stargard, afin que cette division, avec son artillerie légère, puisse en six ou sept jours être réunie sur la Vistule.

La 2e brigade de cavalerie du 1er corps portera son quartier géné­ral à Landsberg. Elle sera sous les ordres du général de division Dessaix. Elle aura des postes sur les directions de Bromberg et Posen.

Le général Dessaix aura son artillerie, ses administrations et toute sa division réunies à Küstrin. Le régiment qu’il a à Glogau le joindra à Posen, lorsque la division recevra l’ordre de marcher.

Le quartier général du corps d’armée, avec une division d’infan­terie, sera à Stettin.

Les deux autres divisions seront sur la rive gauche de l’Oder, bien cantonnées, de manière qu’une division puisse dans un jour arriver à Stettin et passer le lendemain la rivière; l’autre arrivera à Stettin le deuxième jour. La division Gudin sera à Stargard, sur la rive droite. Le parc sera placé à une ou deux marches de Stettin, de manière à y arriver le deuxième jour et passer la rivière.

Les cuirassiers seront placés de manière qu’en un jour ils puissent passer l’Oder, pour appuyer la division Bruyère.

Un bataillon de Hesse-Darmstadt et un bataillon de Bade doivent être rendus le plus tôt possible à Küstrin, pour former le fond de la garnison de cette place.

Un autre bataillon de Bade et un autre bataillon de Hesse-Darm­stadt doivent être placés à une marche de Stettin, de sorte que, lorsque la division qui est à Stettin recevra l’ordre de marcher en avant, ces bataillons puissent se rendre à Stettin pour en former la garnison.

Toute la brigade de Berg doit être dans la Poméranie suédoise, ainsi que le reste des brigades de Hesse-Darmstadt et de Bade. Un bataillon pourra être détaché pour garder les côtes du Mecklenburg.

Le contingent du Mecklenburg doit marcher avec la dernière divi­sion du corps d’armée. Elle sera utile au corps d’armée pour bien des services.

Le prince d’Eckmühl donnera ordre au prince Poniatowski de réunir une brigade de cavalerie légère de 2,000 hommes, de la mettre sous les ordres d’un bon général polonais , et de la placer du côté de Thorn. Cette brigade fera partie de la division Bruyère, qui, dès le 20 mars, lui enverra des ordres. Cette brigade de cavalerie polonaise ne bougera pas, du reste, de Thorn ni des environs, pour ne pas donner d’inquiétude.

Le prince Poniatowski, sans faire de mouvements extraordinaires, doit rapprocher de Varsovie les troupes polonaises qui sont à Posen et à Kalisz, afin que son corps puisse, en cas d’événement, se trou­ver tout réuni sur la Vistule. Il doit même rapprocher ce qui est à Thorn. Ces mouvements se feront par la rive gauche. Thorn sera gardé par le 5e régiment polonais, qui appartient à la 7e division, et par la brigade de cavalerie légère dont j’ai parlé plus haut. Par ce moyen, le prince Poniatowski aura avancé sur la Vistule tout son corps d’armée. Il faut qu’il ait, au 1er avril, 1,500,000 rations de farine et 500,000 rations de biscuit à Modlin.

Les Saxons doivent se tenir prêts à passer l’Oder vingt-quatre heures après qu’ils en recevront l’ordre. Ils doivent avoir, pour le 25 mars, sur des chariots, de la farine et du biscuit pour tout le corps d’armée saxon pendant vingt jours, afin qu’ils puissent faire leur mouvement sans être arrêtés par aucune considération.

Avant le 20 mars, le 1er corps d’armée ne fera aucun mouvement ; d’ici à ce temps, le prince d’Eckmühl aura reçu mes ordres. Il est nécessaire qu’il puisse partir le 20 mars, s’il en reçoit l’ordre, ses chariots chargés de biscuit et de farine, chaque soldat ayant ses car­touches de guerre et ses pierres à feu. Il faut qu’il y ait assez de vivres dans les magasins de Stettin pour que le corps d’armée puisse en prendre, en passant, pour huit jours. Il faut qu’indépendamment le corps d’armée ait sur des chariots et à sa suite du biscuit, mais sur­tout de la farine, des bœufs, pour vingt jours. Le corps d’armée doit, s’il ne reçoit pas d’ordres, pouvoir rester sans faire de mouve­ment quinze ou vingt jours de plus.

Quant aux Prussiens, j’ai signé un traité d’alliance avec eux. Le pont de Schwedt doit être levé. Le prince d’Eckmühl leur signifiera que, étant sur un pied d’observation, aucun mouvement militaire ne doit avoir lieu dans ses lignes ; que leurs troupes doivent rester où elles sont et ne pas en bouger jusqu’à ce qu’on soit convenu du mou­vement qu’elles doivent faire. Le comte Saint-Marsan, aussitôt que le traité sera ratifié, pourra faire connaître aux différents corps prussiens les emplacements qu’ils doivent occuper.

Il est bien important que les cuirassiers aient leurs mousquetons, qu’on leur fasse brûler quelques cartouches et qu’on leur apprenne la charge.

Recommandez au prince d’Eckmühl de ne rien emmener qui appar­tienne au 2e corps. Il doit emmener six compagnies de sapeurs, une pour chacune de ses divisions et une pour son parc. Il doit faire filer le bataillon de marins avec ses outils sur Danzig, et assurer sa marche pour que ce bataillon si précieux ne coure aucun danger ; ce bataillon est utile à Danzig pour travailler aux constructions.

Vous manderez au prince d’Eckmühl qu’il faut que, lorsqu’il en recevra l’ordre, il puisse arriver en douze jours, et s’il est nécessaire en dix jours, sur la Vistule, en marchant par les trois routes. Je désire qu’il vous fasse connaître par un courrier extraordinaire le temps qu’il fait entre l’Oder et la Vistule, s’il y a beaucoup de neige, si le dégel a commencé ou quand on croit qu’il commencera. Il faut qu’il demande au général Rapp quelle est la situation des fourrages dans l’île de Nogat, sans cependant rien faire qui puisse alarmer. Demandez au prince d’Eckmühl si le canal de Küstrin à la Vistule est gelé et quand on pourra s’en servir.

Il faut qu’on prépare à Danzig quatre ou cinq barques armées, pour nous rendre entièrement maîtres du Haff. Enfin donnez ordre au prince d’Eckmühl de faire venir à Stettin un des deux équipages de flottille de la 32e division militaire, afin qu’il ait avec lui un millier de marins, qui seront très-utiles pour le passage des rivières et pour les transports. Il faut qu’aucun mouvement ne se fasse à Danzig pour ne pas alarmer.

 

Paris, 6 mars 1812.

Au comte Hédouville, sénateur, à Paris

Monsieur le Comte Hédouville, nous désirons que vous vous rendiez sans délai dans votre sénatorerie, que vous visitiez les départements de Rome et du Trasimène.

Votre mission, comme celle des sénateurs dans leur sénatorerie, doit être toute d’observation; vous vous environnerez pendant votre séjour des fonctionnaires publics et des personnes les plus considé­rables du pays. Leurs communications avec vous auront l’effet de répandre le véritable esprit du Gouvernement et de faire parvenir à votre connaissance les observations, tant sur les hommes que sur les choses, dont il importerait au bien de notre service que nous fussions informé.

Nous vous autorisons à nous écrire directement de tous les chefs-lieux où vous irez, pour nous communiquer vos observations et les renseignements que vous aurez recueillis.

Vous ferez néanmoins un rapport général, que vous nous remet­trez a votre retour, et qui comprendra non-seulement un compte rendu sur la situation du pays, mais aussi les observations que vous croirez devoir nous présenter, tant sur les fonctionnaires publics actuels et les hommes dignes d’être appelés à des fonctions publi­ques , que sur les parties de l’administration qui pourraient être en souffrance et qui exigeraient ou des encouragements ou des modi­fications.

Nous avons le droit, Monsieur le Comte Hédouville, de compter sur votre zèle, lorsque nous voulons recevoir de vous des informa­tions utiles aux intérêts de l’État et au bien-être de nos peuples.

 

Paris, 7 mars 1812.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je vous autorise à faire la deuxième commande de 1,150 chevaux pour l’armée d’Espagne. Il est impor­tant que les 4,800 chevaux qui doivent former le dépôt de l’armée d’Espagne existent dans le courant d’avril, afin de recruter les armées d’Espagne, d’avoir un bon nombre d’hommes sur les fron­tières d’Espagne et de pouvoir placer un peloton de cavalerie à tous les débouchés des vallées, enfin d’avoir, pour le service des côtes et de l’intérieur, la valeur de 2,400 hommes prêts à se porter où le besoin l’exigerait.

La Prusse doit me fournir 15,000 chevaux, dont 6,000 de cava­lerie légère, 3,000 de grosse cavalerie, 6,000 d’artillerie ou d’équi­pages, par quart, de mois en mois. J’approuve donc que vous portiez les 1,700 chevaux dont les commandes ne sont pas faites en France sur les fournitures de la Prusse; ils passeront, en conséquence, au compte du dépôt de Berlin. Quant aux 6,000 chevaux d’artillerie ou d’équipages militaires, mon intention est qu’on en prenne pour affec­ter aux bataillons pour lesquels l’achat des chevaux n’est pas encore ordonné, mais dont les cadres sont faits et les hommes fournis par la conscription. Il faudrait faire faire les voitures à Berlin; les hommes se mettraient en marche avec les harnais, aussitôt qu’ils seraient armés, habillés et équipés; ils trouveraient à Berlin les voi­tures et les chevaux; cela ferait une économie considérable.

Ainsi il restera à me remettre un état, 1° des commandes faites en Allemagne au dépôt de Hanovre, 2° des commandes faites à l’in­térieur, 3° des commandes faites au dépôt de Potsdam. Le dépôt de Berlin et celui de Posen seront sous les ordres d’un officier particu­lier; ils rentreront dans la comptabilité du général Bourcier, quand sa mission actuelle sera terminée et lui permettra de s’y rendre. Faites partir en diligence toutes les selles, car je vois qu’il y a 5,000 hommes à Hanovre et qu’il y aura bientôt 5,000 chevaux qui ne pourront être utilisés si l’on n’a de quoi les équiper. J’ai ordonné aussi l’achat de 3,000 chevaux dans le duché de Varsovie, et ordonné qu’on y enverrait 850 hommes de chasseurs portugais; mais ces chevaux sont destinés à remplacer les pertes résultant de la guerre. Il est nécessaire de bien indiquer dans l’état le lieu où chaque régiment doit prendre ses chevaux, afin de bien diriger les hommes. Quant aux chariots des équipages militaires, le major général vous fera connaître que mon intention est que le départ des bataillons soit accéléré, et qu’à défaut de voitures du nouveau modèle on en prenne de l’ancien, car l’essentiel est que les bataillons partent; sans cela ils n’arriveront pas à temps pour être utiles dans les premières opérations.

Les équipages des 6e, 7e bataillons sont en retard ; les voitures du nouveau modèle ne seront pas pour cela inutiles ; elles seront en­voyées au moyen de chevaux qu’on se procurera par des marchés à loyer, et elles partiront, celles qui sont en Italie, de Vérone, et celles qui sont en France, de Mayence. Elles serviront à conduire des effets qui, par ce moyen, ne seront pas déchargés, et, quand les voitures auront rejoint l’armée, on les emploiera selon les circonstances.

 

Paris, 7 mars 1812.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je réponds à votre lettre du 1er mars. Je vois avec plaisir que les 3e et 4e compagnies du 2e bataillon des équipages militaires sont parties le 4 mars de Wesel, chargées d’effets d’habillement; que les 5e et 6e compagnies partent de Mayence, chargées d’effets d’habillement ou d’ambulance; que le 10e bataillon est en marche sur Mayence. Il est inutile de donner à une compagnie des caissons du nouveau modèle, si elle a des caissons de l’ancien modèle : il faut maintenir l’uniformité. Je vois que les 4e, 5e et 6e compagnies du 6e bataillon auront reçu cent vingt caissons ; mais je vois avec peine que les trente-sept voitures qui devraient être par­ties depuis un mois ne le sont pas encore. Je tiens à l’exécution de mes ordres pour les détachements des 1e, 2e et 3e compagnies, le temps me presse; il en est de même pour le 7e bataillon. Comme je vois que Sampigny a quatre cent soixante caissons de l’ancien modèle, mon intention est que la confection des voitures ne retarde pas le départ des bataillons ; encore une fois, je suis pressé par le temps.

Au fur et à mesure que les nouveaux caissons seront achevés, il faudra les diriger sur Mayence.

Que l’ordonnateur des hôpitaux parte dans la journée de demain pour Mayence, qu’il fasse charger les effets d’ambulance sur les pre­miers caissons et qu’il se rende au quartier général, qui est déjà à Erfurt, qu’il aura peut-être de la peine à rejoindre.

Le demi-bataillon que vous organisez à Paris ne pourra partir qu’au 1er avril ; il servira ce que de raison ; mais il est possible que je ne puisse plus compter sur lui.

Je me trouve dans la situation de craindre de n’avoir aucune ambu­lance pour les premières affaires, qui sont toujours très-sanglantes. L’ordonnateur des hôpitaux devra rester tout au plus deux jours à Mayence pour mettre en route les effets les plus nécessaires, il se rendra en diligence à Erfurt, où il faut qu’il soit arrivé le 20. L’in­tendant général y sera aussi à cette époque. A peine arrivés, ils recevront l’ordre de se diriger sur Berlin et successivement sur la Vistule. Les gros effets d’hôpitaux qui ne seraient pas partis dès à présent pour le quartier général, c’est-à-dire le magasin général de ce service, pourront être portés par le bataillon que vous organisez.

Mandez à l’intendant général et aux ordonnateurs des différents services qu’il n’y a pas un moment à perdre et que chacun doit être à son poste.

Tout ce qui ne sera pas le 20 à Erfurt ne rejoindra plus.