Correspondance de Napoléon – Mai 1800
Mai 1800
Paris, ler mai 1800
Au général Bernadotte, commandant en chef l’armée de l’Ouest
La première chose que vous avez à faire, Citoyen Général, est de faire partir l’expédition de Saint-Domingue et de faire fournir tout ce qui serait nécessaire.
Georges paraît être mal intentionné. L’on m’assure même qu’à l’heure qu’il est il a passé en Angleterre; si vous pouvez sûrement le saisir, arrêtez-le.
Les prêtres paraissent se bien comporter; il faut les contenter le plus possible. Liberté entière du culte. L’abbé Bernier est un homme fort adroit, qui a beaucoup aidé à la pacification: montrez-lui de la confiance.
Châtillon n’est pas dangereux non plus; je le crois décidé à vivre tranquille.
Les partis sont, dans ce pays-là, poussés à l’extrême plus que dans aucune autre partie de la France; restez le plus possible au milieu.
Les patriotes qui ont été vexés par les chouans, dans les endroit où ceux-ci ont été les plus forts, ont besoin de savoir que, loin de les approuver, le Gouvernement a, au contraire, l’intention de les contenir, lorsqu’ils voudraient se livrer à leurs ressentiments particuliers.
Tous les généraux qui sont dans l’armée de l’Ouest ont besoin d’être amenés à cette unité qui est le principe d’une armée. Contenez ceux qui voudraient n’agir que d’après leur tête.
Il faut le plus possible maintenir la paix, surtout pendant la campagne, où vous sentez qu’il est possible que des événements oblige à diminuer votre armée, mais presque aucun à l’augmenter.
Vous ferez bien de beaucoup courir, mais je crois que votre quartier général doit être à Rennes; vous y serez à portée de vous porter avec plus de rapidité sur les points qui seraient le plus menacés. Je ne doute pas que, dans quelques mois, la République n’ait à se louer des services que vous lui aurez rendus dans ce poste comme dans tous ceux que vous avez occupés. Au reste, la confiance du Gouvernement en vous est entière.
Paris, 1er mai 1800
Au général Berthier, commandant en chef l’armée de réserve, à Dijon
Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que je reçois à l’instant de Suchet; vous y verrez, Citoyen Général, notre véritable situation en Italie.
Donnez l’ordre à la division Loison de se diriger par le plus court chemin sur Lausanne ou Genève.
La division Watrin doit être, à l’heure qu’il est, arrivée à Genève; faites la filer de suite sur Villeneuve et Saint-Maurice.
La division Boudet doit être arrivée à Genève et Nyon; faite-la également filer sur Villeneuve.
Faites partir de Bourg un détachement de 1,500 Italiens, et, en général, de tout ce qui est armé et dans le cas de se battre. Dirigez-les en toute diligence sur Genève. Le reste attendra, pour se mettre en marche, l’arrivée des armes.
Le général Chabran doit, si j’ai bonne mémoire, être à Genève avec 1,500 hommes de sa division. Dirigez-le sur le petit Saint- Bernard. Avec ce corps de troupe et les 5 on 600 hommes qu’il y trouvera, il attirera de ce côté-là l’attention de l’ennemi.
Faites partir de Cbâlon et de Mâcon les bataillons de l’armée d’Orient qui sont armés et que vous comptez employer. Qu’ils se rendent à marches forcées sur le petit Saint-Bernard, où ils trouveront le général Cbabran.
Je ne sais pas s’il y a des pièces de canon sur le petit Saint-Bernard. Écrivez au général Boyer, qui est à Chambéry, pour qu’il vous envoie sur-le-champ deux pièces sur le petit Saint-Bernard, qui seront aux ordres du général Cbabran.
Mon calcul serait que, le 17 ou le 18, le général Cbabran pourrait être au petit Saint-Bernard avec une division de 5, 000 hommes; elle se réunirait à Aoste avec le corps du général Victor, qui peut également se trouver ce jour sur le grand Saint-Bernard.
Je crois que la 28e de ligne est destinée par le général Moreau à défendre le grand Saint-Bernard. Vous pouvez la prendre pour faire l’avant-garde du général Watrin, puisqu’elle connaît mieux les chemins et est plus reposée.
J’imagine que toute votre armée a fait un mouvement sur Genève. Envoyez, je vous prie, un courrier au général qui commande à
Briançon, afin qu’il réexpédie un aide de camp à Genève, où je serai le 15. Vous le préviendrez qu’il se tienne prêt à marcher, avec toute l’artillerie et les munitions qu’il pourra atteler, et tous les hommes qu’il aura de disponibles.
J’arriverai sans faute à Genève le 16; j’aurai alors des nouvelles du général Moreau, et nous prendrons des mesures pour la diversion qu’il est indispensable de faire par le Simplon.
Mettez vous en correspondance avec le général qui commande dans la Suisse pour connaître l’état de ses forces.
J’estime votre présence très-nécessaire à Genève, spécialement pour la formation des magasins de Villeneuve, où il faut que les troupes puigsent prendre pour six jours de biscuit. Mettez en marche pour Villeneuve le plus de bœufs que vous pourrez.
———————–
Faites partir toute la garde des Consuls pour Genève. Laissez cependant 25 hommes de cavalerie à Dijon, pour mon logement.
Paris, 1er mai 1800
Au citoyen Carnot, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, d’expédier un officier d’état-major ou du génie très-intelligent; il aura ordre d’aller joindre le général Suchet, et de là le général Masséna.
Il fera connaître à ces deux généraux que l’armée de réserve est en pleine marche pour déboucher sur les Alpes, et que le 21 floréal elle sera en Piémont.
Vous ne lui remettrez aucune lettre, afin qu’en allant rejoindre le général Masséna, l’ennemi, s’il le prenait, ne trouvât aucune dépêche. Vous ferez connaître à cet officier à peu près la marche que doit tenir l’armée de réserve, afin qu’il en fasse part aux généraux Masséna et Suchet, qu’ils agissent selon les circonstances, et que, lorsque l’ennemi en sera affaibli devant eux pour se porter sur l’armée de réserve, ils tâchent de regagner le terrain perdu.
———
Écrivez au général Saint-Hilaire qu’il mette en mouvement, par Antibes et Nice, les différents régiments de cavalerie qui sont sur le Rhône.
Il faudrait que cet officier fût porteur d’une centaine de mille francs, pour les hôpitaux de Nice.
Paris, 2 mai 1800
Au général Berthier, commandant en chef l’armée de réserve, à Dijon
Le quartier général du général Moreau, Citoyen Général, était le 12, à Saint-Blaise. Il avait pris deux pièces de canon et fait 300 prisonniers. Le général Vigovich, contre qui nous avons affaire en Italie, est chargé, avec un corps de 9,000 homme, 3,000 seulement de bonnes troupes, de la garde du Simplon, de Bellinzona et du Saint-Gothard. Son quartier général est à Arona. J’imagine que vous établirez deux ateliers de réparation d’armes, un à Genève et un Auxonne. Faites remettre en activité celui de Chambéry, s’il existe toujours, et, faites-en passer les débris à Genève.
Vous avez sept escadrons de cavalerie de l’armée d’Orient; sont-ils dans le cas de faire la campagne?
Je reçois une lettre de Murat d’après laquelle il paraît que le 7e de chasseurs est en bien mauvais état. S’il y a un escadron de 120 hommes en état de faire la campagne, attachez-le à une division, et, si vous jugez le reste hors d’état, dirigez-le sur la Hollande. Il sera remplacé par le10e de dragons, qui est en Hollande.
Je fais donner l’ordre, par un courrier extraordinaire, au général Augereau, de diriger ce régiment sur Genève. Il arrivera à temps pour remplacer vos pertes.
Il est parti aujourd’hui pour Dijon:
2 escadrons du 5e de dragons . . . . . . . . 260 hommes;
2 escadrons du 9e de dragons . . . . . . . . .300
1 escadron du ler de cavalerie . . . . . . . . 120
1compagnie du 3e de cavalerie . . . . . . . . 60
1 escadron du 5′ de cavalerie . . . . . . . . . 120
1 escadron du 1er de hussards . . . . . . . .120
1 escadron du 15e de chasseurs . . . . . . 120
Mes guides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
300 grenadiers de la garde;
60 canonniers à cheval de la garde;
6 pièces de canon avec double approvisionnement;
100 chevaux haut-le-pied;
Le dépôt de la 30e, fort de 500 hommes, est parti il y a plusieurs jours.
Le 18, partent 500 hommes du 1le de hussards.
Le 21 partent 400 hommes du 15e de chasseurs.
Tout ce qui part et partira de Paris est parfaitement harnaché et armé.
Le général Gardanne commandera la 6e division de votre armée; Il vient de se mettre en marche pour cet effet.
Indépendamment de ce que je vous ai annoncé ci-dessus, 230 chevaux sont partis aujourd’hui haut-le-pied; 600 chevaux des attelages de l’armée de l’Ouest ont ordre aussi de partir.
Je prends des mesures pour vous faire fournir 300 chevaux par Laumont, indépendamment des 800 que vous fournira le dépôt de Versailles pendant le courant du mois.
Dans la position où se trouve l’armée autrichienne d’Italie, affaiblie considérablement par la lutte qu’elle soutient dans la Rivière de Gênes, 30,000 hommes et trente pièces de canon vous rendent momentanément maître de l’Italie; mais je sens la nécessité de diriger une grande quantité de chevaux sur Auxonne, afin de pouvoir faire filer les munitions d’infanterie, les pièces de 12 dont vous avez besoin, sinon pour le premier, du moins pour les deuxième et troisième actes de la campagne.
Mon aide de camp m’annonce qu’il vous a envoyé 3,000 fusils de Chalon; 4,000 sont partis il y a deux jours de Paris. Ceux de Saint-Étienne, Charleville, Liège, doivent enfin arrivés.
Je serai le 16 ou le 17 (6 ou 7 mai) à Genève.
J’imagine que vous avez sur le lac autant de barques que vous voulez pour transporter vos vivres à Villeneuve, où il faut que vous établissiez tout de suite un commandant -militaire et organisiez un dépôt.
D’après tout ce que je vois des manœuvres du général Melas suis intimement persuadé que sur toute la ligne de la Rivière de Gênes, compris le Levant, il n’avait pas plus de 40,000 hommes. A l’heure qu’il est, il en a perdu 15 000, prisonniers, tués ou malades. Ainsi il ne lui en reste pas 25,000. Je n’y comprends pas les 6,000 hommes de la cavalerie qu’il peut avoir dans les plaines d’Italie, ni le corps de 8,000 hommes qu’a le général dont je vous ai parlé plus haut.
Il faudrait tâcher d’avoir à Aoste vos quatre premières divisions le 22 (12 mai), ainsi que la division du général Cbabran.
D’après tous les renseignements qu’on m’a donnés, j’imagine que de Villeneuve à Aoste il n’y a que cinq jours. Il faudra au moins deux jours pour que ces cinq divisions puissent défiler par le Saint-Bernard.
L’ennemi ne s’attend pas du tout à l’opération que vous faites Il suppose bien qu’il est possible qu’une division de 10 à 12,000 hommes se présente pour dégager l’armée d’Italie, et dans ce cas-là ne la craint pas. J’ai des renseignements très-sûrs que l’on se moque à Vienne et en Italie de l’armée de réserve; on ne croit pas qu’elle soit prête avant le mois d’août, et on la regarde comme un rassemblement de conscrits pour compléter l’armée du Rhin.
Il faudrait, le 16, avoir à Villeneuve 4 à 5,000 rations, et le 20, le double de biscuit et 150 mulets au moins de réquisition ou autrement qui porteraient 30,000 rations au village de Saint-Pierre. Vous pouvez prendre des chars à bancs du pays. Ils y seraient arrivés le 19, et seraient de retour à Villeneuve le 21, pour prendre une pareille charge qui arriverait à Saint-Pierre le 24. Si vous aviez deux transports de cette nature, vos approvisionnements seraient parfaitement assurés; il faut que vous envoyiez sur-le-champ un agent des transports, un commissaire des guerres et quelques brigades de vos mulets, si vous en avez, et de l’argent pour ce transport essentiel. Il est nécessaire d’établir de suite un magasin à un village entre Saint-Pierre et le pied du Saint-Bernard, où vous ferez bien également de mettre un commandant et d’établir un hôpital, qui évacuera sur l’hôpital qui sera à Villeneuve et sur celui qui sera à Saint- Maurice.
Ainsi les troupes pourraient prendre à Villeneuve pour quatre jours de biscuit; elles prendraient à Saint-Pierre pour trois jours, où le soldat seul prendrait. La cavalerie, les charretiers, 1’état-major, tout ce qui est à cheval, pourraient être tenus de prendre pour huit jours, ce qui les conduirait à Aoste; et pendant ce temps-là on continuerait d’approvisionner pour pourvoir au passage et à la retraite, si on y était forcé.
La saison, heureusement, rend la nourriture des chevaux plus facile; il faudrait cependant avoir un peu d’avoine au pied du Saint-Bernard et au couvent. Les moines doivent, à ce qu’on m’assure, avoir de l’orge et de l’avoine, qu’avec un peu, d’argent ils déterreraient.
Vous voyez que je m’occupe beaucoup de vos détails; mais c’est que c’est dans votre opération qu’est véritablement le succès de la campagne, et que je ne doute nullement que vous n’ayez la gloire de reconquérir ce beau théâtre de la valeur française.
Quant à l’armée du Rhin, il est bien clair qu’au 20 il y aura quelque chose de décidé; et dès lors, elle pourra, dans le temps où vous arriverez à Aoste, préparer une forte diversion par le Saint-Gothard et le Simplon, de manière à déboucher au moment où vous auriez concentré sur vous toutes les forces de l’ennemi. J’estime qu’à la rigueur une simple division de 6,000 hommes d’infanterie et de 1,000 hommes de cavalerie qui viendraient par le Saint-Gothard, et 4,000 par le Simplon, vous seraient d’un secours puissant et rendraient infaillible votre opération.
Si Masséna ne se fait pas trop écraser, et s’il a le bon esprit ou de forcer la ligne et prendre une position quelconque dans la Rivière de Gênes, ou de se laisser enfermer dans Gênes, l’attaque sur Gênes nous vaudra de grands avantages. Car vous n#auriez pas pu faire la même diversion sans une coopération immense de l’armée du Rhin, si l’armée autrichienne eût eu le bon esprit de rester cantonnée sur le Pô
Paris, 2 mai 1800
PROCLAMATION
Habitants de Saint-Domingue, quelle que soit votre couleur, vous êtes égaux et également chers au Gouvernement. Un des premiers regards des Consuls s’est tourné vers vous; ils ont pris des mesures pour mettre fin à la guerre civile et pour vous rendre la paix, sans laquelle la liberté, l’égalité ne seraient pour vous que de vains noms. Il envoient au milieu de vous des hommes chargés de rappeler les sentiments qu’inspire la nature, et les devoirs que vous commandent les communs intérêts de la patrie.
Ils ne déploieront d’autorité que celle que la raison avoue; ils ne vous parleront que ce langage fraternel qui calme les coeurs aigris et console l’infortune. Après de longues erreurs et de grandes calamités, vous reconnaîtrez que les haines et les divisions n’enfantent que la ruine de tous les partis, qu’il n’est de prospérité, de bonheur, que dans l’union et dans l’obéissance aux lois.
Secondez les vues et les efforts du Gouvernement, et bientôt Saint-Domingue, cultivé par des mains libres, ne présentera plus qu’un peuple de frères, et redeviendra un objet d’orgueil pour la France et de jalousie pour le reste de l’univers.
Paris, 3 mai 1800
ARRÊTÉ.
Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre de l’intérieur, arrêtent:
La maison de Pologne, sise rue Saint-Louis au Marais, est mise provisoirement à la disposition du ministre de l’intérieur, pour y loger gratuitement les artistes les plus distingués dans les arts mécaniques.
Paris, 3 mai 1800 (13 floréal an VIII).
RÉPONSE AUX PRÉSIDENTS DES TRIBUNAUX DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE
Lorsque des factions divisaient la France, la justice était mal administrée – cela devait être. Il y a dix ans que cet état dure, vous le ferez cesser. Vous n’examinerez jamais de quel parti était l’homme qui vous demandera justice; mais les droits de chacun seront pesés avec la plus sévère impartialité. C’est aux armes à assurer la paix avec les puissances étrangères, la justice est le moyen d’assurer la paix entre les citoyens.
Vous êtes nommés à vie, personne n’a le droit de vous destituer; vous n’êtes responsables de vos jugements qu’à vos consciences; vous serez impassibles comme la loi.
Le choix des magistrats qui composent les tribunaux du département de la Seine a été généralement applaudi; j’espère qu’en répondant à la confiance publique vous mettrez le Gouvernement dans le cas de se féliciter de plus en plus de vous avoir confié l’administration de la justice.
Paris, 4 mai 1800
Au général Berthier, commandant en chef l’armée de réserve, à Châlon.
Je reçois à l’instant votre courrier du 12 floréal. Voici les dernières nouvelles d’Italie.
Masséna était le 3 (23 avril) au pont de Cornigliano; ainsi il paraissait décidément bloqué dans Gênes.
Il avait fait l’échange des prisonniers avec le général Melas; mais il se trouvait en avoir 6,000 de plus que l’ennemi.
Il pourrait être arrivé:
1° Que Masséna capitulât et évacuât Gênes, s’entend sans être prisonnier, et vînt rejoindre son armée et prendre la ligne de Borghetto ou toute autre;
2° Que Masséna fût forcé dans Gênes.
Dans l’un et l’autre cas, vous sentez que, du 5 au 20, voilè quinze jours de différence, et que le général Melas n’a besoin que de huit jours pour se porter de Gênes à Aoste et s’il parvenait là avant que vous eussiez débouché seulement avec 20,000 hommes, cela lui donnerait des avantages immenses pour vous disputer l’entrée en Italie.
Ainsi tâchez que le 20 (10 mai) le général Chabran, vos six premières demi-brigades, leur train d’artillerie, la demi-brigade de l’armée du Rhin qui garde le Saint-Bernard et le Valais, un millier d’hommes de cavalerie, soient à Aoste, et que le reste y arrive le 21 et 1e 23.
Je mets en marche encore quelques escadrons de cavalerie, entre autres le 7′ de dragons, qui a été échangé, et je pars demain dans la nuit; je serai le 18 à Genève.
Faîtes connaître, par un courrier, au général Moreau où est l’armée d’Italie; faites-1ui sentir que quelques demi-brigades de plus ne font rien pour lui, mais que quelques demi-brigades de moins compromettraient non-seulement l’armée de réserve, mais encore le comté de Nice.
Écrivez au général Moncey pour qu’il fasse filer sur le Simplon le plus de forces qu’il pourra, afin que vous ayez là 5 ou 6,000 hommes qui seraient à portée de vous rejoindre et de vous faire une puissante diversion.
Au reste, je vous expédierai ce soir un courrier par lequel je ferai connaître toutes les dispositions que je vais prendre pour que l’armée du Rhin vous seconde autant que possible.
Je ne sais pas si vous avez donné l’ordre à mes bagages de partir pour Genève; je donne cet ordre par ce courrier, pour qu’ils soient le 18 à Genève, où je me trouverai aussi.
Un million part demain pour Genève.
Paris, 4 mai 1800
Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures
Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, copie d’une lettre que j’écris au général Augereau. Je vous prie d’écrire dans le même sens au citoyen Semonville et de lui dire qu’il fasse connaître au gouvernement batave combien je suis mécontent du peu d’empressement qu’il met à monter la cavalerie et équiper les troupes francaises qui sont à son service.
Lettres à Talleyrand
Paris, 4 mai 1800
ARRÊTÉ.
Les consuls de la République arrêtent ce qui suit:
ARTICLE 1er. – Tous l es italiens réfugiés en France par suite de l’invasion de l’Italie par les armées impériales se rendront à Bourg, département de l’Ain.
ART. 2. – Sont exceptés de cette disposition les femmes et les enfants et les hommes âgés de plus de soixante ans.
ART. 3. – Le ministre de la guerre donnera des ordres pour tous les corps, dépôts et détachements de troupes italiennes se rendent à Bourg.
ART. 4. – Les secours accordés aux réfugiés italiens ne seront payés qu’à Bourg.
ART. 5. – Les ministres de la guerre, de la police et des relations extérieures sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.
Paris, 5 mai 1800
Au citoyen Gaudin, ministre des Finances
Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire partir les 500,000 francs avec un payeur de confiance et intelligent, en poste pour Genève, où il est indispensable qu’il soit arrivé le 10 au soir.
Ce caissier gardera ces fonds, et il ne les emploiera que d’après mes ordres.
Je désire que vous m’envoyiez un payeur intelligent, afin que je puisse, selon les circonstances, m’en servir comme d’une espèce de caisse centrale, et qu’il soit dans le cas de rendre au directeur du Trésor public compte de toutes les mesures que je pourrais prendre pour avoir de l’argent.
J’ai chargé le conseiller d’État Petiet, qui me suit, de vous voir pour différents autres objets.
Paris, 5 mai 1800
ARRÊTÉ
Les Consuls de la République, vu la situation critique où se trouve l’armée d’Italie, la nécessité de ne pas laisser entamer le territoire français et de sauver les départements du Midi menacés par terre et par mer, arrêtent:
ARTICLE 1er. – Le détachement que l’armée du Rhin devait faire, en conséquence de l’article 2 de l’arrêté du 26 germinal, en Italie, lorsqu’elle aurait poussé l’ennemi à dix journées, aura lieu sur-le-champ.
A cet effet, une colonne de 25, 000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie comprises, pénétrera par le Saint-Gothard et le Simplon, pour agir sous les ordres du général en chef de l’armée de réserve, et conformément aux instructions particulières que donnera le ministre de la guerre.
ART. 2. – Le ministre de la guerre partira dans la journée pour se rendre au quartier général de l’armée du Rhin, se concerter pour ce mouvement avec le général en chef, donner toutes les instructions nécessaires et prendre tous les renseignements sur la situation des armées.
ART. 3. – Aussitôt les ordres donnés, le ministre de la guerre se rendra à Genève, près le Premier Consul.
ART. 4. – La présent arrêté ne sera pas imprimé.
Paris, 5 mai 1800
Au général Berthier, commandant en chef l’armée de réserve, à Genève
Je pars, Citoyen Général, demain matin; j’arriverai le 17 à Dijon, et le 18 au soir à Genève.
J’espère ne m’arrêter qu’un jour à Genève et me rendre ensuite à Villeneuve.
Le ministre de la guerre par aujourd’hui pour se rendre à l’armée du Rhin avec le projet d’arrêté et les instructions que vous trouverez ci-joints. Il sera de retour, le 22 ou le 23, à Lausanne ou à Villeneuve.
Le million que je vous ai annoncé par mon dernier courrier n’est parti que ce matin par la messagerie; il arrivera à Genève le 25. Il faudra avoir des moyens de transport tout prêts pour lui faire suivre l’armée. Faites aligner un peu la solde de ces malheureux bataillons de l’armée d’Orient.
Vous trouverez ci-joint un arrêté pour le Valais. Envoyez promptement un général de division, si vous en avez sous la main, pour commander au Simplon, prendre connaissance du local et des troupes qui s’y trouvent, Celles qui se trouvent au Simplon et au Saint-Bernard sont très-utiles, parce qu’elles connaissent parfaitement le local; elles pourront guider les colonnes.
Tout à vous.
Paris, 5 mai 1800
INSTRUCTIONS POUR LE CITOYEN PETIET
Conseiller d’État
(Claude Petiet, 1749-1806. Il gouvernera la Lombardie jusqu’en 1802)
Le citoyen Petiet, conseiller d’État, se concertera avec le ministre de la guerre, et s’assurera que 30,000 paires de souliers aient été envoyées à l’armée de réserve, et qu’elles y soient arrivées le 25 ou le 30 (15 ou 30 mai), ainsi que tous les effets d’habillement qu’on pourrait faire partir de Paris;
Que les chevaux d’artillerie qui se trouvent à Versailles ou dans les autres dépôts soient partis pour Genève avec leur harnachement.
Il prendra des renseignements au bureau de la guerre, qui lui fera connaître les mesures précises et tous les envois faits en habits, giberne, chapeaux et effets d’habillement de toute espèce pour l’armée de réserve.
Il fera enlever tout ce qui sera disponible.
Enfin qu’il s’assure, à son passage à Dijon, de ce qui est arrivé, de ce qui y est attendu, et quels sont les moyens à prendre pour accélérer l’envoi des effets qui ne sont pas encore parvenus.
Il emmènera avec lui quelques commissaires des guerres intelligents. Il pourra en faire partir un avec le convoi qui partira de Paris.
Il se fera remettre, par le ministre des finances, l’état des vérificateurs employés dans la République, et spécialement à l’armée de réserve.
Il écrira une lettre aux préfets des départements compris dans l’arrondissement de cette armée, pour leur faire sentir combien il est important qu’ils fassent verser les fonds destinés à l’armée de réserve et qu’ils les fassent partir pour Dijon.
Il trouvera ci-joints les noms des départements qui ont été frappés d’une assignation.
Il écrira donc de ma part aux préfets de ces départements, pour qu’ils fassent verser tout l’argent provenant des congés, le plus rapidement possible, dans la caisse du payeur de l’armée de Dijon.
Il est nécessaire, pour ces différentes circonstances, qu’il se concerte avec le ministre des finances.
Le ministre des finances a l’ordre de faire partir 500,000 francs en or, avec un caissier de la trésorerie, pour être rendus en poste à Genève le 20.
Le citoyen Petiet aura soin, avant son départ, de s’assurer que ces fonds sont partis pour Dijon.
Paris, 5 mai 1800
ARRÊTÉ
Les Consuls de la République arrêtent:
ARTICLE ler – Le Valais fera partie de l’armée de réserve.
ART. 2. – Les officiers généraux, les employés, l’artillerie, et les, troupes qui s’y trouvent, feront également partie de l’armée de réserve.
ART. 3. – Le ministre de la guerre donnera directement les ordres, par un courrier extraordinaire, au général commandant en Helvétie, de compléter sur-le-champ jusqu’à 3,500 hommes les troupes destinées à garder le Simplon.
Paris, 5 mai 1800
Au général Berthier, commandant en chef l’armée de réserve, à Genève
J’apprends à l’instant par le télégraphe, Citoyen Général, que Moreau a eu à Stockach (le 3 mai, victoire contre les troupes du général Kray) une affaire avec l’ennemi; qu’il a fait 7,000 prisonniers, pris neuf pièces de canon et des magasins considérables.
Le ministre de la guerre part dans une demi-heure; je pars à minuit; vous pouvez calculer quand je serai à Genève; je ne m’arrêterai que quelques heures à Dijon.
Tout va ici au parfait.
L’aide de camp de Masséna arrive; il m’assure qu’il a des vivres pour vingt-cinq jours, à calculer depuis le 5 du mois de floréal (25 avril); ainsi vous voyez qu’il faut qu’il soit dégagé dans la dernière décade du mois. Faites marcher à force.
Paris, 5 mai 1800
Au général Moreau, commandant en chef l’armée du Rhin
Je partais pour Genève lorsque le télégraphe m’a instruit de la victoire que vous avez remportée sur l’armée autrichienne: gloire et trois fois gloire!
Le ministre de la guerre arrivera quelques heures après ce courrier à votre quartier général, et de là viendra me joindre à Genève.
La position de l’armée d’Italie et du Midi est assez critique: Masséna, renfermé dans Gênes, a des vivres jusqu’au 5 ou 6 prairial; l’armée de Melas paraît assez considérable, quoique fortement affaiblie.
Je vous salue affectueusement.
—————
Donnez-moi de vos nouvelles à Genève. Leclerc se porte-t-il bien? Mille choses à Dessolle.
Paris, 5 mai 1800
Au général Masséna, commandant en chef l’armée d’Italie.
Votre aide de camp arrive, citoyen Général, et je reçois votre lettre.
Je reçois par le courrier, la nouvelle que l’armée du Rhin a remporté une victoire sur l’ennemi, s’est emparée de toutes les positions de Stockach, et lui a fait 7,000 prisonniers et pris neuf pièces de canon; elle s’est emparée de tous ses magasins.
L’armée de réserve est en grande marche. Je pars cette nuit. Je compte que vous tiendrez le plus possible, mais au moins jusqu’au 10 prairial. (30 mai)
Paris, 5 mai 1800
Au général Suchet, Lieutenant du général en chef de l’armée d’Italie
J’ai reçu, Citoyen Général, vos différentes lettres. L’officier que vous m’avez expédié est arrivé. Je pars cette nuit pour me porter à
Genève.
Le 24 du mois je serai moi-même dans les plaines du Piémont avec l’armée de réserve, forte de 40,000 hommes. Tenez ceci secret. Envoyez un officier intelligent le dire au général Masséna, mais sans le lui écrire, de peur qu’il ne soit pris en route.
Faites venir de Nice et de la 8e division 5 ou 600 chevaux, que vous pourrez nourrir dans la plaine d’Albenga et d’Oneille, afin qu’ils puissent vous servir pour vous réunir au général Masséna, suivre l’ennemi et faciliter notre réunion.
Faites aussi connaître au général Masséna que je compte que, dans tout événement, il ménagera ses vivres de manière à en avoir jusq’au 15 prairial.
Faites toujours passer à Gênes et à Savone le plus de vivres que vous pourrez.
Le citoyen Vallongue, officier du génie, doit être arrivé à votre quartier général. Il doit se rendre à Gênes et a emporté 100, 000 francs or pour les hôpitaux de Nice.