Correspondance de Napoléon – Août 1814

Août 1814

 

Porto-Ferrajo, .. août 1814 (Sans date du jour)

NOTE POUR LE GÉNÉRAL BERTRAND, GRAND MARÉCHAL DU PALAIS.

Comme je ne suis pas encore assez bien logé pour donner des fêtes, j’attendrai l’arrivée de l’Impératrice ou de la princesse Pauline, qui doit avoir lieu dans les premiers jours de septembre, pour faire tirer les feux d’artifice. Je désire que la commune fasse les frais d’un bal qu’elle donnera sur la place publique, où l’on construira une salle en bois, et que les officiers de la Garde impériale et ceux du bataillon franc y soient invités. Aux environs de cette salle, on éta­blira des orchestres pour faire danser les soldats, et on aura soin de disposer quelques barriques de vin pour qu’ils puissent boire. Je dé­sire aussi que la commune marie deux jeunes gens et qu’elle les dote. Le grand maréchal et les autorités assisteront à ce mariage, qui se célébrera à la grand’messe.

 

Porto-Ferrajo, 4 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie le devis des travaux à faire à Saint-Martin, avec les plans, afin que vous l’approuviez dans la journée, pour qu’on puisse y travailler dès demain. Toutefois il manque à ceci un plan de terrasse ou place. Il me semble que ce n’est que par ces plans qu’on peut voir s’il convient de faire des voûtes, puisqu’il est des cas où les voûtes sont moins coûteuses que des rem­blais. Le plan de cette terrasse serait donc indispensable.

Je vois à l’article 1er du devis que la maçonnerie doit être faite avec des moellons de Sa Majesté. Mais c’est à l’entrepreneur à les tailler, s’il n’y en a pas assez ; et je consens seulement à lui donner ce qu’il y a de fait. Il est bien entendu que je ne dois fournir que les grosses poutres pour la charpente et les plafonds. Tout le reste, tel que les chevrons, planches, lattes, etc., sera fourni par l’entrepreneur.

Article 5 : je désire que vous lisiez cela avec attention. Je veux de bonnes serrures en cuivre, telles qu’on en a dans les bonnes maisons. Je veux également des espagnolettes à toutes les fenêtres, et les ja­lousies selon l’usage du continent, et des loquets à toutes les portes; rien de tout cela n’est dit dans l’article 5 du marché.

Observez également que les déblais doivent être faits au compte de l’entrepreneur. Je ne veux être chargé de rien, et c’est pour cela que je fais un marché.

Article 7 : il est dît que les bois de charpente seront fournis par moi, tandis que je ne veux fournir que les grosses poutres, et mes voitures ne doivent transporter que cela.

Voyez s’il n’y aurait pas d’autres observations à faire sur ce marché, et approuvez-le avec les émargements.

 

Porto-Ferrajo, 4 août 1814

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie la proposition que vous me faites d’acheter le demi-chebec qui vient de Livourne. Chargez renseigne de vaisseau Richon, qui commande l’Abeille, de se rendre à bord de ce bâtiment, de le visiter en détail, et de venir me faire son rapport, ce soir à neuf heures. Est-ce un bâtiment de bon ser­vice , peut-il porter 80 tonneaux, combien tire-t-il d’eau, pourrait-on y placer deux pièces de 6 sans ralentir sa marche, a-t-il ses agrès en bon état et ses rechanges, pour combien d’eau a-t-il de tonneaux, serait-il propre au transport des blés et autres marchandises que je me propose de faire venir de la Romagne , vaut-il les 8,000 francs que demande le propriétaire , et trouverait-on à Livourne ou à Gênes un bâtiment de cette espèce à meilleur marché ? Si l’opinion du sieur Richon est favorable, je le chargerai du commandement de ce bâtiment. (On voit dans le Registre d’ordres de l’île d’Elbe que le demi-chebec l’Étoile, de 83 tonneaux, a été acheté au prix de 8,822 francs)

 

Porto-Ferrajo, 4 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie la lettre du cardinal Fesch. Je pense qu’il est de la plus grande importance de lui ouvrir un crédit à Rome, pour qu’il puisse faire les achats de blé dont nous avons le plus grand besoin, puisque nous n’en avons ici que pour la fin de janvier, et que la mine de Rio va en manquer in­cessamment

Faites-moi connaître ce que le blé nous coûtera à Rome. Celui de la Marenne serait moins cher, mais il n’est pas aussi bon.

Il faudrait aussi régler notre correspondance. Il est évident que les lettres que nous écrivons n’aboutissent à rien, puisqu’elles sont rete­nues à la poste. Dorénavant, la correspondance avec Livourne ne devra plus se faire par la poste de Piombino, mais par des occasions sûres. Celle de Gênes devra également se faire par des occasions. Quant à notre correspondance avec le cardinal, il serait nécessaire d’avoir à Civitavecchia un homme sûr, auquel on enverrait nos lettres et qui recevrait celles du cardinal.

 

Porto-Ferrajo, 6 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Le chapelain de la Madone m’a demandé à être confirmé dans son emploi. Soumettez-moi un rapport sur cela. Il serait plus naturel de lui donner le revenu de cette chapelle que de laisser ce revenu aux ermites, qui ne sont que ridicules. Le chapelain serait obligé de dire une messe tous les jours, et cela aurait au moins un but de re­ligion. Il en est de même pour les ermites de Porto-Longone.

 

Porto-Ferrajo. 9 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, le colonel Laczinski, qui part au­jourd’hui à deux heures pour se rendre à Livourne, ira de là à Aix, où il portera une lettre de moi à l’Impératrice. Écrivez à Meneval pour lui faire connaître que j’attends l’Impératrice à la fin d’août; que je désire qu’elle fasse venir mon fils, et qu’il est singulier que je ne reçoive pas de ses nouvelles, ce qui vient de ce qu’on retient les lettres ; que cette mesure ridicule a lieu probablement par les ordres de quelque ministre subalterne, et ne peut pas venir de son père ; toutefois que personne n’a de droit sur l’Impératrice et son fils.

 

Porto-Ferrajo, 9 août 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

 

Donnez l’ordre au commissaire de marine de se rendre vendredi à bord du brick et de faire une revue d’armement. Il formera les ma­tricules des matelots et fixera la paye de chacun, suivant sa qua­lité. Il tiendra la main à ce que les équipages ne dépassent pas le nombre fixé.

Le brick doit avoir 60 hommes d’équipage, y compris les officiers et sans comprendre la garnison; la Caroline doit avoir 16 hommes d’équipage, y compris le commandant ; l’Abeille, la Mouche, 8 hom­mes chacune, y compris le commandant; et l’Étoile, 14 hommes, sans le commandant; total, 106 hommes.

Les 18 matelots.de la Garde seront casernes à la tour de la Mortella, lorsqu’elle sera en bon état. Ils seront chargés de sa garde.

En attendant, ils seront casernés dans les magasins de la porte près de la Santé. Faire reconnaître ces magasins et faire donner les fournitures nécessaires.

Ces matelots et mon canotier, auxquels on joindra un mousse, feront le service de mes trois canots, qui seront tous les jours parés et armés de 10 hommes pour le mien, 6 hommes pour le deuxième et 4 hommes pour le Hochard. Tout le matériel sera sous la garde de mon canotier. Les matelots fourniront aux chaloupes un poste de 4 hommes, avec un factionnaire devant la caserne.

Vous donnerez des ordres pour qu’on fasse tous les jours trois ap­pels; le premier à cinq heures du matin, le deuxième à midi, et le troisième à cinq heures du soir.

Mon canot et le Hochard n’iront jamais que pour moi, à moins d’un mouvement pressé. Le troisième pourra être de service, soit pour le grand maréchal, le gouverneur ou pour la maison, sous les ordres du capitaine Bâillon.

Il serait nécessaire aussi que tous les marins allassent tous les jours à l’exercice du canon de côte, de siège, ainsi qu’à celui du mor­tier, afin d’augmenter le nombre de nos canonniers.

 

Porto-Ferrajo, 9 août 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Vous pouvez accorder au garde de la Santé, à la Pianosa, 5 cen­times pour frais de manutention de pain, avec la condition qu’on les lui payera toujours pour 50 rations au minimum; 50 rations à 5 cen­times font 2 francs 50 centimes. Il n’a besoin de chauffer le four que tous les quatre jours, et le bois se trouve sur les lieux. Il ne s’agit donc que de donner tous les quatre jours une gratification à l’homme qui apportera le bois, et d’avoir une femme pour faire le pain, qui, n’étant employée que tous les quatre jours, pourra faire autre chose. Cela ne peut donc pas coûter à l’entrepreneur plus de 52 sous. Il sera obligé de bluter la farine et de donner au garde le son pour la nourriture des animaux. Si cela ne lui convient pas, vous ferez connaître à l’officier du génie qu’il sera chargé de la fabrication du pain et de payer les personnes qui y seront employées. Vous met­trez à sa disposition une masse de 5 centimes par ration, pour sub­venir à cette dépense.

 

Porto-Ferrajo, 9 août 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Un grand nombre d’officiers réformés arrive; et il est probable qu’il en arrivera encore beaucoup. Il m’est difficile de refuser du pain à des officiers qui m’ont servi longtemps. On pourrait peut-être en former une compagnie de gardes d’honneur, commandée par un général ou un colonel ; les lieutenants et sous-officiers seraient des chefs de bataillon ou d’anciens capitaines. Cette compagnie fournirait tous les jours un poste de 8 hommes, qui serait placé à une des issues du palais, ce qui soulagerait d’autant la Garde. Présentez-moi un projet sur leur uniforme et sur ce qu’il coûterait, et quelles masses il faudrait leur accorder. Ils auraient une ration et 50 francs par mois. On donnerait davantage aux officiers, mais toujours en pro­portion. Il faudrait une bonne caserne pour loger cette compagnie. Combien y aurait-il maintenant d’officiers à la suite qui pourraient entrer dans cette compagnie ? Dans quelle caserne pourrait-on les mettre ? On les exercerait à la manœuvre du canon.

 

Porto-Ferrajo, 12 août 1814.

DÉCISION.

Sire, j’ai l’honneur de mettre sous       \\ faut ne lui faire aucune ré-
les yeux de Votre Majesté la note que «onse
m’a adressée le colonel Campbell * ; il   w        i

paraîtrait qu’il a reçu quelque autori-    NAPOLEON,

sation pour nommer un consul ici ; ce­pendant cela n’a point un caractère offi­ciel. Je pense néanmoins qu’on pourrait autoriser M. Ricci à remplir les fonc-

t Commissaire anglais.

tions de vice-consul anglais , vis-à-vis les bâtiments anglais qui arriveront ici. Le grand maréchal, BRRTIAMD.

 

 

Porto-Ferrajo, 14 août 1814

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

En 1815, les magasins se trouvant épuisés, on sera obligé d’acheter la farine. Il pourra être convenable de faire un marché pour la ration qui serait fournie à compter du 1er janvier, avec l’obligation d’avoir à cette époque, dans les magasins de Porto-Ferrajo, de la farine pour toute l’année. On accorderait alors une avance des deux tiers de la dépense aussitôt que cette condition serait remplie. II me semble qu’il y aurait beaucoup d’avantages à opérer de cette manière, si on trouvait un marché raisonnable.

Je désire que vous me fassiez un aperçu du budget de 1815, en m’indiquant ce qu’on pourrait réduire pour qu’il ne dépasse pas 900,000 francs. À cette occasion, il faudra que vous me fassiez connaître le nombre d’hommes nécessaire pour la garde de Porto-Ferrajo, de Porto-Longone et des différentes batteries de l’île, afin d’établir l’état en conséquence.

Faites-vous remettre exactement l’état de la marine, parce qu’on nourrit et qu’on paye plus d’hommes que n’en comporte le budget.

 

Porto-Ferrajo, 18 août 1814.

Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe

Il y a près de Porto-Ferrajo, autour des salines, des terrains que je destine à faire des jardins pour la Garde, si elle veut les cultiver; je destine au même objet le terrain près de Ponticello, qui a été autrefois un cimetière. À cet effet, il est nécessaire que les hommes de la Garde qui veulent cultiver ces terrains se fassent inscrire chez le chef de bataillon. On en fera six sociétés de 10 hommes; j’accor­derai à chacune un arpent de terrain, qu’elles mettront en légumes et qui leur seront utiles.

 

Porto-Ferrajo, 20 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je ne puis avoir fini ma correspon­dance que ce soir à cinq heures. Le brick ne peut donc partir que vers sept ou huit heures.

Donnez les instructions suivantes au capitaine de la Garde qui part sur le brick. Il saisira toutes les occasions pour écrire à Meneval et à Mme Brignole (la comtesse de Brignole, ancienne dame du Palais), pour donner de mes nouvelles, dire que Madame Mère est ici, et que j’attends l’Impératrice dans le courant de sep­tembre. Il pourra s’adresser à la maison Brignole et à des maisons de commerce qui auront des correspondances à Genève. Je désire que, pendant son séjour à Gênes, il écrive quatre fois par des voies différentes.

Il fera écrire à Parme au piqueur que j’ai là et au commandant des Polonais, pour réitérer l’ordre de vendre mes chevaux. Si le comte Marescalchi est à Parme, il lui écrira; s’il n’y est pas, il s’informera pour savoir où il est, et qui le remplace.

Faites donner un congé d’un mois au capitaine Hureau, qui a sa femme auprès de l’Impératrice; il s’embarquera ce soir sur le brick; faites-le venir et donnez-lui des instructions pour qu’il se rende à Aix, et partout où serait l’Impératrice. Il s’arrangera de manière à n’être pas retenu. Il faut qu’il arrive à Aix, et qu’il se trouve chez sa femme ou chez Meneval sans qu’on puisse s’en douter. Il prendra avant des informations sur l’espèce de surveillance qu’on exerce. Je le recevrai à quatre heures, et je lui donnerai des instructions et des lettres. Il reviendra s’embarquer à Gênes.

Ainsi vous donnerez l’ordre au brick de ne partir que ce soir et de prendre à son bord cet officier. Il embarquera 20 hommes de gar­nison, pris dans le bataillon franc ou le bataillon de chasseurs. Il rapportera, 1° tous les effets d’habillement que le capitaine Loubers aura à faire embarquer, 2° tous les effets que lui donnera le sieur Gatelli, et enfin tous les meubles qui seront venus de Paris, soit pour Madame, soit pour la princesse Pauline. Il ne restera là que huit jours; je compte qu’il sera ici du 1er au 10 septembre.

Ajoutez aux commissions que vous avez données celles contenues dans la note ci-jointe, et écrivez au sieur Gatelli de faire venir la famille génoise qui doit être chargée de la basse-cour et de la vacherie.

 

Porto-Ferrajo, 20 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

 

Monsieur le Comte Bertrand, donnez une lettre de vous pour Meneval au capitaine Loubers, qui l’enverra sous le couvert d’un négociant, et une autre au capitaine Hureau, qui la portera lui-même, et toutes deux dans le même sens que celle que vous avez déjà écrite.

 

Porto-Ferrajo, 20 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, écrivez au jardinier de Florence qui est venu ici, pour qu’il envoie 500 mûriers; mon jardinier n’en a pas mis dans sa liste.

Donnez l’ordre au maire de Porto-Ferrajo de faire commencer mardi les trous, partout où il doit y avoir des arbres. Mon intention est qu’on en mette sur la route, depuis la porte des Ponticelli jus­qu’au pont de la Concia, sur la place de l’Annunciata, sur le port le long du mur, et une double rangée tout autour des Ponticelli, de manière à joindre les deux mers, et sur les différentes places de la ville.

Chargez l’officier du génie et un membre de la municipalité de faire un projet sur ces différentes promenades. Ils régleront le prix de chaque trou et le nombre d’hommes nécessaire.

Tous ces arbres, devant être des mûriers, deviendront une branche de revenu pour la ville, qui pourra vendre les feuilles.

Ce moment-ci est favorable pour faire faire ces travaux, puisque jusqu’à l’époque des vendanges les paysans n’ont rien à faire. Il faudrait même que le sieur Lombardi profitât de cette saison pour faire la route de Porto-Longone.

 

Porto-Ferrajo, 20 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, j’ai demandé un rapport sur le règlement du lazaret ; c’est le moment de rétablir. J’ai également demandé un état de tous les biens ecclésiastiques et de tout ce qui appartient aux mainmortes et aux ermites.

 

La Madone, 23 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je suis arrivé à neuf heures ; il en est cinq, et je pars pour la chasse. On ne sent pas la chaleur ici, et le climat est tout à fait différent de celui de Porto-Ferrajo. Je me trouve très-bien établi.

Il me manque deux volets pour les fenêtres de ma chambre à coucher, la troisième fenêtre en a; tâchez de me les envoyer demain. Envoyez-moi également deux lanternes, pour mettre à la porte de ma tente, et un fanal. Il y a ici trois lits de fer; j’ordonne qu’on en descende un à Marciana pour Madame. Il y a quinze matelas avec les couvertures et draps; c’est justement ce qui m’est nécessaire. Madame pourra venir à Marciana, si elle le désire ; elle sera bien dans la maison de l’adjoint. Elle pourra partir jeudi prochain, à cinq heures du matin; mon grand canot partira demain avec l’officier d’ordonnance Bernotti pour la prendre. Je garderai le Hochar. Si la Caroline est de retour, vous la ferez partir une heure avant Madame, avec ses gens ; si elle n’est pas de retour, vous ferez partir mon deuxième canot.

Faites partir demain un de ses valets de chambre, un valet de pied et une femme de chambre, un cuisinier et Cipriani, pour apprêter sa maison et son déjeuner.

Dans la maison de l’adjoint, Madame aura une chambre pour elle, une pour ses dames, une pour ses femmes et une pour ses valets de chambre. Si le sieur Colonna vient avec Madame, il sera logé en ville. Il m’a paru que dans cette maison il y avait tous les gros meubles nécessaires. Je fais descendre pour ses appartements une commode. Il y a suffisamment de linge pour nous deux.

Le chef d’escadron Roul me sera attaché comme officier d’ordon­nance. Il aura 200 francs d’appointements par mois, jusqu’à ce que je l’aie définitivement établi. Il accompagnera Madame, ainsi que le chambellan Ventini.

Je crois qu’il y a assez d’effets de cuisine pour Madame et pour moi; je donne l’ordre qu’on en descende ; il y a aussi assez de bougies et de lumières. Ses deux valets de chambre, deux valets de pied, un cuisinier et Cipriani me paraissent suffire pour sa maison. La cuisine pourra être établie dans la même maison.

Envoyez trois rideaux pour la chambre de Madame ; les tringles y sont. Envoyez-nous aussi des feux, pincettes, pelles, etc. Je crois que c’est avec raison qu’on dit qu’il faut faire ici du feu le soir.

  1. S. Le valet de chambre tapissier a des rideaux de reste ; il va les porter chez Madame.

 

La Madone, 23 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Je vous envoie un projet d’organisation de l’île de la Pianosa fait par M. Lapi; je vous prie de le discuter avec lui. Il propose de chan­ger le nom de l’île; vous lui ferez comprendre que cela ne vaut rien. La plupart de ses dispositions me paraissent inutiles. Avant d’orga­niser une municipalité, il faut des habitants. Le principal maintenant, c’est de pourvoir à la manière dont on doit cultiver l’île cette année, parce que le temps arrive où il faut semer.

 

La Madone, 24 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, l’officier d’ordonnance Pérès est arrivé ce matin à six heures. Le capitaine Baillon a fait descendre aujourd’hui à Marciana tout ce qui était nécessaire pour Madame. J’envoie Bernotti avec mon canot, mais je crois vous avoir mandé que Madame ne doit venir que dans le cas où cela lui ferait beaucoup de plaisir.

J’ai arrêté ce qui est relatif an budget de la Pianosa ; il est donc nécessaire que l’officier du génie y retourne sans délai.

Vous trouverez ci-jointe une lettre du sieur Lapi, dont je ne com­prends pas bien le contenu. Mon intention est de payer comptant les biens du sieur Martin dont je dois prendre possession sur-le-champ, mais il est des vignes, des terres, etc., dont je ne dois jouir qu’aprèsla récolte, et que je ne dois payer que dans ce temps, puisque sans cela il faudrait un nouvel acte de prise de possession. Faites approu­ver par le conseil le projet de contrat des nouvelles acquisitions, ainsi que celui des anciennes, afin de voir s’il est en règle et s’il n’y a aucune nullité.

J’ai su par Bringuer que la maison où je veux établir des remises et qui est estimée plus de 2,000 francs est hors de service; allez la voir avec le sieur Lapi, et, si cette maison est effectivement en mauvais état, je préférerais acheter les vignes qui en dépendent et pour ne pas faire l’acquisition d’une maison qui ne pourrait pas me servir. Assemblez un conseil de maison, et aussitôt qu’il aura donné son avis sur le contrat, et qu’il se sera assuré qu’il n’y a plus d’hy­pothèques, vous m’en rendrez compte, pour que je donne les fonds nécessaires pour le payement.

Je ne compte pas rester ici plus de quatre ou cinq jours. Tâchez que je trouve mon cabinet et ma chambre à coucher terminés, ainsi que la façade de la maison du côté du jardin, au moins le haut. Discutez le nouveau projet de l’architecte, qui veut conserver la salle entière. Si on adopte ce projet, on pourrait laisser l’escalier qui existe.

J’ai pensé qu’il serait convenable de remettre la fête de Porto-Longone au 8 septembre; c’est fête au mont la Sera, où tout le monde se rend. Faites une pointe sur Porto-Longone pour voir si mon appartement sera habitable pendant quelques jours. J’y por­terais mes lits de fer; mais il ne faut pas faire de nouvelles dépenses.

Comme le sieur Ventini sera nécessaire pour le conseil, il peut rester à Porto-Ferrajo ; les sieurs Bernotti et Colonna suffiront à Madame pour l’accompagner.

 

La Madone, 26 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, j’approuve une dépense de 450 francs pour une route qui ira à la basse-cour et à la briqueterie de Saint-Martin. Je voudrais savoir ce que coûterait la route de l’Agone pour aller seulement jusque sur la hauteur; cela ne forme pas plus d’un tiers de la route. J’autoriserai alors cette dépense. Il serait con­venable qu’il y eût le moins de zigzags possible; les tournants sont toujours difficiles pour les voitures.

La route de Marciana à Poggio n’a presque rien de fait. Donnez l’ordre à l’intendant de donner 20 sous par jour à quarante ouvriers pour faire cette route sur un mètre de large et de manière qu’elle soit commode pour les gens à pied et les voitures. Ce sera une dépense de 200 francs environ, qui seront pris sur les 2,000 francs qui sont à la commune.

Marciana étant un lieu unique dans l’île pour la fraîcheur et pour l’eau, je désire qu’on fasse le projet d’une bonne route qui conduise à la Marine de Marciana. Cette route serait très-avantageuse aux deux villages pour leurs communications, et on pourrait alors terminer la route de Procchio à Marciana, qui est déjà tracée, et faire faire le devis.

 

La Madone, 26 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je crois vous avoir mandé d’écrire à la princesse Pauline de ne pas amener de maître de piano, mais seulement un bon chanteur et une bonne chanteuse, vu que nous avons ici un bon violon et un bon pianiste.

 

La Madone, 26 août 1S14.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je crains qu’il ne se passe quelque chose dans le bataillon de chasseurs qui est à Porto-Longone ; faites écrire au maire par le commissaire de police, pour savoir s’il n’y a pas quelques sujets de mécontentement, et si cela ne provient pas de quelque vice d’administration.

 

La Madone, 26 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, il faut se tenir au fait de tous les bâtiments qui arrivent dans l’île chargés de blé, et savoir à quels prix il s’est vendus depuis la récolte ; faire de cela une mercuriale, qu’il pourrait être avantageux de consulter. On demanderait aux bâtiments les lieux où ils ont fait leur chargement.

 

La Madone, 26 août 1814

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, un de mes mulets s’est noyé récemment, ce qui est une perte ; cela vient de ce qu’il n’y a pas de petite pompe à l’écurie ; faites-en arranger une, de celles qui sont en magasin.

 

La Madone, 27 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie deux rapports du trésorier relatif aux propositions du sieur Sibile. Vous autoriserez le sieur Pons à passer un marché à ce négociant, aux conditions suivantes :

1° Il aura l’extraction exclusive du minerai pour la Ligurie, à dater du 1er janvier 1815.

2° Il sera tenu d’en extraire 100.000 quintaux par an.

3° Le prix sera réglé comme pour la Ligurie; le prix doit être porté dans le marché.

4° Il payera en lettres de change à quatre mois sur Porto-Ferrajo, à dater du jour de l’exportation.

5° Il aura une prime de 20 pour 100 pour tout ce qu’il extraira au-dessus de 100.000 quintaux.

6° Il se servira des bâtiments de Rio, avec la condition que, si les patrons étaient trop exigeants, des experts régleraient le nolis.

7° Un bâtiment sera chargé et partira tous les lundis pour le port de la Ligurie désigné par l’entrepreneur. Vous ferez connaître que le but de cette condition est d’avoir une correspondance régulière avec la Ligurie, et que peu importe que les bâtiments soient gros ou petits; à vue d’œil, il faut plus de cent bâtiments pour porter les 100,000 quintaux de minerai; ainsi cette condition ne peut gêner l’entrepreneur.

8° Oneille et Loano seront compris dans l’exclusion.

9° L’entrepreneur sera tenu d’exporter, chaque mois, au moins un quinzième de ce qu’il doit exporter, et, dans le cas où il ne rem­plirait pas cette condition, il n’en signerait pas moins les lettres de change comme s’il avait retiré son quinzième. Il sera maître de répar­tir les trois autres quinzièmes comme il voudra. Enfin, au 31 décem­bre, ses 100,000 quintaux seront retirés, et, dans le cas où ils ne le seraient pas, il en signera toujours les lettres de change.

Faites dresser par M. Pons l’état de la quantité de minerai qu’il a fourni à l’État de Gênes depuis trois ans, afin que je voie ce que le sieur Sibile aura à fournir par an. Que le sieur Pons assure, par tous les moyens possibles, la sûreté de ce contrat.

Il eût été avantageux que le sieur Sibile eût pu fournir une caution dans le pays.

NAPOLÉON.

  1. S. Prenez des informations sur le sieur Sibile, pour savoir si cet homme a réellement des moyens en Ligurie. Il se réclame du président du tribunal.

 

La Madone, 28 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, expédiez le courrier de Beausset. Faites-lui connaître que j’ai reçu des nouvelles de l’impératrice au 10 août; que j’aurais été charmé qu’il eût poussé jusqu’ici; que cela ne l’aurait pas beaucoup allongé, et qu’il s’en serait retourné par la Spezia ou par Gênes. Dites-lui que l’Impératrice doit m’écrire à l’adresse de M. Senno et adresser ses lettres à Gênes, sous le cou­vert du sieur Constantin Gatelli. M. de Beausset sera porteur de la lettre ci-jointe pour l’Impératrice.

 

La Madone, 30 août 1814.

Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.

Monsieur le Comte Bertrand, je reçois votre lettre du 29 et réponds de suite. Je vous envoie la clé du bureau qui était dans ma bibliothèque; vous y trouverez un portefeuille en maroquin rouge, dans lequel se trouve la clef de mon armoire; ayez soin de faire retirer tout ce qui se trouve dedans. Faites jeter à terre la muraille qui sépare ma chambre à coucher de ma baignoire. Si la cheminée peut être faite dans le milieu, en face des fenêtres, le lit pourra être placé dans la longueur; si cela n’est pas possible, faites-la faire où vous pourrez. Il conviendrait que cela fût fait samedi au soir, afin que je puisse y aller dimanche. Autant le séjour de la Madone est agréable dans les chaleurs, autant il est incommode par le mauvais temps.

Si le logement de Porto-Longone était bien terminé, et que je fusse obligé de quitter la Madone, je ne verrais pas d’inconvénient à aller à Porto-Longone. Faites-moi connaître où en est ce logement. Je suis fâché qu’on n’ait pas déjà fait les plafonds de la salle d’en haut. Ordonnez qu’on mette à la poutre trois plates-bandes en fer, chacune de quatre pieds de long; cela consolidera la poutre, et on sera assuré qu’elle ne cassera plus là; celle de Livourne serait en réserve en cas d’événement. Je ne conçois pas trop ce que vous me dites relativement à la galerie, à la salle à manger et à mon bureau; ces pièces n’ont pas de plafond, et il me semble qu’en mettant une poutre et faisant passer par-dessus le plafond, cela remédierait à tout. Il ne peut donc y avoir besoin d’attendre de Livourne pour avoir les poutres, puisque cela n’a pas trente pieds et qu’il y a dans les maga­sins du génie et de Rio des poutres de cette grandeur. Assurez-vous par vous-même qu’on travaille aux fenêtres d’en haut et à la salle de spectacle, car l’architecte ne sait rien commander, et je ne serais pas étonné qu’il n’y eût rien de fait encore. Voici cependant le moment où ces pièces me deviendront nécessaires.

En résumé, 1° faire mettre demain trois plates-bandes en fer à la poutre d’en haut; 2° abattre la muraille qui sépare ma chambre à coucher de ma baignoire; 3° placer l’armoire qui y existe dans la chambre où est mon lit en fer, car je suppose qu’il n’est pas possible de la laisser où elle est; si cependant cela était possible, il faudrait la laisser ; elle se trouverait couverte par le lit, et on la peindrait de manière qu’elle ne se voie pas; 4° s’il était possible de s’assurer d’avance des fenêtres, arranger les quatre fenêtres du côté du jardin, en les faisant aussi grandes et en les plaçant au-dessous de celles d’en haut. 11 faudrait que ma chambre à coucher et ma bibliothèque fussent terminées de manière à être habitables lundi prochain. Savoir ensuite la longueur précise que doivent avoir les poutres pour ôter l’escalier de la galerie (On en trouverait ici de trente pieds de longueur), et le temps qu’il faudrait pour détruire cet escalier, abattre le mur, faire le plafond de la galerie et l’arranger.