Correspondance de Napoléon – Juillet 1814
Juillet 1814
Porto-Ferrajo, 3 juillet 1814.
Au général comte Drouot, gouverneur de l’île d’Elbe
Je vous renvoie les papiers et plans que m’a apportés l’officier d’ordonnance Pérès. Je pense qu’il est nécessaire qu’ils soient entre les mains de l’officier du génie et dans son bureau, afin qu’on sache où les trouver. Chargez le commandant du génie de correspondre avec l’officier du génie qui est à la Pianosa, et faites-lui demander pourquoi il n’a pas placé, comme le demandait le sieur Gottmann, le four dans l’enceinte du fort et dans une grotte, où il-eût été plus avantageusement. Faites-lui envoyer les objets qu’il demande.
Recommandez-lui de déblayer les puits, de reconnaître tous ceux qui sont dans l’île et de les faire mettre en état. 11 serait convenable qu’il mît tous les puits sur les cartes, en leur donnant un nom ou un numéro, afin qu’on puisse les reconnaître.
Demandez-lui un projet pour mettre dans le meilleur état possible la fontaine qui est au bord de la mer et qui donne la meilleure eau. Il est nécessaire qu’on y fasse un beau chemin et un bassin pour recueillir toute l’eau, de manière qu’il ne s’en perde point.
Je suppose qu’il a gardé des copies des quatre plans qu’il a envoyés; dans le cas contraire, faites-en faire des copies et envoyez-les-lui ; il est nécessaire d’être instruit de cela, afin qu’allant à la Pianosa on sache si l’on doit porter les plans. * Vous ferez faire à l’officier du génie Les observations suivantes. Il n’y a pas besoin de redoute au fort de la Scala ; il suffit de placer les deux pièces de canon de manière qu’elles voient partout, et d’avoir une barrière pour fermer le chemin qui conduit à la grotte. Il est également inutile de construire un four; il suffit d’assainir la grotte,
d’y établir une bonne porte et deux petits réduits, pour mettre dans l’un du biscuit et dans l’autre quelques barils de poudre. L’extrémité de la batterie de la Teglia doit présenter l’extrémité d’un ovale, et Ton devra placer les deux pièces de canon de manière qu’elles puissent battre dans toutes les directions. Le mortier pourra être placé 10 toises en arrière, et les petites pièces de 5 battront la terre vis-à-vis le pont-levis. Il est nécessaire de projeter rétablissement d’une petite batterie au point T, où l’officier du génie place la maison du député de la Santé. Cette batterie sera établie de manière à battre le bas de la batterie de la Teglia, dont elle serait éloignée de 100 toises, et le pied de la batterie de la Scala, dont elle serait éloignée de
250 toises. C’est dans cet endroit que l’on devra placer les deux premières pièces de canon qu’on aura ; mais on n’enverra ces deux canons que quand les tours des batteries de la Teglia et de la Scala seront
établies et les travaux plus avancés.
Vous lui ferez connaître que, dans le projet, le chemin de ronde F ne peut être bien placé que du côté de terre ; du côté de la mer, on ferait un quai qui permette de débarquer facilement. Ce serait la place naturelle des magasins et autres entrepôts du commerce de l’île.
La presqu’île où est situé le village, n’ayant que 60 toises de long sur 50 toises de large, est sans doute un petit emplacement, mais suffisant pour les premiers temps. Si la population devenait plus considérable, il n’y a pas de doute qu’il faudrait s’étendre jusqu’au Fornajo, à 100 toises, et alors l’isthme serait compris entre la cale de la Chasse et San-Giovanni, ce qui ferait un isthme de 150 toises.
Il faudrait projeter l’enceinte sur le Fornajo ; on établirait alors un fort qui serait à 60 toises et protégerait toute l’enceinte. Il est donc préférable d’occuper le Fornajo plutôt que Guardioja, qui, dans ce projet,
serait dans l’intérieur de la ville. Quoiqu’il ne soit pas probable qu’on ait besoin de s’agrandir, cependant il est bon d’en faire le projet, afin de coordonner tout ensemble.
Écrivez au commandant Gottmann que ses permissions me paraissent mal faites. Qu’il mette seulement : Permis de pêcher le corail sur les côtes de la Pianosa, et la somme qui a été perçue ; mais qu’il ne mette pas la défense d’aller au cap Saint-André. Il peut faire mention de l’obligation de relâche à la Pianosa et d’aller à Porto-Ferrajo à la fin de la pèche.
Porto-Ferrajo, 3 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais,
Monsieur le Comte Bertrand, je vous envoie le budget de la ville. Ce n’est pas celui de 1815 que j’ai demandé, mais celui de 1814. On me proposera le budget de 1815 dans le courant de novembre. Alors on aura des données plus fixes sur les recettes et les dépenses ; il est inutile de le faire six mois d’avance. Le budget de 1814 a été arrêté ; je désire donc qu’une colonne contienne le budget tel qu’il a été arrêté, et qu’une autre contienne les changements nécessités par les circonstances.
TITRE PREMIER. — DES HOSPICES.
Les hospices paraissent avoir été portés au budget pour une somme de 4,200 fr. Si cela est ainsi, il y aura une économie considérable à faire. Il faut arrêter le compte de ce qu’a coûté l’hôpital jusqu’au 1er juillet; et, pour les six derniers mois, comme je l’ai réuni à l’hôpital militaire, il sera suffisant de porter une somme pour neuf lits évalués à 1 franc 50 centimes par jour, en supposant toutefois qu’il y aura neuf lits. Et, s’il y en avait moins, ce serait une bonification. Mais on doit établir en principe qu’il y aura neuf lits pour les malades de la ville, pour lesquels on donnera chaque jour 1 franc 50 centimes. Il est probable que les neuf lits ne seront pas remplis ; peut-être même cela n’ira-t-il pas jusqu’à six. Voilà donc une économie sur le budget.
TITRE II
Ce titre est relatif aux dettes. Ce que propose l’intendant me paraît fort raisonnable. La commune se trouvera par ce moyen libérée des intérêts des six derniers mois ; et, comme ils ont été portés, voilà encore un objet de bonification au budget de 1814.
Le budget de 1814, pour les recettes extraordinaires, doit compter les fonds déposés à la caisse de service, et la commune doit charger quelqu’un de ses intérêts à Paris pour le recouvrement de cette somme. Je crois que la Garde a un homme d’affaires, qu’on pourra lui désigner, si elle n’en a pas déjà un. Toutefois il ne me parait pas convenable d’effacer cette somme, puisqu’on ne peut pas mettre en doute qu’elle ne soit remboursée. C’est donc 20,178 francs qu’il faut laisser figurer au budget.
La recette de 1814 pour les octrois peut être bien évaluée; mais il faut connaître la recette brute. Les dépenses doivent être peu considérables pour la ville, qui est murée et qui a peu d’issues.
On propose dans le projet de budget de 1815 une augmentation de 600 francs pour les dépenses de l’administration : si cela est nécessaire, il faut les porter pour les six derniers mois de 1814.
Même observation pour l’agent de police qu’on veut établir à Porto-Ferrajo, pour le nettoyage des rues, pour l’éclairage, le bureau de bienfaisance et les fontaines publiques.
Enfin ce budget a besoin d’être retouché.
Je vois dans le projet de budget de 1815 qu’il y a des fonds de réserve pour la construction d’un nouveau cimetière ; cet objet est urgent.
Il y a dans la dépense plusieurs objets que j’ai supprimés, tels que ceux-ci : le dixième du produit des propriétés foncières, le centième pour l’hôtel des invalides.
Il faudrait augmenter un peu l’instruction publique. Revoir si, sur les 3,900 francs portés pour les nouvelles rues et les 10,000 francs pour la rue de la porte de Mer, il n’y aurait rien à retrancher.
Je vois également 2,600 francs pour meubles et linge de l’hospice civil ; d’après le nouvel ordre de choses, cela devient inutile.
La perception des frais d’octroi doit être simplifiée ; il est inutile que les fonds passent par un receveur des droits réunis pour arriver dans la caisse de la ville ; cela était bon dans le système de la France, parce que cela tenait à notre ensemble ; ce qui était nécessaire dans une grande organisation, lorsque le Gouvernement voulait diriger de Paris, devient inutile à présent.
Je désire que le budget de 1814, avec ces modifications, me soit soumis mercredi prochain.
Les deux choses qui me semblent le plus utiles à la ville, c’est de faire venir des eaux et de planter des arbres pour avoir des promenades aux portes de la ville. Quelques acquisitions de terrains deviendront peut-être nécessaires pour cet objet.
Napoléon.
Porto-Ferrajo, 6 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, je désire faire partir le brick l’Inconstant pour se rendre à Gênes. Comme il sera ici demain, il pourra partir après-demain. Faites-moi l’état des commissions que nous pouvons avoir à Gênes et de ce qu’il pourra apporter. Si à Gènes il trouve la comtesse Bertrand, il la ramènera de suite ; s’il ne la trouve pas, après avoir attendu huit jours, il viendra à Carrare, prendra nos commissions, et de là opérera son retour ici.
Porto-Ferrajo, 11 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, demandez au cardinal Fesch qu’il vous fasse connaître qui on pourrait nommer consul à Civitavecchia. Ce port, Livourne et Gênes sont les points les plus importants.
Porto-Ferrajo, 14 juillet 1814
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, il y a ici un petit bateau d’Ajaccio, ou une gondole, de 2 ou 3 tonneaux, qui réclame un supplément de traitement pour le nolis des passagers qu’elle a amenés. Faites-lui donner 100 francs sur les dépenses extraordinaires ; faites-lui donner aussi du biscuit, du riz et de la viande salée pour sept hommes pendant quinze jours, et faites-lui dire par le capitaine du port que, moyennant ce, ils n’auront plus rien à prétendre. Chargez le capitaine du port de traiter avec eux et de les prendre pour son compte, pour la pêche du corail autour de la Pianosa. Cela aura l’avantage de tenir ces gens sur ces côtes, de faire bien connaître la valeur de la pêche du corail et de faire connaître en même temps ce qui s’y passe. Cela pourra d’ailleurs attirer d’autres bateaux d’Ajaccio sur cette côte.
Vous pourrez faire donner au capitaine du port, pour eux, du biscuit, de la viande salée des magasins militaires, et tout ce dont ils pourraient avoir besoin.
Porto-Ferrajo, 17 juillet 1814.
NOTE POUR LE GRAND MARÉCHAL.
Écrire à mon frère Lucien que j’ai reçu sa lettre du 11 juin ; que j’ai été sensible aux sentiments qu’il m’exprime ; qu’il ne doit pas être étonné de ne pas recevoir de réponse de moi, parce que je n’écris à personne. Je n’ai pas même écrit à Madame.
Porto-Ferrajo, 17 juillet 1814.
NOTE POUR LE GRAND MARÉCHAL.
Je pense qu’il serait nécessaire que tous les livres demandés à Livourne fussent reliés. Ordonnez, si cela est possible, qu’on mette un N sur chacun.
Porto-Ferrajo, 19 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, je vois que les fonds de la route de l’Agone sont épuisés par celle de Saint-Martin. Comme cette route est une de celles qui me sont le plus utiles, il est indispensable de la faire, et je pense qu’il faut y appliquer les fonds destinés à celles de Marciana et de Rio. Faites-moi un rapport là-dessus.
Porto-Ferrajo, 23 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Le sieur Charvet n’a pas de registre pour les meubles ; il n’a pas même l’état des meubles venus de Piombino, ni les lieux où ils se trouvent aujourd’hui. Faites-lui connaître que je désire que, mardi prochain 26 du courant, l’état de mes meubles soit porté sur un registre parafé par vous, avec l’indication des endroits où ils se trouvent. Il y aura des colonnes pour placer tous les mouvements qui auront lieu pendant le mois, comme cela se faisait au garde-meuble.
Porto-Ferrajo, 24 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, je vous renvoie l’état estimatif des travaux à faire à Porto-Ferrajo. Je vois qu’on demande 6,000 francs pour l’élévation du palais, mais qu’entend-on par élévation du palais ? Est-ce l’élévation de la maison au niveau des deux pavillons, ou l’élévation des deux pavillons pour y faire des entresols ? Mon intention est qu’on comprenne seulement l’élévation de la maison au niveau des deux pavillons ; cela ne peut pas coûter 6,000 francs. Mon intention est de faire faire ce travail à prix fait. On peut ajourner tout ce qui est relatif à la communication souterraine avec la salle à manger. Quant aux voûtes sous le pavillon des officiers, je désire qu’elles soient faites à prix fait; en faire faire le toisé au prix de l’entrepreneur et voir à combien cela reviendrait. J’ai ordonné de faire en bois la barrière pour la place, ce sera une économie. Il n’y a pas besoin de grilles en fer pour le jardin.
Je ne comprends pas ce qu’on entend par les travaux du jardin, compris la plantation de la place de la caserne de Saint-François et l’allée pour monter au fort de l’Étoile.
Ajourner la construction de la chaussée semblable à celle faite dans la rue de la Toppa. Il suffit d’en faire une très-petite partie qui a été défaite près de l’hôpital. Le percement de la rue de la porte de Terre a été fait par l’officier du génie. Enfin je désire avoir le détail de l’article de 15,000 francs. Faites refaire l’état et présentez-le-moi avec les modifications que j’ai indiquées.
Porto-Ferrajo, 24 juillet 1814
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, donnez l’ordre à l’Abeille de partir cette nuit, si le temps est convenable, pour se rendre à Civitavecchia. Elle portera des lettres pour le consul de Naples et le cardinal Fesch.
Écrivez au cardinal que nous apprenons que Madame n’est pas partie sur la frégate le Curaçao; que vous envoyez un aviso prendre ses bagages et avoir de ses nouvelles ; que, si elle vient à Piombino, comme on dit qu’elle en a le projet, elle n’aura que deux lieues de traversée. Dites-lui que mon brick est à Gênes, d’où il doit revenir dans peu de temps, et que, si on sait où Madame doit s’embarquer, on le lui enverra.
Recommandez au cardinal de répondre sur-le-champ, afin que l’Abeille puisse apporter la réponse et se charger de tous les domestiques et effets de Madame, à Civitavecchia.
Vous recommanderez à l’Abeille de ne pas rester plus de deux ou trois jours à Civitavecchia, et vous lui donnerez pour instruction de prendre tous les renseignements qu’elle pourra se procurer sur le voyage de Madame et de la princesse Pauline.
Napoléon.
- S. Que, si elle était à Piombino, une belle embarcation ira la prendre.
Porto-Ferrajo, 24 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, le devis pour la Madone de Marciana se divise en deux, 300 francs pour la maçonnerie et 490 francs pour fournitures de fenêtres, portes et ferrures. Il y manque des jalousies et des tringles pour rideaux. J’accorde 300 francs pour la maçonnerie. Prendre au magasin du génie et à Saint-Martin les portes, fenêtres, jalousies, serrures et ferrures dont on aura besoin. Tout ce qui est relatif à la sacristie et au rez-de-chaussée sera ajourné. Faites donc choisir tout ce que les magasins peuvent fournir et envoyez cela demain matin à Marciana par terre. Il faudrait que tout fût terminé lundi prochain. Écrivez au maire et au curé de Marciana pour mettre ce bâtiment à la disposition de l’architecte.
Porto-Ferrajo, 27 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, je me décide à aller le 1er août à Marciana. Il est nécessaire que pendant mon absence on élève ma maison, afin que, l’Impératrice venant, son logement soit prêt. Il y aura donc à faire les travaux suivants : peindre les portes, les fenêtres et châssis, blanchir et arranger la façade à l’intérieur, mettre en couleur tous les pavés, faire faire le plafond de la galerie, élever le bâtiment du milieu, et faire faire les plafonds à toutes les pièces d’en haut. Faites faire le devis de tout cela demain, et qu’on arrête définitivement le plan, de manière que tout soit terminé le 15 août. Pendant mon absence, on élèvera le pignon de la salle de spectacle sur le jardin et on pavera en marbre le devant de la maison.
Porto-Ferrajo, 28 juillet 1814.
Au général comte Bertrand, grand-maréchal du palais.
Monsieur le Comte Bertrand, j’entretiens trois bâtiments qui ont chacun 16 matelots, et un brick qui en a 60. Cet état de marine est nécessité par le besoin d’avoir un bâtiment qui surveille les côtes de Pile et en éloigne les corsaires algériens.
Je pense qu’il serait nécessaire d’avoir deux bâtiments de 50 à 100 tonneaux qui puissent servir à faire les évacuations de Porto-Longone à Porto-Ferrajo, et qu’on enverrait à Gênes, à Civitavecchia ou à Livourne, pour rapporter tout ce dont nous pourrions avoir besoin. Cela mettrait en outre à ma disposition une centaine de matelots qui pourraient, en cas d’événement, armer le brick et une grande chaloupe, et m’être même très-utiles dans l’état ordinaire. Je désire donc que vous ayez une conférence avec le commissaire de marine et le capitaine du port, pour savoir quelle espèce de bâtiment serait le plus convenable pour mon projet, et si on en trouverait à acheter dans l’île. Il ne serait pas nécessaire qu’ils fussent neufs ; il les faudrait seulement en bon état. Aussitôt que j’aurais ces bâtiments, j’y verserais l’équipage de la Mouche et de l’Abeille, et je les emploierais à l’évacuation de l’artillerie de Porto-Longone. Je crois cet objet assez pressant.