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Campagne des Autrichiens contre Murat en 1815

Joachim MuratJoachim Murat

[1]V** C** de Br, témoin oculaire.

Depuis le 21 mars, commencement des hostilités, jusqu’au 10 avril, où les Autrichiens reprennent l’offensive.

Murat, par des efforts extraordinaires, avait porté ses forces à plus de 70,000 hommes. Il avait créé l’armée qui devait, sous ses ordres, lutter victorieusement contre les troupes aguerries de l’Autriche. Elle était bien équipée, bien exercée, et d’une excellente tenue ; mais elle n’avait point ce caractère moral, qui repose sur la confiance et sur l’amour de la patrie et qui peut soutenir l’épreuve de l’adversité. Elle comptait dans ses rangs plus de deux mille anciens militaires étran­gers, de différents grades, la plupart Français, qui par leur exemple devaient exciter le courage des nouvelles levées, et les guider par leur longue expérience.

L’armée napolitaine était composée de six di­visions, dont trois étaient sous le commandement immédiat du roi, et avaient pour chefs le général Ambrosio, son plénipotentiaire, revenu depuis peu de Vienne, et les généraux Lecchi et Carascosa, faisant ensemble 33,250 hommes d’infan­terie et 2,400 chevaux. Les trois autres étaient sous les ordres des généraux Livron, Pignatelli et Pignatelli-Cerchiara, et fortes de 30,750 hom­mes d’infanterie et 1,100 chevaux, avec une réserve de .500 hommes.

Tout était prêt pour commencer la guerre ; l’armée était rassemblée dans les Marches ; aussi, après que la réussite de la téméraire entreprise de Bonaparte paraissait hors de doute, Murat ne tarda pas à commencer les hostilités. Sans aucune déclaration de guerre, il s’avança, le 28 mars, avec les trois divisions Carascosa, Ambrosio et Lecchi, sur Catholica, où se trouvaient les premiers postes autrichiens, tandis que les trois
autres divisions pénétraient en Toscane.

Le général Steffanini qui commandait les for­ces autrichiennes dans les Marches, n’y avait que 3 bataillons d’infanterie, 1 de chasseurs, 4 escadrons de cavalerie et une batterie, formant un total de 4,600 hommes, et 6 bouches à feu. Déjà à cette époque on était persuadé au grand quartier-général autrichien que la guerre était inévitable, et toutes les mesures furent prises secrètement, et avec une étonnante activité, pour accueillir Murat comme il le méritait.

Le 19 mars, le feld-maréchal, comte de Bellegarde, expédia le capitaine de Weingarten, of­ficier distingué de l’état-major-général, avec les ordres et les instructions définitifs pour le géné­ral Steffanini, pour être prêt à tout événement. Cet officier fut en même temps chargé de lever et de compléter la reconnaissance des passages importants du Crostolo, de la Secchia, du Panaro et du Ronco. Le 20, on vit passer à Bologne le pape et la famille d’Espagne, qui se réfugiaient à Gênes. Le grand-duc de Toscane était parti le même jour de Florence pour aller résider à Livourne.

Vincenz Ferrerius Frederico Bianchi Duc de Casalanza
Vincenz Ferrerius Frederico Bianchi Duc de Casalanza

Le 22, le général Steffanini fut informé, au moment de l’arrivée du général Bianchi, par un rapport du colonel Gavenda, qui comman­dait les avant-postes autrichiens, que l’armée napolitaine venait de commencer les hostilités, sans déclaration de guerre, et qu’elle s’avançait sur Rimini. A la réception de cette nouvelle im­portante, le général Steffanini expédia aussitôt le capitaine baron de Constant-Villars, en cour­rier, au feld-maréchal Bellegarde, et le chargea en même- temps de dépêches pour la cour de Modène, qui dût abandonner momentanément ses états. On donna à cet officier l’ordre de pré­venir les troupes qu’il trouverait en garnison sur la route de Milan, de se tenir prêtes à mar­cher dans les 24 heures. En même temps le capitaine Lebreux fut chargé de notifier. À Élise Bacciochi, sœur de Bonaparte, qui se trouvait depuis longtemps à Bologne, l’ordre de quitter cette ville dans l’après-midi, pour se rendre dans les états autrichiens. Elle s’opposa d’abord ou­vertement à cet ordre, déclarant qu’on ne la conduirait pas vivante en voiture, et exigeant au moins un délai de trois jours. Le général Steffanini se rendit alors lui-même auprès d’elle, lui expliqua, avec beaucoup de patience, de fermeté et d’égards, les raisons qui exigeaient son prompt départ, et lui remit une lettre du prince de Metternich, qui lui laissait le choix de la ville des états autrichiens qu’elle préférerait habiter. Élise, voyant échouer tous ses plans, lut cette lettre avec une fureur concentrée, et en trépignant des pieds; cependant, après quelques représentations, elle finit par céder, et partit dans l’après-midi, sous escorte, pour les états autrichiens.

Les forces que l’Autriche avait alors en Italie, étaient trop peu considérables pour couvrir le Piémont contre la France, pour occuper les nombreuses forteresses et grandes villes d’Italie, et pour s’opposer, en même temps, avec succès aux Napolitains. Des renforts de troupes étaient ce­pendant en marche, et le commandant en chef, le général de cavalerie baron de Frimont, résolut en conséquence de se tenir sur la défensive jusqu’à leur arrivée , en se bornant à la défense de la citadelle de Ferrare et des têtes de pont, sur le Pô, d’Occhiobello et de Borgoforte.

Par cette position judicieusement choisie, le général autrichien débordait le flanc droit, et menaçait les communications et la ligne de re­traite de Murat, dès que ce dernier hasarderait de dépasser la ligne du Panaro, et il se conservait par ce moyen le retour à l’offensive, à l’arrivée des renforts attendus.

Conformément à ce plan, le général de cava­lerie donna l’ordre :

1° Au général baron de Lauer, d’occuper la citadelle de Ferrare, et de s’y défendre, en cas d’attaque, jusqu’à la dernière extrémité ; de pe­tits détachements envoyés à la rencontre de l’en­nemi, devaient observer sa marche et l’avertir à temps de son approche.

2° Le lieutenant-général Bianchi, qui, sans appartenir à l’armée d’Italie, se trouvait à Bologne, pour affaires de service, fut chargé de ras­sembler les troupes qui se trouvaient dans les Marches, sous les ordres du général-major Steffanini, et de les conduire à leur destination, en arrière du canal de Bentivoglio et en avant de Borgo-Forte , en évitant tous combats inutiles.

3° Le lieutenant-général baron Mohr fut ap­pelé à se rendre, par des marches forcées, à Occhiobello, pour y prendre le commandement de ce poste.

4° Le commandant en chef envoya le lieute­nant-général comte Nugent, avec deux batail­lons de fusiliers, un de chasseurs, et deux et un quart d’escadron de hussards, dans les Apennins, pour s’y joindre aux garnisons autrichiennes de Lucca et de Piombino, ainsi qu’aux troupes tos­canes, afin de s’opposer aux divisions ennemies des généraux Livron et Pignatelli.

5° Pour assurer la communication avec le lieu­tenant-général comte Nugent, le château Bardi, sur le chemin de Plaisance à Pontremoli, fut occupé par 200 hommes, et approvisionné pour six semaines.

6° La garnison de Plaisance fut renforcée, et elle reçut l’ordre d’entretenir, par des détachements envoyés en avant, la communication avec le feld-maréchal-lieutenant Bianchi.

7° Près de Valence, le commandant en chef fit jeter un pont sur le Pô, afin de pouvoir, en cas de besoin, se joindre promptement, ou se faire joindre, aux troupes piémontaises rassemblées à Alexandrie ; des courriers furent expédiés aux ren­forts venant des états héréditaires, avec l’ordre d’accélérer leur marche, pour laquelle les vivres et les moyens de transport étaient déjà préparés.

8° Toutes les autres troupes disponibles fu­rent portées entre Casalmaggiore et Borgoforte, prêtes à se concentrer sans délai, là où les évènements l’exigeraient.

Murat était entré, sans trouver de résistance, dans Rimini, d’où il avait publié une proclama­tion, par laquelle il s’annonçait être venu comme le libérateur des peuples d’Italie, en les appelant à se soulever pour reconquérir leur indépen­dance ; mais cette proclamation resta sans effet, et fut accueillie, comme elle le méritait, par les Italiens.

Après quelques légers combats d’avant-postes, les Napolitains occupèrent Bologne, et s’avancèrent sur le Panaro, où ils trouvèrent le lieute­nant-général baron Bianchi, qui en occupait la rive gauche avec six bataillons et huit escadrons et était disposé à leur en disputer le passage. Le 4 avril, les Napolitains, au nombre d’environ 16,000 hommes, le tentèrent et furent d’abord repoussés sur tous les points, après un combat opiniâtre, mais le hasard voulut que la compa­gnie qui occupait les tours du pont de pierre, les quitta, par un malentendu, pour aller se placer sur l’autre rive des deux côtés du pont; les Napolitains, profitant aussitôt de cette faute, forcèrent alors le passage. Ce combat leur coûta plusieurs de leurs meilleurs soldats, et ils eurent entr’autres à regretter la perte du général Filangieri, officier distingué, qui y fut blessé à mort.

Le lieutenant-général Bianchi, conformément à ses instructions, continua sa retraite jusques derrière le canal de Bentivoglio vers Borgoforte, et ce ne fut que lentement et avec hésitation que les Napolitains le suivirent jusqu’à Modène et Carpi. Murat sentit que la position prise par les Autrichiens paralysait tous ses mouvements ulté­rieurs sur Milan, et qu’il devait avant tout porter des coups décisifs sur le Bas-Pô. Son armée  s’avança en conséquence sur Borgoforte, et oc­cupa cette ville après que le détachement autri­chien se fut replié, en combattant l’avant-garde ennemie, dans la citadelle. Le 8, Murat fit attaquer la tête de pont d’Occhiobello, mais quoique celle-ci fut d’une faible construction, et que les ouvrages ne fussent pas encore achevés, les Napolitains, malgré tous leurs efforts, furent vigoureusement repoussés par les troupes sous les
ordres du général Mohr.

L’armée autrichienne avait ainsi exécuté, le 7 d’avril, son mouvement de concentration sur la rive gauche, du Pô, sans qu’il fût possible à Murat, d’entamer aucun des faibles corps isolés et disséminés dans les Marches, la Toscane et l’Italie, au moment où il avait commencé les hostilités. Il avait même échoué dans son atta­que, entreprise avec des forces supérieures sur Occhiobello, ses divisions sous les ordres des gé­néraux Livron et Pignatelli n’avaient pas été plus heureuses dans leur tentative d’éloigner le général Nugent des environs de Pistoja, pour s’ouvrir une communication sûre avec Bologne. Après un combat qui dura huit heures et qui fut très-sanglant, ils se virent forcés de se re­plier sur Florence. Ce fut le premier revers qu’éprouvèrent les armes napolitaines. L’armée de Murat se trouvait à cette époque, avec son avant-garde de l’aile droite, devant Ridine et Occhiobello ; celle du centre était à Reggio; et celle de son extrême gauche, en avant de Florence, à Prato sur la route de Pistoja.

Après ces premiers échecs, Murat commença à entrevoir combien son entreprise était délicate et hasardée. Le peuple italien avait répondu à l’appel énergique du feld-maréchal Comte de Bellegarde; loin de se déclarer pour Murat, on s’était levé contre lui en Toscane. Les déclara­tions de lord William Bentinck ne lui laissaient aucun doute sur les intentions de l’Angleterre, et les forces des Autrichiens s’augmentaient journellement ; il se vit alors forcé de songer à faire sa retraite en bon ordre, derrière ses frontières, qui offrent des positions presque inexpugnables.

Depuis le 4 avril, où les Autrichiens prennent l’offen­sive, jusqu’au 17 avril, où l’armée autrichienne se trouve concentrée à Bologne,

Le général eu chef baron de Frimont s’occu­pait, en attendant, de toutes les dispositions né­cessaires pour pouvoir prendre l’offensive, dès que tous les renforts qu’il attendait de l’intérieur, et dont les premiers détachements avaient déjà atteint Vérone, seraient arrivés. Son in­tention était de rassembler alors son armée der­rière le canal de Bentivoglio, et il résolut, en at­tendant ce moment, tant pour gagner du ter­rain que pour faciliter la jonction des troupes, de s’emparer de la ville de Carpi, située à deux lieues au Nord de Modène. Il en confia l’exécution au général Bianchi.

Ce général attaqua, le 11 avril, cette ville entourée de hauts murs et défendue par la brigade Pepe, et s’en rendit maître après un combat très-opiniâtre. Les Napolitains se replièrent derrière la Secchia, et l’avant-garde autrichienne avança jusqu’à cette rivière. En même temps, le général de cavalerie baron de Frimont avait donné l’ordre au lieute­nant-général Mohr de déboucher de la tête du pont d’Occhiobello, pour porter des secours à la citadelle de Ferrare, et assurer par là plus efficacement le flanc gauche de la position de l’armée.

La brigade d’infanterie d’Haugwitz re­çut l’ordre de se porter à Occhiobello, pour sou­tenir le général Mohr, et le 12 avril était des­tiné pour l’exécution de cette entreprise. Le général en chef arriva ce jour auprès du lieute­nant-général Bianchi à Carpi, avec le chef de son état-major, le colonel Kudelka, afin de fa­ciliter, par une diversion, les opérations du lieutenant-général Mohr. Celui-ci sortit de la tête de pont le 12 au matin, et repoussa les Napolitains jusqu’à Casaglia. Mais comme la bri­gade Haugwitz ne put arriver que pendant le combat, on dut remettre l’attaque décisive jusqu’au lendemain. Les Napolitains ne l’attendirent point : ils se retirèrent pendant la nuit et les Autrichiens marchèrent, sans éprouver les moindres obstacles, sur Ferrare, et y rétablirent la communication avec la citadelle.

La marche du lieutenant-général Bianchi sur la Secchia, donna à Murat des inquiétudes pour son aile gauche. Il fit replier, dans la nuit du 12 au 13, ses troupes derrière le Podi volano et le Panaro, et occupa avec de forts détachements Bondeno et Finale, petites villes situées sur cette dernière rivière.

En recevant la nouvelle de ces mouvements et celle que Murat concentrait ses forces près de Bologne, le général de cavalerie baron de Frimont espérait que les Napolitains , en restant dans cette position , lui donneraient l’occasion de pouvoir les y attaquer , et leur livrer une bataille décisive. Le général de cavalerie le dé­sirait d’autant plus qu’il se serait trouvé, par là dans le cas de pouvoir remplir entièrement les instructions qu’il avait reçues du feld-maréchal, prince de Schwartzenberg, généralissime de tou­tes les armées autrichiennes , et qui lui enjoi­gnait d’engager, s’il était possible, une affaire décisive avec les Napolitains, aussitôt que les renforts seraient arrivés, afin de terminer rapi­dement la campagne.

Le général en chef prit toutes les dispositions nécessaires pour la bataille qu’il espérait pou­voir livrer près de Bologne. Toutes les troupes dont on pouvait se passer sur la ligne du Pô, furent réunies aux renforts qui venaient d’arri­ver. On en forma une division sous les ordres du lieutenant-général comte de Neipperg, qui poussa, le 13, jusqu’à Carpi.

Le général Neipperg
Le général Neipperg

Le même jour, une réserve de 8 bataillons hongrois et de 8 esca­drons de hussards, sous les ordres du général de Best, prit position près de Campagnola, à trois lieues en arrière de Carpi, sur la route de Guastalla. Le 14 i le lieutenant-général comte de Neipperg s’avança jusques sur la Secchia, le général de Best jusqu’à Carpi.

Le lieutenant-général Bianchi s’était pendant ce temps porté, le 13, au Sud de Modène jusqu’au Panaro.

Le 14 il fit traverser ce fleuve aux hussards, pour attaquer l’arrière-garde napolitaine campée près de Spilimberto, et ordonna au général Senitzer de passer cette rivière plus haut, près de Vignola, avec deux bataillons et un escadron, et d’entamer la gauche de l’ennemi. L’attaque réussit complètement, le camp de Spilimberto fut dispersé, et l’on prit beaucoup de bagages. Le général Carascosa, qui commandait l’arrière-garde ennemie,  n’attendit point une nouvelle attaque. Il se retira dans la nuit du 14 au 15 derrière le Reno, et le 16 plus loin jusqu’à Imola sur le Santerno. Le 15, le lieutenant-général Bianchi avança jusqu’à Samoggia, situé sur la rivière de ce nom. Il arriva le 16 à Bologne où les divisions Neipperg et de Best suivirent, et où le lieutenant-général Mohr, que nous avons laissé à Ferrare, et dont la marche avait été entravée par la destruction des ponts; dé Malalbergo et de Cento que les Napolitains avaient démolis en se retirant, y arriva également le 17 par la route de Malalbergo.

Le lieutenant-général Nugent qui observait en Toscane les divisions Livron et Pignatelli, envoya le rapport que l’ennemi avait quitté Flo­rence le 15, pour prendre la route de Foligno. La retraite imprévue de Murat paraissait faire évanouir l’espérance de voir la guerre se termi­ner rapidement, il y avait dès lors à crain­dre qu’elle traînerait en longueur, sans présen­ter une nouvelle occasion pour livrer une ba­taille décisive ; ce qui était d’autant moins à dé­sirer, que les nouvelles arrivées au quartier-général , du Midi de la France, annonçaient combien la cause des Bourbons avait pris une tournure défavorable et contenaient des détails sur le rassemblement de troupes françaises réunies près de Lyon, sous les ordres du Maréchal Suchet, pour agir effectivement contre le Piémont,

Suchet
Le maréchal Suchet

Dans cet état de choses, le général en chef, ayant acquis, à son arrivée à Bologne, la certitude que Murat se retirait, avec toute son armée, sur la route par Imola vers Ancône, résolut d’essayer de tourner le roi, afin de le devancer à la hauteur d’Ancône et de le forcer, ainsi à s’arrêter et à livrer bataille.

Voici le plan d’opération qui fut alors arrêté : le total de l’année autrichienne destinée à agir contre Murat, présentait alors ( voyez le tableau ci-joint), 29,574 fantassins, 2,939 chevaux et 60 bouches à feu ; le lieutenant-général Neipperg avait sous ses ordres les trois brigades Geppert, Lauer et Haugwitz ; le lieutenant-général Bianchi, les deux division Mohr et Eckardt, formées des quatre brigades Starhemberg, Senitzer, Eçkardt et Taxis, et une 3e division détachée sous les ordres du comte Nugent.

L’ar­mée napolitaine, sous les ordres immédiats de Murat, était alors déjà fort diminuée, mais pré­sentait toujours un total de 30.250 fantassins, 2,400 chevaux et 72 bouches à feu.

Le lieutenant-général Bianchi reçut l’ordre de se rendre, par des marches forcées, à Foligno, en passant par Florence et Peruggia , avec 12 bataillons , 10 3/4 d’escadrons, 28 bouches à feu et une compagnie de pionniers, ensemble

10.308 hommes d’infanterie et 1,167 chevaux, afin de gagner les défilés qui conduisent à Fanno et Loretto, par les Apennins., Le lieutenant-général Neipperg fut destiné, avec 14 batail­lons, 9 escadrons, 20 bouches à feu et une com­pagnie de pionniers, 14,175 hommes d’infanterie et 1,291 de cavalerie, à suivre l’armée napo­litaine sur la route d’Ancône, à veiller sur ses mouvements et à lui faire perdre du temps par de fausses attaques. Pour soutenir ce général, qui suivait l’armée napolitaine, supérieure du double en forces, le général de Best fut posté momentanément entre Bologne et Ravenne, avec ses 8 bataillons, 8 escadrons et 2 batteries, qui appartenaient au corps de la grande armée et étaient destinés aux opérations contre la France.

Par ces dispositions, le général en chef comp­tait pouvoir devancer l’ennemi vers Loretto et lui couper la retraite, ou au moins l’empê­cher de prendre la route de Foligno, ce qui ne lui laisserait d’autre ressource que de prendre le chemin extrêmement mauvais et difficile qui conduit de Loretto à Popoli, et, dans ce cas, il était à supposer qu’on aurait le temps et l’occasion de l’attaquer et de le disperser pendant sa marche. En cas où Murat réussirait, contre toute apparence, à atteindre les frontières de ses états, le lieutenant-général Bianchi ne devait envoyer sur ses derrières que de petits détachements, et attendre des ordres ultérieurs, que la nouvelle tournure que la guerre pren­drait vraisemblablement alors, pourrait nécessiter.

Ce plan, qui fut, comme nous le verrons, couronné du plus brillant succès, grâce à l’activité et l’énergie peu commune que déploya le général Bianchi, et à la bravoure des troupes qui étaient sous, ses ordres, était cependant à mon avis défectueux. On opérait sur deux lignes d’opérations extérieures, tandis qu’on lais­sait à l’ennemi l’inappréciable avantage d’avoir, aussitôt qu’il voulait reprendre l’offensive, une ligne d’opération simple.

La direction donnée par le général Frimont à ses deux corps d’armée, pour opérer simultanément sur un objectif (Loretto et Ancône ) à plus de 60 lieues de leur point de départ, est, selon moi, une de ces opérations qu’on peut classer parmi les manœuvres trop étendues; manœuvres où il faut un concours rare d’heureuses circonstan­ces pour réussir, et où l’ensemble, l’exactitude des calculs, et la protection réciproque des deux grandes masses manquent presque toujours. Ce n’est que dans le cas où chaque corps d’armée isolé a la certitude de pouvoir seul combattre l’ennemi avec des forces à peu près égales, qu’on peut suivre un pareil plan d’opération. Encore faut-il faire entrer en ligne de compte la nature du pays, et ne point oublier que ces deux corps se trouvaient, par la direction qu’on leur avait donnée, séparés par les hautes et, pour la plupart, impraticables montagnes de la chaîne des Apennins.

Le lieutenant-général Neipperg se trouvait donc seul, avec 15,000 hommes, chargé de la commission délicate, de suivre et de contenir toute l’armée de Murat de près de 35,000 hommes, tandis que le général Bianchi, avec ses 11,000 hommes et le corps du comte Nugent de 3,000 hommes, en marche de l’autre côté des Apennins, se trouvaient hors d’état de venir à temps à son secours, en cas d’attaque. Murat aurait eu 99 chances pour lui, s’il avait pris la résolution de resserrer spontanément son offen­sive, pour se porter sur le corps de Neipperg, comme le plus voisin, afin de l’écraser avec toute la supériorité de ses forces concentrées ; puis il devait se tourner, avec cette même vigueur et célérité, sur le corps de Bianchi, dès lors isolé, pour lui préparer un pareil sort, et rappeler le principe trop souvent oublié : que l’on ne prend l’ ennemi entre deux feux, que sur le champ de bataille même, et que tout autre adoption et extension de cette phrase n’a presque toujours entraîné qu’à de faux calculs et à des erreurs très-préjudiciables.

Les mesures habiles et énergiques que le lieu­tenant-général comte de Neipperg sut prendre, la brillante réputation que sa bravoure et ses talents lui avaient déjà acquise dans les nombreuses campagnes où il avait constamment déve­loppé d’éminentes qualités, en imposèrent à Murat, qui, forcé enfin, comme nous le verrons, à livrer la bataille de Tolentino, échoua dans son entreprise, par la valeur des troupes et par les énergiques et savantes dispositions du général Bianchi, qui y acquit une gloire justement mé­ritée et à jamais mémorable.

Murat prouva dans cette campagne qu’il était excellent soldat, plein de bravoure et d’intrépidité, mais qu’il n’avait aucune des qualités qui constituent le général. Il ne sut point profiter des avantages de sa position, et il dut beaucoup se repentir de la faute grave qu’il avait commise de n’avoir pas fait occuper en force, et plus à temps, les deux débouchés de l’Apennin, de Florence et Pistoja.

Mais reprenons le fil des évènements dans le chapitre suivant.

Du 17 avril où l’armée autrichienne se sépare à Bolo­gne en deux corps d’armée, jusqu’à la bataille de Tolentino, le 3 mai.

Nous avons laissé, à la fin du troisième chapi­tre, l’armée autrichienne réunie, le 17 avril, à Bologne ; le corps de Nugent, à Pistoja ; l’ar­mée de Murat, à Imola ; et les divisions de Livron et de Pignatelli venant de quitter Flo­rence.

Le 17, les mouvements qui amenèrent d’aussi brillants résultats commencèrent. L’avant-garde de la colonne du général Bianchi marcha jus­qu’à Lojano, celle de la colonne Neipperg sous le général Geppert jusqu’au château St-Pietro, sur la rive gauche du Silano, le général Nugent était arrivé le 16 de Pistoja à Florence, un de ses détachements, sous les ordres du major d’Aspre, avait occupé le 17 Filigne, un second dé­tachement, Tavernelle.

Après huit jours de marches des plus fatigantes et des plus, difficiles, le général Starhemberg, commandant l’avant-garde du corps de Bianchi, était arrivé le 23 à Cortona, sans rencontrer l’ennemi. Le général Bianchi était parvenu jusqu’à Arrezzo.

Le général Nugent se trouvait à Bolsena, son avant-garde a Monte-Fiascone; un de son corps était à Vilerbo sous le major Flette: le détachement du major d’Aspre avait rejoint
son corps à Bolsena.

Le général napolitain Livron, qui se trouvait à cette époque, à Peruggia, continua sa retraite sur trois colonnes ; l’une, composée pour la plus grande partie d’infanterie sans artillerie , se di­rigea sur Gubbio, la seconde par Assisi, sur Norcera, la colonne principale, composée, pour la plupart de cavalerie et d’artillerie, marcha sur Foligno.

Le général Bianchi, arrivé le 23 à Arezzo, y reçut dans la soirée la nouvelle que le général Livron avait évacué Peruggia, pour aller se joindre à l’armée, de Murat, au-delà du Furlo. La communication avec le lieutenant-général Neipperg était alors ouverte par Pieve St.-Stefano et Pieve di Bagno, et on avait reçu par ce canal la nouvelle du passage du Ronco, si bril­lamment effectué.

Le général Nugent reçut l’or­dre du lieutenant-général Bianchi de n’envoyer qu’un fort détachement vers Rome, mais de marcher avec toutes les autres troupes de Viterbo à Foligno, par Terni, et de se joindre à lui. Le 24, le général Starhemberg s’avança avec l’avant-garde sur la route de Peruggia jus­qu’à Magiove.

Pour observer le général Livron, une compagnie de chasseurs et deux de fusiliers, avec une escouade de hussards, sous le capitaine Muhlwerth de l’état-major général, se mirent en marche de Cortona sur Gubbo. Le 26, le général Starhemberg, arriva à Foligno. De faibles détachements furent envoyés en avant vers Servovalle et Nocera, avec l’ordre de patrouiller dans la direction de Tolentino et de Fabriano. Le capitaine Muhlwerth avait occupé Fabriano et Scheggia; près du dernier endroit, il avait joint l’arrière-garde de l’ennemi, et lui avait fait plusieurs prisonniers.

Le général Gepperg, qui commandait l’avant-garde du lieutenant-général Neipperg, passa le Santerno le 18. Les Napolitains avaient quitté Imola pendant la nuit. Pressés par la marche rapide des Autrichiens, ils abandonnèrent éga­lement, le 18 au soir, Faenza qui fut aussitôt occupé par le onzième bataillon de chasseurs. Le 19, le général Geppert trouva l’arrière-garde napolitaine rangée en bataille, en avant de Forli, mais lorsqu’elle vit que les troupes autrichiennes s’avançaient pour l’attaquer, elle évacua la ville après n’avoir fait que peu de ré­sistance, et se retira derrière le Ronco, dont ­elle détruisit la plus grande partie du pont.

Murat avait l’air de vouloir défendre sérieusement le passage de cette rivière. La division Lecchi était en bataille sur la rive droite; les deux divisions Ambrosio et Carascosa se trouvaient derrière le Savio dans une forte position qu’on avait commencé à retrancher. Murat avait dit en public à Forli « qu’il accepterait la bataille » près de Césène, après quoi, quelle qu’en fût d l’issue, il se replierait, par Catholica, jusques derrière ses frontières, et qu’il offrirait un armistice, tant afin de ne pas avoir l’apparence de faire cause commune avec Napoléon, que pour abandonner les peuples d’Italie qui s’étaient montrés indignes d’être délivrés. » La position et l’attitude de l’armée napolitaine ve­naient à l’appui de ce discours. L’armée napo­litaine resta dans l’inaction pendant deux jours, ce qui prouve que Murat n’était nullement instruit de la marche du lieutenant-général Bianchi, qui devait lui devenir si funeste.

Le lieutenant-général Neipperg vit avec plaisir le retard que mettaient les Napolitains dans  leur marche rétrograde, puisque cela favorisait la réussite de la marche du corps de Bianchi, et il n’eut donc point à se presser pour les for­cer à lui céder le terrain. Cependant, d’un autre côté, il devait surveiller de près leur ar­rière-garde, afin qu’elle ne lui masquât pas trop les mouvements de l’armée, qui dans ce cas au­rait pu se porter, avec l’ensemble de ses forces, contre la colonne du général Bianchi ; et, en l’écrasant, avec toute la supériorité de ses for­ces, faire échouer tout le plan.de campagne.

Cette dernière considération détermina le lieutenant-général Neipperg de tenter le passage du Ronco de vive force, afin de s’assurer de la force et des desseins de l’ennemi. Douze pièces de canon commencèrent vers midi leur feu sur la division du général Lecchi, postée sur l’autre rive, pour protéger une partie du onzième bataillon de chasseurs, qui se jeta dans cette rivière large et rapide et la traversa, non sans grand danger, ayant l’eau jusqu’à la ceinture, afin de pousser les tirailleurs ennemis, et protéger l’ouvrage du capitaine Felsch, qui, avec sa compagnie de pionniers, s’efforçait de jeter un pont.

Aussitôt que la cavalerie napolitaine aperçut les chasseurs autrichiens sur la rive droite du Ronco, s’avançant sur la route de Forlimpopoli, elle se mit en mouvement pour les attaquer et les repoussa jusqu’à la rive droite du Ronco. Voyant le danger qui les menaçait, le général Geppert, avec le colonel, comte de Zichy, des hussards de Lichtenstein, traversè­rent sans perte de temps, avec la plus grande partie de l’avant-garde, la rivière, et formèrent avec ces troupes que rien n’intimidait, une soi-disant tête de pont vivante, sur l’autre rive : malgré les attaques réitérées de l’ennemi, il ne put réussir à l’entamer et ce fut sous cette protection, nonobstant le feu très-vif de l’ennemi, et les grands obstacles que le courant rapide du torrent augmentait, que le pont fut achevé vers huit heures du soir.

Le lieutenant-général Neipperg fit alors passer le Ronco au reste de l’avant-garde, avec un bataillon de Spleny et un batail­lon de Wiedrunkel, et donna ordre au général Geppert d’attaquer Forlimpopoli. Le général Lecchi avait rassemblé ses troupes devant cet endroit et attendait les Autrichiens de pied ferme. Le onzième bataillon de chasseurs, sous le ma­jor Ensch, le bataillon St. Julien, sous le lieu­tenant-colonel Longueville , le bataillon Wiedrunkel, sous le major Zajatschik, s’avancèrent contre lui, sous le commandement du général Geppert, en masse et au pas de charge.

Les hussards de Lichtenstein et ceux du prince-régent couvraient les flancs des attaquants. L’infanterie napolitaine fit d’abord très-bonne con­tenance, mais lorsqu’elle vit que les Autrichiens avançaient avec intrépidité, malgré le feu vif et bien nourri de leur artillerie et infanterie, elle commença à s’ébranler.

Murat, accouru de Césène à la première nouvelle de l’attaque des Autrichiens, ordonna dans ce moment critique à deux régiments de lanciers bien montés, d’enfoncer la cavalerie autrichienne et de se jeter ensuite sur les masses de l’infanterie. La cavalerie napolitaine s’avança en forte colonne; mais à peine les deux chefs d’escadron Hartig et Gomory des hussards du prince-régent et de Lich­tenstein aperçurent le mouvement et l’inten­tion de l’ennemi, qu’ils se jetèrent sur lui, avec une rare intrépidité, l’enfoncèrent et le disper­sèrent en peu de minutes.

L’infanterie napoli­taine commença aussitôt avec précipitation sa retraite sur Forlimpopoli, qui fut emporté d’as­saut par l’avant-garde du général Geppert. La nuit fit cesser ici le combat. Le général Lecchi se replia dans la forte position de Césène sur la rive droite du Savio et ne laissa qu’un faible détachement sur la rive gauche.

L’issue du combat du Ronco fit renoncer Murat à l’idée de livrer une bataille dans la position choisie et préparée d’avance près de Césène, et il résolut de négocier un armistice. Il envoya le 22 au matin un de ses aides-de-camp avec une lettre adressée au général en chef, et signée de son chef d’état-major Millet de Neuville, dans laquelle il cherchait à justifier sa conduite précé­dente, en terminant par l’offre d’un armistice.

Le lieutenant-général Neipperg, qui se trou­vait dans ce moment aux avant-postes congédia l’officier avec la réponse « qu’il ferait parvenir la missive au général en chef, mais qu’il n’en continuerait pas moins les hostilités. » Peu après un autre officier arriva, qui invita Neipperg à une conférence avec Murat aux avant-postes. Le lieutenant-général Neipperg s’en ex­cusa en déclarant : « qu’il ne pouvait s’engager dans aucune conversation avec le général ennemi, avant d’en avoir obtenu la permission de ses chefs. »

Le général Neipperg avait vu par les discours des officiers Napolitains que Murat croyait avoir toute l’armée autrichienne devant lui, et qu’il n’était pas encore instruit des mouvements du lieutenant-général Bianchi.

Dans la nuit du 22 au 23, Murat, voyant qu’il ne pouvait obtenir d’armistice, continua sa retraite sur Rimini, ayant ses avant-postes à Savignano. Ce fut ici qu’il reçut la réponse à la lettre qu’il avait adressée au général en chef. Elle était signée par le chef d’état-major autrichien, le colonel Kudelka. « Ce n’était pas » y disait-on, « par les premiers coups de fusil, mais par l’occupation des légations par la force armée, que l’état de guerre avait été amené.  L’appel daté de Rimini avait suffisamment fait connaître les desseins et les projets du roi. D’après les instructions qu’il avait reçues, le général en chef continuerait donc les opérations avec vigueur, sans en interrompre le cours par un armistice. »

Sur ces entrefaites, le général de cavalerie ba­ron de Frimont avait été informé, par le lieutenant-général Neipperg, que l’ennemi avait pris position et s’était rangé en bataille, résolu, à ce qu’il paraissait, à attendre l’attaque. Sur cette nouvelle, le général Frimont partit de Mantoue le 26, pour se rendre auprès du lieute­nant-général Neipperg.

En passant à Bologne, il y reçut une lettre de ce général, datée de Césène le 26 avril, et qui marquait que le roi se trouvait toujours vis-à-vis de lui en position, avec environ 24,000 hommes. Le général de cavalerie avait résolu d’attaquer le roi le lendemain, et il envoya en conséquence l’ordre à la réserve, sous les ordres du général de Best, de se mettre, sans perte de temps, en marche pour Césène.

Le lieute­nant-général Bianchi fut informé du séjour que faisaient les Napolitains et du dessein de les at­taquer; il reçut en même temps l’ordre de continuer ses mouvements d’après le premier plan. Pour sa réussite, le séjour de l’ennemi près de Rimini ne pouvait être que favorable, et tout ce qui restait à désirer au général en chef, était seulement que l’ennemi ne décampât pas, avant qu’il eût le temps de l’attaquer.

Telle était donc la position des différents corps, le 26 avril. Parvenu à Rimini, le roi Murat était entré dans ce grand et long défilé qui pré­sente tant de positions inexpugnables, et où le flanc droit appuyé à la mer Adriatique, le flanc gauche aux rochers des Apennins, pour la plupart impraticables et le front couvert par une de ces nombreuses rivières ou torrents dangereux, offrait à une arrière-garde la possibilité d’y arrêter avec succès toute une armée, et de masquer ainsi les mouvements de celle dont elle fai­sait partie.

À Rimini, Murat avait ainsi appuyé, le 26, son flanc droit à la mer; son flanc gauche aux hautes montagnes, sur la sommité desquelles se trouve la petite république de St.-Marino, ayant encore à son extrême aile gauche le fort St-Léo, occupé par une faible garnison. Son front était couvert par la Marecchia en avant de laquelle il avait poussé ses avant-postes, vers Savignano.

Dans cet état de choses, il était de la plus haute importance pour les deux généraux autrichiens d’être informés à temps du moindre mouve­ment de Murat, et le général Neipperg devait surtout éviter que le roi de Naples, profitant des fortes positions de son arrière-garde, qu’on n’oserait probablement tenter de forcer de front, ne lui échappât pour se jeter, avec la grande masse de ses forces si supérieures, sur le corps de Bianchi et l’anéantir.

En conséquence, le général Neipperg, pour donner à l’ennemi des inquiétudes pour son flanc gauche, et menacer ses communications entre Rimini et Pesaro, avait, dès le 26, envoyé en partisan le capitaine baron de Constant Villars, du onzième bataillon de chasseurs, vers St.-Léo et St.-Marino , avec une compagnie de chas­seurs, deux compagnies du régiment d’infanterie de Wiedrunkel et un détachement de hussards, avec ordre de tourner le flanc gauche de l’en­nemi, d’avancer dans la direction d’Urbino, et de tâcher d’ouvrir et d’établir plus tard la communication avec le corps du général Bianchi.

Ce capitaine tenta d’abord de s’emparer du fort St.-Léo , mais la faible garnison l’ayant déjà abandonné avec précipitation à la première nouvelle de son approche, il traversa la Marecchia et se dirigea sur la république de San-Marino, qu’il occupa dans la nuit du 27 au 28, où il remit au premier représentant des lettres du général Neipperg , qui assuraient à cette pe­tite république la protection particulière de l’em­pereur d’Autriche.

Le général Neipperg détacha en même temps le major Socher, avec un bataillon de Wiedrunkel et un détachement de hussards, pour se por­ter constamment sur le flanc de l’arrière-garde de l’ennemi, et tourner ainsi les positions qu’elle prendrait.

Le général baron de Frimont vit bientôt s’évanouir l’espoir de pouvoir attaquer l’armée du roi de Naples dans la position de Rimini, en apprenant à son passage à Forli, où la division de Best venait d’arriver, que l’ennemi avait quitté Savignano et Rimini. Le général Frimont ar­riva le 27 au soir à Césène, d’où le lieutenant-général Neipperg s’était mis en marche le ma­tin pour Savignano, et il n’atteignit ainsi que le 28, de bonne heure, la colonne de Neipperg, à Rimini même.

Murat, instruit par un message, qui lui était parvenu dans la journée du 26, du mouvement du général Bianchi, prit la résolution de tour­ner ses principales forces contre la colonne de ce général. Il se mit en marche, le 27, de Ri­mini pour Pesaro, et le lendemain il se fit pré­céder à Sinigaglia par les divisions de la garde, sous les généraux Livron et Pignatelli, qui y étaient arrivés par le Furlo. De cette manière, Murat avait réuni, sous ses ordres immédiats, tous ses corps d’armée.

La division Lecchi fut postée entre Pesaro et Fano; la plus grande partie de la division Ambrosio occupait Fano, Fossombrone et Urbino. Le général Carascosa se trouvait encore dans la matinée de ce jour près de Catholica, avec l’arrière-garde; mais lorsque l’avant-garde autrichienne avança, il se retira vers le soir sur Pesaro, au moment même où le général Frimont venait d’arriver auprès du général Neipperg, aux extrêmes avant-postes.

Le général Neipperg fit aussitôt occuper Catholica, et poussa son avant-garde sur Pesaro, qui joignit et attaqua le général Carascosa entre Catholica et Pesaro. Ce dernier n’atteignit que très-tard, avec ses troupes épuisées de fatigue, cette dernière ville. Le capitaine, comte de Thurn, de l’état-major général, qui était adjoint au chef d’escadron Montbach,  comman­dant l’extrême avant-garde des Autrichiens, ré­solut d’attaquer les Napolitains dans Pesaro même.

Déjà, en avançant sur Rimini le 23, une attaque brusque, en plein jour, sur Cesenatico avait réussi, d’une manière brillante, au major Pirquet, des chasseurs du régiment de l’empe­reur, qui avait fait 300 prisonniers dans cette occasion ; celle des capitaines de Montbach et de Thurn eut un succès tout aussi heureux. Une partie de la division Carascosa, qui, épuisée de fatigue, se gardait négligemment, fut entière­ment mise en déroute par quelques escouades de hussards. Plusieurs autres postes furent cul­butés et se dispersèrent dans les montagnes. On ramena un nombre considérable de prisonniers.

Le général Carascosa eut beaucoup de peine à rassembler ses troupes ainsi dispersées pendant la nuit. Le 29 de grand matin, il continua sa retraite sur Sinigaglia. Le général de cavalerie baron de Frimont avait à présent acquis la certitude qu’il n’y avait plus que la seule division Carascosa d’opposée au lieutenant-général Neipperg, et que les divisions Ambrosio et Lecchi, ainsi que les gardes, étaient en marche sur Ancône.

Dans cet état de choses, le général en chef ordonna au lieutenant-général Neipperg de sui­vre le roi par des marches forcées, de le ser­rer de près, et de retarder sa marche en l’at­taquant, ayant toujours soin, à cet effet, de marcher en colonne, prêt à livrer le combat pendant sa marche.

Il lui fut enjoint en outre de ne point s’arrêter près d’Ancône, mais d’y laisser seulement la brigade Lauer, et d’opérer, dans le plus bref délai possible, sa jonction avec le général Bianchi, qui serait, selon toute pro­babilité, arrivé vers ce temps à Foligno.

Le lieutenant-général Bianchi fut prévenu de ces dispositions, et il fut en même temps informé que des bateliers qui avaient transporté des blessés ennemis de Rimini à Ancône, avaient fait connaître qu’il ne s’y trouvait ni camp re­tranché, ni de grands approvisionnements, et que par conséquent, il n’était nullement proba­ble que le roi prendrait position près de cette forteresse. Le général de cavalerie ajouta qu’il espérait que le lieutenant-général Bianchi pour­rait déboucher, le1 ou le 2 mai ,vers Loretto ou Fermo, et rencontrer en chemin l’armée en­nemie, que la colonne du lieutenant-général Neipperg poursuivait de près. Le général Nugent pourrait être détaché à Ascoli; que sur la grande route de Rome à Naples, un fort détachement suffirait. Dans les opérations ultérieu­res, le lieutenant-général Bianchi devait pren­dre la route de Naples, par Sulmona etc. etc.

Après avoir, pris ces dispositions pour assurer le résultat des évènements, le général en chef se rendit, le 29, de Rimini à Mantoue, et de là à Milan, pour faire les préparatifs nécessaires pour les opérations contre la France.

Déjà, dans la nuit du 28, il avait reçu de Milan, du lieutenant du vice-roi, le feld-maréchal comte de Bellegarde, la nouvelle qu’on s’armait avec activité dans le midi de la France, et qu’on aurait bientôt à craindre une attaque dirigée contre le Piémont.

Ferdinand, Graf Bubna von Littitz

Le lieutenant-général comte Bubna, avait envoyé le même rapport de Turin, et ajoutait qu’il y avait déjà eu des mouvements réels de troupes françaises con­tre la Savoie, ce qui donnait d’autant plus d’inquiétudes au gouvernement piémontais, que l’armée qu’on ne venait que de créer était forte à peine de 10.000 hommes, et que le Milanais était entièrement dégarni de troupes.

Des entreprises ultérieures de Murat contre la haute Italie n’étaient plus à craindre ; on pouvait au contraire espérer avec beaucoup de probabilité, la fin prochaine de la campagne napolitaine. Il en était autrement à l’égard de la France. La guerre menaçait d’y éclater sous peu, et comme la coopération de l’armée aus­tro-italienne était comprise dans le plan d’opération, pour pénétrer, avec les grandes armées alliées, en France, le général en chef devait diriger plus particulièrement toute son attention sur le Piémont et la France méridionale.

Aussi, dès qu’il fut arrivé à Mantoue, il ordonna au général de Best de se rendre avec sa division, par des marches forcées, de Forli à Milan. Les renforts, qui arrivaient étaient dirigés sur le Tessin. Arrivé à Milan, le général Frimont prit toutes les dispositions préliminaires que les circonstances exigeaient, mais dans le détail desquelles nous n’entrerons pas, comme étant étrangères au plan que nous nous sommes tracé pour cette narration. Nous allons reprendre le cours des évènements, en suivant d’abord la marche de la colonne du lieutenant-général Bianchi.    :

Le 28, le lieutenant-général Bianchi avait atteint Foligno avec sa colonne. La derrière lettre qui lui était parvenue du général Neipperg, était datée de Césène, du 24 avril, et lui don­nait avis que le roi était encore toujours près de Rimini, avec ses principales forces. D’après d’autres nouvelles qu’on avait reçues, l’ennemi avait occupé Fossombrone, avec 4,000 hommes et 12 bouches à feu, Urbino avec 2,000 hommes.

D’après ces données, il paraissait probable que le roi avait conçu le plan, ou de se maintenir dans les provinces septentrionales, et d’y attendre la tournure que prendraient les événements en France, ou bien qu’il avait conçu l’idée d’abandonner la route d’Ancône, pour prendre celle de Fossombrone, afin de continuer sa re­traite au-delà du Furlo.

Dans cette conjoncture, le lieutenant-général Bianchi, qui s’était occupé à former des magasins à Foligno, prit la résolution de marcher, avec le corps qui était sous ses ordres, sur les hauteurs de Scheggia, et de se porter de là, selon les circonstances, soit sur Fano, soit sur Macerata. Sur ces entrefaites, un rapport du capitaine Muhlwerth, qui s’était avancé jusqu’à Cantiano, annonça que l’avant-garde du lieu­tenant-général Neipperg devait déjà être entrée à Pesaro. Un officier envoyé à l’ennemi avait trouvé les avant-postes napolitains près de Fano, et avait appris que 18.000 hommes étaient en pleine retraite vers Ancône.

Une lettre du général Nugent annonçait que les généraux Pignatelli-Cherchiara et Manes faisaient mine de s’avancer, avec environ 8.000 hommes, de Ceprano et de Terracino sur Rome, et que le détachement du lieutenant-colonel Ghequier, n’étant que de 1,400 hommes, était dans l’impossibilité de leur résister.

Ces nouvelles déter­minèrent le lieutenant-général Bianchi de con­tinuer immédiatement sa marche sur Tolentino. Il envoya l’ordre au général Nugent, qui était déjà arrivé près de Terni, de se diriger sur Rome, pour soutenir le lieutenant-colonel Ghequier, et de détacher 7 à 800 hommes, sous le Major Flette, de Terni sur Popoli, par Rieti et Aquila. Le général Neipperg fut informé de ces mouvements et on lui fit l’observation qu’il pourrait être utile de poursuivre l’ennemi jus­qu’au-delà de Sinigaglia, et de ne songer qu’alors, (après avoir laissé quelques troupes au ruisseau d’Esino, pour observer Ancône) à se rendre maître de la route de Jesi.

Le 29, toute l’avant-garde de Bianchi, sous les ordres du lieutenant-général Mohr, passa les Apennins et arriva à Serravalle. Le lende­main, ce général occupa Tolentino, ses postes avancés se trouvaient au pied de la montagne sur laquelle est située Macerata. Il fut donné ordre au capitaine Muhlwerth de se diriger, dès que Fano serait occupé par les troupes du général Neipperg, par Cagli sur Pergola, et de là sur Jesi, pour établir, conjointement avec le détachement du capitaine de Constant-Villars, la communication avec ce général.

Murat était arrivé le 29 à Ancône, avec la division Ambrosio. Sa garde était déjà à Loretto. Les divisions Carascosa et Lecchi se trouvaient près de Sinigaglia. Le premier de ces deux généraux avait pris la forte position de Scapezzano, et devait de là arrêter la colonne du lieutenant-général Neipperg, assez longtemps pour que le roi pût porter quelque coup décisif avec son armée, maintenant réunie. L’extrême avant-garde du lieutenant-général Neipperg, sous le major de chasseurs Ensch, était entrée, le 29 au matin, à Pesaro. Elle trouva le pont du Metauro brûlé, et les Napolitains postés à l’au­tre rive. Ces derniers l’abandonnèrent cependant pour continuer leur retraite sur Sinigaglia, dès qu’ils s’aperçurent qu’ils étaient menacés d’être pris en flanc par le chef d’escadron Monthbach, qui venait de traverser le torrent à un gué.   

Le général Geppert arriva ce jour-là à Fano ; le lieutenant-général Neipperg à Pesaro. Le détachement du capitaine de Constant-Villars s’était avancé, le 28 au soir, par Mercatino jusqu’à Auditore, où il reçut, dans la nuit, une dépu­tation de la ville d’Urbino, qui le priait de la protéger contre une division napolitaine de 3,000 hommes, qui y était attendue pour le lendemain avant midi.

Persuadé de la haute impor­tance de se rendre maître de ce point, le capi­taine de Constant-Villars se détermina, sans avoir égard au petit nombre de troupes qu’il commandait, de se mettre immédiatement en marche, en s’annonçant aux députés comme l’avant-garde d’un corps de 5,000 hommes, Après avoir fait prendre à la compagnie du capitaine Buhasy, du régiment d’infanterie de Wiedrunkel, qui lui avait été envoyé comme soutien, et qui l’avait joint dans la même nuit, une po­sition derrière la Foglia, il partit avant le jour pour Urbino, joignit en route un détachement ennemi, auquel il fit quelques prisonniers, oc­cupa vers midi la ville d’Urbino , et le lende­main le point non moins important de Fossombrone.

Par l’occupation de cette ville, et en se mettant en communication avec les détachements des capitaines Muhlwerth et Flemming, arrivés à Cagli et à Acqualagna, la communication en­tre les ‘deux corps d’armée fut établie.

Le 30 au matin, l’extrême avant-garde u lieutenant-général Neipperg poussa jusqu’au ruisseau de Césane. Rendus trop téméraires par la brillante réussite des coups de mains sur Cesenatico et Pesaro, les Autrichiens voulurent à présent emporter Sinigaglia, par un prompt as­saut, sans avoir égard aux hauteurs de Scapezzano; mais les Napolitains étaient sur leurs gardes. La partie de l’avant-garde qui s’était avancée inconsidérément, se vit tout à coup canonnée par dix chaloupes canonnières et une frégate.

Attaquée avec bravoure par la garnison de Sinigaglia, et menacée de la hauteur de Scapezzano, elle dut alors se retirer précipitamment (mouvement dans lequel le capitaine vicomte de Jugny, du onzième bataillon de chasseurs, montra beaucoup de sang-froid et de présence d’es­prit) avec la perte d’une demi-compagnie, qui fut coupée et faite prisonnière. Le lieutenant-général Neipperg donna ordre aux troupes de se replier sur la hauteur de Mondolfo, hors de la portée du canon des vaisseaux ennemis.

La continuation de la marche de ce général, sur cette route qui longe la mer et se trouve resserrée à droite par les rochers des Apennins, présentait beaucoup d’obstacles à vaincre, et ils se trouvaient encore augmentés par les gros et rapides torrents qui descendaient des montagnes, et le feu des vaisseaux de guerre qui balayait toute la chaussée. Il est vrai que le général en chef, baron de Frimont avait envoyé, de Rimini, deux bâtiments armés à la hâte, pour s’opposer aux chaloupes canonnières ennemies, mais ni ceux-ci, ni les batteries qu’on avait élevées, de distance en distance, le long de la côte, n’étaient en état d’éloigner entièrement la flottille napolitaine.

Le lieutenant-général Neipperg, dans l’espoir de forcer l’ennemi à abandonner la forte position  de Scapezzano, ordonna au major Socher de la tourner, en s’avançant, avec les sept compagnies qui étaient sous ses ordres, vers Jesi, par Monte-Albodo. Mais, avant d’aller plus loin, jetons un coup-d’œil sur la position de l’armée napolitaine.

Le 30, le roi avait déjà occupé en personne Macerata, sa garde était à Loretto; la division Ambrosio, près d’Ancône; la division Lecchi, près de Fiumicino, sur la rivière de l’Esino; Carascosa gardait les hauteurs de Scapezzano. Le général Minutillo était, avec une réserve de 4,000 hommes, près de Fermo.

L’on voit donc que, malgré l’habileté, l’énergie et la célérité avec lesquelles les deux généraux autrichiens avaient opéré jusqu’ici, le roi se trouvait nonobstant dans une position très-avantageuse, ce qui vient à l’appui du raisonnement que j’ai porté sur le plan d’opération adopté à Bologne par le général en chef, et qui prouve que l’on ne doit jamais oublier que tout le succès d’une guerre est dans le secret et dans la célérité des mouvements exécutés sur des lignes d’opéra­tions , qui nous mettent à même de pouvoir nous conformer au principe général et si simple de mettre en action , au point décisif, une masse de forces supérieures à celles de l’ennemi.

Murat avait son armée concentrée entre les deux colonnes autrichiennes, qui étaient éloi­gnées l’une de l’autre, de Tolentino jusqu’à Mondolfo, d’environ cinq journées de marche, et qui ne pouvaient ainsi, eu cas d’attaque, se soutenir mutuellement; vice qui caractérise toujours tous les mouvements trop étendus.

Le lieutenant-général Neipperg avait espéré que la marche du major Socher vers Monte Albodo, engagerait l’ennemi à abandonner sa forte position près de Scapezzano, pendant la nuit. Mais comme l’ennemi se trouvait toujours sur ces hauteurs le 1er mai, convaincu de l’urgence de s’avancer avec rapidité, il résolût d’attaquer la position quelles qu’en pussent être les suites.

Cette résolution fut exécutée vers midi. Le général Geppert passa le ruisseau de Césano, avec l’avant-garde; le corps d’armée suivit, pour le soutenir. Le général Carascosa, qui probablement n’avait pas l’intention d’une plus longue ou plus forte résistance, se replia bientôt en bon ordre sur les hauteurs de St. Angelo, et derrière Sinigaglia; ce dernier endroit était mis en état de défense et resta occupé par le général Carascosa jusqu’à la nuit, où il l’abandonna, pour se retirer derrière l’Esino. La division Lecchi avait occupé Jesi.

Le lieutenant-général Neipperg, après avoir emporté la position de Scapezzano, avait occupé Sinigaglia et St. Angelo, et poussa, le 2, ses avant-postes jusqu’à l’Esino, après que le général Carascosa se fut retiré, pendant la nuit, derrière cette rivière.

Le détachement du major Socher se trouvait à Morro, le 2 au soir.

Le capitaine de Constant-Villars s’était joint, à St. Lorenzo, au capitaine Mühlwerth, avec l’intention de marcher, conjointement avec lui, sur Jesi et de tenter un coup de main contre cet endroit, s’il était possible. Mais comme les in­structions du capitaine Mühlwerth lui prescrivaient de ne rien entreprendre, avant d’avoir rejoint la tête de l’avant-garde du corps du gé­néral Neipperg, cet officier marcha sur Bellevedère, par le chemin qui conduit à Jesi de Monte Albodo, et le capitaine de Constant-Villars se dirigea, pour se conformer à ses instructions, et observer le pays et les mouvements de l’ennemi, entre les deux corps d’armée, dans le flanc de l’ennemi, par Barbera, Monte Carotto, jusqu’à Castel Planco.

Le 3, avant le jour, il passa l’Esino, et poussa, sur le bruit d’une canonnade qu’on entendait dans la direction de Monte-Milone, jusqu’à Monte Pulisco. Là, il expédia un rapport au général Neipperg annonçant : « qu’une forte canonnade se faisait entendre dans la direction de Monte Milone ; que les informations recueillies, confirmées par l’émissaire chargé de ce rapport et revenu de Macerata, annonçaient que l’armée napolitaine était réunie devant Macerata, qu’une fusillade avait eu lieu hier avec l’avant-garde du général Bianchi, et que l’engagement paraissait être très-sérieux aujourd’hui; que la nouvelle qu’il venait de recevoir que la division Lecchi venait d’occuper Torre di Jesi et avait une forte réserve à Filotrano, faisait prévoir une affaire décisive, et l’engageait à se porter sans perte de temps, sur Jesi, pour renforcer le major Socher, qu’il espérait y trouver, etc. Ce détachement arriva à Jesi en suivant la rive droite de l’Esino. »

Le colonel Menninger avait occupé Fabriano le 2.

Le 3, le lieutenant-général Neipperg se mit en marche pour Jesi, et y entra à cinq heures de l’après-midi, quoique sans artillerie, celle-ci n’ayant pu suivre par les mauvais chemins et les nombreux défilés. Les Napolitains, qui avaient quitté Jesi dans la matinée, occupaient la belle position de Filotrano.

Le capitaine Mühlwerth arriva à Jesi vers midi et suivit l’ennemi. Trouvant cependant Filotrano trop fortement occupé pour attaquer cet endroit avec sa faible troupe, il se tourna vers Cingoli où il se joignit au lieutenant-colonel Menninger.

Le major Socher arriva à Jesi peu après le ca­pitaine Mühlwerth, et se porta de suite vers Filotrano, par Torre di Jesi. L’arrière-garde de la division Lecchi, chargée de se maintenir dans cette position pendant la journée, vint à sa ren­contre, et il s’engagea alors un combat assez vif qui obligea le major Socher à abandonner le pro­jet de s’emparer de Filotrano et de se borner à se maintenir à Torre di Jesi.

Cependant, à la nouvelle de l’arrivée du lieutenant-général Neipperg à Jesi, il s’avança vers le soir jusqu’à la ri­vière de Musono, où, malgré l’obscurité pro­fonde et la pluie battante qui ne discontinuait de tomber depuis le midi, la fusillade se soutint jusqu’avant dans la nuit.

Le général Neipperg, entré à Jesi, entendit la canonnade du côté de Macerata, mais ne put obtenir aucun renseignement positif sur l’état des affaires. Malgré l’épuisement où étaient ses troupes, à la suite des marches forcées par des chemins de montagnes extrêmement pénibles, il jugea nécessaire de ne leur accorder que cette nuit de repos et de s’emparer de vive force, dès le point du jour, de Filotrano, pour marcher sur Macerata, ou de tâcher de se joindre au gé­néral Bianchi, selon que le résultat de la canon­nade qu’on avait entendue, et sur laquelle on es­pérait pendant la nuit obtenir quelques rensei­gnement, l’exigerait.

Le capitaine de Constant-Villars, qui avait rejoint, comme on l’a dit, le major Socher à Jesi, renforcé par la compagnie du capitaine Oelschutz du régiment de Wiedrunkel, par la troisième compagnie du onzième ba­taillon de chasseurs, et par le demi-escadron du capitaine Lambert des hussards de Lichtenstein, avait été chargé par le lieutenant-général Neipperg du commandement des extrêmes avant-pos­tes.

D’après les ordres de ce général, il s’avança avec ces troupes sur Filotrano, avant le jour, et y entra au moment même où l’ennemi l’aban­donnait, et dont on poursuivit l’arrière-garde. Ce fut en entrant dans cette ville que ce capitaine reçut, par un de ses émissaires qui venait de quit­ter l’armée ennemie, la nouvelle positive que le général Bianchi avait remporté une brillante vic­toire, et avançait sur Macerata, où il devait ar­river ce soir même.

Cette nouvelle importante qui devait décider de la direction que suivrait le corps d’armée du général Neipperg, fut aussitôt communiquée, par un rapport remis en main propre, au major Socher, pour être expédié sans retard à sa destination, lequel major venait d’entrer, peu après le capitaine de Constant-Villars, dans cet endroit. Mais le général Neipperg ayant, sur ces entrefaites, quitté la route de Filotrano à Torre di Jesi, pour se diriger sur Cingoli, afin d’y opérer sa jonction avec le général Bianchi, conformément à l’invitation qu’il en avait reçue; ce rapport ne lui parvint point, et ce ne fut qu’à Cingoli que le général Neipperg fut informé de l’heureux résultat de la bataille dont nous allons donner un récit détaillé dans les chapitres suivant.

Le major Socher reçut l’ordre de faire obser­ver le chemin de Lorette et d’avancer avec son détachement sur la chaussée de Macéra la jus­qu’à Foranno, où il arriva le soir. Le capitaine de Constant-Villars, celui de se porter, avec l’avant-garde, droit sur Cingoli, où il entra vers les quatre heures de l’après-midi.

Là, il reçut un second ordre du lieutenant-général Neipperg qui lui annonçait l’arrivée du corps d’armée dans cette ville, et lui prescrivait de pousser avec l’avant-garde jusqu’à Appignano, situé sur la route de Macerata. Le détachement du lieutenant-colonel Menninger devant déjà se porter en avant de Cingoli et observer cette chaussée, l’avant-garde se dirigea par la route secondaire et plus directe de Travignano, sur Appignano, mais à peine eut-elle quitté Cingoli, qu’un vio­lent orage éclata ; la pluie ne discontinua de tom­ber à gros torrents jusqu’au lendemain, et la profonde obscurité vint encore augmenter les difficultés de la marche.

Arrivé au Foranno, cette petite rivière changée en torrent impétueux avait débordé et détruit le seul pont de bois qui existait. Elle dut alors renoncer à l’idée de passer ici cette rivière, et, forcée d’aller regagner la grande toute de Cingoli, elle ne put arriver que dans la matinée du 5 à Appignano, après une marche de nuit des plus pénibles.

References

References
1 V** C** de Br, témoin oculaire.