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Volontaires et Conscrits sous la Révolution et l’Empire.

La Conscription

Didier Dudal

(Adaptation d’un article paru dans le Bulletin du Centre de Généalogie des Côtes d’Armor)

J’ai sans doute tort de penser que l’histoire est multiple et changeante, qu’elle comprend une certaine dose de subjectivité et que chacun a droit à «son» histoire, sa façon de comprendre d’où il vient et ce qu’il est.

Un mystère que chacun élucide à sa manière, en fonction de l’actualité et de sa propre histoire.

Un grand nombre d’entre nous, n’ont-ils pas été attirés vers l’histoire, par les manuels des collèges, et par les romans?

Notre petite histoire nous fascine. Cette histoire locale que nous nous approprions lentement, non sans quelque amateurisme, nous donne l’occasion de revisiter l’Histoire de France à travers la petite histoire, à travers le Premier Empire, et les carrières militaires, maritimes, de quelques uns de nos ancêtres qui nous accueillent.

Cette petite histoire est-elle vraiment petite pour nous ?

Cette  recherche d’ancêtres ayant servi dans les Armées, ayant servi dans les armées de Napoléon nous conduit généralement au Château de Vincennes, au S.H.AT (le Service Historique de l’Armée de Terre), dans les vingt kilomètres d’étagères, les archives anciennes du « Dépôt de la Guerre », au pavillon des Armes.

VOLONTAIRES ET CONSCRITS SOUS LA RÉVOLUTION ET L’EMPIRE

DES VOLONTAIRES AUX CONSCRITS

De 1792, année de la déclaration de guerre à l’Autriche, à 1799, année du coup d’État de Bonaparte, la France se trouva presque constamment en guerre contre l’ennemi : intérieur ou extérieur.

L’armée de l’ancien régime n’avait pas été dissoute, mais elle ne pouvait pas répondre aux besoins des dirigeants révolutionnaires : en 1791 et 1792, un tiers des officiers démissionnèrent ou émigrèrent. D’ailleurs, cette armée, recrutée localement dans le cadre de régiments qui portaient le nom des provinces, reflétait et aggravait l’inégalité de la société royale. Les hommes s’engageaient par désespoir, pour fuir la misère. Ils ne disposaient d’aucune liberté, d’aucun droit. La discipline était féroce. Tous les officiers étaient nobles et vendaient souvent leurs charges.

La Révolution commença par introduire des réformes essentielles. les châtiments corporels, cruels et humiliants, furent abolis; les grades furent attribués selon le mérite et non selon l’origine sociale. On supprima l’enrôlement forcé pratiqué par des sergents recruteurs sans scrupule. On abandonna le rattachement des régiments aux provinces dans le but de constituer une armée vraiment nationale.

Mais ces réformes pratiques ne suffisaient pas.

Les hommes politiques de la Révolution considéraient le service militaire comme un devoir. Pour eux, tout citoyen mâle était un soldat et tout soldat demeurait un citoyen. Mais il faudra plus de dix ans, à travers la Terreur, le Directoire et le Consulat pour descendre des principes à la réalité du service militaire obligatoire.

L’évolution se fit en trois périodes.

Les volontaires

On fit d’abord appel aux volontaires.

La première assemblée révolutionnaire, la Constituante, se borna à recruter 100.000 auxiliaires des régiments de ligne puis, en 1791, un nouveau contingent de volontaires.

Nombreux furent les jeunes Français qui répondirent à ces appels passionnés, alors même que le pays n’était pas en guerre. D’ailleurs, ils furent admirés et honorés, on leur promit la gloire et un rapide retour dans leurs foyers. Le décret du 28 décembre 1791 semble même organiser un service militaire à la carte: «Tous les citoyens admis dans les bataillons des gardes nationaux volontaires seront libres de se retirer après la fin de chaque campagne …. la campagne sera censée se terminer le premier décembre de chaque année».

Les assemblées suivantes, la Législative (1791-1792) et la Convention (1792-1795), tout en prônant le service militaire obligatoire, se bornèrent à lever des «volontaires». Mais, en créant des régiments de volontaires séparés des régiments de ligne et jouissant de faveurs refusées à ces derniers, la Révolution provoqua des jalousies et des dissensions. Pour y remédier, la loi du 21 février 1793 organisa «l’amalgame» en fusionnant deux bataillons de volontaires avec un régiment de troupes régulières pour former une nouvelle unité, la demi-brigade. Les différences de solde et de discipline furent abolies. Les officiers subalternes et les sous-officiers furent élus. Cette loi, bien que contestée et appliquée avec retard en raison de la guerre, fondit les armées révolutionnaires en une force efficace et victorieuse.

Mais la guerre apporta aussi son lot de souffrances, de blessures et de morts. Les appels de 1792 eurent moins de succès que ceux de 1791.

Les volontaires désignés

En 1793, les besoins en effectifs ne cessant d’augmenter, les «volontaires» furent quasiment désignés. Tout en continuant les discours enflammes prônant le volontariat, les deux recrutements de 1793 -«la levée des 300.000» de février et «la levée en masse» de l’automne- employèrent la contrainte. Chaque département se voyait fixer le nombre des «volontaires» qu’il devait fournir -et les départements se tournèrent vers les communes pour qu’elles apportent leurs volontaires désignés. Tout homme de 18 à 40 ans, célibataire ou veuf sans enfant, était en état permanent de «réquisition». On procéda au tirage au sort parmi eux – et il était impossible de se faire remplacer.

A l’échelle nationale, le recrutement de cette année fut gigantesque. Pratiquement, tous les jeunes de 18 à 22 ans prirent les armes. Seuls restèrent ceux qui étaient mariés ou chargés de famille.. On peut dire que les villages s’étaient vidés de ses jeunes célibataires.

Or, ces «volontaires» devaient rester cinq ans sous les armes.

En effet, on n’eut pas l’occasion de procéder à d’autres enrôlements systématiques au cours des années suivantes jusqu’à l’introduction de la conscription annuelle de 1799. Au moment du Coup d’État de brumaire, les «volontaires» de 1793, quand ils n’avaient pas été tués ou réformés pour blessures, constituaient toujours le gros des armées françaises – et parfois à des semaines de marche de leur village d’origine.

Ces « soldats de l’an II « , chantés par Victor Hugo, formèrent une armée expérimentée, relativement démocratique et mélangée, qui élisait ses officiers et dont les généraux, nommés sur des critères de loyauté politique au nouveau régime, souvent des hommes jeunes, révélèrent de grandes qualités. Ce fut l’armée de Hoche, de Bonaparte.

Mais les pertes et les désertions s’accumulaient. En 1797, l’armée de la République, qui avait compté un million d’hommes, était tombée à moins de 400 000. C’était insuffisant, alors que la guerre se rallumait partout en Europe.

Les conscrits

La loi préparée par le général Jourdan-Delbrel et votée le 19 thermidor an VI (5 septembre 1798) jeta les bases du service militaire obligatoire pour plus d’un siècle.

La conscription
La conscription

Tous les Français ayant 20 ans révolus devaient être inscrits ensemble c’est-à-dire conscrits -sur les tableaux de recrutement de l’armée. Tous les Français nés la même année formaient une «classe». Le service militaire s’imposait à eux, sauf dispense. Il durait cinq ans en temps de paix. Les hommes mariés étaient exemptés. Aucun Français ne pouvait exercer une fonction publique ou jouir de ses droits civiques s’il n’avait pas satisfait à ses obligations militaires.

Dès 1799, les communes et les départements dressèrent les tableaux de recrutement et des conseils de révision furent constitués. On assista chaque année au départ des conscrits «bons pour le service», à pied, sous les ordres d’un sous-officier. Il y eut des banquets, des bals, des discours… mais aussi des cœurs serrés et des larmes pathétiques.

En 1798, sur 202.000 conscrits, 143.000 furent déclarés aptes et seulement 93.000 partirent «au régiment ».

En définitive c’est près de 2,5 millions d’hommes, parmi la population européenne dont les trois quarts sont français qui sont mobilisés par Napoléon.

Les lenteurs administratives, la complaisance ou la corruption et les oppositions à ce nouveau recrutement expliquent cette faible efficacité.

Au printemps de 1799, le Directoire décida d’appeler 150.000 hommes désignés par tirage au sort. Peu à peu, le beau principe égalitaire fut mis à mal : les «tirés au sort» pouvaient se faire «remplacer» contre rémunération. Les pauvres mourraient pour les riches. Des révoltes éclatèrent. Puis, la même année, sous la pression des armées ennemies, une loi décida de réexaminer les exemptés de la levée précédente. Nouvelles révoltes. Mais les 400.000 recrues de 1799 permirent de vaincre les armées des monarchies.

La conscription
La conscription

Depuis 1791, les jeunes nés entre 1768 et 1775 ont été enrôlés dans les armées révolutionnaires :

– volontaires de 1791, puis de 1792,

– réquisitionnaires de 1793,

engagés volontaires de toutes sortes…..

Les contingents mobilisables

 

Années Conscription dates sur hommes nés en ….. rappels éventuels en … Rappels de conscriptions  Effectifs
1798-1799 an VII et VIII 1799 1775 à 1779 néant
1800-1801 an IX et X 1801 1779 à 1781 ans XIII et XIV
1802-1803 an XI et XII 1803 1781 à 1783 ans XIII et XIV 90 000

(1802-1803)

1804 an XIII 1804 1783 à 1784 ans XIII et XIV des ans IX et XIII 65 000
1805 an XIV 1805 1784 à 1785 an XIV
1806 1806 8/1806 1785 à 1786 1808,1809,1812,1813 80 000
1807 1807 1/1807 1787 « idem » 80 000
1808 1808 4/1807 1788 « idem » 1806 à 1809 (9/1808)
1809 1809 1/1808 1789 « idem » 1810

(3/1809)

275 000

(1808-1809)

1810 1810 9/1808 1790 1812, 1813
1811 1811 5/1811 1791 « idem » 340 000
1812 1812 12/1811 1792 « idem » 1807 à 1812

(3/1812)

252 000
1813 1813 9/1812 1793 1813 1810 à 1812

(1/1813)

857 000
1813 1808 à 1814

(10/1813)

1813 an XI à 1814

(11/1813)

1814 1814 1/1813 1793 à 1794 « idem »
 

1815

 

1815

 

2/1814

 

1794 à 1795

 

« idem »

1815 et  tous les anciens militaires.

4/1815

Les Archives

La série R permet de dresser les listes de conscription année par année.

De 1804 à 1814, les jeunes gens de 20 ans passent devant ce qui deviendra le conseil de révision. Les jeunes gens qui auront survécu aux maladies infantiles, épidémies, et autres accidents vont être répertoriés lors des opérations du tirage au sort.

Attention sous l’empire les conscriptions sont parfois mises en activités dans les 18 et 19ème années des conscrits.

La connaissance des individus s’étoffe alors d’avantage, dans la plupart des cas notamment par la mention de leurs caractéristiques physiques :

– Taille pour tous, forme du visage, du front, du nez, de la bouche, du menton, de la couleur des yeux, des cheveux et des signes particuliers éventuels. Apparaissent à ce moment des notions médicales pour les réformes, des éléments nouveaux :

– Notions sociales, placement en réserve, remplacement etc.

Ceux qui partiront vont être affectés et leurs dossiers seront en principe conservés aux archives militaires de Vincennes.

Il est ainsi possible, par exemple pour les années 1800-1806, de dresser un

RÉCAPITULATIF DES AFFECTATIONS MAJEURES PAR DÉPARTEMENTS

1800 -1806

Didier Dudal

Sur la base de recherches effectuées par Patrice THEBAUT de l’Association HEURTEBRISE

 

Note : La colonne [1812-1813] donne le numéro de cohorte nationale (1812).

Régions Départements (actuels) Anciennement N° du département 1803-1808 1812-1813
ALSACE Bas-Rhin 67 27e de ligne 86
Haut-Rhin 68 61e de ligne 87
AQUITAINE Dordogne 24 47e de ligne 130
Gironde 33 19e de ligne 73
Landes 40 2e de ligne 104
Lot-et -Garonne 47 2e léger 131
Pyrénées-atlantique Basses-Pyrénées. 64 24e de ligne 104
AUVERGNE Allier 03 58e de ligne 133
Cantal 15 25e de ligne 127
Haute-Loire 43 21e léger 127
Puy de dôme 63 22e léger 128
BOURGOGNE Côte D’Or 21 92e de ligne 123
Nièvre 58 23e de ligne 132
Saône-et-Loire 71 18e de ligne 125
Yonne 89 30e de ligne 126
BRETAGNE Côtes-d’Armor Côtes-du-Nord 22 60e de ligne 140
Finistère 29 76e de ligne 140
Ille-et-Vilaine 35 24e de ligne 140
Morbihan 56 103e de ligne 140
CENTRE Cher 18 81e de ligne 132
Eure-et-Loir 28 15e de ligne 77
Indre 36 95e de ligne 134
Indre-et-Loire 37 90e de ligne 135
Loir-et-Cher 41 105e de ligne 135
Loiret 45 64e de ligne 77
CHAMPAGNE-ARDENNE Ardennes 08 59e, 104e de ligne 81
Aube 10 69e, 87e de ligne 124
Marne 51 85e de ligne 81, 82
Haute-Marne 52 14e de ligne 124
CORSE Corse-du-Sud Liamone (1) 2A
Haute-Corse Golo (2) 2B
FRANCHE-COMTE Doubs 25 106e de ligne 88
Jura 39 15e de ligne 89
Haute-Saône 70 29e de ligne 90
Territoire de Belfort (Formé en 1871)* 90
ÎLE-DE-FRANCE Paris (Ville de) Seine 75 9e de ligne 69
Seine-et-Marne 77 88e de ligne 79
Yvelines Seine-et-Oise 78 75e de ligne 80
Essonne 91
Hauts-de-Seine 92
Seine-Saint-Denis 93
Val-de-Marne 94
Val-d’Oise 95
LANGUEDOC-ROUSSILLON Aude 11 94e, 99e de ligne 103
Gard 30 7e de ligne 99
Hérault 34 67e de ligne 96
Lozère 48 30e léger 98
Pyrénées-Orientales 66 23e de ligne 103
LIMOUSIN Corrèze 19 44e de ligne 130
Creuse 23 35e, 78e de ligne 133
Haute-Vienne 87 16e léger 134
PAYS DE LA LOIRE Loire-Atlantique Loire-inférieure 44 84e de ligne 106
Maine-et-Loire 49 102e de ligne 136
Mayenne 53 80e de ligne 137
Sarthe 72 11e de ligne 138
Vendée 85 56e de ligne 105
LORRAINE Meurthe-et-Moselle ( Créé en 1871 ) 54
Meuse 55 55e de ligne 82
Moselle 57 4e de ligne 83
Vosges 88 9e léger 85
MIDI-PYRÉNÉES Ariège 09 93e de ligne 101
Aveyron 12 62e, 107e de ligne 97
Haute-Garonne 31 20e de ligne 100
Gers 32 70e de ligne 102
Lot 46 12e léger 131
Hautes-Pyrenées 65 12e1éger 101
Tarn 81 10e léger 99
Tarn-et-Garonne ( Créé en 1808 ) 82
NORD-PAS-DE-CALAIS Nord 59 19e de ligne 118-120
Pas-de-Calais 62 34e de ligne 122
HAUTE-NORMANDIE Eure 27 33e, 103e de ligne 116
Seine-Maritime Seine-inférieure 76 22e, 57e de ligne 115
BASSE-NORMANDIE Calvados 14 28e de ligne 112
Manche 50 40e de ligne 113
Orne 61 43e de ligne 114
PICARDIE Aisne 02 32e de ligne 76
Oise 60 43e de ligne 78
Somme 80 39e de ligne 117
POITOU-CHARENTE Charente 16 68e, 95e de ligne 129
Charente-Maritime Charente-inférieure. 17 42e, 77e de ligne 105
Deux-Sèvres 79 79e de ligne 107
Vienne 86 97e de ligne 107
PROVENCE-ALPES
CÔTE-D’AZUR
Alpes-Haute-Provence Basses-Alpes 04 17e léger 94
Hautes-Alpes 05 3e léger 92
Alpes-Maritimes 06 1er léger 94
Bouches-du-Rhône 13 37e, 60e de ligne 74
Var 83 1er de ligne 95
Vaucluse 84 52e de ligne 94
RHÔNE-ALPES Ain 01 101e de ligne 88
Ardèche 07 3e de ligne 98
Drôme 26 74e de ligne 92
Isère 38 30e de ligne 91
Loire 42 4e léger 72
Rhône 69 6e léger 72
Savoie Mont-Blanc 73 26e léger 93
Haute-Savoie Mont-Blanc 74 26e léger 93
1795 Création du département Meuse-Inférieure 48e de ligne
1797 Création des départements Mont-Tonnerre
Roer
Sarre
Rhin et Moselle
* A reçu le statut de département en 1922.

(1) En 1790 la Corse devint un département ; en 1793 création du département de Golo chef lieu Bastia.

(2) Idem ; en 1793 création du département de Liamone chef lieu Ajaccio.

Didier Dudal

(Adaptation d’un article paru dans le Bulletin du Centre de Généalogie des Côtes d’Armor)