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Traité de paix conclu entre la République française et le prince régent du royaume de Portugal et des Algarves.

Le contexte

Ce traité fait suite à la « guerre des oranges », qui opposa, de façon extrêmement brève et relativement peu belliqueuse, l’Espagne et le Portugal. Il complète et aggrave le traité signé à Badajoz le 6 juin. Les conditions sont sévères pour le Portugal, mais c’est en fait l’Angleterre qui est visée, par pays interposé (le Portugal, inter alia, promêt de fermer ses ports aux navires anglais.)

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier Consul, PROCLAME loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 19 frimaire an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 9 du même mois [1]30 novembre 1801 , communiquée au Tribunat le 11 suivant [2]2 décembre 1801 .

 

DÉCRET.

Le traité dont la teneur suit, conclu à Madrid le 7 vendémiaire an X [29 septembre 1801], et dont les ratifications ont été échangées le 27 du même mois [19 octobre 1801], sera promulgué comme une loi de la République.

 

TRAITÉ de paix entre la République française et son altesse royale le prince régent du royaume de Portugal et des Algarves.

 

Le premier Consul de la République française, au nom du peuple français, et son altesse royale le prince régent du royaume de Portugal et des Algarves, également animés du désir de rétablir les liaisons de commerce et d’amitié qui subsistaient entre les deux États avant la présente guerre, ont résolu de conclure un traité de paix par la médiation de sa majesté Catholique [3]C’est-à-dire le roi des Espagnes. , et ont nommé à cet effet, pour leurs plénipotentiaires ; savoir, le premier Consul de la République française, au nom du peuple français, le C.en Lucien Bonaparte ; et son altesse royale le prince régent du royaume de Portugal et des Algarves, S.E.M. Cyprien Bibeiro Freire, commandeur de l’ordre du Christ, du conseil de son altesse royale, et son ministre plénipotentiaire près sa majesté Catholique ; lesquels plénipotentiaires, après l’échange respectif de leurs pleins-pouvoirs, sont convenus des articles suivans :

 

ART. I.er Il y aura, à l’avenir et pour toujours, paix, amitié et bonne intelligence entre la République française et le royaume de Portugal.

Toutes les hostilités cesseront, tant sur terre que sur mer, à compter de l’échange des ratifications du présent traité ; savoir, dans quinze jours, pour l’Europe et les mers qui baignent ses côtes et celles d’Afrique, en-deçà de l’Équateur ; quarante jours, après ledit échange, pour les pays et mers d’Amérique et d’Afrique, au-delà de l’Équateur ; et trois mois après, pour les pays et mers situés à l’ouest du cap Horn et à l’est du cap de Bonne-Espérance. Toutes les prises faites, après chacune de ces époques, dans les parages auxquels elles s’appliquent, seront respectivement restituées : les prisonniers de guerre seront rendus de part et d’autre, et les rapports politiques entre les deux puissances seront rétablis sur le même pied qu’avant la guerre.

II. Tous les ports et rades du Portugal en Europe seront fermés de suite, et le demeureront jusqu’à la paix entre la France et l’Angleterre, à tous les vaisseaux anglais de guerre et de commerce ; et ces mêmes ports et rades seront ouverts à tous les vaisseaux de guerre et de commerce de la République française et de ses alliés.

Quant aux ports et rades du Portugal dans les autres parties du monde, le présent article y sera obligatoire dans les termes fixés ci-dessus pour la cessation des hostilités.

III. Le Portugal s’engage à ne fournir, pendant le cours de la présente guerre, aux ennemis de la République française et de ses alliés, aucun secours en troupes, vaisseaux, armes, munitions de guerre, vivres ou argent, à quelque titre que ce soit et sous quelque dénomination que ce puisse être. Tout acte, engagement ou convention antérieurs, qui seraient contraires au présent article, sont révoqués, et seront regardés comme nuls et non avenus.

IV. Les limites entre les deux Guianes française et portugaise, seront déterminées, à l’avenir, par la rivière Carapanatuba, qui se jette dans l’Amazone, à environ un tiers de degré de l’Équateur, latitude septentrionale, au-dessus du fort Macapa. Ces limites suivront le cours de la rivière jusqu’à sa source, d’où elles se porteront vers la grande chaîne de montagnes qui fait le partage des eaux : elles suivront les inflexions de cette chaîne jusqu’au point où elle se rapproche le plus du Rio – Branco, vers le deuxième degré et un tiers nord de l’équateur [4]Le territoire ainsi reconnu français correspond approximativement aux deux-tiers septentrionaux de l’actuel État d’Amapa (Brésil). Le futur traité de paix d’Amiens réduira à … Continue reading .

Les Indiens des deux Guianes, qui dans le cours de la guerre, auraient été enlevés de leurs habitations, seront respectivement rendus.

Les citoyens ou sujets [5]À noter que, contrairement au traité conclu neuf jours plus tard par Talleyrand avec l’empereur de toutes les Russies, le présent traité conclu par Lucien Bonaparte établit clairement la … Continue reading des deux puissances qui se trouveront compris dans la nouvelle détermination de limites, pourront réciproquement se retirer dans les possessions de leurs États respectifs : ils auront aussi la faculté de disposer de leurs biens meubles et immeubles ; et ce, pendant l’espace de deux années à compter de l’échange des ratifications du présent traité.

V. Il sera négocié entre les deux puissances un traité de commerce et de navigation, qui fixera définitivement les relations commerciales entre la France et le Portugal : en attendant, il est convenu,

1.°    Que les communications seront rétablies immédiatement après l’échange des ratifications, et que les agences et commissariats de commerce seront, de part et d’autre, remis en possession des droits, immunités et prérogatives dont ils jouissaient avant la guerre ;

2.°    Que les citoyens et sujets des deux puissances jouiront également et respectivement, dans les États l’une de l’autre, de tous les droits dont y jouissent ceux des nations les plus favorisées ;

3.°    Que les denrées et marchandises provenant du sol ou des manufactures de chacun des deux États, seront admises réciproquement sans restriction, et sans pouvoir être assujetties à aucun droit qui ne frapperait pas également sur les denrées et marchandises analogues importées par d’autres nations ;

4.°    Que les draps français pourront, de suite, être introduits en Portugal, sur le pied des marchandises les plus favorisées ;

5.° Qu’au surplus, toutes les stipulations relatives au commerce, insérées dans les précédens traités, et non contraires au traité actuel, seront exécutées provisoirement, jusqu’à la conclusion d’un traité de commerce définitif.

VI. Les ratifications du présent traité de paix seront échangées à Madrid, dans le terme de vingt jours au plus tard.

Fait double à Madrid, le 7 Vendémiaire an X de la République française [le 29 Septembre 1801]. Signé LUCIEN BONAPARTE et CYPRIANO BIBEIRO FREIRE.

Collationné à l’original, par nous président et secrétaires du Corps législatif. A Paris, le 19 Frimaire, an X de la République française. Signé BARAILON, président ; CHAMPION (de la Meuse), DEVAUX, secrétaires.

 

SOIT la présente loi revêtue du sceau de l’État, insérée au Bulletin des lois, inscrite dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la justice chargé d’en surveiller la publication. A Paris, le 29 Frimaire, an X [6]20 décembre 1801. de la République.

 

Signé BONAPARTE, premier Consul. Contre-signé, le secrétaire d’état, HUGUES B. MARET. Et scellé du sceau de l’État.

 

Vu, le ministre de la justice, signé ABRIAL.

À PARIS, DE L’IMPRIMERIE DE LA RÉPUBLIQUE.

 

NOTES EXPLICATIVES, par Milou (Émile) Rikir, archiviste (Huy, Wallonie)

References

References
1 30 novembre 1801
2 2 décembre 1801
3 C’est-à-dire le roi des Espagnes.
4 Le territoire ainsi reconnu français correspond approximativement aux deux-tiers septentrionaux de l’actuel État d’Amapa (Brésil). Le futur traité de paix d’Amiens réduira à peu près de moitié ce territoire reconnu comme partie intégrante de la Guyane française.
5 À noter que, contrairement au traité conclu neuf jours plus tard par Talleyrand avec l’empereur de toutes les Russies, le présent traité conclu par Lucien Bonaparte établit clairement la différence entre les « sujets » du royaume de Portugal et les « citoyens » des républiques française et batave.
6 20 décembre 1801.