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Napoléon et l’éducation

 

Pendant plus de la moitié et à la fin de la Révolution (1796-1799), le jeune général Bonaparte avait gagné des batailles et acquis une grand popularité auprès des français. Il le devait essentiellement à son image de sauveur de la Révolution, une image qui perdure encore aujourd’hui. En 1799, c’est le coup d’état qui établi le Consulat, Bonaparte devenant Premier Consul. Le système mis en place donne en fait les pleins pouvoirs à Bonaparte. Le 2 décembre 1804, le Premier Consul Bonaparte devient Napoléon Ier, Empereur des français, et son contrôle sur le gouvernement devient pratiquement total. 

Alors que Napoléon est souvent vu par rapport à son image militaire, il est aussi l’un des plus grands administrateurs de l’Histoire.. Il a fait de la France la plus grande nation d’Europe. Pour ce faire, il a proposé beaucoup de changements et projets, depuis une refonte complète du système légal, comprenant l’établissement du Code Civil, à une programme massif de constructions de routes.

Napoléon plaçait l’éducation en tête de ses priorités, qui étaient celles de la classe moyenne. Napoléon croyait aux vertus du mérite, et pour qu’un tel système pour fût efficace, il fallait une dissémination de l’éducation, surtout au niveau secondaire. Mais, lorsque Napoléon commence à gouverner, l’état d’éducation française n’est pas du tout ce qu’elle aurait du être. Ceci était parfaitement clair dans une étude menée par les préfets, au niveau national, en mars 1801, sous la direction du ministre de l’intérieur Chaptal. De nombreuses plaintes se firent entendre concernant le manque d’écoles dans beaucoup de régions, le manque de professionnalisme des enseignants, le manque de discipline et d’assiduité des élèves et, dans certaines régions, le manque d’éducation religieuse.

Les questions relatives à l’éducation religieuse et primaire furent partiellement résolues par le Concordat , qui autorisait le rétablissement de certaines écoles élémentaires religieuses d’être rétablies. Ces écoles avaient fourni la plupart de l’éducation proposée aux filles, un fait qui reflétait l’attitude de Napoléon au regard de l’éducation des filles. Napoléon pensait que cette éducation était importante pour les filles, mais considérait qu’elles ne devaient pas recevoir la même que celle donnée aux garçons.

Je désire qu’il en sorte, non des femmes très-agréables, mais des femmes vertueuses; que leurs agréments soient de mœurs et de cœur, non d’esprit et d’amusement.

Napoléon suggère que la religion et les savoirs domestiques nécessaires à l’attraction de maris devrait être intensifiés dans cette école de filles.

Il faut ensuite apprendre aux élèves à chiffrer, à écrire, et les principes de leur langue, afin qu’elles sachent l’orthographe. Il faut leur apprendre un peu de géographie et d’histoire, mais bien se garder de leur montrer ni le latin ni aucune langue étrangère. On peut enseigner aux plus âgées un peu de botanique, et leur faire un léger cours de physique ou d’histoire naturelle, et encore tout cela peut-il avoir des inconvénients. Il faut se borner, en physique, à ce qui est nécessaire pour prévenir une crasse ignorance et une stupide superstition, et s’en tenir aux faits, sans raisonnements qui tiennent directement ou indirectement aux causes premières.

Il ajoute :

Mais, en général, il faut les occuper toutes, pendant les trois quarts de la journée, à des ouvrages manuels; elles doivent savoir faire des bas, des chemises, des broderies, enfin toute espèce d’ouvrages de femme.

Ses idées peuvent par ailleurs paraître, à nos yeux, quelque peu simplistes :

Il serait bon aussi qu’elles sussent un peu de cette partie de la cuisine qu’on appelle l’office. Je voudrais qu’une jeune fille sortant d’Écouen pour se trouver à la tête d’un petit ménage sût travailler ses robes, raccommoder les vêtements de son mari, faire la layette de ses enfants, procurer des douceurs à sa petite famille au moyen de la partie d’office d’un ménage de province, soigner son mari et ses enfants lorsqu’ils sont malades, et savoir, à cet égard, parce qu’on le lui aurait inculqué de bonne heure, ce que les garde-malades ont appris par l’habitude. Tout cela est si simple et si trivial, que cela ne demande pas beaucoup de réflexions.

On comprend donc que Napoléon soit fréquemment critiqué pour son attitude envers les femmes et leur éducation, mais rappelons qu’il était simplement le reflet d’une tendance historique en France.

 

L’éducation secondaire était extrêmement importante pour Napoléon.

Dans une lettre à Chaptal, du 11 juin 1801, Napoléon esquisse, avec quelques détails, ses opinions sur la structure de l’éducation destinée aux garçons :

L’éducation devrait se diviser en deux grandes sections : la première, des enfants ayant moins de douze ans; la deuxième, de jeunes gens au-dessus de cet âge.

La première section recevrait une éducation commune; elle serait divisée en classes composées de 25 élèves, lesquelles se nommeraient première, seconde, troisième et, s’il y avait lieu, quatrième class. On apprendrait dans la première à lire, à écrire, à chiffrer, et les premiers éléments de la grammaire; dans la seconde, les quatre règles, l’orthographe et les principes de la langue latine; dans la troisième, les fractions, les parties plus élevées de l’arithmétique, celles des divers objets d’instruction pour lesquels le cours d’une année est insuffisant, le dessin, la danse et les armes. On distribuerait, de plus, entre les trois classes, pour exercer la mémoire des élèves, des leçons d’histoire naturelle et de géographie à leur portée, des fables françaises et latines, les premiers éléments de l’histoire ancienne et un recueil d’actions de vertu et d’héroïsme propre à leur inspirer des sentiments de patriotisme et de morale.

Les diplômés civils et militaires se verraient garantir un emploi dans la carrière qu’ils auraient choisis. [16]. Le 1er mai 1802, un décret établi quel sera le nouveau système éducatif en France. [17] Ce nouveau système serait la base du système existant encore en France aujourd’hui. (Correspondance , XV, 12585, 15 Mai  1807)

Selon le nouveau système, les écoles élémentaires (écoles populaires) étaient de la responsabilité des municipalités locales. Napoléon avait relativement peu d’intérêt pour ce niveau d’éducation, et ne s’est pas vraiment engagé en faveur d’une éducation de masse qui aurait résulté d’un système éducatif à l’échelle nationale. Par conséquent, les écoles religieuses durent partager une grande partie de la responsabilité de l’éducation élémentaire. L’éducation secondaire, cependant, constitue l’éducation de base pour les futurs dirigeants de la nation, de même que pour les membres de l’administration et de l’armée; d’où le plus grand intérêt de la part de Napoléon. L’État doit s’intéresser aux programmes présentés, et un contrôle serait plus aisé si on mettait en place un système d’écoles secondaires sous la direction d’une autorité centrale. Beaucoup de ces écoles secondaires seront établies par l’initiative privée, y compris cléricale, mais toutes doivent être sous le contrôle de l’État. S’adressant à des élèves âgés de 10 à 16 ans, elles doivent offrir un niveau d’éducation conçu pour pour donner aux étudiants les niveaux les plus élevés d’éducation. [19]

Le cœur du nouveau système fut l’établissement de trente lycées, qui offraient des chances d’éducation au delà des écoles secondaires et qui remplacèrent les écoles centrales. Chaque district de cour d’appel était tenu d’avoir un lycée, et ils devaient être financés et contrôlés par l’État. Des bourses furent crées, dont un tiers étaient attribué aux fils de militaires et de membres du gouvernement, le reste destiné aux meilleurs élèves des écoles secondaires.

 

Les lycées ont un cursus de six années d’étude, construit sur le modèle des écoles secondaires. Le programme inclus les langues, la littérature moderne , les sciences, et tout ce qui est nécessaire à une éducation « libérale » . Chaque lycée doit avoir au moins huit enseignants, de même que trois directeurs (un principal, un doyen des études, et un économe) Le gouvernement fourni un salaire fixe aux les enseignants, mais également des gratifications aux meilleurs enseignants. Ils reçoivent également une pension. Les professeurs sont, en fait, par Napoléon sur une une liste de recommandations fourni par des inspecteurs et l’Institut. Les inspecteurs ont l’entière responsabilité d’inspecter les écoles de manière régulière.

Il est clair que le nouveau système d’éducation introduit par Napoléon avait plus qu’un but. Le but était, bien sûr, de former une élite qui pourrait aider à mener le pays et les affaires militaires. Il était aussi conçu pour accroître la classe moyenne; une classe moyenne qui réussirait et ne serait pas, par conséquent, révolutionnaire. Par dessus tout, une grande importance était donnée, dans ces écoles, au patriotisme, importance qui ira en grandissant durant les années de l’empire.

Quand Napoléon devient empereur en décembre de 1804, son intérêt s’accroît pour un contrôle centralisé du système éducatif. Il soulèvera cette question de l’éducation durant au moins une réunion du Conseil d’État. C’était en 1807, et il déclara  (Correspondance, VII, 5602, Au Citoyen Chaptal, Ministre de L’Intérieur, 11 juin 1801.):

De toutes nos institutions, l’éducation publique est a plus importante. Tout dépend d’elle, le présent et le futur. Il est essentiel que les idées morales et politiques de la génération présente, ne soient plus dépendantes des nouvelles du jour ou des circonstances du moment. Par-dessus tout nous devons assurer l’unité: nous devons pouvoir modeler une génération entière dans un même moule.

Napoléon fut particulièrement concerné par l’indépendance des écoles secondaires. De plus, il y avait également des problèmes avec le lycées. Les contraintes financières avaient limité leur nombre, et la compétition avec les écoles privées avait limité les inscriptions. La solution de Napoléon fut d’être le maillon ultime dans la centralisation du système éducatif. Il a établi l’Université Impériale en 1808. La loi qui créait cette « université » précisait, en particulier : (Correspondance VII, 5874 Exposé de la Situation de la République  22 novembre, 1801;

…L’Université Impériale, une institution chargée exclusivement de l’instruction et de l’éducation publique dans l’Empire… Aucune école, aucune institution éducative de quelque type que ce soit gentil, ne pourra être établie en dehors de l’Université Impériale, sans l’autorisation de son chef. Personne peut ouvrir une école ou enseigner publiquement sans être  membre de l’Université impériale et un diplômé de ses facultés. 

Note Sur Les Lycées 

L’Université Impériale était en fait une sorte de compromis vis-à-vis de ceux qui voulaient éliminer entièrement l’éducation privée. Il permettait aux écoles privées d’exister, mais les plaçait sous un contrôle et leur imposait divers impôts, destinés à réduire les dépenses du gouvernement central. destinées à l’éducation. Toutefois, la qualité de l’instruction dans les écoles privées était contrôlée, en partie par l’obligation imposée aux enseignements d’avoir des diplômes. Des modifications ultérieures de la loi réduisirent le nombre et le recrutement des écoles privées, en particulier celles de l’Église.

L’élément peut-être le plus important dans le développement de l’Université Impériale fut que, pour la première fois, l’État prenait la responsabilité, et le contrôle, de l’éducation élémentaire de ses citoyen. [22] Enseignants furent placés sous un contrôle strict , jusque et y compris la tenue vestimentaire, la discipline, et le salaire.

Napoléon s’est longtemps préoccupé de la profession d’enseignant. Il a reconnaissait l’importance centrale des enseignants dans le système éducatif. Un moment il avait suggéré même que la profession d’enseignant aurait du avoir quelques-unes des caractéristiques d’un ordre, d’une corporation, avec des perspectives, privilèges et des récompenses semblables. Il avait, par exemple, dans une Note Sur Les Lycées du 16 février, 1805, suggéré que les enseignants débutants  pourraient être astreints au célibat.

Il faudrait qu’un homme consacré à l’enseignement ne pût se marier qu’après avoir franchi plusieurs degrés de sa carrière; que le mariage fût, pour lui comme pour tous les hommes, un terme placé en perspective où il ne pût atteindre qu’après avoir assuré sa considération et sa fortune par une place dont la rétribution suffirait pour le faire vivre comme chef de famille, sans sortir de l’état auquel il se serait livré. Ainsi la condition de l’enseignement serait la même que celle des autres carrières civiles.

Par contre, à la fin de sa carrière, un enseignant devrait se voir aux plus hautes marches de la hiérarchie de l’État, ayant été placé sous la protection de l’Empereur lui-même.

(…) on ne tarderait pas à sentir l’importance de la corporation de l’enseignement, lorsqu’on verrait un homme, d’abord élevé dans un lycée, appelé par ses talents à enseigner à son tour, avançant de grade en grade, et se trouver, avant de finir sa carrière, dans les premiers rangs de l’État.

Comme indiqué plus haut, le but de l’éducation allait bien au-delà du besoin d’une élite instruite. Le patriotisme et la loyauté envers l’État étaient entraient pour une large part dans les buts des institutions éducatives :

Toutes écoles de l’Université Impériale prendront comme base de leur instruction (1) l’enseignement de la religion catholique, (2) la fidélité à l’Empereur, à l’empire, à qui est confié le bonheur des citoyens, et à la dynastie de Napoléon, qui assure l’unité de France et toutes les idées libérales proclamées dans la constitution, (3) l’obéissance aux règlements du corps enseignant, dont le but est d’assurer l’uniformité d’instruction et la formation des citoyens, attachés  à leur religion, leur prince, leur pays et leur famille.

Le système d’éducation de l’Université Impériale se présentait de la façon suivante. D’abord, l’éducation élémentaire. Ceci était, comme avant, la priorité la moins importante pour de Napoléon. Ensuite, venait l’éducation secondaire de la moyenne classe. Comme avant, Napoléon place l’effort le plus important sur ce niveau d’éducation. Les lycées sont, comme avant, en majorité des pensionnats subventionnés par l’état et offrent six année d’un lourd programme, basé sur les Classiques et les mathématiques. A coté des lycées se trouvent les collèges,  qui sont des établissements d’éducation secondaire. municipaux ou communaux, situés un peu en dessous des lycées. Ces écoles mettent l’accent sur l’enseignement du français, du latin,  de la géographie, de l’histoire et des mathématiques. Il y a également quelques écoles indépendantes, les instituts, qui sont plus ou moins équivalents aux collèges. Ce système n’est pas, bien sûr, purement « napoléonien »; il reflète les idées de systèmes précédemment mis en place ou d’autres systèmes en Europe. Il n’est pas surprenant, également, de voir que Napoléon a accentué divers aspects militaire  dans ses écoles, y compris l’uniforme, les formations, la musique, et la discipline.

La vraie valeur d’une institution réside sans doute dans sa capacité à survivre aux atteintes de temps. De ce point de vue, on peut certainement considérer le système éducatif voulu par Napoléon d’un œil très favorable. Après la chute  de Napoléon, on aurait pu pensé que ce système aurait été sinon aboli, du moins fortement modifié. Certes, il y eu de nombreuses tourmentes dans le système éducatif français, surtout en ce qui concerne le rôle de l’Église Catholique. Pendant le Troisième République, la séparation de l’Église et de l’État  devint effective, et l’enseignement de religion disparu du curriculum des écoles publiques. Le programme de Napoléon a été remplacé par celui de la Révolution. L’Université impériale a, bien sûr, disparue, mais le contrôle central a continué d’exister au travers du ministère de l’Instruction publique. Les lycées ont continué d’exister et, en fait, continue de jouer un rôle encore plus important.

 

On a donné beaucoup de crédit à Napoléon pour la modernisation du système d’éducation de la France. Parmi les institutions qu’il a fondé ou élargies on peut mentionner :

  1. les écoles primaires, dans chaque commune, sous le contrôle des préfets ou adjoints des préfets.
  2. Les écoles secondaires, sous le contrôle du gouvernement.
  3. Les lycées, dans chaque ville importante, avec des enseignants nommés par le gouvernement central.
  4. Des écoles Techniques, des écoles d’administration  publique et des écoles militaires, sous le contrôle de l’État.
  5. L’Université, pour maintenir l’uniformité dans le système d’éducation.
  6. Recrutement centralisé et formation d’enseignants.

 

Les buts de Napoléon dans sa volonté d’améliorer l’éducation en France n’ont rien d’altruistes. Après son arrivée au pouvoir, il avait découvert qu’il n’y avait pas assez de personnel compétent pour administrer son empire. Il lui fallait des ingénieurs et des scientifiques. De plus, il voyait dans l’éducation un moyen de former les masses aux justes principes . Cela signifiait le retrait de l’éducation du contrôle de l’église et son placement sous le contrôle de l’État. (objectif partiellement réalisé par la Révolution). Autrement dit, il attendait deux choses des écoles. D’abord la formation des membres de la bourgeoisie, pour  être des leaders civils et militaires.. Deuxièmement, il voulait que le système éducatif soit absolument uniforme. Il voulait, disait-il, « être capable, à tout moment, de tirer sa montre de sa poche et dire ce qui se passait dans n’importe quelle école.

 

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