Joséphine de Beauharnais

Napoléon et Joséphine

Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie est née aux Trois-Ilets sur le domaine de la Petite Guinée face à Fort de France, à la Martinique le 23 juin 1763.

Ses parents, Joseph et Rose-Claire des Vergers de Sannois, sont tous deux issus de familles installées aux îles au commencement du XVIIIe siècle. Rose reçut une éducation sommaire dans un couvent de Fort-Royal, aujourd’hui Fort-de-France.

Alexandre de Beauharnais

Elle a 16 ans, lorsqu’elle quitte son île en 1779 pour épouser, le 13 décembre, dans l’église de Noisy-le-Grand, le vicomte Alexandre de Beauharnais, fils d’un ancien gouverneur de la Martinique. Le couple n’était guère assorti et Alexandre ne savait pas résister au moindre jupon. Son fils Eugène naît le 3 septembre 1781 ; il deviendra vice-roi d’Italie et sa fille Hortense le 10 avril 1783 ; elle deviendra reine de Hollande. Rose a 21 ans lorsque les époux se séparent en 1784, à la suite d’un procès dont les torts sont pour le mari.

 

Elle retourne à la Martinique en 1788 et revient à Paris à la fin de l’année 1790. Son ex-mari avait été élu aux Etats Généraux ; il fut deux fois président de l’Assemblée constituante, et commandant en chef de l’armée du Rhin. La Terreur coûta la vie à Alexandre et sa liberté à Rose. Le 21 avril 1794, on l’avait sorti de son lit, rue Saint-Dominique, pour la conduire à la sinistre prison des Carmes dans l’ancien couvent du même nom de la rue Vaugirard.

Le 9 Thermidor, lui rendit sa liberté le 6 août, mettant fin à sa liaison avec le général Lazare Hoche, lui aussi incarcéré au même endroit. C’est à cette époque qu’elle fit la connaissance de Teresa Cabarrus, épouse Tallien. Avec Teresa, et une de leurs amies Fortunée Hamelin, elle arpenta en véritable cocotte l’époque du Directoire.

Paul Barras
Paul Barras

Son univers n’était alors que frivolités et relations mondaines c’est ainsi qu’elle fut l’égérie des salons de Barras. Dépourvue de toute ambition, elle se contentait de dépenser à pleine main un argent qu’elle ne possédait pas. Sa fortune personnelle était assez considérable, mais composée de domaines en Martinique et à cette époque ils constituaient des revenus très incertains, et sa mère ne pouvait guère l’aider sans se mettre dans la gêne, Robespierre était passé par là avec son : « …Périssent les colonies plutôt que de servir l’intérêt des colons… »

Passionnée par les toilettes et grisée par la joie de se produire, Rose comme plus tard Joséphine n’avait jamais su compter. Ce fut dans les salons parisiens qu’elle va faire la connaissance d’un jeune général, protégé de Barras, qui le 12 vendémiaire, (4 octobre 1795) a sauvé la Convention d’une tentative de renversement menée par les royalistes : Napoléon Bonaparte.

En 1795, Rose possède une éducation acquise avant la Révolution, une tradition de distinction et de bonnes manières. Elle dégage une sensation de gentillesse et de charité qui en font une personne souvent sollicitée pour obtenir son aide. La mode pour Joséphine comme pour ses amies était un retour à la sensualité, au charme que les froufrous de l’Ancien Régime avaient étouffé. Libre, découvert, très découvert, le corps avait une importance aussi grande que le visage et on se devait de l’entretenir avec soin, de le garder mince et souple, parfaitement épilé, parfumé. Pieds et mains exigeaient les soins quotidiens d’un spécialiste, qui, débordés, couraient d’un bout à l’autre de Paris, du matin au soir. A l’heure du thé, les dames se réunissaient chez l’une ou chez l’autre, accompagnées qui d’un mari, qui d’un amant, qui d’un soupirant, parfois les trois à la fois, ne dis-t-on pas : « Plus on est de fous, plus on rit ».

Joséphine de Beauharnais jeune

Elle est de taille moyenne, sa chevelure brune tombe en anglaises des deux côtés du visage ainsi que sur le front. Son visage est oblong et n’exprime pas ce qu’on pourrait appeler une beauté parfaite. Ses lèvres sont bien dessinées, son nez fin et long, ses yeux sont de couleur verte, sa voix agréable et douce. Elle est extrêmement sensuelle. Bonaparte succombera immédiatement aux charmes, de celle qu’il n’appellera plus que Joséphine. Elle lui cède rapidement et dès le lendemain, il entame une relation épistolaire des plus enflammées :

 

« …Je me réveille plein de toi. Ton portrait et le souvenir de l’enivrante soirée d’hier n’ont point laissé de repos à mes sens. Tu pars à midi, je te verrai à trois heures. En attendant, mio dolce amor, reçois un millier de baisers, mais ne m’en donne pas, car ils brûlent mon sang… »

A l’amour passionné et naïf de Bonaparte, Joséphine répondait par des coquetteries et d’habiles calculs réfléchis. Le contrat de mariage fut passé le 8 mars 1796, le futur époux dit ne posséder « …aucun immeuble, ni aucun bien mobilier autre que sa garde-robe et ses équipages de guerre… » Le mariage eut lieu le lendemain à la mairie d’Antin. Bonaparte n’arriva qu’à 22 h, on l’attendait depuis 20 h. Sur l’acte d’état civil il se dit né le 5 février 1768 et Joséphine se dit née en 1767 ; l’un se vieillissait d’un an et demi, l’autre se rajeunissait de 4 ans. C’était une forme de rapprochement sympathique, mais illégal. [1]Ce qui n’empêchera pas un commissaire-priseur parisien de vendre en octobre 2014, un duplicata de ce contrat de mariage, non signé, puisque duplicata, pour la somme de 437 500 €

Durant la campagne d’Italie, ce sont des lettres brûlantes qui parviendront à Joséphine :

« …Chaque instant m’éloigne de toi. Tu es l’objet perpétuel de ma pensée ; mon imagination s’épuise à chercher ce que tu fais…Mon unique Joséphine, loin de toi, le monde est un désert où je reste isolé. Tu m’as ôté plus que mon âme ; tu es l’unique pensée de ma vie… » ;

« …je n’ai pas passé un jour sans t’aimer. Je n’ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras…Si je m’éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c’est pour te revoir plus vite… »

Bien entendu, Joséphine est bien trop occupée pour répondre à son fougueux mari. Le capitaine Hippolyte Charles le remplace. Mme de Rémusat écrira dans ses Mémoires que dans les lettres de Bonaparte à Joséphine :

« …il y règne un ton si passionné, on y trouve des sentiments si forts, des expressions si animées et en même temps si poétiques, un amour si à part de tous les amours, qu’il n’y a point de femme qui ne mit de prix à avoir reçu de pareilles lettres… »

[2]Une de ces lettres d’amour de Napoléon à Joséphine, a été vendue aux enchères le 20 décembre 2017, pour la somme de 280 000 €.

A la tête de son armée, au milieu de tous les combats, naïf, sans comprendre qu’elle le trompe, il l’attend ; elle traîne, elle s’invente une grossesse, met dans son lit les aides de camp qu’il lui envoie pour la convaincre de venir en Italie. Finalement, le Directoire devant la menace de Bonaparte de plaquer son armée pour rejoindre sa femme, oblige Joséphine à prendre place dans une voiture et à se rendre à Milan ; comme consolation on lui avait permis d’emmener avec elle son petit carlin et son amant.

A Milan Bonaparte va traiter Joséphine en reine.

C’est pendant la campagne d’Egypte qu’il apprendra par Junot, son infortune conjugale. Il est furieux, il veut divorcer :

« …j’exterminerai cette race de freluquets et de blondins ! Quant à elle, le divorce…un divorce public, éclatant… »

Et à cet instant, il prend une maîtresse ; la très jolie Marguerite Pauline Bellile appelée Bellilote par les soldats. Napoléon fut très certainement amoureux d’elle ; elle lui aurait donné un enfant que sa fortune était faite. La politique le rattrapa et il la quitta sans trop se soucier d’elle.

Rentré à Paris, Bonaparte ne pourra résister aux charmes de Joséphine et les choses rentreront dans l’ordre ; mais désormais son amour fou est éteint.

Les années du Consulat furent pour Joséphine des années heureuses ; Bonaparte lui a pardonné, mais sa passion est éteinte, désormais, il aura des maîtresses. Futée, elle obtient de se marier religieusement le 30 novembre 1804, soit 48 h avant le sacre, en faisant révéler au Pape que les futurs souverains n’étaient pas passés par l’Eglise. Le Pape se montra intransigeant et c’est le cardinal Fesch, l’oncle de l’Empereur qui célébra le mariage religieux.

Le surlendemain, épouse légale, elle est impératrice.

Elle n’eut jamais la prétention d’être un personnage de l’Etat ; elle continua d’être bonne, compatissante, secourable. A plus de 40 ans, elle avait toujours un grand charme ; la bouche fort petite cachait avec habileté de mauvaises dents ; le teint, un peu foncé, se dissimulait habilement à l’aide des fards ; la taille était toujours gracieuse ; la démarche aisée et nonchalante.

La grande passion de Joséphine était la parure, ce qui l’entraînait dans des dépenses excessives, qui mettaient Napoléon en rage, tant son souci de l’économie couvrait tous les domaines.

Lors du couronnement, il exige qu’elle soit couronnée en même temps que lui, malgré la terrible opposition de sa famille. Il réalisait ainsi la prophétie qu’une vieille mulâtresse des îles avait dit un jour à Joséphine alors qu’elle était enfant : « …tu seras plus que reine… »

Mais peu de temps après, durant le mois de décembre, il décide ne plus vivre bourgeoisement avec sa femme et applique les règles des anciens souverains : chacun ses appartements. Elle n’est plus seulement Mme Bonaparte ; elle est également l’Impératrice des Français. Puis, ce sera la séparation par l’éloignement. L’Europe est grande et l’Empereur en est le maître. Ils communiqueront régulièrement par courriers. En 4 ans, de 1805 à 1809, il sera absent 25 mois. Le couple impérial n’a pas toujours été un ménage modèle. Les caprices de Joséphine, au début de son mariage ne sont que trop connus. Bonaparte de son côté a noué et nouera toujours d’assez nombreuses intrigues ; mais elles tiendront toujours une place secondaire dans sa vie, car il a la fibre conjugale. Il est né pour faire un mari.

Mais que d’ennemis autour de Joséphine. Ses beaux-frères et belles-sœurs n’ont jamais désarmé à son égard. Sa belle-mère, Madame Mère n’avait cessé de l’appeler la dévergondée. Pourtant, elle n’était plus la femme frivole du Directoire ; elle s’était résignée au rôle d’épouse docile et presque indulgente. Mais, elle ne donna pas d’enfant à l’Empereur et la question du divorce devait être abordée. L’Empereur eut beaucoup de mal, tant son affection pour elle était grande. Il l’aimait véritablement, il considérait ses enfants comme ses propres enfants. Il haïssait l’idée du divorce et s’affligeait de devoir y recourir, mais la raison d’Etat devait l’emporter.

Il lui fallait consolider ses établissements, son système, la grandeur, le repos, la prospérité de la France. Il savait que s’il venait à mourir le problème de sa succession serait vif. Ses frères sont des hommes, alors qu’ils auraient dû être des héros, ne sont que des chefs de faction ; ses maréchaux voudront se partager sa dépouille ; l’Europe regarderait le trône comme vacant. Non ! Sa décision est prise, il faut à la France un chef héréditaire, né de son sang, un autre Napoléon. Même si son cœur est brisé, il doit divorcer.

Le 14 décembre 1809, le conseil privé arrêta le texte des actes du divorce. Le lendemain, Joséphine quittait les Tuileries à 14 h, pour se rendre à la Malmaison. Ironie de l’histoire, la femme qui n’a pas su donner un héritier à Napoléon va, par l’intermédiaire de son fils Eugène marié à Auguste de Bavière et père de sept enfants, peupler de sa descendance toutes les cours d’Europe du Nord. Une de ses petites-filles, également prénommée Joséphine, se marie au fils de Bernadotte et devient reine de Suède. Sa lignée s’est retrouvée au fil du temps, au Danemark, en Norvège, au Luxembourg, chez les souverains des Hellènes et des Belges, entretenant ainsi, sans le savoir, sa mémoire.

Lors de son mariage en juin 1810, Victoria de Suède portait le diadème aux camés qui autrefois orna le front de la fille de la Martinique.

A Sainte-Hélène, Napoléon dira d’elle :

« …Elle était la grâce personnifiée. Elle ne faisait rien sans une grâce et une délicatesse particulières ; je ne l’ai jamais vue manquer d’élégance dans aucune de ses manières pendant tout le temps que nous avons vécu ensemble… »

Elle pouvait bien avoir de la grâce Joséphine, car lorsqu’en 1809, on fit l’inventaire de sa garde-robe, on ne dénombre pas moins de 676 robes d’hiver, 230 robes d’été, 60 cachemires, une vingtaine de manteaux de fourrure ; 500 chemises garnies de Valenciennes et de Malines, près de 300 châles, et seulement 2 pantalons ; en 1813, Marie Louise possédait quant à elle 2 douzaines de caleçons et 22 pantalons de coton, prouvant ainsi que les jeunes filles n’étaient pas élevées de la même manière à Vienne que sous les cocotiers.

Après le divorce, elle conserva le titre d’Impératrice-Reine avec une liste civile de 2 millions de francs, qui sera rapidement porté à 3. L’Empereur ne cessera de la couvrir de cadeaux.

Après son abdication de 1814, il partit pour l’île d’Elbe sans l’avoir revu. Les souverains étrangers vinrent lui rendre visite ; Alexandre, en particulier, lui promit sa protection. Elle n’eut point à en profiter ; elle mourut à la Malmaison, le 29 mai 1814, à la veille d’avoir 51 ans accomplis.

Ses enfants lui firent construire un beau tombeau dans l’église voisine de Rueil. La grande victoire de Joséphine fut d’avoir marqué dans l’Histoire sa place parmi les couples les plus célèbres. C.F

 

References

References
1Ce qui n’empêchera pas un commissaire-priseur parisien de vendre en octobre 2014, un duplicata de ce contrat de mariage, non signé, puisque duplicata, pour la somme de 437 500 €
2Une de ces lettres d’amour de Napoléon à Joséphine, a été vendue aux enchères le 20 décembre 2017, pour la somme de 280 000 €.