Correspondance de Napoléon Ier – Janvier 1809

Benavente, 1er janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, le Pape est dans l’usage de donner des cierges aux différentes puissances. Vous écrirez à mon agent, à Rome, que je n’en veux pas. Le roi d’Espagne n’en veut pas non plus. Écrivez à Naples et en Hollande pour qu’on les refuse. Il ne faut pas en recevoir, puisqu’on a eu l’insolence de n’en pas donner l’année dernière. Voici comme j’entends que l’on se conduise à cet égard : mon chargé d’affaires fera connaître que, le jour de la Chandeleur, je recois des cierges bénits par mon curé ; que ce n’est ni la pourpre ni la puissance qui donnent de la valeur à ces sortes de choses. Il peut y avoir en enfer des papes comme des curés; ainsi le cierge bénit par mon curé peut être une chose aussi sainte que celui du Pape. Je ne veux pas recevoir ceux que donne le Pape, et tous les princes de ma famille doivent en faire autant.

 

Benavente, 1er janvier 1809.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Je recois les états de situation au 15 novembre. Voici mes observations pour l’armée du Rhin. Vous portez au 13e léger 384 hommes, qui arriveront à Hanovre le 6 janvier; vous affectez ces hommes au 4e bataillon. Je suppose que ces 384 hommes sont le détachement du régiment de marche formé à Louvain; mon intention n’est pas qu’il compte au 4e bataillon; il faut qu’il soit réparti dans les trois premiers bataillons, qui sont encore loin du complet. Les cadres de ces détachements doivent retourner à Ostende, y recevoir les conscrits et former le 4e bataillon, qui devra partir quand j’en donnerai l’ordre. Le 17e de ligne a déjà ses quatre bataillons à l’armée du Rhin. Il faut faire partir les grenadiers et voltigeurs de ce corps, qui sont à la réserve de Boulogne, et les incorporer dans les compagnies d’élite de ces bataillons. Les officiers et sous-officiers rentreront au dépôt pour recevoir les conscrits de l’année. Par ce moyen, le 17, aurait donc à l’armée du Rhin 3,000 hommes ; il lui manquerait encore 300 hommes, car mon intention est qu’au mois de mars toute mon armée du Rhin ait 840 hommes par bataillon et quatre bataillons par régiment, hormis le 15e léger, qui n’en aura que trois.

J’ai à l’armée du Rhin vingt et un régiments d’infanterie; cela me fera donc quatre-vingt-trois bataillons, qui produiraient 70,000 hommes. Le corps d’Oudinot doit être composé de douze demi-brigades provisoires, formées de trente-six 4e bataillons des corps qui sont en Espagne et dont les grenadiers et voltigeurs sont déjà à ce corps. Il offrira une force de trente mille hommes. J’aurai donc à l’armée du Rhin 100,000 hommes d’infanterie. La division Legrand et la division Saint-Cyr, hormis les tirailleurs corses et du Pô, qui passeront sous les ordres du général Oudinot, se rendront à Paris à petites journées. Elles seront cantonnées dans un circuit à vingt lieues aux environs de Paris, et par régiment au moins. Les généraux et tous les officiers resteront à leur poste. Cela me ferait vingt nouveaux bataillons et porterait mon armée du Rhin à 120,000 hommes à l’effectif, et, au moins, à 110,000 présents à l’entrée de la campagne. Je vous ai déjà donné mes ordres pour tout cela. Mais, dans un moment où je vous laisse la répartition des 80,000 hommes de 1807, je crois nécessaire de vous remettre sous les yeux qu’il est à propos de donner à chaque corps le nombre d’hommes convenable et un excédant de 100 hommes pour ceux qui ne réussissent pas. Quant à mes quatorze régiments de grosse cavalerie laissés en Allemagne, je désire avoir au mois de mars cinquante-six escadrons de 225 hommes chaque, officiers non compris, c’est-à-dire 900 hommes par régiment à cheval, afin de pouvoir présenter 875 hommes, officiers compris, à l’ennemi, en comptant 50 hommes pour la différence du présent à l’effectif; ce qui me ferait 12,000 hommes de grosse cavalerie présents à l’armée. Les huit régiments de cavalerie légère devront avoir la même organisation et me présenter 7,000 hommes de cavalerie légère, et en totalité 19,000 hommes de cavalerie. Quant aux corps des villes hanséatiques, les deux régiments de ligne et les deux de chasseurs doivent être sur le même pied. Ainsi, par ces dispositions, il aurai à l’armée du Rhin un effectif de 150,000 hommes, artillerie et sapeurs compris; aux corps des villes hanséatiques, un effectif de 10,000 hommes. J’aurai donc, en tout, en Allemagne 160,000 hommes.

Quant à l’armée d’Italie, j’y ai actuellement douze régiments de ligne entiers, faisant quarante-huit bataillons ; seize 3e et 4e bataillons à l’armée de Dalmatie, lesquels formeront des régiments de deux bataillons commandés par leurs majors; quatre bataillons à Corfou, pour lesquels on suivra la même disposition ; six bataillons à Naples, soumis à la même organisation; total, vingt-six bataillons, et total général, soixante et quatorze bataillons, ou plus de 60,000 hommes. Mon intention est que ces soixante et quatorze bataillons soient tous à l’effectif de 840 hommes avant mars. Les divisions Boudet et Molitor, qui doivent être en marche pour se porter sur Lyon et les rives de la Saône, me formeront une réserve qui agira selon les circonstances. Ce corps, étant composé de sept régiments, doit m’offrir vingt-huit bataillons, qui me feront plus de 23,000 hommes. Cela portera donc l’infanterie de mon armée d’Italie à près de 100,000 hommes, y compris l’armée de Dalmatie et un ou deux régiments que je pourrai encore ôter de Naples; ce qui, joint à 20.000 Italiens et à 20,000 hommes de la Confédération, y compris les quatre régiments de Confédérés qui sont à Lyon et les quatre régiments italiens, porterait mon armée d’Italie à près de 150,000 hommes, artillerie et sapeurs compris, ainsi que les auxiliaires. Je pourrai donc avoir, à la fin de mars, 160,000 Francais et 100,000 auxiliaires de la Confédération, de Hollandais et Polonais, c’est-à-dire une armée de 260,000 hommes en Allemagne et 150,000 hommes en Italie, et, an total, au delà de 400,000 hommes à diriger contre la maison d’Autriche, si celle-ci voulait bouger.

Je désire que vous m’envoyiez cette situation; elle indiquera en encre jaune ce qui est en projet, en encre noire ce qui existe, et en encre rouge ce qui doit être envoyé de la souscription de 1809. Entendez-vous avec le général Dejean pour que mes troupes ne manquent pas d’habillements et ma cavalerie de harnachements.

 

Benavente, 1er janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je trouve ridicule que le préfet de Nice ait ordonné qu’à l’avenir il ne sera pas permis au public de faire répéter une ariette. Un peu de tapage an théâtre n’est pas une chose assez importante pour qu’on doive intervenir dans les plaisirs du public. Je veux qu’on jouisse en France d’autant de liberté qu’il est possible. Témoignez mon mécontentement à ce préfet. J’approuve qu’il ait fait arrêter les trois jeunes gens qui ont crié bis pour narguer le maire; mais aussi pourquoi ce magistrat se mêle-t-il dans les querelles de jeunes gens et de coulisses ? Veillez à ce que l’autorité se fasse sentir le moins possible et ne pèse pas inutilement sur les peuples.

 

Benavente, 1er janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 17. Les Anglais ont lâchement et honteusement abandonné les Espagnols. Nous les poursuivons vivement. Les Espagnols qui formaient leur gauche sont écrasés; La Romana avait encore quelques milliers d’hommes, qu’il a perdus. Il paraît que les Anglais avaient fait venir 10,000 chevaux pour se sauver plus vite. Faites relever tout cela dans les journaux; faites faire des caricatures, des chansons, des noëls populaires; faites-les traduire en allemand et en italien, pour les répandre en Italie et en Allemagne.

 

Benavente, ler janvier 1809

A M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes

Témoignez mon extrême mécontentement à l’archevêque de Bordeaux sur le sermon qui a été prononcé le 4 décembre, par l’abbé Langlade. Dites-lui que je n’ai reconnu en cela ni les sentiments de l’archevêque, ni ce que j’ai le droit d’attendre du clergé de Bordeaux. Quant au sieur Langlade, j’ai ordonné au ministre de la police de le faire arrêter, et je le punirai de telle manière que cela serve d’exemple aux autres.

Témoignez également mon mécontentement à l’archevêque sur le mauvais esprit qui a dicté son instruction relative au message par lequel j’ai appelé mes peuples à la défense de la patrrie. Cet esprit s’est particulièrement manifesté par ces expressions : « En faisant cette communication à vos paroissiens, vous ne manquerez pas de les porter avec un zèle prudent à se soumettre aux ordres de la divine Providence, lorsqu’elle exige que nous achetions par des sacrifices pénibles, mais passagers, ce repos qui est l’objet de l’espérance chrétienne.  » L’archevêque de Bordeaux est sans doute un homme de bien; mais il est entouré de mauvais sujets dont il ne sait pas se défier, ou qu’il ne peut contenir. Mandez-les sur-le-champ à Paris.

 

Benavente, 1er janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Vous avez bien fait de faire arrêter l’émigré rentré avec le duc d’Abrantès. Personne en France n’est au-dessus de la loi. Vous n’aviez pas même le droit de ne pas le faire arrêter. Un émigré ne peut rentrer qu’en vertu d’un décret officiel de moi. Quand se fera-t-on des idées justes de ce qui convient, et quand cessera-t-on de gouverner avec des règles de fantaisie ?

 

Benavente, 1er janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, le général la Romana n’a pas 6,000 hommes, nus et mourant de faim, troupes de réquisition, et il n’oserait plus se fier à son armée en campagne, exaspérée au dernier point contre lui. Le maréchal Soult l’a attaqué le 26 décembre à Mansilla avec deux régiments de cavalerie, et lui a pris 1,500 hommes et deux drapeaux. Il est entré à Léon le 30; il y a trouvé 2,000 malades aux hôpitaux. Cette armée de Galice n’existait donc véritablement plus depuis les affaires d’Espinosa. Elle existe encore moins aujourd’hui.

Aujourd’hui, 1er de l’an, le maréchal Soult est à Puente de Orbigo. Le maréchal Bessières a couché à la Baneza et marche sur Astorga, où nous serons aujourd’hui. Les Anglais ont abandonné 1,500 tentes et 4,000 couvertures, tout leur rhum, une quantité immense de chariots sur la route et beaucoup de traînards. Ils n’en sont pas quittes. Nous les poursuivons vivement. Je serai ce soir à Astorga.

Je vous ai mandé que la division Dessolle rentrait à Madrid. La communication par Valladolid, Burgos, Ségovie, Guadarrama sera assurée. Donnez ordre que des postes soient placés sur la route de Villacastin et sur les routes de Madrid à Ségovie, et de Ségovie à Valladolid ; demandez-en l’état, et retirez tout ce qui est inutile, pour fortifier la garnison de Madrid. Par les états que j’ai recus , il résulterait que vous avez 2 ou 3,000 hommes de compagnies de marche arrivés à Madrid, appartenant aux différents corps. La brigade hollandaise, qui est à Aranda, doit se rendre à Madrid. Il en est de l’armée de Castanos comme de l’armée de la Romana; on les disait, il y a huit jours, l’une et l’autre de 15 et 20, 000 hommes ; je suis persuadé qu’elles ne sont pas de 4,000 hommes. Le temps est mauvais, la saison est rigoureuse, mais cela ne nous arrêtera pas; nous tâcherons d’en finir avec les Anglais.

Vous enverrez sans doute des agents à Léon. Tâchez d’établir la correspondance de cette ville avec Madrid; surtout beaucoup d’imprimés.

On s’était emparé à la baïonnette du Monte Torrero devant Saragosse, et les opérations du siège se poursuivent vivement.

Le général Saint-Cyr est arrivé le 19 à Barcelone, a pris et battu ce qui était devant lui. J’ai dans cette place 30,000 hommes qui exercent leur influence à vingt lieues à la ronde. Reding a été battu.

 

Benavente, ler janvier 1809

A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Dresde

Je reçois la lettre de Votre Majesté du 6 décembre. J’ai donné ordre qu’il fût fait droit à la juste demande de l’électeur de Trèves. Je suis fort aise d’avoir trouvé cette occasion de faire quelque chose qui soit agrêable à votre famille.

 

Benavente, ler janvier 1809

A Wenceslas, ancien électeur de Trèves, évêque d’Augsbourg

Je reçois la lettre de Votre Altesse du… novembre. Je donne ordre que les 77,500 florins qu’elle demande soient payés par la France. Elle peut, en conséquence, tirer une lettre de change sur le payeur de l’armée du Rhin, à Hanovre. Chargez à Paris le ministre de Saxe, ou tout autre agent, de faire une convention avec mon ministre des relations extérieures. Il paraîtrait naturel que le roi de Westphalie acquittât les dettes des anciens électeurs de Hesse et de Brunswick. La Prusse, rentrant dans ses domaines, pourra acquitter les siennes. Benavente,

 

Benavente, 1er janvier 1809

Au comte Lavalette, Conseiller d’État, directeur général des Postes

Vous pouvez placer ailleurs le directeur de la poste de Bayonne qui a été destitué pour avoir transgressé mon décret sur ls estafettes. Donnez des ordres pour que mes décrets soient ponctuellement exécuté.

 

Astorga, 2 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à la Florida

Mon Frère, je suis arrivé hier à Astorga. Le maréchal Bessières est maintenant près de Villafranca. Il a pris 2,000 Espagnols et 500 Anglais; une grande quantité de bagages et de magasins a été brûlée par lui. On trouve sur la route plus de 800 chevaux morts, et beaucoup de munitions et de bagages. La terreur est tout entière chez eux. Le duc de Dalmatie les poursuit. La Garde retourne à Benavente; moi-même je me rapproche du centre de mon armée. La correspondance du duc de Danzig est telle que je n’y conçois rien. J’espère que Merlin l’aura rejoint. Il est probable que plus de la moitié de l’armée anglaise sera en notre pouvoir : c’est l’opinion des Anglais eux-mêmes. Quant à la Romana, son corps est presque détruit; 2,000 hommes ont été faits prisonniers à Léon, 2,000 ici. Ils sont sans solde et sans vivres depuis quinze jours, et presque nus.

Le 22, on a pris la position de Monte Torrero, qui couvrait Saragosse, et on a fait 1,000 prisonniers. Je crois vous avoir mandé que le général Gouvion Saint-Cyr était arrivé à Barcelone et réuni au général Duhesme.

Faites tirer le canon en réjouissance de tous ces succès sur les Anglais. Le général Dessolle doit être à mi-chemin de Madrid quand vous aurez reçu cette lettre.

 

Astorga, 2 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, la brigade hollandaise, forte de 1,600 hommes, doit arriver à Madrid le 6 janvier; elle vient par Aranda, ainsi que les 31e, 32e, 33e, 34e, 35e, 36e compagnies de marche, composées d’anciens soldats du 1er corps.

Les 39e, 40e, 41e compagnies de marche, composées d’anciens soldats du 4e corps formant ensemble 1,800 hommes, doivent être arrivées à Burgos le 2 janvier.

Il y a à Aranda le général Trelliard avec un bataillon du 111e et 2,000 hommes des dépôts de cavalerie, plus les 3e bataillons des 43e et 51e d’infanterie, le bataillon d’Irlandais et Prussiens, le bataillon de Westphalie, le 3e bataillon du 5e d’infanterie légère; tout cela sous les ordres du général Trelliard.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du 18. Je suis dans l’opinion et j’ai des preuves qu’on fait la contrebande dans le royaume de Naples. Les raisonnements du sieur d’Aubusson la Feuillade ne me convainquent pas, car il est accaparé par Saliceti, qui lui-même la favorise. Je désire d’abord que mon consul à Naples soit rappelé (c’est un homme auquel on ne peut pas assez se fier), et que vous me proposiez son remplacement par un homme sûr et de la probité duquel on ne puisse point douter.

Faites mettre dans le Moniteur tout ce qui est relatif aux affaires d’Alger, pour faire voir tout ce que ce gouvernement a de dégoûtant et d’horrible, et ce que vous savez des affaires de Constantinople.

Je ne sais ce que l’on me demande par l’évacuation du Danemark; je l’ai ordonnée cent fois; je ne sais donc pas ce que l’on veut dire. Le ministre écrira directement là-dessus au prince de Poute-Corvo.

Je ne sais pas davantage à quoi se mêle le maréchal Davout en s’immisçant dans l’administration du duché de Varsovie, puisqu’il n’y a plus de troupes françaises dans ce duché. Je lui en écris directement. Le sieur Bourgoing doit encourager le Roi de toutes les manières, et l’assurer que, toutes les fois qu’il m’exposera lui-même simplement et clairement la question, je m’empresserai de le satisfaire.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, vous répondrez à la note du cabinet anglais dans les termes de la note ci-jointe.

NOTE.

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a mis sous les yeux de Sa Majesté Impériale et Royale la lettre du cabinet de Londres.

Sa Majesté a distingué deux choses dans cette Note, le style et le fond. Le style paraît être de la même plume que le ministère anglais emploie, contre le respect qu’il se doit à lui-même, pour fabriquer cette nuée de libelles dont il inonde le continent. Sa Majesté ne peut que mépriser de pareils moyens, qu’elle juge indignes de son attention. Le fond, c’est que l’Angleterre désire que les affaires d’Espagne soient traitées en congrès. Sa Majesté y consent. L’Angleterre veut que les ministres des juntes insurgées y interviennent. Les juntes sont sans caractère légal, et, d’ailleurs, elles n’existent plus. Sa Majesté va plus loin, elle propose d’admettre des ministres des différentes parties intéressées dans ces affaires, savoir : 1° les ministres du roi Charles IV; 2° ceux du roi Joseph-Napoléon ; 3° ceux des infants; 4° ceux des provinces représentées par les Cortès. C’est , je crois, ce qui forme les quatre intérêts qui doivent être en Espagne l’objet de l’attention du congrès.

Si cette extrême modération de la France et de la Russie trouve les Ministres anglais sourds à tout sentiment de pacification, il faudra en conclure qu’ils partagent les mêmes maximes qu’ils ont développées sur le continent, celles d’une guerre perpétuelle. Alors il ne restera plus à la France et à la Russie qu’à poursuivre l’exécution des grands plans qu’elles ont formés , et l’issue en sera tout entière à la charge du ministère anglais. Et lorsque la nation britannique, désabusée par les calamités auxquelles elle se trouvera en proie et l’affablissement qu’elle éprouvera par les changements qui auront lien autour d’elle, fera peser sa responsabilité sur un ministère intolérant et passionné, et que des hommes sages et de talent, tels que l’Angleterre en a souvent eu à la tête de ses affaires, viendront prendre les rênes du gouvernement, le soussigné sera prêt à négocier sur la base d’une paix réciproquement honorable et fondée sur 1’uti possidelis ou la situation respective des deux masses belligérantes, proposition faite par l’Angleterre elle-même lors des dernières négociations.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A M. Cretet, comte de Champmol, ministre de l’intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, je reçois un annuaire portant pour titre, Présenté au Goubernement par le Bureau des Longitudes; ce qui est faux, car il ne m’a pas été présenté. Il faut donc qu’il le soit avant sa publication. Ainsi dorénavant il portera ce litre, Présenté à l’Empereur par le bureau des Longitudes, s’il m’a été présenté en effet; ou Présenté au ministre de l’Intérieur, si l’Empereur est absent.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au comte Gaudin, ministre des finances, à Paris

Monsieur Gaudin, vous trouverez ci-joint un projet de décret sur la suppression de l’Ordre de Saint-Étienne. Envoyez-le à la junte de Toscane, pour qu’elle fasse les observations dont elle le jugera susceptible, et qu’elle le rédige conformément aux connaissances locales qu’elle a acquises.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Le maréchal Davout prescrit au roi de Saxe de quelle manière il doit pourvoir à la nourriture de ses troupes dans le duché de Varsovie. Cela est trop ridicule. Écrivez au maréchal de ne se mêler de rien et de laisser le Roi administrer ses troupes comme il veut, sans s’en mêler d’aucune manière.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, minsitre de la guerre, à Paris

Le général Colbert a été tué à un petit combat d’arrière-garde contre les Anglais, comme vous le verrez par le bulletin. 3,000 Écossais voulant défendre les gorges de Pieros près Villafranca, en Galice, pour donner le temps à beaucoup de choses de filer, ont été culbutés; mais, le général Colbert pétillant d’impatience de faire avancer sa cavalerie et poussant les tirailleurs d’infanterie pour arriver à une plaine où il pourrait charger, une balle l’a frappé au front et l’a tué.

Prenez les mesures convenables pour que cette nouvelle arrive à sa femme autrement que par les journaux. Témoignez-lui la part que je prends à ses peines et le cas que je faisais de ce bon officier.

 

Benavente, 4 janvier 1809

DÉCISION

Le général Clarke, ministre de la guerre, expose que la milice d’Erfurt qui avait formé la garde d’honneur des deux Empereurs, demande à conserver le titre et les insignes de son Service
lors des conférences du mois d’octobre 1808
Accordé. Je désirerais qu’il fût élevé un monument à Erfurt, pour consacrer la réunion des deux Empereurs; j’en ferai les frais. Me donner quelque idée là-dessus.

 

Benavente, 4 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois vos lettres des 22 et 23. Les renseignements que vous me donnez sur le sieur ……. sont suffisants pour qu’il sorte du Conseil d’état; parlez-en à M. l’archichancelier. Il est sûr qu’il se fait là des affaires d’argent; ce soupçon m’est insupportable.

Je vois, par un de vos bulletins, que vous avez prévenu le duc d’Abrantès que M. Novion avait été mis en liberté. De quel droit vous êtes-vous permis cela ? M. Novion est émigré; il ne peut être rayé que par mon ordre. Croyez-vous que je suis tombé en quenouille ? Vous avez eu tort décrire au duc d’Abrantès. Quand agirez-vous de la manière qui convient à un magistrat ? Vous deviez me proposer la radiation de M. Novion, non le rayer de votre autorité. Quant à la réflexion que cette arrestation n’aurait pas en lieu si le duc d’Abrantès eût fait connaître son opinion, cela est absurde. Le duc d’Abrantès est un militaire ; il n’a rien de commun avec l’administration intérieure. Je ne sais , mais il me semble que vous connaissez bien peu mon caractère et mes principes.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Le major général fera mettre à l’ordre de l’armée les nouvelles suivantes :

L’armée est prévenue qu’une armée anglaise de 30,000 hommes, qui s’était avancée dans l’intérieur du pays, jusqu’à Valladolid et Carrion, a été poursuivie pendant l’espace de soixante lieues; obligée d’évacuer la Castille et le royaume de Léon, elle cherchait à regagner le lieu de son embarquement : ses bagages , munitions de guerre et magasins ont été pris. L’Empereur a chargé le duc de Dalmatie de suivre cette armée, réduite à 20,000 hommes, jusqu’à son embarquement. Le duc de Dalmatie était entré le ler janvier en Galice et leur faisait tous les jours un grand nombre de prisonniers.

Après la prise de Rosas, la général Saint-Cyr s’est dirigé sur Barcelone, où il est entré le 17 décembre. Le 15, il a rencontré l’armée insurgée commandée par les généraux Reding et Vivès, l’a complétement battue, lui a pris six pièces de canon et fait 3,000 prisonniers. Par sa jonction avec le général Duhesme, tout le 7e corps est réuni à Barcelone.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, écrivez au commandant de Ségovie de vous faire connaître si la citadelle est approvisionnée pour 2,000 hommes pendant trois mois, principalement en biscuit.

Donnez ordre à Aranda que tout ce qui se trouverait dans cette place appartenant au 43e et au 51e se rende à Madrid. Donnez un ordre général à Burgos pour que tout ce qui s’y trouve soit dirigé sur Valladolid , soit officiers généraux., soit hommes isolés , soit effets d’habillement, etc.

Pourquoi trouvé-je encore, le 28 décembre, des hommes du 51e à Tolosa ?

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, écrivez an général Reille que mon intention est d’entreprendre le siège de Girone; que le général Sanson commandera le génie et qu’il nommera des officiers pour commander l’artillerie. Que tous les préparatifs soient faits, et que, s’il a besoin de troupes, il fasse connaître le nombre qui lui est nécessaire, et qu’il vous mande quand la place sera investie et quand commencera la tranchée. Enfin je suppose qui n’y a que Girone qui empêche la communication de Barcelone avec la France. Le fort de Hostalrich, qui paraît appartenir aux ennemis, pourrait être pris par le général Saint-Cyr.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, vous ferez connaître au général Lapisse qu’il est sous les ordres du major général; qu’il doit rester à Benavente, où il formera un corps d’observation; qu’il cantonne ses troupes à Benavente et aux environs, pour se reposer et rétablir l’ordre et la discipline. Qu’il forme un magasin de farine pour 100,000 rations de pain , et qu’il ait toujours 20,000 rations de pain de faites; qu’il réunisse tous ses caissons et fasse faire du biscuit, pour que, suivant les circonstances, il soit prêt à se porter partout. Qu’il fasse réparer ses caissons et prenne les mules qu’ont les soldats pour en renforcer les attelages. Il aura sous ses ordres la brigade de dragons du général d’Avenay qui est à Toro, et celle du général Maupetit qui est à Zamora. Ces deux brigades sont chargées de désarmer ces provinces, de soumettre les villes et d’y faire publier mes proclamations. Elles correspondront avec le major général et avec le général Lapisse, afin qu’en cas de besoin il puisse les soutenir avec de l’infanterie.

Vous ferez connaître au maréchal Ney que mon intention est qu’il reste à Astorga, qu’il organise le pays et les magasins, où il tiendra toujours 100,000 rations de farine et 20,000 rations de pain , et qu’il fasse faire du biscuit pour les caissons; que je donne ordre qu’il soit formé à Astorga un dépôt de cavalerie , pour y réunir les chevaux écloppés qui sont en Galice : qu’il désigne un emplacement pour établir ce dépôt; qu’il se charge de garder les défilés qui joignent la Galice au royaume de Léon, et établisse des postes pour que la correspondance soit rapide; qu’il ait toujours des officiers de son état-major auprès du maréchal Soult, pour être instruit et à même de se porter où il serait nécessaire, si les Anglais, au lieu de se rembarquer, débarquaient de nouvelles troupes.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, écrivez au général Loison qu’il y a une imprimerie à Léon, qu’il fasse imprimer six mille exemplaires de toutes les gazettes qui ont paru à Madrid, depuis notre entrée dans cette ville jusqu’à aujourd’hui et de la proclamation de l’Empereur, qu’il en envoie 3.000 au maréchal Soult, 500 au maréchal Ney, à Astorga, et 500 au général Lapisse, à Benavente. Donnez ordre à Vitoria de faire imprimer à trois mille exemplaires la proclamation de l’Empereur et de la répandre dans tout le pays et dans la Navarre. Donnez ordre au général Darnaud de se rendre à Valladolid pour prendre le commandement de tous les bataillons et compagnies de marche qui passeront.

Donnez ordre au 17e léger de se rendre à Valladolid.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, je vous prie de me donner un état des compagnies de marche composées de vieux soldats, des bataillons de marche composés de conscrits et des bataillons des corps restés en arrière avec l’indication des lieux où ces bataillons et ces compagnies se trouvent. Il ne faut jamais appeler, pour bien s’entendre, compagnies de marche que celles qui sont composées de vieux soldats et bataillons de marche que ceux qui sont composés de conscrits et rien que de conscrits.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général, à Benavente

Mon Cousin, envoyez un ingénieur géographe dessiner la route d’Astorga à Lugo et lever les plans des différents puertos et positions qui séparent la Galice du royaume de Léon. Il vous enverra tous les renseignements relatifs à l’entrée en Portugal par la Galice et sur les routes qui conduisent à Oporto. Donnez ordre au colonel Saint-Vincent de se rendre auprès du duc de Dalmatie en Galice pour y servir dans son armée.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je recois vos lettres du 20 décembre. Je trouve ridicule ce que vous me dites du général Chasseloup. Il est jeune, il a encore vingt ans de bons services. Il ne doit pas compter que je le nomme au Sénat avant qu’il ait soixante ans. Vous pouvez lui parler dans, ce sens.

 

Benavente, 4 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, le major général vous envoie des instructions pour le mouvement à faire par le duc de Bellune sur la rive gauche du Tage. La division Dessolle sera le 7 au plus tard à Guadarrama. Le bataillon polonais qui va à Ségovie doit être arrivé. S’il était encore à Somo-Sierra, vous pourrez lui envoyer l’ordre de venir, en laissant à Somo-Sierra deux compagnies. J’ai donné l’ordre aux 3e bataillons, du 43e et du 51e de se rendre à Madrid. Après huit ou dix jours de repos, la division Dessolle doit avoir 9,000 hommes.

Le général Saint-Cyr est arrivé le 17 à Barcelone. Il a eu le 15 une affaire avec les généraux espagnols Vivès et Reding, qu’il a batttus complètement; il leur a pris six pièces de canon et 1,500 hommes.

J’ai fait occuper Zamora et Toro par deux brigades de cavalerie. Une brigade d’infanterie reste à Léon. Envoyez des intendants dans tous ces pays.

Ayez soin que la Gazette de Madrid soit imprimée à 12 ou 15,000 exemplaires, pour être répandue partout. Il serait bon de faire réomprimer les gazettes qui ont paru depuis notre entrée à Madrid.

Je crois vous avoir mandé que, le 2, on avait pris deux généraux espagnols, deux drapeaux et deux régiments de la Romana qui se disposaient à entrer en Galice. Le 3, la cavalerie n’a pu avancer sur Villafranca, parce que le défilé était occupé par de l’infanterie anglaise. Le 3 au soir, la division Merle, étant arrivée, a chargé l’arrière-garde anglaise qui tenait une belle position sur les hauteurs de Pieros. Les Anglais ont été culbutés; on a fait plusieurs centaines de prisonniers. Nous avons eu 40 hommes tués ou blessés. Le général Colbert, pétillant d’impatience aux avant-postes de faire avancer sa cavalerie pour charger, a reçu dans le front une balle qui l’a tué.

A Villafranca les Anglais ont des magasins immenses; tout est encombré; nous y trouverons la plus grande partie des malades anglais.

Je désire fort avoir des nouvelles du duc de Danzig. Je ne concois rien à l’extravagance de son mouvement, et cela sans ordres. S’il vous est nécessaire, donnez-lui les ordres qui conviendront à votre position ; si vous n’en avez pas besoin, laissez-le où il se trouvera; je le ferai agir en conséquence.

J’irai probablement coucher ce soir à Medina de Rio Seco.

 

Benavente, 5 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, sept compagnies de marche, formant 1,300 hommes, ont dû arriver le 4 janvier à Madrid ; trois autres compagnies de marche, formant 500 hommes, ont dû y arriver le 5. Le 1er bataillon de marche, fort de 900 conscrits, a dû y arriver le 5 janvier également. Ainsi, du 4 au 5 janvier, près de 3,000 hommes, vieux soldats et conscrits, ont du arriver, partie appartenant aux divisions restées à Madrid , partie devant rester au Retiro. Il faut qu’à Madrid on passe la revue de ces hommes et qu’on laisse reposer, avant de les faire partir, ce qui appartient à la division Villatte.

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P. S. Le 3, il y a en en avant de Villafranca une affaire d’avant-garde contre les Anglais, où nous les avons battus. Depuis huit jours, nous avons pris dix drapeaux, 2 ou 3,000 hommes, plusieurs généraux espagnols du corps de la Romana. Nous avons à peu près 4,500 Anglais prisonniers. Le 4, le duc de Dalmatie avait son quartier général à quatre lieues en avant de Villafranca, sur la route de Lugo. Je pars demain pour Valladolid.

 

Valladolid, 5 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 26 décembre. J’apprends avec plaisir que le nommé Quintal, brigand de l’Ouest, venant d’Angleterre, a été arrêté. Il faut le traduire à une commission militaire.

 

[1]Lui, le comte de Goyon et Armand de Châteaubriand – le frère de René de Chateaubriand – avaient débarqué sur les côtes de Normandie. Arrêtés il furent fusillés le 31 mars 1809

 

Benavente, 6 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, je vous remercie de ce que vous me dites relativement à la bonne année. Je n’espère pas que l’Europe puisse être encore pacifiée cette année. Je l’espère si peu que j’ai signé hier un décret pour lever 100,000 hommes. La haine de l’Angleterre, les événements de Constantinople, tout fait présager que l’heure du repos et de la tranquillité n’est pas encore sonnée.

Quant à vous, il me semble que votre royaume se pacifie. Les provinces de Léon, des Asturies, de la Nouvelle-Castille ne demandent que du repos. J’espère que la Galice sera bientôt pacifiée et que les Anglais abandonneront ces pays. Saragosse ne peut tarder à tomber, et le général Saint-Cyr, qui a 30,000 hommes, doit venir à bout de la Catalogne.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

A M. Cretet, compte de Champmol, ministre de l’intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, je ne sais pas pourquoi vous ne faites pas travailler à Amiens à la navigation de la Somme. Faites-moi connaître les ouvrages qu’on pourrait y entreprendre, afin de donner du travail aux ouvriers.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je vous ai accordé la permission de recruter les régiments d’Isembourg et de la Tour-d’Auvergne dans les dépôts des prisonniers espagnols. Faites connaître aux généraux portugais que je leur donne la même permission. Je crois aussi qu’il y a bon nombre de soldats espagnols qui sont restés fidèles. Il faudrait voir le duc de Frias et vous entendre pour tâcher de composer un régiment espagnol à ma solde. Le général qui s’est bien comporté dans le Nord pourrait donner des renseignements sur les officiers qui méritent confiance.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au Vice-Amiral comte Decrès, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Vice-Amiral Merès, mon intention est qu’à dater du 12 janvier 1809 les vaisseaux russes qui sont à Toulon, leurs officiers et leurs équipages soient entretenus, soldés et traités comme le sont les vaisseaux et équipages français. Vous instruirez de cette disposition le ministre de Russie.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre état de situation du 15 décembre. Je vois qu’il manque un chef de bataillon du 35e ; faites-moi connaître d’où cela vient. Je vois que les quatre bataillons du 35e forment un effectif de 3,000 hommes, mais qu’il y a 500 hommes au dépôt. Aussitôt qu’il sera possible d’envoyer 300 de ces hommes du dépôt aux bataillons de guerre, ne manquez pas de le faire. Le 53e n’est également que de 3,000 hommes, il n’a que 200 hommes au dépôt. Le 106e n’a que 3,000 hommes, mais il a encore 200 hommes à recevoir. Ainsi je compte qu’au 1er février cette division aura 9,500 hommes présents sous les armes, sans compter les conscrits de 1810 qu’elle va recevoir, c’est-à-dire qu’elle sera de 10,800 hommes présents sous les armes , parce que les 5e bataillons de chaque régiment devant être au complet de 560 hommes, on pourra prendre dans ces 5e bataillons la différence du présent sous les armes à l’effectif, et, de cette manière, réunir au ler mars un présent sous les armes de 1,000 hommes.

La 2e division est composée des 9e, 84e et 92e de ligne ; faites partir également des dépôts de ces régiments tout ce qui est disponible, pour compléter les bataillons de guerre. Cette division sera donc aussi de 10,000 hommes.

La 3e division peut être de la même force. Écrivez au dépôt du ler de ligne de faire partir tout ce qu’il a de disponible. Le dépôt du 13e est en Italie; je vois qu’il a déjà 700 hommes; faites-en partir le plus possible.

Ecrivez au prince Borghese d’envoyer tout ce qu’il a de disponible du 112e, du 29e, du 51e et du 102e. Je compte qu’avant le 1er mars ces quatre divisions auront 40,000 hommes sous les armes.

La division Barbou est composée de seize bataillons. Je suppose que vous avez envoyé ordre aux cadres qui étaient en Dalmatie de rejoindre, et que cette division est actuellement de 6,000 hommes ; mais il y a beaucoup de monde aux dépôts , et je donne des ordres pour que ces hommes rejoignent. Cette division doit être portée, avant mars, à une force de 14,000 hommes. Écrivez également aux généraux de division, dans l’arrondissement desquels se trouvent les dépôts de ces corps, pour avoir l’état de tout ce qui est habillé dans ces dépôts et en état de partir.

La 6e division doit avoir dix bataillons, vu que les 3e et 14e d’infanterie légère et le 6e de ligne partent de Corfou pour revenir à l’armée d’Italie. Cette division doit avoir 8,400 hommes présents sous les armes. Écrivez au prince Borghese de faire partir tout ce qui est disponible de ces régiments.

Les six divisions formeront donc 63,000 hommes d’infanterie présents sous les armes. Je suppose que vous avez pris des mesures pour que les dix à onze bataillons de la division italienne soient complétés et forment au moins 10,000 hommes avant mars ; ce qui, joint à la Garde, fera 75,000 hommes d’infanterie présents sous les armes; et, si je me décide à faire passer en Italie les divisions Boudet et Molitor, qui sont à Lyon et présentent une force de 20,000 hommes, cela fera un total de 95,000 hommes présents; ce qui, joint aux 15,000 hommes de l’armée de Dalmatie, portera à 110,000 hommes l’infanterie de l’armée d’Italie.

Les trois régiments de cavalerie légère ont à leurs escadrons de guerre 2,500 chevaux. Les 4e escadrons me paraissent tous bien faibles, et je ne puis croire que ces régiments n’aient encore que 900 chevaux. Les cinq régiments de dragons doivent avoir chacun 900 chevaux ; il doit en être de même du 25e de chasseurs qui vient de Naples. Les dix régiments doivent faire 9,000 chevaux ; de plus, les 2,000 chevaux italiens et les 1,000 chevaux des dépôts de l’armée de Naples, cela fait 12,000 chevaux.

Je me résous à faire partir de Lyon les quatre régiments qui ont 3,000 chevaux; cela portera donc la force de l’armée d’Italie à 15,000 chevaux et à 125,000 hommes. En y joignant 5,000 hommes de l’artillerie et du génie, cela fera 130,000 hommes présents sous les armes, et indépendamment de l’effectif. Mais je désirerais avoir une seconde division d’infanterie italienne, qui serait composée du 4e bataillon du 1er d’infanterie légère, du 4e bataillon du 2e, du 4e bataillon du 4e de ligne, et du 2e et du 3e bataillon du 7e ; ce qui ferait cinq bataillons. Certes l’armée d’Italie pourrait être ainsi portée jusqu’à 140,000 hommes, y compris l’armée de Dalmatie , c’est-à-dire qu’elle serait trois fois plus forte que n’a jamais été l’armée que j’ai eue sous mes ordres pour la conquête de l’Italie, et quim’a mené jusque sous les murs de Vienne. Indépendamment de cette armée, les 5e bataillons pourraient faire un fond de garnison pour les places fortes.

Quant à l’artillerie, chacune des six divisions d’infanterie a besoin de 12 pièces; ce qui ferait 72 pièces de canon, plus 12 pièces d’artillerie légère pour la cavalerie, et 18 pièces italiennes , total, 102 pièces; ce nombre me paraît suffisant. Il me semble que vous avez du 2e régiment six compagnies, du 4e six autres et du 8e une ; total, treize compagnies , sans compter l’artillerie de l’armée de Dalmatie. Vous avez deux régiments d’artillerie à cheval; vous avez donc plus de personnel qu’il n’en faut. Quant au train, vous avez trois bataillons complets, c’est-à-dire plus de 1,500 hommes pouvant servir plus de 3,000 chevaux.

Vous avez suffisamment de mineurs, de pontonniers et de sapeurs. La conscription de cette année va compléter les trois bataillons du train. Il faut employer les chevaux. Votre parc, composé de 84 pièces de canon, peut se tirer d’affaire avec 400 voitures, surtout dans un pays comme l’Italie ; 400 voitures exigent 2,000 chevaux. Votre parc de 18 bouches à feu italiennes peut faire son service avec 84 ou 85 voitures, c’est-à-dire avec 400 chevaux , et, comme je crois qu’indépendamment de ces bataillons du train il y en a un autre dans le gouvernement du prince Borghese pour la navigation du Pô, il est donc hors de doute que vous n’ayez sous la main tout ce qui vous est nécessaire. Quant au génie, il est indispensable d’avoir 20,000 outils portés dans des caissons. Ainsi la campagne en Italie doit pouvoir s’ouvrir avec 130 à 140,000 hommes et plus de 100 pièces de canon. Tout cela doit être prêt avant la fin d’avril.

Je suppose que vous avez un chiffre avec le général Marmont pour traiter des affaires secrètes. Si vous n’en avez pas, il faut en établir un, et, sitôt qu’il sera convenu, faire connaître au général Marmont que, si la guerre vient à éclater, il est probable que l’armée d’Italie se trouvera portée à une force suffisante pour s’emparer de l’offensive, et qu’il pourra sur-le-champ s’y réunir ; mais qu’à tout événement il doit avoir dans Zara des vivres et des munitions pour nourrir longtemps la guerre sur ce point, que, si Junot avait eu cette précaution dans un camp retranché, il aurait pu y attendre les secours de France; qu’ici le camp retranché se trouve tout naturellement autour de Zara.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, je suis arrivé hier au soir à Valladolid; les chemins sont horribles. Le maréchal Soult doit être aujourd’hui à Lugo. J’ai trouvé ici un de vos intendants, qui m’a paru fort zélé et fort habile. Il a été très-entravé par les gens du pays; j’en ferai sévère justice.

Faites-moi apporter par une députation de Madrid et des Conseils le procès-verbal du serment prêté. Quand je l’aurai reçu , je donnerai ma décision.

Le duc de Danzig est à Avila. Je ne conçois rien à cette folie. Je ne lui ai envoyé aucun ordre; si de votre côté vous ne lui en avez pas envoyé, mandez-le-moi pour que je lui donne une destination. Toutefois, il n’y a pas d’inconvénient à ce que son corps se repose quelques jours à Avila.

Il faut replier tous les hommes du régiment étranger qui sont à Guadarrama et à Villacastin, puisque la route de l’armée sera désormais par Ségovie. Je pense qu’un bataillon de ce régiment serait très- nécessaire à Avila pour maintenir cette province, et que vous puissiez y envoyer un intendant pour l’administrer.

Il paraît que la division Lasalle et une partie des Polonais n’ont pas pu se replier sur Talavera. Mais la division Dessolle et 3 à 4,000 hommes des compagnies et des régiments de marche, tant conscrits que vieux soldats, doivent à l’heure qu’il est être arrivés à Madrid. Je suppose que le maréchal Victor a commencé son mouvement.

Il est bien nécessaire d’envoyer les journaux de Madrid ici et d’y faire mettre beaucoup de nouvelles de l’armée, des lettres de Lugé, de la Corogne et de tous ces pays-là.

Peut-être serait-ce une bonne mesure que de créer quelques régiments espagnols. On pourrait en former un dans le Nord, à Palencia, un autre à l’Escurial et ailleurs. Il faudra nommer plusieurs officiers espagnols sûrs pour les commander, y mêler quelques officiers français et donner beaucoup de places de sous-lieutenants à d’anciens sergents-majors.

Il n’y a véritablement plus l’ombre d’une armée espagnole. Les 4 à 5,000 hommes pris sur la Bornana étaient horribles à voir; c’est encore pis que ce que le duc de Danzig a vu du côté de l’Estrémadure.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre des 28 et 29 décembre. La dame Dillon dont il est question dans votre rapport du 28 ne doit pas être relâchée. Quand elle aura été punie d’une année de prison, on pourra la remettre en surveillance, du côté de l’île Sainte-Marguerite.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 30. Tâchez de faire saisir et traduire devant une commission militaire le nommé Louis Pons.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

J’ai reçu votre lettre ainsi que celle de M. de Caulaincourt. Vous pouvez répondre que les deux vaisseaux russes qui sont à Toulon seront soldés, payés et entretenus de tout; il n’y aura aucune espèce de difficulté là-dessus.

Relativement à la grande-duchesse, mon intention est que M. Caulaincourt fasse ce qui convient à l’empereur. Mon ambassade ne doit et ne peut céder le pas au prince héréditaire d’Oldenbourg; mais il doit le céder sans difficulté au mari de la soeur de l’empereur de Russie toutes les fois qu’il est reconnu comme tel. M. Caulaincourt peut même déclarer que, si le prince et la princesse venaient à Paris, ils seraient traités comme à Pétersbourg, c’est-à-dire qu’ils seraient assis aux cercles de la cour, etc. Cependant, pour être en règle, il faudrait que l’empereur accordât à son beau-frère le titre d’Altesse Impériale. L’empereur d’Autriche l’a fait pour le prince Albert de Saxe; je l’ai fait pour le grand-duc de Berg. Tout devient simple, le jour où l’empereur fera connaître par une lettre à son maître des cérémonies qu’il a donné cette preuve d’amitié à sa soeur, et dès lors, en quelque cour de l’Europe que son beau-frère vienne à se rendre, il serait traité comme Altesse Impériale sans difficulté.

Pour l’article qui concerne la Suède, il faut laisser la Russie faire ce qu’elle veut. Répondez que peu m’importe ce qu’elle prendra à la Suède; que je suis prêt à faire la paix, que je suis prêt à continuer la guerre, que j’approuve tout ce que fera la Russie.

Quant à l’Autriche, il faut que M. de Caulaincourt prenne le ton convenable; qu’il dise bien que je ne crains pas l’Autriche, même avec la guerre d’Espagne. M. de Caulaincourt doit presser l’empereur de prendre des mesures pour qu’on en finisse à Vienne. Il doit lui faire connaître que je suis avec 150 000 hommes en Italie, non compris mon armée de Naples, avec 150,000 hommes en Allemagne, non compris les forces de la Confédération, avec 400,000 hommes enfin prêts à entrer en Autriche; que je lève encore 80,000 hommes, et cela sans ôter un seul bataillon à mes armées d’Espagne. M. de Caulaincourt doit confier à l’empereur que ma garde rétrograde, qu’elle sera dans peu à Paris pour être prête à se porter sur l’Autriche, si cet état de choses ne finit pas.

Immédiatement après la réception de cette lettre, vous expédierez donc un courrier à Saint-Pétersbour. Ajoutez que le duc de Dalmatie est à Lugo, que déjà 9,000 prisonniers ont été faits sur l’arrière-garde anglaise, et qu’une partie de son artillerie et de ses équipages est en notre pouvoir.

 

Valladolid, 7 janvier 1809

Au général Cauaincourt, ambassadeur à saint-Pétersbourg

Je reçois votre lettre du 8 décembre. Les bulletins se sont succédé avec rapidité. Les nouvelles de Constantinople, les nouvelles d’Autriche et aussi le besoin de me rapprocher de France m’ont rappelé au centre; car il y a d’ici à Lugo 100 lieues, ce qui en ferait 200 pour le retour des estafettes. J’ai laissé le duc de Dalmatie avec 30,000 hommes pour suivre la retraite des Anglais; le maréchal Ney est en seconde ligne sur les montagnes qui séparent la Galice du royaume de Léon. Le duc de Dalmatie doit être à Lugo. Il est probable que, lorsque vous recevrez cette lettre, je sois de retour à Paris. Dites à l’empereur qu’en Italie et en Dalmatie j’ai 150,000 hommes à opposer à l’Autriche, non compris l’armée de Naples; que j’ai 150,000 hommes sur le Ilhin, et, en outre, 100,000 hommes de la Confédération; qu’enfin, au premier signal, je puis entrer avec 400,000 hommes en Autriche; que ma garde est aujourd’hui à Valladolid, où je la laisse reposer huit jours, que je la dirigerai ensuite sur Bayonne; que je suis prêt à me porter sur l’Autriche, si cette puissance ne change pas de conduite, et que si ce n’eût pas été pour ne rien faire de contraire à une alliance, déjà je me serais mis en guerre avec cette puissance; les affaires d’Espagne, qui m’occupent 200,000 hommes, ne m’empêchent pas de me croire deux fois plus fort que l’Autriche, quand je suis sûr de la Russie; que le seul mal que je voie, c’est que cela coûte beaucoup d’argent; que je viens de lever encore 80,000 hommes; que je désire que nous prenions enfin le ton convenable avec l’Autriche. Je l’ai proposé à Erfurt. Autrement nous ne pourrons terminer rien de bon sur les affaires de Turquie. Nous aurions peut-être eu la paix, sans les espérances que les Anglais fondées sur les dispositions de l’Autriche.

 Quant aux deux vaisseaux russes à Toulon, il n’y a pas de doute qu’ils seront payés. Je viens encore d’écrire à ce sujet.

Vous pouvez assurer qu’il n’y a plus d’armée espagnole. Si tout le pays n’est pas entièrement soumis, c’est qu’il y a beaucoup de boue, et qu’il faut beaucoup de temps; mais tout se termine.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris

Mon Cousin, je reçois vos lettres des 24, 25, 27 et 31 décembre. Je vous remercie de ce que vous me dites relativement à la nouvelle année. J’espère que le même compliment se renouvellera encore une trentaine de fois, mais pour cela il faut être un peu sage.

Il faut désavouer l’idée que l’Autriche veuille nous faire la guerre; vous n’êtes pas cependant, je crois, de ceux qu’il faut convaincre que, si elle la faisait, elle sonnerait sa dernière heure. J’ai en Italie et en Allemagne beaucoup plus de forces qu’il n’en faut contre elle.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, donnez l’ordre au due d’Auerstaedt de retirer de Varsovie, de Danzig et de Stralsund tous les gendarmes qui s’y trouvent. Mon intention est de n’avoir aucunes troupes dans le duché de Varsovie. Réitérez donc les ordres pour que le général en chef de mon armée du Rhin retire insensiblement tout ce que j’ai dans le duché de Varsovie.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Vice-Amiral Decrès, je reçois votre lettre du 30 décembre. Entretenez souvent le Roi (de Naples) de l’expédition de Sicile; mandez-lui que je compte qu’il a déjà réuni des bâtiments à Scilla. Il serait bien nécessaire qu’il y en eût déjà sur la plage de Scilla une soixantaine. Démontrez-lui que ce ne sera qu’autant que ces bâtiments seront là tout prêts, qu’on pourra compter sur cette expédition. J’ai deux buts, d’abord de voir si cette expédition est réellement praticable, et puis de faire une diversion aux forces anglaises, et de leur donner le change sur une destination plus importante que je suis dans l’intention de donner à mon escadre de Toulon.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

DÉCISION.

Le général Clarke, ministre de la guerre, soumet à l’Empereur une lettre du maréchal duc d’Auerstaedt et une demande faite par M. de Golz, ministre d’État du roi de Prusse, d’un cartel pour l’extradition réciproque des déserteurs.Le ministre de la guerre fera connaître que cela est contre les principes de la France, qui ne fait jamais de pareilles stipulations. Le duc d’Auerstaedt doit répondre qu’il attend mes ordres.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, Battaglia m’arrive et m’apprend qu’Auguste nous a donné une princesse. Faites-lui-en mon compliment. J’espère que la prochaine fois elle vous donnera un garçon.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 21 décembre. Je vous ai écrit hier une longue lettre dans laquelle vous aurez vu que non seulement je m’attends que la conscription dernière vous aura rejoint avant le 1er mars, mais même que la conscription que je lève en ce moment vous arrivera.

J’ai écrit au ministre Dejean pour les draps, mais ce ministre marche médiocrement. J’ai lu avec un grand intérêt le rapport qui vous est fait, en date du 10 décembre, sur les dépôts de l’armée d’Italie.

J’attends ce même rapport sur ceux des armées de Dalmatie et de Naples, en conséqunce de ce que vous aurons écrit les majors. Je vois avec intérêt qu’au mois de janvier ce que vous avez en Italie aux 5e bataillons pourra compléter les quatre premiers bataillons de guerre.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Faîtes exécuter la sentence qui condamne à mort le nommé Brave-la-mort, chouan resté en Hollande. Faîtes traduire devant une commission militaire tous ceux qui viennent d’être arrêtés dans la Bretagne.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

DÉCISION

14 décembre 1808

Le ministre-directeur rend compte à Sa Majesté des ordres donnés par M. le duc d’Auerstaedt, commandant en chef l’armée du Rhin à M. l’intendant général :

1° Pour faire distribuer la viande, à raison de 10 onces la ration aux sous-officiers et soldats de l’armée du Rhin;

2° Pour faire payer par le trésor de France l’excédant de dépenses résultant de cette augmentation de la ratoin de viande pour les troupes stationnées dans le royaume de Westphalie;

3° Pour faire supporter ailleurs cette dépense par les pays où les troupes se trouveront cantonnées.

Je n’approuve point cette disposition. Le soldat ne doit avoir que 8 onces de viande. Le duc d’Auerstaedt n’a point le droit d’y rien ajouter. Donnez ordre à l’intendant et au payeur de n’allouer et de ne payer rien au-delà de 8 onces.

 

Valladolid, 8 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Je reçois votre lettre du 23, vos deux lettres du 24 et celles du 26 et du 30 décembre. Il n’y a pas de mal à faire mettre dans les petits journaux le mot de la dépêche du sieur Andréossy, en le mettant dans la bouche d’une dame de Vienne. Il paraît que vous n’aviez pas encore reçu de lettres de mon chargé d’affaires à Constantinople, et que cette affaire n’était pas encore claire.

Faites connaître au sieur Otto et à mes différents ministres près les cours de la Confédération du Rhin qü’ils doivent parler avec confiance de mes forces et avec mépris de celles de l’Autriche. Mandez-leur que j’ai en Italie une armée de 160,000 hommes, et qu’il me reste en Allemagne et sur le Rhin une armée de 250,000 hommes, en y comprenant les troupes de la Confédération. Écrivez également au sieur Otto et à mes ministres en Saxe et à Vienne qu’ils doivent parler comme si j’étais déjà de retour à Paris, les affaires d’Espagne n’étant plus dignes de m’occuper après le rembarquement des Anglais.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, faites connaître au ministre de Bavière et
au sieur Otto que, si l’Autriche continue ses armements, il me parait convenable de réunir à Augsburg et à Ingolstadt le corps d’Oudinot; que ce mouvement donnerait de la confiance au pays et en imposerait à l’Autriche. Vous connaissez la composition de ce corps. Ajoutez que, sur la simple demande de la Bavière, le due d’Auerstaedt ferait entrer mon armée en Bavière; qu’avec les secours que j’y envoie mon armée d’Allemagne est de 150,000 hommes, dont 25,000 de cavalerie; que j’en ai autant en Italie; que je désire que les journaux allemands prennent le ton convenable.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au contre-amiral Willaumez, commandant l’escadre de Brest

Monsieur le Contre-Amiral Willaumez, vous appareillerez aussitôt que le temps le permettra, et en évitant les forces supérieures ennemies, avec les vaisseaux l’Océan, le Foudroyant et six des sept vaisseaux de 74 qui sont à Brest, que vous désignera mon ministre de la marine; et vous vous rendrez dans le port de Toulon, où vous vous mettrez sous les ordres du vice-amiral Ganteaume.

L’escadre sous votre commandement partira de Brest approvisionnée de six mois de vivres et de quatre mois d’eau, afin que, si le vice-amiral Ganteaume le juge convenable, vous n’ayez aucun besoin de relâcher à Toulon.

Avant d’aborder à Toulon, vous vous assurerez que ce port n’est point bloqué par des forces supérieures. Toutefois les ports d’Ajaccio, de Saint-Florent, de la Spezia, de Gênes, la rade de Vado, le golfe Juan, le port de Villefranche, et, en cas d’événements imprévus, les rades de Baia près Naples, de Gaëte, de Tarente, de Corfou, de Pola en Istrie, de Raguse, les bouches de Cattaro, sont des ports gardés par mes troupes, où vous trouverez sûreté et protection.

Mon ministre de la marine vous donnera des instructions sur la navigation que vous avez à faire. Je me repose sur votre zèle, vos talents et votre fidélité pour mon service.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Mon Cousin, donnez ordre que la seconde brigade du général Millet reste à Burgos jusqu’à nouvel ordre, et que la première brigade soit placée à Torquemada. Donnez ordre au général Kellermann, qui prendra le commandement de cette division, de placer des escadrons à toutes les postes, depuis Miranda jusqu’à Valladolid, de manière que, sans fatiguer les dragons, mes estafettes puissent voyager nuit et jour. En attendant, ces régiments se reposeront dans cette situation.

 

Valladolid, 9 janvier 1809, midi.

A Joseph Napoléon, roi d’Italie, à Valladolid

Mon Frère, je reçois votre lettre du 6. Je vous ai écrit de Benavente, le 4, pour faire porter le duc de Bellune avec deux divisions à la rencontre de l’Infantado. Je vous ai écrit de Benavente le 5 et le 6. Je vous ai écrit depuis de Valladolid, le 7, par mon ofricier d’ordonnance Germain, et, le 8, par un officier de gendarmerie.

Le duc de Danzig est arrivé le 5 à Avila. Je ne lui ai donné aucun ordre; j’attends de savoir si vous ne lui en avez pas donné. Il n’y a pas d’ailleurs d’inconvénient à ce qu’il se repose quelques jours. Ce maréchal n’a fait que des bêtises; il ne sait pas lire ses instructions. Il est impossible de lui laisser le commandement d’un corps; c’est dommage, parce que c’est un fort brave homme un jour d’affaire.

Je vous ai mandé que j’attendais les adresses pour faire ma proclamation. Prenez toutes vos mesures pour faire votre entrée à Madrid; tâchez qu’elle soit solennelle et que vous soyez bien reçu par les habitants. Convoquez ensuite tous les Conseils, et que vos ministres fassent toutes leurs dispositions pour bien administrer. Je suppose que, dans la journée, Victor aura battu l’Infantado.

Il est nécessaire d’occuper Talavera de la Reina. Vous pouvez y envoyer le général Valence avec un régiment de cavalerie et ses 1,500 Polonais; on réunira cette division là aussitôt que possible.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à La Florida

Mon Frère, je vous ai écrit ce matin. Je profite du passage de Battaglia pour vous écrire encore un mot.

Le duc de Dalmatie était, le 5, à trois lieues de Lugo. Il a pris aux Anglais sept pièces de canon, 2,000 prisonniers (anglais) , des convois de toute espèce à un point tel, qu’il s’y est trouvé un convoi chargé d’argent que les dragons se sont partagé; on l’évalue à 2 millions. Les Anglais fuient dans le plus épouvantable désordre. Les granges des villages de la Galice sont pleines d’Anglais pendus par les mains des paysans, en vengeance des horribles pillages qu’ils commettent. Quant aux Espagnols de la Romana, on leur a pris 4 à 5,000 hommes, neuf drapeaux et, en différentes occasions, une douzaine de pièces de canon.

Le duc d’Elchingen a porté son quartier général à Villafranca.

Zamora a fermé ses portes à la brigade de dragons du général Maupetit. Dans la journée du 7, ce général, ayant vu deux colonnes d’environ 800 hommes chacune, les a chargées, culbutées, leur a tué une centaine d’hommes, fait 200 prisonniers et pris leurs canons. La division Lapisse marche sur Zamora. Faites répandre ces nouvelles et faites-les mettre dans les journaux.

Une députation d’Astorga, composée de l’évêque et des principaux magistrats de la ville, une députation des principaux magistrats et habitants de Léon, se rendent à Madrid. Mandez également des députations des villes d’Avila et de Ségovie. Préparez votre entrée. J’espère qu’avant le duc de Bellune aura atteint et frotté l’infantado.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au vice-amirl comte Decrès, minstre de la marine, à Pars

Monsieur le vice-amiral Decrès, je reçois votre lettr du 30 décembre. Entretenez souvent le roi (de Naples) de l’expédition de Sicile; mandez-lui que je comte qu’il a déjà réuni des bâtiments à Scylla. Il serait bien nécessaire qu’il y en eût déja sur la plage de Scylaa une soixantaine, Démontrez-lui que ce ne sera qu’autant que ces bâtiments seront là tout prêts, qu’on pourra compter sur cette expédition. J’ai deux buts d’abord, d’anord de voir si cette expédition est réellement praticable, et puis de faire une diversion aux forces anglaises, et de donner le change sur une destination plus importante que je suis fans l’intention de donner à mon escadr de Toulon.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au général Savary, duc de Rovigo, commandant la gendarmerie d’élite, à Paris

Faîtes intérroger dans le plus grand détail tous les individus portés sur la liste ci-jointe. Qu’on les mette au secret, qu’on les fasse parler et qu’on obtienne d’eux l’aveu des crimes qu’ils ont commis. Ensuite on me mettra sous les yeux leur interrogatoire, la note de leurs assassinats et toutes les révélations qu’on aura pu tirer d’eux.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Espagne

Témoignez au général Belliard mon mécontentement de la mollesse de son gouvernement. Tous les jours on assassine des Français à Madrid, et il n’a encore rien ‘fait. Dites-lui qu’il faut faire arrêter 30 des plus mauvais sujets de la ville et les faire fusiller; que c’est ainsi que j’ai fait à Valladolid; que je le rends responsable du premier assassinat qui aura été commis sur un Français, si l’arrestation d’un Espagnol ne s’ensuit pas aussitôt. La conduite qu’on tient à.Madrid est ridicule.

 

Valladolid, 9 janvier 1809

Au prince de Neuchâtel, major-général de l’armée d’Espagne

Donnez ordre que le prince de Castelfranco, le duc d’Altamira et le marquis de Santa-Cruz soient dirigés sur la place de Fénestrelle, où ils seront retenus comme prisonniers d’État. Prévenez de cette disposition le ministre de la police.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la polica générale, à Paris

La Gazette de France du……. dit que j’ai accordé 25.000 francs de gratification au sieur Touron, intendant de la province d’Erfurt. Demandez à ce journal où il a pris cette nouvelle et faîtes-la démentir.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du ler, avec la relation de la révolution de Constantinople. Faites faire une notice sur toutes ces données pour mettre dans les journaux.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Le roi de Naples demande 400 Français pour sa garde, à prendre dans mes régiments. Faites-lui connaître que cela n’est pas possible; que mes régiments peuvent à peine suffire au recrutement de ma Garde; que je l’ai refusé aux rois de Hollande et d’Espagne, mais que je lui accorde, comme à ceux-ci, 400 bons conscrits, qui se formeront à son service. Qu’il vous fasse connaître ses désirs là-dessus et de quels départements il les voudrait de préférence.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai besoin d’avoir à Toulon, pour une expédition que je projette, six compagnies d’artillerie à pied, quatre compagnies du train, une compagnie d’ouvriers et quatre compagnies de sapeurs. Donnez ordre que tout cela se réunisse à Valence, savoir : la lle compagnie du 2e bataillon du ler régiment d’artillerie, la 5e du 1er bataillon du 3e régiment, la 2e compagnie du ler bataillon du 5e régiment, la 3e du 1er bataillon du 51e régiment, la 11e du 2e bataillon du 5e régiment, la 11e du 1er bataillon du 7e régiment. La première est à Strasbourg, la deuxième à Toulouse, la troisième, la quatrième et la cinquième à Metz, et la sixième à Mayence. Donnez ordre que ces six compagnies se rendent à Valence avec leurs officiers, même leurs capitaines en second, et là soient complétées à 180 hommes présents sous les armes.

Vous dirigerez sur Toulon une compagnie d’ouvriers des trois qui sont à Toulouse, et vous la ferez compléter à 140 hommes.

Quant aux compagnies du train, réunissez à Valence la 1e et la 4e compagnie du 4e bataillon, qui sont aux divisions Molitor et Boudet; la 5e et la 6e du même bataillon, que vous ferez venir de la Grande Armée. Vous ferez venir les chefs de bataillon à ces quatre compagnies, qui seront mises à un tiers au-dessus du complet en hommes; en chevaux, il suffira de 500 chevaux; en harnais, ils en auront 1,500.

Quant aux sapeurs, vous ferez venir deux compagnies de celles qui sont à Alexandrie, complétées à 150 hommes chacune.

Vous dirigerez également sur Valence une compagnie de mineurs, que vous compléterez à 150 hommes.

De sorte que le corps d’artillerie et du génie de l’expédition sera composé de 900 canonniers, 600 soldats du train, 150 ouvriers, 150 armuriers, 300 sapeurs et 150 mineurs, total, 2,250 hommes. Vous y formerez de plus une compagnie de pionniers de 250 hommes, qui se réunira à Toulon; ce qui fera 2,500 hommes pour l’artillerie et le génie de l’expédition.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’aurai besoin au 1er mars à Toulon, pour l’expédition que je projette, de vingt-quatre pièces de 4 et de quarante-huit affûts, de douze pièces de 12 et de vingt-quatre affûts, de douze obusiers et de vingt-quatre affûts; total, quarante-huit bouches à feu et quatre-vingt-seize affûts ; de vingt-quatre caissons de 4, de douze caissons de 12, de douze caissons d’obusiers, de dix forges et de vingt chariots à munitions; de douze mille cartouches à balles ou à boulets de 4, de six mille cartouches à balles de 12, de six mille cartouches à balles d’obusiers; total, 24,000 cartouches, renfermées dans des coffrets qui puissent être portés à dos de mulet; de fers, de bois de rechange et d’acier pour faire quarante-huit affûts et soixante chariots à munitions; d’un million de cartouches dans des caissons à porter à dos de mulet, d’un million à porter dans des caissons ordinaires ; de 200 milliers de poudre et de 150 milliers de plomb. J’ai également besoin à Toulon de douze pièces de 24 courtes, de six mortiers de 8 pouces, de six mortiers de 12 pouces, avec double crapaud ou affût; de douze mille boulets de 24, de six mille bombes de 8 pouces, de trois mille bombes de 12 pouces, avec plates-formes, armement et approvisionnement ; de 30,000 outils de pionniers, roches à feu , de tourteaux goudronnés, de flambeaux à éclairer les convois et d’artifices propres à une expédition ; de 10,000 fusils d’infanterie, de 3,000 sabres, de 3,000 paires de pistolets, de 10,000 baïonnettes de rechange, et de 10,000 pièces de rechange.

Chargez le général Pernety de se rendre à Toulon pour former cet équipage. Vous y attacherez un garde-magasin particulier; vous y joindrez un artificier, qui vérifie les artifices et soit certain de leur bonne composition. Faites joindre à cet équipage tout ce qui est nécessaire en acier, en fer et en bois pour son entretien pendant deux ans de marche, surtout en acier et en fer. Je crois qu’une partie de ces objets doit se trouver à Toulon, à Marseille ou à Nice. Vous tireriez ce qui manquerait d’Auxonne, de Grenoble et de Toulouse.

Dirigez sur Toulon une compagnie entière d’ouvriers de 100 hommes, qui y sera rendue le plus tôt possible, afin de réparer le matériel de cet équipage.

Il existe beaucoup de ces caisses de montagne à Toulon et à Nice; toutefois il y en a beaucoup à Douai et dans le Nord que vous pourriez faire filer sur Toulon jusqu’à concurrence nécessaire.

 

Camp impérial de Valladolid, 10 janvier 1809

DÉCRET

Article 1er. – L’escadre de l’amiral Ganteaume sera prête à mettre à la voile au 1er mars prochain , composée des vaisseaux ci-après : à Toulon, le Commerce-de-Paris, le Majestueux, l’Austerlitz, de 120 canons, le Robuste, le Donauverth, de 80 canons (en armement), l’Ajax, le Magnanime, le Lion, le Suffren, le Génois, le Borée, le Danube, de 74 canons (en armement), l’Annibal, de 74 canons (en réparation), l’Ulm, de 74 canons (en construction aux 16 vingt-quatrièmes) ; à Gênes, le Breslau, de 74 canons; total, quinze vaisseaux de ligne; des neuf frégates ci-après : à Toulon, la Fée, la Pomone, la Pauline, la Danaé, la Pénélope, l’Incorruptible, la Thémis, la Médée et l’Amélie, cette dernière en armement; des vaisseaux russes ci-après : à Toulon, le Moscou et le Saint-Pierre, de 74 canons ; des corvettes ci-après : à Toulon, le Mohavk et la Fauvette, de 20 canons; à Port-Vendres, la Tactique, de 20 canons; à la Spezia, l’Abeille et l’Endymion, de 16 canons; à Gènes, le Janus, de 12 canons, la Ligurie, de 10, l’Adonis, de 16; à Livourne, la Victorieuse, de 90 canons; total, neuf corvettes ou bricks; des goëlettes, demi-chebecs, tartanes, felouques ci-après : à Barcelone, le Cerf, de 10 caronades , le Neptune, de 8, la Jalouse, la Gentille, la Provençale, de 3, la Julie (prise), la Décidée, l’Aventurière, de 3, la Bretonne, de 1 ; à Toulon, l’Osiris, de 1 (désarmé), la F’lèche (en armement) ; en Corse, la Fortune, de 10, la Gauloise (prise), la Sirène, de 10; à Gênes, la Riche, la Levrette, de 12, la Gazelle, de 1 , l’Éclair, la Sentinelle, de 12; à l’île d’Elbe, le Bamberg, demi-chebec de 4; total, vingt petits bâtiments; et des gabares ou transports ci-après : à Toulon, la Baleine, de 800 tonneaux, la Nourrice, de 600, la Durance, de 400, la Lamproie, de 450, la Champenoise, de 170, la Languedocienne, de la Normande, de 124, employés aux transports du 6e arrondissement, le Castor, de 250 (sert de bagne), le Rhinocéros, de 350 (est désarmé), l’Ami-de-la-Vertu, de 135, la Gasconne, de 98, l’Indien, de 700, le Grandin, de 350, la Bourguignonne, de 50, l’Alsacienne, de 48; en construction : à Marseille, aux 5 vingt-quatrièmes, le Dromadaire, de 800; aux 3 vingt-quatrièmes, le Mérinos, de 800; à La Ciotat, aux 3 vingt-quatrièmes, la Caravane, de 800; aux 5 vingt-quatrièmes, le Girafe, de 800; à Marseille, aux 5 vingt-quatrièmes, la Persane, de 800; soit, 8,725 tonneaux; total, vingt transports, formant 9,000 tonneaux.

ART. 2. – Cette escadre, ainsi composée de soixante et quinze voiles, et pouvant transporter 32,000 hommes et 600 chevaux, sera approvisionnée, 1° pour son équipage, à cinq mois de vivres; 2° pour les troupes de passage qu’elle peut transporter, à deux mois de vivres. Elle sera approvisionnée de deux mois d’eau pour tout le monde, et munie de tout ce qui est nécessaire pour porter 32,000 hommes dans un point quelconque de la Méditerranée.

ART. 3. – Tous les vaisseaux de guerre et frégates qui, de l’Océan, arriveraient à Toulon seront joints à ladite escadre.

ART. 4. – L’embarquement aura lieu à raison de 800 hommes par vaisseau de 120, de 700 par vaisseau de 80, de 550 par vaisseau de 74, de 300 par frégate, de 100 par corvette ou brick, de 50 par goëlette ou aviso, et d’un homme et demi par tonneau pour les transports. Chaque vaisseau de ligne et frégate portera 6 chevaux; chaque corvette, brick ou goëlette portera 3 chevaux; chacune des gabarres ou flûtes portera 4 chevaux; ce qui fera 300 chevaux. Les 300 autres chevaux seront embarqués sur des écuries, en prenant les transports les plus capables de servir à cet usage.

ART. 5. – Notre ministre de la marine donnera les ordres convenables pour l’armement de tous ces bâtiments et leur réunion à Toulon, avec les vivres et tout ce qui est nécessaire.

ART. 6. – Douze mille boulets de 24, six mille bombes de 8 pouces, trois mille bombes de 6 pouces, six mille boulets de 12, six mille boulets de 4, et cent milliers de plomb, seront répartis comme lest entre quatre frégates.

ART. 7. – Notre ministre de la marine est chargé de l’exécution du présent décret.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, je suppose que vous avez envoyé à mes frégates , qui ont été expédiées dans les colonies pour les approvisionner, l’ordre de revenir dans la Méditerranée. S’il en était autrement, vous voudrez bien sur-le-champ donner cet ordre à celles qui sont parties. Donnez ordre que les deux frégates qui sont au Havre soient armées; que la frégate la Néréide soit mise à l’eau à Saint-Malo.

Faites donc partir les escadres de Lorient et de Rochefort.

Faites mettre à l’eau à Lorient le vaisseau l’Eylau.

Faites armer à Nantes la Clorinde et la Renommée.

Faites mettre au Havre 2 vaisseaux en construction.

Faites mettre le Triomphant à l’eau à Rochefort.

 Comment la frégate le Niémen n’est-elle pas encore à l’eau à Bordeaux ? Donnez ordre que les gabarres la Dorade et la Gironde se rendent à Rochefort, et y prennent des membrures pour remplacer le Vénitien et la Couronne.

Faites mettre le Béarnais et le Basque en rade à Bayonne. Faites mettre en rade l’Austerlitz et le Donauwerth, l’Amélie, l’Étourdi et le Coureur, ainsi que l’Annial.

Faites terminer les 4 flûtes qui sont à Marseille et les 4 de la Ciotat. Faites mettre à l’eau le Danube et et l’Ulm. Les affaires de Constantinople doivent assez vous dire qu’il faut que j’aie une grande escadre dans la Méditerranée. Que le Breslaw se rende donc à Toulon. Je ne sais pourquoi il n’y a à Anvers que 7 vaisseaux en construction : il me semble qu’il devrait y en avoir 9. J’ai pris aujourd’hui un décret pour l’escadre de Toulon. Prenez toutes les mesures pour que je puisse embarquer 6oo chevaux et 30 à 32,000 hommes dans la Méditerranée.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, vous recevrez ci-joint une lettre pour le contre-amiral Willaumez. Vous désignerez le bâtiment qu’il laissera à Brest. L’éqiopage en sera réparti sur les autres bâtiments. Il n’y a de danger que pour l’atterage, car les Anglais ne tiennent plus de forces considérables devant Cadix. Donnez des ordres précis pour que l’on atterre dans une autre.

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Les ordres ont été donnés le 17 par courrier extraordinaire; les 20 et 21, par dépêches chargées à la poste.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris

Je reçois votre lettre du 1er janvier dans laquelle vous me rendez compte que dix des prévenus dans l’affaire de l’arrestation de la diligence de Rouen ont été condamnés à mort.

 

Valladolid, 10 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne

Renvoyez-moi à Valladolid le duc de Dantzick; il ne commandera plus le 4e corps. Le corps peut être conservé en en donnant le commandement au maréchal Jourdan, qui peut rester votre chef d’état-major; il sera, par ce moyen, plus dans votre main. Ce corps sera destiné à la garde du centre. Il est composé de la division Sébastiani, forte de quatre régiments ou seize bataillons, el près de 12,000 hommes; 3,000 sont à Léon, et 4,000 à Bayonne venant de Paris. Cette belle division, composée de nos meilleurs régiments, vous la garderez à Madrid pour la garde de cette ville et de votre personne. Le général de division est excellent; les deux généraux de brigade sont ce qu’il y a de mieux dans l’armée. Comme les dépôts de ces régiments sont à Paris, je les maintiendrai toujours au grand complet.

La 2e division du 4e corps est la division Leval, qui est composée d’un régiment de Bade, d’un régiment de Hesse-Darnistadt, d’un régiment de Nassau, d’un bataillon du prince primat, et d’une brigade hollandaise. Tout cela fait 4,000 hommes. Ayez soin qu’elle ait 10 pièces de canon. Faites-la partir pour Talavera de la Reyina; que le général Lasalle, avec ses quatre régiments de cavalerie, se porte au pont d’Almaraz, et batte la plaine jusqu’au delà de Truxillo. Le général Leval commandera, comme étant le plus ancien général de division; il correspondra avec le général Valence, dont vous réunirez la division à Tolède. Laissez cette division à Madrid deux jours, pour lui donner les effets d’habillement dont elle a besoin. Les lanciers polonais resteront à Tolède, ce qui portera la di vision Valence à 5,000 hommes; ayez soin qu’elle ait 8 pièces de canon.

Les divisions Sébastiani et Milhaud resteront à Madrid. La division Mlilliaud a besoin de se refaire; elle peut avoir des postes à Tolède, à Aranjuez, et être prête à se porter sur tous les points. Cela vous met à même de renvoyer au maréchal Victor le 2e de hussards et ce que vous auriez de la division Latour-Maubourg. La division Dessolles, qui doit être arrivée le 7 à Madrid, doit avoir besoin de repos. Comme elle est du corps du maréchal Ney, qui est en Galice, vous pouvez lui donner des ordres directement.

Ainsi donc, les divisions Sébastiani, Leval et Valence, formant le 4e corps, recevront des ordres directement du maréchal Jourdan, comme commandant ce corps. La division de cavalerie du général Milhaud et la division Dessolles recevront des ordres de vous et et maréchal Jourdan comme votre chef d’état-major. La division Latour-Maubourg, le 26e de chasseurs et le 2e de hussards, ce qui fera huit régiments de cavalerie, et les sept régiments d’infanterie du maréchal Victor, recevront les ordres du maréchal Victor, et du maréchal Jourdan comme chef d’état-major transmettant vos ordres.

Si la division Leval avait besoin d’êtres secourue, vous la feriez soutenir par la division Valence, et vous garderiez les divisions Milhaud, Dessolles et Sébastiani à Madrid, dans votre main. Il faut vous appliquer à compléter l’artillerie de la division Sébastiani à 12 pièces, celle de la division Dessolles à 12 pièces, et celle de la division Milhaud à 6 pièces. J’attache une grande importance à ce que Lasalle soit bien au pont d’Aimaraz, et batte la plaine au delà de Truxillo.

Le maréchal Lannes est parti aujourd’hui pour Saragosse, et faire sa jonction avec le général Saint-Cyr. Le général Lapisse est à Zamora; 4,000 à 5,000 hommes sont nécessaires à Avila pour poursuivre Pignatelli. Ayez-y un intendant, et prêtez main-forte à vos agents. Le duc d’Elchingen est à Villafranca; le duc de Dalrnatie doit être à Lugo depuis longtemps; ma garde est concentrée ici. La division Heudelet, qui est ici, va marcher sur Astorga; la division Loison est à Léon.

Il est désirable qu’en entrant à Madrid vous ayez le plus de troupes possible, en bonne tenue. Je pense que vous devriez créer un bataillon de Royal-irlandais; parmi les prisonniers, il y en a beaucoup qui demandent du service; on pourrait les diriger sur l’Escurial. En y mettant quelques bons officiers irlandais, vous attireriez tous les Irlandais qui étaient au service d’Espagne.

Vous ordonnerez au général Leval de faire travailler à une petite tête de pont à Almaraz, et d’y mettre un bataillon pour appuyer la cavalerie. La saison est fort mauvaise; hormis le maréchal Victor, qui doit être en grand mouvement à l’heure qu’il est, je désire que le reste prenne du repos, autant du moins que les circonstances pourront le permettre.

Je vous ai mandé, je crois, de former un régiment espagnol. Vous avez un colonel de Murcie, qui est un fort brave homme; vous avez des officiers sûrs; vous pouvez donc former ce régiment. Il sera bon au moins pour la police. Le général Valence peut détacher un bataillon pour garder le pont d’Aranjuez.

Je ne suis pas content de la police de Madrid; Belliard est trop faible. Avec les Espagnols il faut être sévère. J’ai fait arrêter ici quinze des plus méchants, et je les fais fusiller. Faites-en arrêter une trentaine.à Madrid. Quand j’en suis parti, on avait fait des enquêtes, et on était sur le point de les saisir. Quand on la traite avec douceur, cette canaille se croit invulnérable; quand on en pend quelques-uns, elle commence à se dégoûter du jeu, et devient soumise et humble comme elle doit être. Je vous envoie une relation de la révolution de Constantinople; faites-la mettre dans gazettes.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, j’ai vu par une de vos dernières lettres que vous m’avez fait connaître que vous réunissiez tous les détachements de dragons disponibles à Tours. Je pense qu’il ne faut pas presser cette mesure, parce que les majors ou les commandants de dépôts envoient alors des hommes et des chevaux mal équipés et mal harnachés, que les besoins actuels de l’armée d’Espagne ne sont pas pressants, et que les différents dépôts de cavalerie à l’armée sont tous considérables. Ceux de Pau, d’Aranda, de la Chartreuse, de la Nava, comprennent près de 5,000 chevaux ; c’est nécessairement la plus grande force que puissent avoir ces dépôts, qui diminueront tous les jours. C’est le résultat des grandes marches qu’a faites la cavalerie. Elle a laissé des dépôts à Versailles. Il est nécessaire que tous les hommes qui ont fait la guerre rejoignent; par ce moyen , il y aura en Espagne plus de cavalerie qu’il n’en faut. Il suffira d’avoir, vers le mois de mai , deux milliers d’hommes montés pour pouvoir renforcer les dragons.

Prévenez les corps qu’on leur demandera dans le mois de mars des hommes pour renforcer les régiments. Que jusque-là ils les gardent aux dépôts ; qu’ils y soient bien exercés et bien tenus. Que chaque régiment me fasse connaître ce qu’il pourra faire partir au 1er mars et ce qu’il pourra faire partir au 1er mai. Vous me mettrez cet état sous les yeux, et vous ne ferez rien partir sans mon ordre. Si cependant il y avait des détachements qui fussent en marche, comme il ne faut jamais faire de mouvements rétrogrades, vous les laisseriez continuer leur marche et vous m’en donneriez avis.

Je vous prie d’écrire au ministre Dejean pour qu’il presse les magasins d’habillement et d’équipement des dépôts des armées de Dalmatie et de Naples, dans les 7e et 8e divisions militaires. J’ai là 6,000 hommes que je désire faire partir du 15 février au 1er mars , afin qu’ils puissent arriver en Italie pour l’ouverture de la campagne; et, par les états que vous m’avez envoyés, je vois qu’il y a beaucoup à faire.

Vous trouverez ci-joint un état que le gouverneur général des départements au delà des Alpes m’envoie tous les quinze jours. Je désire que vous m’en fassiez faire un pareil par les commandants des 1e, 8e, 7e, 10e, 23e, 24e, 25e, 26e et 5e divisions militaires; une fois tous les mois, cela sera suffisant. Chargez ces généraux de passer la revue de tous ces dépôts et de dresser tous un état de situation au 1er février, afin que je connaisse bien la situation de tous ces dépôts, ce qui leur manque et ce qui peut aller aux armées.

Actuellement je vais appeler les nouveaux conscrits. Un grand nombre des corps de Dalmatie et de Naples, qui sont encore faibles, recevront beaucoup de monde. Vous sentez bien que, si les conscrits de la dernière levée sont encore nus quand les nouveaux conscrits arriveront aux dépôts, autant vaudrait que je ne levasse point de conscrits, et que je me trouverais singulièrement contrarié. Prenez toutes les mesures que vous jugerez convenables avec le ministre Dejean, mais il est indispensable que les 80,000 hommes que j’ai levés et ceux que je vais lever se trouvent habillés avant le commencement d’avril.

J’ai formé les 121e et 122e régiments de cinq légions. Il est nécessaire que le ministre Dejean fournisse des habits aux dépôts de ces deux corps, comme il a fait avec deux nouveaux régiments, pour que les dépôts puissent expédier aux régiments des souliers et des habits.

Si les cinq dépôts contiennent trop d’officiers pour former deux 5e bataillons de quatre compagnies chacun, vous pourrez me proposer de former un ou deux cadres de 5e bataillon, pour ceux qui n’en ont que quatre.

Je viens de passer la revue de la division Heudelet. J’ai renvoyé au dépôt un cadre des bataillons du 82e, ainsi qu’un du 6e.

Je désire fort que vous fassiez partir les compagnies du 32e que vous avez gardées à l’île d’Aix. Il faut que vous ordonniez que les 82e, 66e et 26e préparent chacun 800 hommes pour tenir garnison à l’île d’Aix au mois de mai , de manière qu’il y ait à l’île d’Aix une brigade de 2,400 hommes, comme c’est d’usage pendant l’été.

Il y a une légion qui a un bataillon à Belle-Île; ce détachement peut être réuni dans le 47e et faire partie de son bataillon.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Il me revient des plaintes sérieuses contre le général Monnet, qui commande à Flessingue. Mon intention est de le remplacer et de l’employer à la guerre. Proposez-moi pour ce poste important un homme d’une probité à l’épreuve.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Il faut faire mettre dans le Moniteur les différents combats suutenus par mes frégates et mes corvettes; ce qui me fera voir ce que je puis espérer un jour de ma marine, lorsqu’elle sera à force égale avec celle des ennemis.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Mon Cousin, faites connaître au général Saiut-Cyr que deux régiments du grand-duc de Berg, un régiment de Würsburg et un bataillon des contingents des petits princes, formant près de 6,000 hommes, se rendent à Perpignan sous les ordres d’un général de brigade. Ce corps renforcera le général Reille et le mettra à même d’assiéger Girone. Je désire que ce siège soit commencé vers le 1er février. Il sera nécessaire de protéger cette opération par quelques marches pour balayer tout ce qui pourrait se trouver aux environs. Vous lui ferez connaître que le maréchal Lannes se trouve devant Saragosse avec le 5e et le 3e corps; qu’ils doivent tâcher de communiquer ensemble; qu’une des premières choses qu’il y a à faire est de prendre Tarragone , et d’y mettre garnison, et de fortement approvisionner Barcelone. S’il était possible de s’emparer aussi de Tortose, dans ces premiers moments où on n’a pas pu s’y attendre, ce serait un grand pas de fait pour pouvoir combiner ses mouvements sur Valence. Il faudrait envoyer cette dépêche au général Reille, qui a un chiffre avec le général Saint-Cyr, et qui en fera faire trois ou quatre copies, qu’il fera passer en diverses circonstances. Écrivez également au général Reille que les troupes composant la division ci-dessus se rendent à Perpignan.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Faites connaître au général d’Avenay que vous m’avez mis les yeux sa lettre du 11; qu’il ne faut pas qu’il se laisse faire des contes. Qu’il fasse arrêter une trentaine des individus les plus coupables; qu’il fasse brûler le village où les pièces de ma garde ont été prises; qu’il fasse notifier que tout le monde ait à rentrer sous peine de confiscation des biens; qu’il agisse avec la plus grande activité; qu’il nomme un corrégidor pour la ville de Toro, et qu’il ne garde à Toro qu’un seul bataillon en envoyant les autres à Zamora.

Répondez au général Darricau qu’il a bien fait de s’emparer de Zamora; mais qu’il aurait dû y laisser le 6e; qu’un seul bataillon suffit à Toro et qu’il réunisse tout à Zamora pour marcher sur Salamanque; que j’ai accordé toutes les grâces qu’il a demandées.

Écrivez au général Maupetit qu’il faut qu’il envoie des reconnaissances jusqu’aux frontières du Portugal et à Salamanque, mais en force, de manière à n’éprouver aucun échec. Vous aurez soin de diriger le bataillon de marche de Valladolid, formé ici ce matin, qui appartient à la division Lapisse, sur Toro, et de là sur Zamora. Recommandez aux généraux Maupetit et Darricau de se procurer des capotes et des souliers à Zamora pour leurs corps, et de recueillir des renseignements sur ce qui se passe à Salamanque et du côté Portugal.

Indépendamment des hommes que les généraux d’Avenay Darricau feront pendre à Toro et à Zamora, donnez-leur ordre de prendre des otages et de les envoyer à Ségovie, et d’envoyer des députations nombreuses de ces villes à Madrid. Envoyez-leur ides proclamations de la ville de Valladolid, et des proclamations de Madrid, pour qu’ils les punlient. Mandez-leur d’en faire faire par les principaux magistrats et membre du clergé de ces villes, et de les faire imprimer et afficher partout.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la réserve de cavalerie.

Les chasseurs à cheval et les chevau-légers polonais de notre Garde partiront demain 12 janvier de Valladolid pour se rendre à Duenas , le 13 à Villodrigo, le 14 à Burgos, le 15 à Briviesca, le 16 à Miranda, le 17 à Vitoria, où ils resteront jusqu’à nouvel ordre.

Les dépôts de notre Garde qui sont à Madrid en partiront pour se rendre à Valladolid; ceux qui pourraient être sur la route d’Aranda à Burgos et de Burgos à Vitoria seront réunis à Vitoria, où ils attendront de nouveaux ordres.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, je désire que vous me fassiez donner des renseignements le plus tôt possible sur les routes : 1° de Bilbao à Valmaseda; 2° de Valmaseda à Villarcayo; quelles sont les villes qu’on rencontre, leur population; quelle espèce de hauteurs l’artillerie peut-elle passer ? 3° de Villarcayo à Orduaa; 4° de Villarcayo à Burgos; 5° de Villarcayo à Miranda ou tout autre point longeant l’Ebre ; 6° de Villarcayo à Santander; 7° de Villarcayo à Reinosa. Dans chacune de ces routes, l’artillerie peut-elle passer ? Il faut des détails sur chacune de ces routes. Faites faire ces notes, soit par le ministre de la guerre espagnol, soit par des hommes pratiques du pays, et aussi par des officiers français qui aient vu et qui aient été dans le pays. Faites-moi tracer sur une carte la grande route de Tolosa à Pampelune, la grande route de Pampelune à Vitoria. Ces renseignements me sont nécessaires avant dix heures du matin.

J’ai besoin aussi des renseignements suivants, mais pourvu que je les aie demain, cela est suffisant : décrire la route depuis Pampelune jusqu’à Madrid ; est-ce une chaussée faite ? Connaître quelles villes on trouve sur cette route, quelle est leur population ; quelles rivières, quelles gorges , quels obstacles naturels on rencontre. Je désire avoir les mêmes détails de la route de Saragosse à Madrid par Daroca. Ces notes doivent être faites très en détail ; on peut y mettre le temps, pourvu que je les aie demain dans la journée. Ce que je recommande pour toutes ces cartes, c’est qu’on établisse l’échelle en lieues de France, ou du moins, qu’on fasse bien connaître le tout et partie du nombre de toises qu’elles contiennent.

 

Valladolid, 11 janvier 1809, midi.

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, je reçois votre lettre du 8 janvier. J’espère que le maréchal Victor se sera mis en marche le 9. Vous aurez vu , par ma lettre d’hier et par les ordres qui vous ont été envoyés avant-hier, que je désirais que la division Dessolle se reposât à Madrid. Si le maréchal Victor avait besoin d’être soutenu, ce que je ne puis croire, il pourrait être soutenu par le général Valence ; mais, avec l’infanterie qu’il a, la division Latour-Maubourg, le 26e de chasseurs et le 2e de hussards , il a dix fois ce qu’il faut. Cependant un millier d’hommes, placés à Aranjuez pour garder le pont et maintenir les communications, pourraient être utiles. J’y avais destiné la brigade hollandaise, mais elle a eu ordre depuis de se rendre à Talavera de la Reina avec la division Leval. Alors un des régiments du général Valence, qui sont arrivés depuis plusieurs jours à Tolède, étant reposé, peut, avec 3 ou 400 hommes de cavalerie, se porter sur les derrières du maréchal Victor et garder ses communications.

Je pense que vous avez bien fait de ne pas aller au corps d’expédition contre l’Infantado. Cette expédition n’a pas un but certain. L’infantado se retirera sur Valence, et l’issue n’en produira rien. Vous auriez donc mal fait de vous y porter. Puisque vous avez le désir bien naturel d’assister à une expédition , celle où vous devez vous trouver est celle d’Andalousie ; mais elle ne peut pas se faire avant vingt jours d’ici. Alors, avec deux bons corps formant une quarantaine de mille hommes , vous surprendrez l’ennemi par une route inattendue et vous le soumettrez. C’est l’opération qui finira les affaires d’Espagne : je vous en réserve la gloire.

Faites faire une tête de pont à Almaraz. Procurez-vous des mulets ou des boeufs pour atteler un équipage de douze pièces de 24. Écrivez à Somo-Sierra pour faire venir les six pièces qui y sont encore. Faites mettre sur des charrettes les mortiers. Ce petit équipage vous est nécessaire pour prendre Séville.

La copie de la lettre du sieur Fréville serait juste si ces blés devaient être vendus ; mais, puisqu’ils sont d’abord destinés à nourrir l’armée, il faut d’abord les prendre. Je fais écrire dans ce sens à l’intendant. Je verrai avec plaisir que tout ce qui a été pris aux rebelles soit employé aux besoins de l’armée.

Je suis obligé de me tenir à Valladolid pour recevoir les estafettes de Paris en cinq jours. Les événements de Constantinople, la situation actuelle de l’Europe, la nouvelle formation de mes armées d’Italie, de Turquie et du Rhin, veulent que je ne m’éloigne pas davantage. C’est bien à regret que je me suis vu forcé de partir d’Astorga.

Il y a à Madrid un millier d’hommes appartenant à ma Garde : envoyez-les-moi.

Voici les dernières nouvelles de Galice. On n’a eu aucune espèce de nouvelles de la Romana. La plupart des colonels ont licencié leurs troupes; une partie file en Andalousie, les autres s’en vont avec les Anglais. Les canonniers espagnols n’ont pas voulu remettre leurs canons aux Anglais.

Le 8, l’ennemi occupait, par une arrière-garde, Lugo. Le duc de Dalmatie était depuis le 6 en présence. L’infanterie est arrivée le 7. La division Marchand était à mi-chemin de Villafranca à Lugo pour soutenir le duc de Dalmatie.

Vous pouvez faire votre entrée à Madrid quand vous le jugerez convenable. Je suppose qu’aujourd’hui 11 le duc de Danzig est arrivé , que le 13 Talavera de la Reina sera occupé, et que Victor aura éloigné et dissipé les craintes ridicules qu’inspire l’Infantado. Si cela est, vous pouvez faire votre entrée le 14. Que toutes les troupes soient sous les armes et que les habitants viennent vous recevoir dehors , avec les cérémonies d’usage. Allez occuper le palais ; laissez-y un appartement pour moi, dans le cas où cela ne vous gênerait pas trop.

Ne vous exposez à aucun événement militaire, hormis l’expédition d’Andalousie, qui ne peut être faite qu’après les pluies. Que faut-il préparer ? du biscuit et l’équipage de pièces de 24 et de mortiers. Occupez-vous de cela tous les jours. Cette opération aura de l’éclat. Pour le biscuit, il vous faut 300,000 rations ; faites-en faire à Tolède et à Talavera. J’ai 300 caissons des transports militaires qui les porteront. Aussitôt que le général Lapisse aura fini à Zamora, je le ferai marcher sur Salamanque, qui est encore en révolte et où il y a 3 ou 4,000 hommes.

Faites donc pendre une douzaine d’individus à Madrid; il n’y manque point de mauvais sujets ; sans cela il n’y aura rien de fait. Les 3,000 prisonniers espagnols qui sont à Valladolid ont fort dégrisé ce pays-ci par leur présence et par leurs propos. Les prisonniers anglais arrivent par gros convois.

Je vous recommande la province d’Avila. Envoyez-y un intendant. Ce misérable Pignatelli n’a pas dix hommes avec lui. Un bataillon de 400 hommes du régiment de Royal-Étranger sera là à merveille. Cela servira d’ailleurs à établir la correspondance entre Salamanque et Madrid , lorsque la division Lapisse sera arrivée dans cette ville.

Il parait que le chargé d’affaires d’Espagne, qui était à Vienne, a quitté cette ville et s’en est allé par Trieste.

Il serait essentiel que vos ministres ne jetassent pas l’argent pour payer vos agent à l’étranger, hormis celui qui est en Russie, qui se comporte bien.

 

Valladolid, 11 janvier 1809, dix heures du soir.

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, Zamora n’a pas voulu se soumettre; il a fallu yentrer de vive force. Le général Darricau s’y est porté, dans la journée du 10, avec quatre bataillons, l’a battu en brèche et l’a enlevé d’assaut. Il a eu dix hommes tués. Le général Darricau s’occupe de désarmer la place, et le général d’Avenay désarme la province de Toro. L’un et l’autre sont chargés de pousser des reconnaissances sur les frontières du Portugal et sur Salamanque.

Aussitôt que vous aurez un intendant à Avila, chargez-le de se mettre en correspondance avec le commandant de mes troupes à Salamanque, dès qu’elles y seront.

 

Valladolid, 11 janvier 1809

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris.

Monsieur Dejean,je trouve ridicule que vous fassiez confectionner à Bordeaux l’habillement du 1er régiment d’infanterie légère et celui du 42e. Ces deux régiments sont à Barcelone et il était bien plus naturel que leur habillement soit confectionné à Montpellier ou à Perpignan. Mon intention pour remédier à cette bévue est que les habits confectionnés à Bordeaux pour ces deux régiments soient envoyés à Bayonne et que vous ne fassiez confectionner à Perpignan d’autres habillements pour ces corps.

 

Valladolid, 12 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le général Clarke, le roi de Westphalie m’a annoncé une division de 6,000 hommes. Je vous prie de diriger ces troupes sur Lyon, et d’envoyer mon aide de canip pour savoir quand les deux premiers mille hommes se mettront en route. Activez leur départ. Je destine cette division, ainsi que les divisions du grand-duc de Würzbourg, de Berg et de Saxe, à faire le siége de la place de Girone.

 

Valladolid , 12 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je vous renvoie les pièces trouvées chez le général Vedel. Il me semble que ces pièces sont nécessaires au procès. Il faut les remettre au procureur impérial et les faire parafer par le général. Il sera inutile d’imprimer les injures de Morla, qui ne font rien à la question. Le reste est important à connaître par la partie publique et par les juges. Il me semble qu’elles jettent beaucoup de jour sur cette affaire.

—-

P. S. Les détails de cette malheureuse affaire excitent toujours l’indignation. Vous verrez dans la correspondance du général Vedel que, le 3 août, un chef de bataillon qui était, avec 300 hommes, à Manzanares, c’est-à-dire à mi-chemin d’Andujar à Madrid, a eu la lâche bêtise de s’aller mettre dans la capitulation. Faites des recherches pour savoir le nom de ce misérable, afin qu’à son retour il soit arrêté, traduit à une commission militaire et passé par les armes.

 

Valladolid, 12 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, donnez l’ordre à la frégate la Caroline de s’approvisionner pour six mois de vivres et quatre mois d’eau, et de partir de Venise pour se rendre à Ancône. Vous ferez partir avec la Caroline un aviso et deux bricks, si vous les avez disponibles. Le capitaine aura sous ses ordres la Princesse-Auguste et l’Iéna. Cette division, ainsi composée d’une frégate, de deux ou trois bricks et de quelques bâtiements légers, pourra sortir d’Ancône, toutes les fois qu’elle le jugera convenable, contre les bâtiments de Sicile et d’Angleterre qui vont à Trieste. Elle sera d’ailleurs mieux placée à Ancône, d’où elle peut se porter à Raguse et aux bouches de Cattaro, qu’à Venise, d’où elle ne peut jamais sortir.

 

Valladolid, 12 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, j’ai dicté aujourd’hui des notes sur la ligne à prendre en Italie et sur les fortifications à faire cette année. Ces notes ne vous seront envoyées que demain. Elles sont importantes, et contiennent le développement des motifs qui me portent à fortifier la ligne de l’Adige plutôt que celle de la Piave, qui me paraît si ingrate.

 

Valladolid, 12 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Écrivez au général Maupetit de faire fusiller le chef des insurgés de Zamora, don Henri Spinosa.

Il doit vous faire connaître le nombre des habitants pris les armes à la main. Faîtes fusiller les plus coupables et ceux qui ont été les chefs.

 

Valladolid, 12 janvier 1809.

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 10 janvier. Je vous ai mandé hier au soir la prise de Zamora. Je vais faire marcher sur Salamanque. Vous avez très bien fait de dissoudre tous les bataillons de marche, et d’envoyer aux divisions Villatte et Ruffin les détachements qui leur appartiennent. Vous verrez si vous jugez nécessaire d’envoyer le 2e de hussards à  Aranjuez pour battre la plaine. Quant aux hommes isolés des sept régiments d’infanterie qui appartiennent au corps du maréchal Victor, réunissez-les à Madrid, et, après deux jours de repos, envoyez-les à  Aranjuez, du moment qu’ils seront au nombre de 300 hommes.

Je suppose qu’à  l’heure qu’il est la division Leval marche sur la Talavera, et que la division Valence garde Tolède et Aranjuez. Des bataillons de marche de plusieurs miniers d’hommes, apparte­ nant au corps du maréchal Victor et au 4′ corps, partent aujour­ d’hui pour Madrid ..

Je vous ai mandé de faire votre entrée à  Madrid et de prendre le gouvernement de l’État, en mettant à  cela la plus grande pompe possible. Je désire fort que vous puissiez faire votre entrée le 14, le 15 ou le 16. Je pense que votre entrée à  Madrid et la prise de possession entière de votre gouvernement sont nécessaires et importantes. Je n’ai pas encore de nouvelles des Anglais; on était en présence de leur arrière-garde le 8. J’ai donné ordre à  un bataillon de 600 hommes qui est à  Soria, dès qu’il serait relevé, de se rendre à  Madrid, vous pouvez l’incorporer dans votre garde. De nombreux détachements de conscrits sont en marche.

L’opération qu’a faite Belliard est excellente. Il faut faire pendre une vingtaine de mauvais sujets. Demain. j’en fais pendre ici sept, connus pour avoir commis tous les excès, et dont la présence affligeait geait tous les honnêtes gens, qui les ont secrêtement dénoncés, et qui reprennent courage depuis qu’ils s’en voient débarrassés. Il faut faire de même à  Madrid. Si l’on ne se débarrasse pas d’une centaine de boute-feux et brigands, on n’a rien fait. Sur ces cent, faites-en fusiller ou pendre douze ou quinze, et envoyez les autres en France aux galères. Je n’ai eu de tranquillité en France qu’en faisant arrêter 200 boute-feux, assassins de septembre et bandits que j’ai envoyés aux colonies. Depuis ce temps, l’esprit de la capitale a changé comme par un coup de sifflet.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Chmapagny, je reçois votre lettre du 4 janvier. Je désire que M. de Romanzof reste à Paris jusqu’au ler février.

Tant qu’un traité n’est pas ratifié, il n’y a rien de fait.

Ecrivez au sieur la Rochefoucauld qu’aucun Français ni Italien ne doit passer en Angleterre, ni par conséquent s’embarquer en Hollande; qu’ainsi il doit refuser à tous.

Je suis étonné que l’aide de camp du roi de Wurtemberg, s’il avait une lettre à me remettre, ne soit pas venu me trouver. Toutes les fois qu’un roi allié m’envoie un officier avec une lettre, il n’y a pas obstacle à ce qu’il vienne me joindre.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, écrivez à mon ministre à Cassel que je désire que le roi de Westphalie mette des hommes habiles et sûrs à la tête de la rédaction de ses gazettes; qu’il les charge de lire avec soin les gazettes de Vienne et de Presbourg, et qu’il s’attache à faire tourner en ridicule les articles que ces gazettes contiendraient contraires à la France et à la Confédération, en faisant sentir les funestes effets qu’a eus, dans tous les temps, l’ambition de la maison d’Autriche. Écrivez au sieur Otto et à mes ministres en Allemagne que je verrai avec plaisir qu’ils s’attachent à détruire, dans les gazettes de Munich et autres, ce que les gazettes de Vienne et de Presbourg disent contre la France ou la Confédération.

 

Valladolid, 13 janvier 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous verrez, par le bulletin, que le duc de Dalmatie est entré à Lugo le 9 ; le 10 il a dû être à Betanzos. Les Anglais paraissent vouloir s’embarquer à la Corogne ; ils ont déjà perdu 3,000 hommes faits prisonniers, une vingtaine de pièces de canon, cinq à six cents voitures de bagages et de munitions , une partie de leur trésor et 3,000 chevaux, qu’ils ont eux-mêmes abattus, selon leur bizarre coutume. Tout me porte à espérer qu’ils seront atteints avant leur embarquement et qu’on les battra. J’ai quelquefois regret de n’y avoir pas été moi-même, mais il y a d’ici plus de cent lieues ; ce qui avec les retards que font éprouver aux courriers les brigands qui infestent toujours les derrières d’une armée, m’aurait mis à vingt jours de Paris : cela m’a effrayé, surtout à l’approche de la belle saison qui fait craindre de nouveaux mouvements sur le continent.

Le duc d’Elchingen est en seconde ligne, derrière le duc de Dalmatie. La force des Anglais est de l8,000 hommes. On peut compter qu’en hommes fatigués, malades, prisonniers et pendus par les Espagnols, l’armée anglaise est dimminuée d’un tiers ; et, si à ce tiers on ajoute les chevaux tués qui rendent inutiles les hommes de cavalerie, je ne pense pas que les Anglais puissent présenter 15,000 hommes bien portants et plus de 1,500 chevaux. Cela est bien loin des 30,000 hommes qu’avait cette armée.

Faites envoyer aux journaux des articles qui peignent la folie des plans d’opération de l’armée anglaise, la honte qu’elle est venue recueillir et la destruction dont elle est menacée si elle ne parvient pas à s’échapper, et, si elle s’échappe, l’état déplorable dans lequel elle va rentrer, affaiblie de moitié et privée de tout, et, dans les deux hypothèses, la masse de honte qui attend cette expédition, la plus forte qu’ait faite l’Angleterre.

La Galice montre un bon esprit. Tout se soumet et s’arrange.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, faîtes connaître au duc d’Auerstaedt que le territoire de la Confédération du Rhin est inviolable; que, sous quelque prétexte que ce soit, il ne doit rien laisser passer sur le territoire de Bayreuth; que cette notification est faite par courrier à Vienne.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Il y avait à Berlin une gazette allemande intitulée le Télégraphe. Elle s’imprime actuellement à Erfurt. Il n’y a pas de difficulté qu’elle s’y imprime encore quelque temps; mais je désire qu’elle vienne ensuite s’établir à Düsseldorf. Écrivez là-dessus au duc d’Auerstaedt et au sieur Beugnot. Cette gazette serait destinée à détruire en Allemagne le mauvais effet qu’y produisent les gazettes de Vienne et de Presbourg. Faites connaître à mon ministre à Cassel qu’il fasse tourner en ridicule, par les gazettes de Westphalie, tous les articles des gazettes de Vienne et de Presbourg dirigés contre la France et la Confédération du Rhin. Donnez des ordres dans ce sens aux gazettes allemandes de Mayence et de Strasbourg.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Nous sommes en 1809. Je pense qu’il serait utile de faire faire quelques articles, bien faits, qui comparent les malheurs qui ont affligé la France en 1709 avec la situation prospère de l’Empire en 1809. Il faut considérer la question sous le point de vue du territoire et de la population, sous le point de vue de la prospérité intérieure, sous le point de vue de la gloire extérieure, sous le point de vue des finances, etc. Vous avez des hommes capables de faire, sur cette matière fort importante, cinq à six bons articles qui donnent une bonne direction à l’opinion. Louis XIV s’est occupé de faire bâtir Versailles et des maisons de chasse. On s’est occupé d’améliorer Paris, depuis les eaux jusqu’aux palais, depuis les marchés jusqu’au temple de la Victoire, jusqu’à la Bourse. Tout était à faire, tout se fait. On peut partir de là pour parler de la perfection qu’ont acquise nos institutions, leur simplicité et l’heureux cours des idées en 1809. En 1709, on révoquait l’édit de Nantes, on persécutait les protestants; le maréchal de Villars perdait ses talents dans les Cévennes ; le Père Lachaise tyrannisait la conscience du vieux roi. En 1809, on rétablit les autels ; les religions sont tolérées. Par les rapports avec les moeurs, les évêques ne vont ni au . . . . .ni dans les antichambres, mais restent dans leurs diocèses. Il y a là de beaux articles à faire. Mais il ne faut pas entreprendre un long ouvrage qu’on ne finirait pas. On peut faire un article tous les mois , sous les mêmes titres : 1709 et 1809.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Regnier, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris

Témoignez ma satisfaction aux président et procureur impérial de la cour criminelle de Rouen, pour le courage avec lequel ils ont résisté à l’esprit de parti qui voulait sauver les coupables d’un crime le plus inquiétant pour la société, appartenant à des familles distinguées. La loi est une pour les citoyens, et la considération de la naissance et de la fortune ne peut jamais être, pour Sa Majesté et les magistrats, un motif pour faire fléchir la justice et même pour faire grâce; au contraire, elle rend ceux qui les commettent d’autant plus coupables qu’ils ont un rang distingué dans la société.

 

Camp impérial, Valladolid, 13 janvier 1809

Au cardinal Fesch, Grand-Aumonier de l’Empereur, archevêque de Lyon

Mon Cousin, ayant destiné pour cette année un fonds de 60,000 francs pour soulager les pauvres veuves et enfants de mes soldats et autres pauvres de mon Empire, j’ai ordonné à mon grand maréchal du palais de tenir à votre disposition un crédit de 5,000 francs par mois. Ces 5,000 francs seront distribués sur vos mandats aux personnes que vous désignerez.

 

Valladolid, 13 janvier 1809, au soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre, dans laquelle vous m’apprenez que les Autrichiens forment des approvisionnements considérables à Goritz. Je suppose que vous avez fait vérifier ce fait pour savoir à quoi vous en tenir. Il me paraît extraordinaire que les Autrichiens réunissent des approvisionnements si près de nous ; ils auraient donc pris une étrange confiance : il est vrai qu’ils ont commis déjà bien des extravagances. Ils me croient occupé loin d’eux; ils seront bien attrapés lorsque, dans quelques jours, ils sauront que je suis à Paris et que mes troupes rétrogradent. Ici, les Anglais battus et acculés à la mer ont achevé de dessiller les yeux. Je suppose que Palmanova est parfaitement approvisionnée, C’est là le principal. Pour peu que des troupes autrichiennes viennent à s’approcher de l’Isonzo, ordonnez sur-le-champ que la place soit réarmée. Je suppose aussi que vous avez réuni à Palmanova une certaine quantité de biscuit, suffisante pour servir d’approvisionnement extraordinaire à l’armée. Faites écrire par les colonels aux majors et vous-même écrivez aux commandants des divisions militaires, pour qu’on presse l’habillement et le départ des hommes disponibles qui sont aux dépôts. Les divisions Boudet et Molitor sont à Lyon, qui se reposent. Du moment que la saison aura fléchi , je les enverrai en Italie; ce sera un renfort de sept régiments d’infanterie et de quatre de cavalerie, et, en outre, de sapeurs et de troupes d’artillerie.

Je suppose que le roi de Naples a renvoyé tout ce qu’il devait renvoyer dans la haute Italie. Je vous ai écrit avant-hier relativement à mon armée italienne; je suppose que vous pourrez disposer de 9,000 hommes d’infanterie de ma Garde, de 16,000 hommes d’infanterie de ligne, tous à l’école de bataillon, ce qui pourra me former deux bonnes divisions , plus 2,000 chevaux, à peu près, et qu’au total mon armée italienne pourra m’offrir une force de 20,000 hommes environ.

Écrivez au général Marmont tout ce que vous apprenez des Autrichiens, mais écrivez-le-lui en chiffre; marquez-lui que, si les hostilités viennent à commencer, il doit centraliser ses forces sur Zara, approvisionner cette ville et manoeuvrer de manière à opérer sa jonction du côté de Laybach.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

A Georges, Prince Héréditaire de Mecklembourg-Strélitz

Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 20 décembre. Je suis charmé d’avoir fait une chose agréable à votre grand-mère. Vous pouvez compter que je saisirai avec plaisir toutes les occasions de donner des marques d’intérêts à votre famille.

 

Valladolid, 13 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, l’ennemi est resté dans la journée du 8 sur les hauteurs de Castro. Dans la matinée du 9, le duc de Dalmatie se résolut à l’attaquer, son artillerie et son infanterie étant arrivées le 8. La position de Castro n’est attaquable que par la gauche, la droite étant appuyée à la rivière. Le duc de Dalmatie fit faire un mouvement pour tourner la gauche de l’ennemi, qui , s’en étant aperçu, partit à la nuit tombante et continue sa retraite toute la nuit du 8. On a trouvé à Lugo 300 malades anglais et 18 pièces de canon. Les Anglais ont détruit la plus grande partie de leurs munitions. Dans la journée du 9, on a fait 500 prisonniers. Voilà donc déjà 3,000 prisonniers anglais que nous avons. On a compté 700 chevaux abattus par eux dans la ville de Lugo; ce qui fait plus de 2,500 chevaux qu’ils perdent.

Le duc de Dalmatie espérait arriver le 10 à Betanzos, à peu de lieues de la Corogne. Les Anglais ont à la Corogne 400 bâtiments.

Les habitants de la Galice paraissent animés du meilleur esprit. L’évêque de Lugo et le clergé sont restés. La ville de Lugo a été pillée par les Anglais, et a beaucoup souffert à la retraite de ceux-ci, qui se portent à tous les excès imaginables.

Faites mettre ces nouvelles dans les gazettes. Faites aussi que les gazettes de Madrid arrivent à Valladolid, et que vos ministres écrivent à vos intendants.

On m’a assassiné deux gendarmes d’élite à la poste, à l’intersection des chemins de Guadarrama et de l’Escurial. J’avais demandé qu’on y envoyât 25 à 30 hommes du Royal-Étranger.

Je ne vois pas d’incouvénient que vous preniez des prisonniers, dont on pourrait être sûr, pour former vos régiments ; mais il ne faut pas prendre d’officiers.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, j’envoie Deponthon à Saint-Pétersbourg. Écrivez aux sieurs Otto, Durand et Bourgoing, pour qu’ils aient l’éveil sur les mouvements de l’Autriche. Écrivez-leur qu’il est nécessaire que les troupes de la Confédération du Rhin se tiennent prête, à marcher; que l’Autriche paraît avoir perdu la tête ; que les affaires d’Espagne sont terminées ; que je suis au mieux avec la Russie, mais que les Anglais dominent à Vienne. Vous ajouterez au sieur Otto que je désire que la Bavière arme ses places et surtout les forteresses de Passau et Burghausen. On peut envoyer à Paris un ingénieur avec les plans de ces deux forteresses, pour arrêter les travaux à faire; mais, en attendant, y mettre une garnison et les approvisionner.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, minstre de la guerre, à Paris

Les habitants de Turin se plaignent qu’ils ont, au faubourg de la Dora, beaucoup de poudres qui les alarment. Ne pourrait-on pas placer ces poudres à Fenestrelle et à Alexandrie ?

 

Valladolid, 14 janvier 1809

PROJET DE NOUVELLE ORGANISATION DE LA GENDARMERIE IMPÉRIALE.

On s’arrête au projet suivant :

Former un seul régiment. de grenadiers à deux bataillons, chaque bataillon composé de quatre compagnies de 200 hommes; ce qui fait 1,600 grenadiers; c’est à peu près le même nombre qu’aujourd’hui; et, comme les grenadiers coûtent extrêmement cher, ce serait une grande économie. On pourrait toujours en emmener à la guerre 1,200, et les maintenir à ce nombre pendant le cours de la campagne. Former de même un seul régiment de chasseurs. Ces deux régiments sont en Espagne.

Laisser les deux régiments de fusiliers comme ils sont, et, des cadres du second régiment de grenadiers, former un régiment de grenadiers-conscrits de la Garde, payé comme l’infanterie de ligne, hormis les officiers et sous-officiers, qui seraient de la Garde. Faire de même, avec le cadre du second régiment de chasseurs, un régiment de conscrits-chasseurs.

On aurait donc : un régiment de grenadiers, un régiment de fusiliers-grenadiers, un régiment de conscrits-grenadiers,, un régiment de chasseurs, un régiment de fusiliers-chasseurs, un régiment de conscrits-chasseurs ; total, six régiments, douze bataillons, vingt quatre compagnies, ou 2,600 hommes. Si le mot conscrits était d’un mauvais effet, on pourrait se servir du mot tirailleurs.

On suppose qu’en maintenant constamment à la guerre ces régiments à 1,200 hommes chacun, on aurait toujours en ligne 7,200 hommes présents sous les armes, et à Paris un dépôt de 2,400 hommes pour la garde des palais et pour le repos des hommes fatiguéss. C’est là la meilleure manière. Un bataillon de 800 hommes effectifs, c’est-à-dire de 600 hommes présents sous les armes, est suffisant.

Les fusiliers ont déjà un mauvais pli : c’est d’être, entre la Garde et la ligne, un corps intermédiaire qui coûte le double de la ligne. Il vaut bien mieux former un corps de tirailleurs qui ne coûte pas plus que la ligne. Le pli est déjà : c’est le dépôt des conscrits de la Garde à Paris. Restera donc à former les deux nouveaux régiments dont les cadres doivent être de 3,200 conscrits ; ce nombre existe à peu près au dépôt de la Garde à Paris.

La Garde actuelle n’est, je crois, que de 7,000 hommes ; je vais la porter à 9,000, et il serait possible qu’elle ne me coûtât pas davantage, car 3,200 simples fantassins ne doivent pas coûter beaucoup plus que 800 des anciens soldats que j’ai dans la Garde. En temps de paix, c’est une assez belle récompense pour l’armée que d’avoir 3,200 places dans ma Garde. En temps de guerre, je tirerai toujours plus de profit des fusiliers et des tirailleurs que des grenadiers et des chasseurs, qu’on craint d’exposer parce qu’ils sont trop précieux.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant l’armée du Rhin, à Erfurt

Mon Cousin , j’ai reçu vos différentes lettres. Il ne faut pas trop chicaner la Saxe sur l’entretien et la nourriture de ses troupes ; laissez le Roi se nourrir et s’approvisionner comme il l’entend.

On demande trop pour mon armée. Songez que je suis obligé à des dépenses énormes. L’Espagne me coûte beaucoup et ne me rend rien. Mes armées viennent d’être augmentées ; ce qui exige de ma part de très-fortes dépenses.

Vous avez recu des ordres du ministre de la guerre qui vous font connaître quelle doit être l’organisation de votre armée à la fin de février ou au commencement de mars. Les 4e bataillons, tant de vos quatre divisions que du corps d’Oudinot, doivent être à l’armée, ce qui portera le corps d’Oudinot à trente-six bataillons ou à trois divisions, et votre corps à quatre-vingt-trois bataillons ce qui ferait cent dix-neuf bataillons. Faites-moi connaître ce qui vous manque pour cela. Mandez-moi si tous vos régiments de cavalerie, soit cavalerie légère, soit grosse cavalerie, sont à 1,000 chevaux présents, et si vos compagnies d’infanterie sont à 140 hommes effectifs. Faites-moi connaître ce qui vous manque pour que vos troupes soient dans cette situation.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, j’expédie le décret pour les fonds des travaux du génie; mais le rapport que vous m’envoyez n’est pas suffisant : il aurait fallu me dire ce que j’avais accordé pour l’an 1808, ce qui avait été dépensé, ce qui restait. Mon intention est qu’on travaille sans délai à Saint-Georges; donnez des ordres pour cela. Tout ce qu’on a fait à Pietole est de l’argent perdu si Saint-Georges n’est pas fait, car c’est là qu’on se battra. Comme le général Chasseloup est fort entêté, il faut lui donner des ordres positifs pour qu’il travaille, sans écouter la saison ni aucune raison. Quant à Venise, il faut établir un projet général et finir d’abord quelque chose. C’est particulièrement à Malghera et Brandolo qu’il faut travailler. Mais. comme je ne sais pas ce qui a été fait et que je n’ai point les mémoires ni les plans sous les yeux., je ne puis décider.

Vous trouverez ci-joint le tracé d’Osoppo; faites-le exécuter, c’est ma volonté. Quant à Ancône, je n’ai point arrêté le projet. Je désire savoir les fonds que j’y ai destinés cette année et ce qui a été dépensé. Vous verrez que je désire qu’on finisse Palmanova.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, la digue de Ca-Zanetti à Mantoue doit partir de la terre ferme, de manière que, Pietole pris, la digue reste intacte. L’ouvrage de Ca-Zanetti ne sera point fait cette année; lorsque la digue sera faite et que l’ouvrage de Saint-Georges sera terminé, on verra s’il convient de mettre un petit ouvrage en avant de la digue. La digue n’a besoin d’aucune défense; on y construira un pont-levis qui suffira pour la défendre, et on pourra la tracer de manière qu’on puisse y placer une batterie; en sorte que, si on établit un ouvrage en avant, ce sera dans le seul but d’avoir une sortie de plus et non d’empêcher l’ennemi de couper la digue. On pense que l’ennemi a peu d’intérêt à la couper; une sortie de plus est peu utile; de sorte qu’un petit ouvrage de 25 à 30,000 francs donnera de ce côté-là un pied suffisant, sans que l’ennemi perde son temps et ses munitions à s’en emparer, on préfère Saint-Georges à tout, parce que c’est la grande commnication qui conduit à l’Adige, parce que Saint-Georges est près de la citadelle, parce que c’est une espèce d’ouvrage avancé qui couvre toute la mauvaise enceinte. Il faut faire travailler à Saint-Georges le plus tôt possible. Il serait malheureux que Mantoue fût assiégée et qu’on n’eût pas là un point de fortification permanente. Qu’arriverait- il ? C’est que le gouverneur y ferait construire un ouvrage de fortification de campagne, qui emploierait un millier d’hommes, qui finirait par être pris, et la chute de ce poste contribuerait à celle de la place. On a perdu un an en projets et contre-projets ; il ne faut plus perdre un moment. Il faut diriger les travaux de manière à avoir un point solide à Saint-Georges, ne fût-ce qu’une partie de ce que l’on projette de faire. On a adopté trois ouvrages ; s’il y en avait un des trois de fait, ce serait suffisant. L’ennemi ne dirigera pas ses attaques de ce côté-là lorsqu’il y aura un ouvrage quelconque.

Résumé : faire la digue là où elle pourra coûter le moins ; mais l’appuyer à la place, afin qu’elle ne dépende pas de Pietole; ne point faire actuellement de fortifications à la tête de la digue, et se ménager une batterie défendue par un pont-levis à un point quelconque de la digue. On pourra, par la suite, établir une flèche ou un petit ouvrage en avant de la digue ; mais, en attendant qu’elle soit faite, il faut travailler sans délai à Saint-Georges, de manière qu’un des trois ouvrages projetés soit terminé et susceptible de toute sa défense.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, vous enverrez de ma part l’ordre suivant au général Marmont; vous aurez soin de le lui envoyer en chiffre, et de le faire porter par un officier intelligent et sûr; quelques jours après vous lui en enverrez le duplicata. Vous lui enverrez, mais sans les mettre en chiffre, les bulletins des affaires d’Espagne, le détail de nos avantages, et l’avis que je suis sur mon retour, que ma Garde et une partie de mes troupes rétrogradent en ce moment, parce que les affaires d’Espagne sont finies.

Voici ce qu’il faut mettre en chiffre : L’Empereur m’écrit de son quartier général de Valladolid , en date du 14 janvier, et me charge de vous envoyer les instructions suivantes. La maison d’Autriche fait des mouvements ; le parti de l’impératrice parait vouloir la guerre. Nous sommes toujours au mieux avec la Russie, qui probablement ferait cause commune avec nous. Si les Autrichiens portaient des forces considérables sur l’Isonzo et la Dalmatie, l’intention de l’Empereur est que son armée de la Dalmatie soit disposée de la manière suivante : Le quartier général à Zara avec toute l’artillerie de campagne, le 8e, le 18e d’infanterie légère, le 5e, le 11e et le 8le de ligne, les cavaliers et les vélites royaux, s’ils ne sont pas déjà passés en Italie, le 23e, le 60e et le 79e, formant, avec le peu de cavalerie qu’il y a, l’artillerie et les sapeurs, en tout 17,000 hommes. Tous les hôpitaux que l’armée peut avoir en Dalmatie, concentrés à Zara. Une compagnie d’artillerie française aux bouches de Cattaro ; une compagnie d’artillerie française à Raguse. Tous les sapeurs de l’armée, à Zara; un officier supérieur du génie avec deux ingénieurs et une escouade de 15 sapeurs à Zara; autant aux bouches de Cattaro. Une compagnie d’artillerie italienne à Cattaro, une compagnie italienne à Raguse, de sorte qu’il y aura près de 200 hommes d’artillerie dans chacune de ces deux places. Le 3e bataillon du régiment de Dalmatie aux bouches de Cattaro ; le 3e bataillon d’infanterie légère italienne aux bouches de Cattaro; ce qui fera 1,000 hommes qui, avec 200 canonniers et sapeurs, feront une garnison de 1,200 hommes. Le 4e bataillon du régiment de Dalmatie à Raguse; un bataillon français de 600 hommes à Raguse; ce qui fera une garnison de 12 à 1300 hommes à Raguse. Un général de brigade à Raguse, un général de brigade à Cattaro. Une garnison de 200 hommes à Castelnovo, pour la défense du fort, prise sur ce qu’on laisse à Cattaro. On aura soin d’approvisionner ce fort, les bouches de Cattaro et Raguse pour six mois de vivres. Il faudrait réunir également dans ces places des approvisionnements suffisants en poudre, munitions et tout ce qui peut être nécessaire pour leur défense. Dans cette situation de choses, l’armée de Dalmatie, qui a 20,000 hommes présents sous les armes, non compris les hommes qui sont aux hôpitaux, aurait 1,200 hommes à Cattaro, 1,200 hommes à Raguse, 400 hommes de plus, soit à Raguse, soit à Cattaro, et 17,000 hommes réunis sous Zara. Cette dernière place serait aussi approvisionnée pour six mois.

Le général Marmont, avec ses 17,000 hommes, doit prendre position sur la frontière pour obliger les Autrichiens à lui opposer d’égales troupes, et manoeuvrer de manière à opérer sa jonction autant que possible. En cas d’échec, il peut se retirer sur son camp retranché de Zara, derrière lequel on doit pouvoir se défendre un an. Le général qui sera chargé de la défense des bouches de Cattaro doit former un bataillon de Borchèses, des plus fidèles, pour aider à la défense du pays. Le général qui reste en Dalmatie doit de son côté organiser un semblable bataillon, composé de gens du pays. Et si le général Marmont entrait en Allemagne, il laisserait une compagnie de chacun de ses régiments, composée des hommes malingres et écloppés, mais commandés par de bons officiers. Il laisserait en outre un régiment pour la garnison de Zara, et avec le reste il prendrait part aux opérations de la campagne ; bien entendu que ce régiment assisterait aux batailles qui seraient données avant la jonction ; 12 ou 1500 hommes des dépôts suffiront dans ces premiers moments pour garder la Dalmatie ; mais, une fois la jonction opérée, ce régiment rétrograderait pour venir assurer la défense de Zara et de la province. Par cette disposition du général Marmont, l’armée active en Italie se trouverait augmentée de 15,000 hommes des meilleures troupes de France.

L’instruction à donner aux commandants de Cattaro et de Raguse doit être de défendre le pays autant que possible, mais de se restreindre à la défense des places, du moment qu’il y aurait un débarquement et que l’ennemi se présenterait trop en force. Ceci est une instruction générale qui doit servir dans tous les temps, quand le général Marmont ne recevrait plus d’ordres, toutes les fois que ses courriers seraient interceptés, et qu’il verrait les Autrichiens se mettre en hostilité, chose cependant qu’on a encore peine à croire. Dans cette situation, si les bouches de Cattaro et de Raguse étaient bloquées, elles devraient correspondre avec Ancône et Venise par mer, et pourraient être assurées qu’avant huit mois elles seraient dégagées. En conséquence, il est indispensable de munir de poudre et de boulets les bouches de Cattaro et de Castelnovo, et d’approvisionner ces deux places en biscuit, en blé, en bois, qui sont les objets principaux. Il est également nécessaire qu’il y ait une grande quantité de blé, de farine et de biscuit à Raguse, pour le même objet. L’intention de l’Empereur est que ses troupes ne soient point disséminées ; elles ne doivent occuper que les points de Raguse, Cattaro, Castelnovo et Zara. Dans le cas où l’armée de Dalmatie se porterait en Allemagne, il faut préparer des mines pour faire sauter les châteaux fermés qu’il peut y avoir dans le pays, et qui donneraient de la peine à reprendre quand l’armée. Les gardes nationales seraient suffisantes pour garder les côtes pendant tout le temps que l’armée marchera contre rennemi, dont les forces, occupées ailleurs, ne pourraient rien tenter de ce côté. On voit, par le dernier état du 15 décembre, qu’il y a à Raguse et à Cattaro 14,000 quintaux de blé, ce qui fait pour 4,000 hommes pendant plus d’un an; cet approvisionnement est suffisant. L’approvisionnement de Spalatro et Sebenico serait porté sur Zara; ce qui ferait 5,000 quintaux à Zara, c’est-à-dire pour 5,000 hommes pendant cent jours, et de plus le biscuit qui rendrait cet approvisionnement plus que suffisant ; mais il faut avoir soin que ce blé soit converti en farine, afin de n’éprouver aucun embarras ni obstacle dans les derniers moments. A tout événement, ce serait une bonne opération que de réunir sur Zara 10,000 quintaux de blé, en faisant en sorte, cependant, que les fournisseurs soient chargés de la conservation, et que cela ne se perde pas.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

NOTES SUR LA DÉFENSE DE L’ITALIE.

Palmanova a un rôle défensif et offensif. L’armée française veut-elle se porter sur Laybach dans la Carniole ? Palmanova est son dépôt et la place où se termine sa ligne d’opération; ses parcs, ses malades , ses magasins peuvent s’y réunir et s’y former; en cas d’échec, l’armée peut venir s’y réorganiser. Veut-on , après avoir menacé l’ennemi dans la Carniole et sur l’Isonzo, se porter par une marche de gauche sur Klagenfurt, se réunir à l’armée d’Allemagne qui aurait marché sur Salzburg ? Palmanova est encore important. Les troupes destinées à former sa garnison forment le rideau qui masque , pendant deux jours, ses mouvements à l’ennemi. Les bagages , les malades, les traînards se renferment dans cette place. Dans cette seconde hypothèse , Osoppo joue un rôle inverse de Palmanova; si on veut se porter sur Klagenfurt, il sert de dépôt à sa ligne d’opération; si au contraire l’armée, après avoir menacé de se porter sur Klagenfurt, livre bataille à l’ennemi qui est sur l’Isonzo, tous les hommes laissés du côté de Tarvis pour masquer le mouvement se retirent à Osoppo et en forment la garnison. Ainsi ces deux places sont importantes pour la guerre offensive. Mon intention pour 1809 est qu’on dépense un million à Palmanova et qu’on dépense 200,000 francs à Osoppo.

Si, par des circonstances quelconques, l’armée d’Italie se trouvait trop faible, et qu’elle fût abandonnée à ses propres forces, soit par l’infériorité numérique, soit par suite d’une bataille perdue, la place de Palmanova pourrait demander d’être défendue et occupée par un peu de monde : 1,500 hommes de bonne infanterie et 1,000 sapeurs, mineurs et dépôts seraient plus que suffisants; 4 ou 500 hommes suffiraient à Osoppo. Ainsi, avec 3 ou 4,000 hommes, dont moitié serait de peu de jeu en rase campagne, ces places importantes seraient gardées. C’est cette considération qui a fait préférer l’établissement de simples lunettes au tracé des ouvrages à corne ou à couronne qui avaient été proposés. Les neuf lunettes ne demandent pas un homme de plus pour la défense de Palmanova, au lieu que les ouvrages à corne ou à couronne auraient demandé des forces indépendantes de la place; c’est aussi ce qui a porté à désirer que toutes les demi-lunes fussent revêtiies. Mon opinion est qu’un ouvrage en terre a quelquefois des avantages sur un ouvrage en maçonnerie, parce que les boulets s’y enterrent; mais l’avantage de la maçonnerie, c’est de permettre une économie dans la garnison qui garde une place. Cette considération, dans beaucoup de circonstances, est tellement importante, que je désire voir toutes les lunettes revêtues. Quant à Osoppo, j’ai adopté un camp retranché en terre, avec fossé plein d’eau et chemin couvert, formant une simple couronne soumise à la domination de la montagne. Le chemin couvert , ayant 600 toises de développement, peut contenir douze bataillons, et l’intérieur du camp retranché, ayant 100 toises sur 300, peut contenir plusieurs divisions. Vu la faculté que l’on a de remplir les fossés d’eau, toute maçonnerie devient inutile; il suffit de pratiquer quelques flèches dans le flanc de la montagne, qui auront de la domination sur la tranchée et qui , probablement, ôteront à l’ennemi l’envie d’attaquer ce camp retranché. Un des principaux avantages de ce camp retranché, c’est de n’exiger que peu de monde de plus qu’Osoppo. La montagne et un large fossé plein d’eau le défendent suffisamment; 100 hommes dans chaque bastion suffisant pour rendre toute attaque impraticable. Ainsi donc, avec 3,000 hommes de toutes armes et de toutes espèces de troupes, Palmanova et Osoppo se défendront longtemps , et, dans d’autres circonstances, tous les magasins de l’armée et 12 , 15 ou 20,000 hommes peuvent trouver secours et protection sous le feu de ces places.

Une fois obligé d’abandonner ces places , où doit-on s’arrêter ? Ma première idée fut pour la Piave , ce qui a donné lieu au mémoire que j’ai dicté il y a six mois. Mais la Piave est guéable les trois quarts de l’année, mais la Piave tournée peut donner lieu à de fausses manoeuvres du général français, mais enfin la Piave est fort loin de Mantoue, de Peschiera, où se trouve le centre de la défense de l’Italie; et la crainte qu’on peut avoir, si l’ennemi tournait la ligne de la Piave sur la gauche , de n’arriver qu’après lui devant ces places qui demandent des garnisons si considérables , rendrait nécessairement moins hardi le général français. Ce qui a dû fixer ma première idée sur la Piave, c’est que la Piave couvre Venise, ef qu’il faut perdre une bataille avant d’abandonner ce grand arsenal , cette grande ville, et qu’il est bien malheureux de faire un détachement de plusieurs milliers d’hommes pour laisser une garnison dans Venise. Ces avantages sont majeurs, mais ne serait-il pas possible de donner à la ligne de l’Adige la même propriété ? La ligne de l’Adige ne peut jamais avoir la propriété de couvrir Venise, parce qu’elle n’est pas assez en avant; mais on peut tirer des eaux de la Brenta, de l’Adige et des torrents qui se jettent dans l’une et l’autre de ces rivières, rassembler ces eaux et rendre le terrain tellement impraticable entre l’Adige et la Brenta qu’il soit impossible à l’ennemi de couper Venise de l’Adige , et dès lors il sera obligé de passer l’Adige pour bloquer Venise. Il n’y a guère que deux ou trois lieues de l’embouchure de la Brenta à l’embouchure de l’Adige; le pays est déjà marécageux et impraticable. L’art de l’ingénieur doit être de réunir toutes ces eaux , de s’en couvrir et d’établir un poste de 3 ou 400 toises de développernent défendu par les eaux, qui soit inabordable et qui protége un chemin qui aille sur l’Adige et à Chioggia, de manière qu’il soit impossible à l’ennemi de bloquer Venise sans passer l’Adige; et peut-être trouvera-t-on dans ce système le meilleur moyen de fortifier Brandolo. C’est là le premier travail qu’il faut faire ; il faut que le terrain entre la Brenta et l’Adige, déjà marécageux, le devienne davantage, au point qu’il y ait impossibilité absolue de pénétrer avant de s’emparer du poste défendu par les eaux , et si difficile lui-même à enlever. Cela une fois posé, l’armée française a tous les avantages : un courant d’eau considérable et extrêmement rapide, des digues sur la rive droite qui rendent facile sa défense, une grande proximité de Mantoue et de Peschiera, l’existence d’une place centrale déjà considérable, Legnago. Par cette ligne, Mantoue, Peschiera, Legnago , qui ont été placées par le hasard, qui étaient décousues et sans système entre elles, s’aident, ne font qu’un tout , et réunissent leur sphère d’activité pour la défense de l’Italie.

Dans cette situation , il faut fortifier l’Adige , et la place de Legnago existe. On propose de faire, cette année 1809, à Porto-Legnago , 200,000 francs de dépense pour améliorer cette partie de la place. Le chemin de Legnago à Padoue et de Legnago à Mantoue doit être tenu dans le meilleur état. Les ingénieurs des ponts et chaussées du royaume d’Italie doivent avoir l’ordre de mettre en état cette route, qui doit être celle des opérations de l’armée. En 1809, le vice-roi doit y faire dépenser des sommes importantes. Supposons que l’ennemi, après avoir forcé le Tagliamento et la Piave, se porte sur Padoue et sur Vicence; il peut vouloir se porter sur Vérone, mais il n’a pour cela qu’un seul chemin ; il faut qu’il passe à Villanova. De Villanova à Arcole il n’y a qu’une lieue et demie ; en établissant à Arcole une place forte, en forme de tête de pont, qui rende toujours l’armée française maîtresse de passer à Ronco et de déboucher sur Villanova en une heure de temps, jamais l’ennemi n’osera s’avancer sur Vérone; la cavalerie légère, les hussards et les coureurs pourront seuls s’y hasarder. Mon intention est de destiner 200,000 francs pour la place d’Arcole, dans l’année 1809. J’en ai fait faire sur le plan le tracé tel que je le désire; le tracé du général Chasseloup ne m’a pas paru convenable. Outre l’avantage d’empêcher l’ennemi de se porter sur Vérone, la place d’Arcole a encore celui d’empêcher l’ennemi d’occuper la position de Caldiero, que l’ennemi a déjà occupée deux fois avec succès. Arcole doit être en terre; les eaux doivent en faire la défense. Il ne doit point y avoir de maçonnerie, ou peu; il faudra un pont sur pilotis au point marqué au plan; indépendamment de ce pont, il faudra un chemin qui conduise à Villanova, tant pour la facilité du commerce du pays que pour rendre plus faciles les mouvements de l’armée sur Villanova.

L’Alpone passe près de Villanova; s’il était possible, sans des dépenses trop considérables, d’écluser le pont de l’Alpone, de manière à faire refluer ses eaux jusqu’à Villanova, et qu’il y eût six à sept pieds d’eau, on pourrait alors construire une redoute de 35 toises de côté, en maçonnerie, sur la hauteur, laquelle battrait la route, défendrait les ouvrages en terre qui seraient derrière l’Alpone, et ferait que la garnison d’Arcole appuierait ses postes jusqu’à Villanova et laisserait une centaine d’hommes dans la redoute de gauche. Alors même les troupes légères ne pourront se porter sur Vérone. Cette deuxième partie demande à être étudiée, mais le succès ne fait rien à la chose; ce serait pour la tranquillité de cette grande ville de Vérone; car enfin, quand même l’ennemi s’y présenterait, il serait arrêté devant Peschiera , et, la ligne d’opération de l’armée française étant sur Mantoue, cette crainte d’avoir l’ennemi à Vérone ne pourrait pas sérieusement ébranler la résolution du général francais.

Après Arcole et Legnago , une ou deux autres places paraissent être utiles entre Legnago et Venise; une à peu près dans la direction du grand chemin de Padoue à Ferrare, vers Anguillara, peut-être un poste à Castelbaldo; mais cette place ou ces deux places doivent tirer leur principale force des eaux, doivent être des places de campagne, ayant la propriété de pouvoir contenir l’ennemi sur la rive gauche s’il le fallait, ou de pouvoir être abandonnées à leur propre force avec 400 ou 500 hommes, s’il le fallait, dans une autre hypothèse. J’accorde 100,000 francs pour chacune de ces places. Cette année, les projets en seront faits et me seront présentés dans le mois de février. Arcole, Legnago , Castelbaldo , Anguillara ou tous autres postes étant établis, il faut qu’il y ait sur chacun des points un pont sur pilotis ou de bateaux. Un pont sur pilotis à Anguillara sera d’une grande utilité pour le commerce; un pont de bateaux à Castelbaldo, en temps de guerre, pourra être suffisant.

L’armée ayant quatre débouchés sur l’Adige, appuyant sa droite à Malghera convenablement fortifié, sa gauche à la place d’Arcole, son front couvert par l’inondation existant entre la Brenta et l’Adige, que fera l’ennemi ? S’il se porte sur Vérone, toute l’armée débouche par Arcole, le prend en flagrant délit. S’il masque chacun de ces quatre points, on débouche au moment inattendu par un d’eux, et on culbute successivement les divers corps , comme des capucins de cartes. Enfin, s’il remonte la Brenta pour arriver à Trente et se porter sur Monte-Baldo et Vérone, appuyant sa ligne d’opération dans le Tyrol, il fait alors un détachement de huit à dix jours d’absence; il s’affaiblit d’autant; s’il est peu considérable, il n’est d’aucune considération, peu d’hommes à Rivoli l’arrêteront et le culbuteront ; s’il est considérable, il affaiblit d’autant son armée.

L’ennemi établit-il son quartier général à Padoue et cherche-t-il à passer l’Adige entre Legnago et Arcole ? Mais alors, abandonnant une légère garnison à Arcole et dans les autres places , l’armée peut déboucher au pont d’Anguillara , ou même se jeter dans Venise, et , par Brandolo ou par Malghera, déboucher sur tout ce qui bloque cette place, intercepter les communications dans toutes les directions, et mettre cette armée dans la position la plus dangereuse. Quelque chose que fasse l’ennemi, le terrain est disposé de manière qu’avec la moitié des forces et égalité de talent tout est facile au général français, tout lui présage et lui indique la victoire; tout est difficile et scabreux pour l’ennemi. C’est le seul avantage que les fortifications puissent offrir à la guerre. Comme les canons, les places ne sont que des armes qui ne peuvent remplir seules leur objet, elles demandent à être bien employées et bien rnaniées. On sent que, pour ces opérations, il est nécessaire que les communications depuis Ronco, par la rive droite de l’Adige, jusqu’à Anguillara et Venise, soient soignées ; on doit les faire reconnaître et les tenir en état, afin de pouvoir porter, pendant la nuit et en deux ou trois marches, l’armée sur une de ses extrémités. Aucun général expérimenté et prudent ne se hasardera devant ce grand rentrant de fortifications depuis Ronco jusqu’à Malghera, où l’armée française, manoeuvrant derrière les eaux, rend tout espionnage et communication impossible à l’ennemi, et peut se trouver à tous les levers du soleil à trois marches sur ses derrières , ou sur un de ses flancs, avec toutes ses forces réunies contre ses forces à lui disséminées. Si l’on dit, mais l’ennemi prendra Arcole : Arcole, environné d’eau, n’est pas facile à prendre. Si l’on dit, l’ennemi prendra Legnago, qu’on croit encore plus important pour lui : on a fait le plus bel éloge de la ligne qu’on propose, car, si elle n’est attaquable qu’en prenant une place forte, le but est rempli. On ne peut espérer d’une ligne que les avantages suivants : rendre la position de l’ennemi tellement difficile, qu’il se jette dans de fausses opérations et qu’il soit battu par des forces inférieures, ou, si on a en tête un général prudent et de génie, l’obliger à franchir méthodiquement des obstacles créés à loisir, et ainsi gagner du temps; du côté, au contraire, de l’armée française, aider à la faiblesse du général, rendre sa position tellement indiquée et facile qu’il ne puisse point commettre de grandes fautes, et enfin lui donner le temps d’attendre des secours. Dans l’art de la guerre, comme dans la mécanique, le temps est le grand élément entre le poids et la puissance.

En parlant de la ligne de l’Adige, on pourra dire que l’ennemi viendra par Inspruck (Innsbruck) sur Trente; mais alors l’ennemi se dégarnit devant d’autres forces, et enfin les positions de Monte-Baldo et de Rivoli ne laissent rien à désirer. Est-on maître de Rivoli ? L’ennemi ne peut point se porter sur Vérone. Est-on maître de Monte-Baldo ? Il ne peut pas l’être de Rivoli. La nature a tout fait de ce côté et ne laisse rien à désirer. Tout est fait dans le système où l’ennemi, maître de Vérone, aurait passé l’Adige sans doute, mais sans avoir tourné l’armée française; car, en supposant l’hypothèse la plus exagérée que l’ennemi ait son centre à Vérone, sa droite à Peschiera, sa gauche à Trévise, l’armée française aurait sa droite à Venise , sa gauche à Mantoue, son centre à Legnago, et appuierait Peschiera et Arcole comme vedettes. On sent que, dans cette hypothèse, l’avaintage serait pour l’armée française appuyée dans toutes ses extrémités à des places fortes, manoeuvrant à volonté entre elles contre des ennemis dont la gauche, la droite et le centre seraient également en l’air et également attaquables.

Plus nous réfléchissons sur cette position et plus nous pensons qu’avec 30,000 hommes on ne peut pas en craindre 60,000 de même valeur; ou du moins qu’on doit pouvoir gagner plusieurs mois.

 

14 janvier 1809

Au général Caulancourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Je reçois à  l’instant même votre lettre du 20 décembre. Je vous expédie Deponthon, parce qu’il m’a paru qu’il était agréable à  l’empereur. L’empereur peut l’employer comme il lui plaira et autant de temps qu’il voudra.

Nous sommes entrés le 9 à  Lugo. Le duc de Dalmatie était le 9 à  Betanzos, près de la Corogne. Les Anglais ont perdu près de la moitié de leur armée, 600 voitures de munitions et de bagages et 3 ou 4,000 prisonniers. Le corps de La Romana est entièrement détruit et dispersé. Vous pouvez croire exactement les bulletins; ils disent tout. Le roi fait son entrée solennelle dans Madrid dans quatre jours. La nation est bien changée depuis deux mois, elle est lasse de tous ces mouvements populaires et bien désireuse de voir un terme à  tout ceci.

Je vous ai fait connaître que, du moment que l’on voulait considérer le duc d’Oldenbourg comme étant de la famille impériale, il n’y avait pas l’ombre de difficulté. Si l’empereur lui donne le titre d’Altesse Impériale, tout est terminé; même à  Paris il serait traité comme tel. L’empereur de Russie peut faire ce qu’a fait l’empereur d’Autriche et ce que j’ai fait moi-même. Tous les membres d’une famille sont traités dans les cours étrangères de la même manière qu’ils sont traités dans leurs cours respectives. Ce principe détruit tout obstacle. Vous avez eu tort de faire la moindre difficulté là­dessus. Chacun est maîre de faire pour sa farniile les lois qu’il veut

 

du moment qu’elles sont faites à  titre de famille, aucun ambassadeur ne peut se mettre de pair. Vous ne devez pas céder le pas au prince d’Oldenbourg, pas à son père, mais au beau-frère de l’empereur de Russie, s’il lui donne ce rang dans sa cour. Mais en voilà  assez sur cet objet.

Quant à  l’Autriche, ce qui arrive je l’avais prévu. Si l’empereur avait voulu parler ferme à  Erfurt, cela ne serait pas arrivé. Elle avait promis de fournir des armes aux insurgés et déjà  des convois étaient prês de partir de Trieste. Elle a des engagements secrets avec l’Angleterre et n’attend que l’affaire de la Porte pour se déclarer. L’empereur peut compter là-dessus. La guerre est inévitable sur le continent, si l’empereur ne parle pas haut. L’Autriche tombera à  nos genoux, si nousfaisons une démarche ferme de concert, et menaçons de retirer nos ministres, si l’on n’accorde pas ce que nous demandons. La reconnaissance du roi Joseph n’est rien par elle-même. Elle n’est importante que parce qu’un refus encourage l’Angleterre et fait présager des troubles sur le continent. Le désarmement de l’Autriche, voilà  le principal. L’Autriche ne peut dire que cet armement soit un état militaire permanent. Elle n’a pas les moyens de le soutenir. Elle met l’Europe en crise; elle en payera les pots cassés.

Pour vous seul. – Quand vous lirez ceci, je serai à Paris. Je compte y être de retour le 20 de ce mois. Toute ma garde est réunie à  Valladolid, et 2,000 de mes chasseurs à  cheval sont à  Vitoria. Je viens d’ordonner une levée de 80,000 hommes de la conscription de cette année. Je suis prêt à  tout. Mais notre alliance ne peut maintenir la paix sur le continent qu’avec un ton décidé et une ferme résolution.

Quant aux affaires de Prusse, je ne sais de quoi vous me parlez. Le traité avec la Prusse est antérieur aux conférences d’Erfurt, et on n’y a rien changé depuis. J’ai mandé M. de Romanzoff resté à  Paris jusqu’au 1er février. Je désire le voir à  Paris, et nous verrons s’il convient de faire une nouvelle démarche.

Les affaires ont été ici aussi bien qu’on pouvait le désirer. J’avais mannoeuvré de manière à  enlever l’armée anglaise; deux accidents m’en ont empêché; 1° le passage du Puerto de Guadarrama, qui est une montagne assez haute et tellement impraticable, quand nous l’avons passée, qu’elle a apporté deux jours de retard dans notre marche. J’ai été obligé de me mettre à  la tête de l’infanterie pour la faire passer. L’artillerie n’est passée que dix-huit heures après. Nous avons trouvé des pluies et des boues, qui nous ont encore retardés douze heures. Les Anglais n’ont échappé que d’une marche. Je doute que la moitié s’embarque; s’ils s’embarquent, ce sera sans chevaux, sans munitions, bien harassés, bien démoralisés, et surtout avec bien de la honte. Du moment que je serai à  Paris, je vous écrirai.

 

Valladolid, 14 janvier 1809

Au général Caulaincourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Vous trouverez ci-jointe la lettre que je voulais écrire à  l’empereur; mais j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup trop de choses pour une lettre qui reste. Je vous l’envoie pour que vous vous en serviez comme d’instruction générale. J’écrirai à  l’empereur une lettre moins signifiante.

Projet de lettre à  l’empereur Alexandre, jointe à  la précédente.

Monsieur mon frère, il y bien longtemps que je n’ai écrit à Votre Majesté Impériale. Ce n’est pas cependant que je n’aie souvent pensé, même au milieu du tumulte des armes, aux moments heureux qu’elle m’a procurés à  Erfurt. J’ai espéré pendant un moment annoncer à  Votre Majesté la prise de l’armée anglaise; elle n’a échappé que de douze heures; mais des torrents qui, dans des temps ordinaires, ne sont rien, ont débordé par les pluies, et des contrariétés de saison ont retardé ma marche de vingt-quatre heures. Les Anglais ont été vivement poursuivis. On leur a fait 4,000 prisonniers anglais et tout le reste du corps de La Romana; on leur a pris 18 pièces de canon, 7 à  800 chariots de munitions et de hagages, et même une partie de leur trésor; on les a obligés à  tuer eux-mêmes leurs chevaux, selon leur bizarre coutume. Les chemins et les rues des villes en étaient jonchés. Cette manière cruell de tuer de pauvres animaux a fort indisposé les habitants contre eux. Je les ai poursuivis moi-même jusqu’aux montagnes de la Galice. J’ai laissé ce soin au maréchal Soult. J’ai l’espérance que, si les vents leur sont contraires, ils ne pourront s’embarquer. Ils ne rembarqueront pas de chevaux; il ne leur en reste pas 15 ou 1,800.

Le roi fait après-demain son entrée à  Madrid. La menace de les traiter en pays conquis et la crainte de perdre leur inclépendance à fort agi sur eux. Ils n’ont plus d’armée. Si l’on n’a pas occupé tout le pays, c’est que le pays est grand et qu’il faut du temps.

Quand Votre Majesté lira cette lettre, je serai rendu dans ma capitale. Ma garde, et une partie de mes v:ieux cadres sont en mouvement rétrograde sur Bayonne. Je voulais former mon camp de Boulogne, qui aurait donné beaucoup d’inquiétude aux Anglais; mais les armements de l’Autriche m’en ont empêché. J’avais réuni 20,000 hommes à  Lyon, pour les embarquer sur mon escadre de Toulon et menacer les Anglais de quelque expédition d’Égypte ou de Syrie, qu’ils redoutent beaucoup; les armements de l’Autriche m’en ont encore empêché. Je vais leur faire passer les Alpes et les faire entrer en Italie. J’ai des preuves certaines que l’Autriche a pris l’engagement de ne pas reconnaître le roi Joseph. Son chargé d’affaires a suivi les insurgés. Il a fui de Madrid, et il est à  Cadix. J’ai des preuves certaines que l’Autriche avait promis de fournir 20,000 fusils aux insurgés. L’espérance de l’Angleterre était de soutenir les troubles de l’Espagne, de nous faire rompre avec la Turquie et de faire déclarer l’Autriche, et, avec la Suède, de contre­balancer notre puissance. J’ai regret que Votre Majesté n’ait pas adopté à  Erfurt des mesures énergiques contre l’Autriche. La paix avec l’Angleterre sera impossible, tant qu’il y aura la plus légère probabilité d’exciter des troubles sur le continent. Votre Majesté comprendra aisément que je n’attache. aucune importance à  la reconnaissance du roi Joseph par l’Autriche. J’en attache bien davantage à  ce qu’elle désarme et fasse cesser l’état d’inquiétude où elle tient l’Europe. Je prévois que la guerre est inévitable, si Votre Majesté et moi ne tenons envers l’Autriche un langage ferme et décidé, et si nous n’arrachons son faible monarque du tourbillon d’intrigues anglaises où il est entraîné. Votre Majesté sait le peu de cas que je fais de ses forces et de ses armes. Qui les connait mieux que Votre Maajesté ? Il n’en est pas moins vrai que l’Europe est en crise, el il n’y aura aucune espérance de paix avec l’Angleterre que cette crise ne soit passée. Si l’Autriche veut la paix, Votre Majesté et moi la garantissons. Qu’elle désarme; qu’elle reconnaisse la Valachie, la Moldavie, la Finlande sous la domination de Votre Majesté, et qu’elle cesse de faire un obstacle aux intérêts de nos deux puissances. Si au contraire elle s’y oppose, qu’une démarche soit faite de concert par nos ambassadeurs, et qu’ils quittent à  la fois. L’empereur ne les laissera pas partir, et la paix sera rétablie.

S’il est assez aveugle pour les laisser partir, que vous et moi prenions des arrangements pour en finir avec une puissance qui, depuis quinze ans, toujours vaincue, trouble toujours la tranquillité du continent et flatte en secret le penchant de l’Angleterre. Mon désir est sans aucun doute celui de Votre Majesté, c’est que l’Autriche soit heureuse, tranquille, qu’lle désarme et n’intervienne près de moi que par des moyens conciliants et doux, et non par la force. Si cela est impossible, il faut la contraindre par les armes; c’ est le chemin de la paix. Votre Majesté voit que je lui parle clairement. Des intelligences très directes me font connaître que l’Angleterre était déjà  très alarmée de la marche de mes divisions sur Boulogne. L’Autriche lui a rendu un service essentiel en m’obligeant à  la contrernander. Votre Majesté est sans doute bien persuadée du principe qu’un seul nuage sur le continent empêchera les Anglais de faire la paix ; or il ne doit pas y en avoir, si nous sommes unis de coeut, d’intérêts et d’intentions; mais il faut de la confiance et une ferme volonté.

 

Valladolid, 14 janvier 1809.

A Alexandre Ier, Empereur de Russie

Il y a bien longtemps que je n’ai écrit à  Votre Majesté Impériale, quoique j’aie souvent pensé à  elle. Je la félicite de ses succès en Finlande. De sanglantes révolutions se succèdent à  Constantinople. La contenance de l’Autriche donne des espérances aux Anglais, qui se raccrocheront à  tout, même an roseau; ils seront confondus là  comme en Espagne. Votre Majesté veut-elle me permettre de lui souhaiter une bonne année et un beau petit autocrate de toutes les Russies.

Toutefois que Votre Majesté ne doute jamais de l’intérêt que je lui porte et de tous les sentiments d’estime et de haute considération qu’elle m’a inspirés.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Le sieur Saint-Simon a été condamné à mort. Son affaire est devant un conseil privé. En attendant, il a dû être réécroué dans les prisons de Bayonne. Faites-le transférer dans le château de Lourdes ou de Joux, puisqu’il est probable que son affaire traînera en longueur et que mon intention est de commuer sa peine en une prison.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au comte Lacépède, Grand-Chancelier de la Légion d’Honneur, à Paris

Je vous renvoie votre rapport sur la décoration que le roi de Naples a conférée à plusieurs de mes généraux et officiers. Vous ferez connaître au Roi que mon intention est qu’il ne la donne désormais à aucun Français, et qu’aucun Français ne la porte, hormis ceux qui l’ont reçue jusqu’à présent. Si mes soldats se distinguent, je les récompenserai avec l’Ordre français. Toute autre manière me déplairait beaucoup. Quant à vous, je désire que vous ne me proposiez aucune confirmation de ces collations d’ordre : le Roi chamarrerait tous les Français de son Ordre, ce qui ne doit pas être. Dans la lettre que vous écrirez au Roi, faites-1ui sentir, dans le style convenable, quelle est mon intention là-dessus.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A M. Otto, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, à Munich

Monsieur Otto, vous trouverez ci-jointe une lettre pour le roi de Bavière (voir ci-dessous), que vous cachetterez après l’avoir lue, et que mon officier d’ordonnance remettra. Lorsque vous lirez cette lettre, je serai de retour à Paris. Ma Garde est déjà en marche pour Bayonne.

Vous trouverez ci-joint un ordre pour envoyer le corps du général Oudinot à Augsburg, si cela convient au Roi. Vous insisterez auprès de lui pour obtenir son consentement, en lui faisant sentir l’importance de ce mouvement pour couper court à des murmures et inquiétudes qui font autant de mal que la guerre. Les quatre basses compagnies des régiments de ce corps , qui n’a que les deux premières compagnies de grenadiers et de voltigeurs , vont les joindre ; ce qui le triplera. Ce corps sera censé être à Augsburg pour passer en Italie. Il sera nourri à mes frais. L’arrivée de ce corps à Augsburg, coïncidant avec mon retour à Paris, fera sentir à l’Autriche que ce n’est pas une plaisanterie. Je désire savoir combien il faut de temps au Roi pour mettre ses troupes sur pied, remonter sa cavalerie. Quand l’Autriche fait des efforts, il ne faut pas s’endormir.

Donnez l’assurance au Roi que, quand il le faudra, je serai à Munich avec 150,000 hommes, dont 25,000 de cavalerie, la plus belle du monde ; que je ferai entrer le vice-roi en Carinthie avec une pareille force, et que j’aurai en réserve une armée de 60, 000 hommes tirés de mon armée d’Espagne. Si je joins à ces forces 100,000 hommes des groupes de la Confédération, il me semble que l’Autriche ne doit pas hausser le ton. Vous ajouterez que je suis au mieux avec la Russie, et que cette cour ne comprend rien, aussi bien que moi, à ce vertigo de la cour de Vienne.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant l’armée du Rhin, à Erfurt

Mon Cousin, mon intention est qu’à la réception du présent ordre vous fassiez partir le corps du général Oudinot , composé de son infanterie et de ses trois régiments de cavalerie et de 18 pièces de canon , pour se rendre à Augsburg. Il agira comme s’il devait se rendre en Italie. A Augsburg, il attendra de nouveaux ordres. Vous ferez partir avec ce corps la division de cuirassiers du général Espagne. Par ce moyen, le général Oudinot aura sept régiments de cavalerie, et, dans le courant de mars, il réunira ses trente-six bataillons d’infanterie.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

INSTRUCTIONS POUR LE MAJOR GÉNÉRAL.

Après le départ de l’Empereur, le Roi commandera l’armée.

Le major général restera à Valladolid jusqu’à ce qu’il apprenne que les Anglais sont embarqués. Si, dans huit jours, ils ne l’étaient pas et qu’il n’y eût rien de nouveau, il se rendra à Paris, s’il ne juge pas sa présence nécessaire. Pendant le temps qu’il restera à Valladolid, il continuera à donner des ordres au nom de l’Empereur.

Si le maréchal duc de Dalmatie éprouvait un échec, ce qui n’est pas à présumer, et que cet échec ne pût être réparé par le corps du duc d’Elchingen, le major général pourrait faire marcher la division Lapisse; il tâchera de correspondre avec Santander, en y envoyant 100 hommes d’infanterie, afin de donner des nouvelles au général Bonet, qui depuis longtemps en est privé.

Le major général renouvellera les ordres à Santander et à Burgos, pour faire évacuer sur Bayonne les laines ainsi que les marchandises anglaises.

Le départ de l’Empereur ne sera pas mis à l’ordre ; on le fera connaître directement et particulièrement aux ducs de Dalmatie, d’Elchingen et de Montebello. Le Roi sera prévenu qu’il doit laisser ignorer, autant que possible, le départ de l’Empereur à Madrid, en disant que Sa Majesté a été à Saragosse.

Le général Lecamus restera à Valladolid, comme section détachée de l’état-major général; il correspondra directement avec le Roi et avec le major général à Paris.

L’Empereur laisse le commandement de sa Garde au duc d’Istrie , qui aura son quartier général à Valladolid. La Garde ne fait pas partie de l’armée. Ce ne sera que quand l’Empereur fera venir sa Garde et ses équipages que l’on mettra à l’ordre que Sa Majesté a quitté le commandement de ses armées en Espagne.

Si des circonstances forcées rendaient indispensable de faire marcher la Garde, le major général est autorisé à le faire.

Comme le corps du duc de Dalmatie, tel qu’il est en Galice, et appuyé de deux divisions du duc d’Elchingen , est assez fort pour chasser les Anglais , l’Empereur désire que la division Heudelet ne dépasse pas Villafranca jusqu’à ce que le duc de Dalmatie se soit mis en chemin pour Oporto, et alors il faudrait qu’un régiment du duc d’Elchingen vînt à Astorga pour garder les communications.

Le major général, tant qu’il sera à Valladolid, y fera la parade comme à l’ordinaire, verra les hommes isolés. Il donnera l’ordre de faire partir, le 15, les caissons de la 3e compagnie du 6e bataillon des équipages militaires, chargés des effets des régiments du corps du maréchal duc de Dalmatie; il leur donnera une bonne escorte ; on retardera le départ d’un jour , si on n’avait pas une escorte suffisante.

Pendant le temps que le major général restera à Valladolid, il enverra tous les jours un courrier au Roi.

Immédiatement après le départ de l’Empereur , l’estafette sera établie de la manière suivante. Il y aura à Madrid et à Valladolid un directeur de la poste. Le directeur de Madrid ne fera pas partir l’estafette sans que l’ambassadeur de France lui ait fait remettre directement ses dépêches, lesquelles ne devront être mises dans la valise que par le directeur lui-même, sans être vues de personne ; il recevra aussi le paquet du maître des requêtes Fréville, celui de l’intendant général de l’armée; quant au paquet du Roi, c’est le principal et le premier. A Valladolid, le directeur ne laissera pas partir l’estafette sans avoir pris les paquets du duc d’Istrie; il ordonnera de prendre à Burgos ceux du général Darmagnac et à Vitoria ceux du général Thiébault. Le major général remettra à cet égard une note au directeur de l’estafette et au général Nansouty.

Le major général chargera le général Thiébault de correspondre avec lui à Paris et avec le maréchal duc d’Istrie à Valladolid ; et de même au général Darmagnac à Burgos et au général Bisson, qui commande la Navarre. Le duc de Montebello , qui commande devant Saragosse, recevra aussi le même ordre.

Pendant le temps que le major général restera à Valladolid , il enverra tous les jours un de ses aides de camp au duc de Dalmatie, afin qu’il les lui réexpédie ensuite toutes les fois qu’il y aura quelque chose d’important. Mais, au moins tous les deux jours, ces aides de camp porteront les dépêches du duc de Dalmatie au duc d’Istrie et même au Roi , en passant par Madrid , s’il y avait quelque chose de pressé.

Pendant que le major général sera à Valladolid , il expédiera à Paris successivement ses aides de camp revenus de Galice ; et, après son départ, ils continueront leur route sur Paris, ayant auparavant remis les dépêches adressées au duc d’Istrie.

Le major général expédiera , tous les jours à peu près et lorsque les événements l’exigeront , l’un des aides de camp des généraux attachés à l’Empereur, pour Saragosse, afin que le due de Montebello en expédie un pour Paris au moins tous les trois jours, ou lorsque les circonstances l’exigeront.

Pendant le temps que le major général restera à Valladolid, il expédiera tous les jours à Sa Majesté un de ses officiers d’ordonnance avec les différents rapports.

Le major général partira huit ou dix jours après l’Empereur, en profitant des différents relais de Sa Majesté. Après le passage du major général, tous les relais de l’Ernpereur seront réunis à Vitoria, sous la garde des chasseurs et de la moitié de la gendarmerie d’élite , qui s’y rendra à cet effet.

Le grand maréchal remettra au major général l’état des officiers d’ordonnance et des aides de camp. Le major général pourra dès demain en expédier sur Saragosse.

Le major général recornmandera en partant au duc d’Istrie de faire tous les jours une parade comme le fait Sa Majesté, de visiter les hommes qui passent, de leur donner du repos et de leur faire joindre en règle leurs différents corps.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la réserve de cavalerie, à Valladolid

Mon Cousin, ma Garde reste ici sous vos ordres. Mon intention est que les chevau-légers polonais soient réunis à Tolosa, et mes chasseurs à cheval à Vitoria, hormis les détachements qui seraient de Vitoria à Tolosa, qui resteront à Tolosa avec les Polonais. Mon intention est que tous les détachements qui seraient à Madrid ou à Astorga, ou ici, aussitôt qu’ils seront rétablis, soient dirigés sur ces corps , à Bayonne. Donnez ordre qu’il y ait à Vitoria, avec les chasseurs, douze pièces d’artillerie légère bien attelées et approvisionnées. Le reste doit se tenir prêt à partir au premier ordre. Vous recevrez directement des ordres de moi. Tenez ma Garde sur un bon pied; dirigez les malades plutôt sur Burgos qu’en avant. Il faut que les postes les plus avancés de ma Garde soient à Valladolid. Vous sentez bien que cela doit céder à des circonstances majeures et imprévues dont je vous laisse le maître de juger. Indépendamment des rapports que vous ferez au major général sur le gouvernement des provinces qui sont sous votre autorité, vous m’en ferez sur la Garde, afin que je connaisse bien sa situation et le lieu où elle se trouve. Les chevau-légers polonais et les chasseurs auront avec eux leurs caissons. 150 de mes gendarmes d’élite se rendront également à Vitoria ; le reste demeurera ici pour la police de la ville et de la route ; il n’y en aura plus, huit jours après mon départ de Valladolid, à Ségovie, et de Ségovie à Madrid, ni dans d’autres directions. Tous leurs postes seront repliés de manière que leurs postes avancés soient à Valladolid.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

ORDRE POUR LE CAPITAINE CHLAPOWSKI, OFFICIER D’ORDONNANCE DE L’EMPEREUR

Chlapowski se rendra à Mayence. Il remettra une lettre au prince Primat. Si Son Altesse n’était pas à Fraucfort, il la remettrait au gouverneur de Francfort, pour la lui faire passer.

De là, il se rendra à Cassel ; il remettra une lettre au roi de IVestphalie.

Il en remettra une au grand-duc de Hesse-Darmstadt.

De là, il se rendra à Varsovie; il remettra au roi de Saxe une lettre. Si le Roi n’était pas à Varsovie, il passerait par Dresde, où il la lui remettrait, et irait à Varsovie.

Chlapowski restera huit jours à Varsovie ; il verra tout ce qui s’y fait, quel est l’esprit du duché, ce qu’on fait et dit en Gallicie, et reviendra me trouver dans le lieu où je serai.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan.

Mon Fils, les nouvelles que je reçois de tout côté me disent que l’Autriche remue. La Russie est aussi indignée que moi de toutes ces fanfaronnades. Disposez les choses de manière que, dix jours après le premier ordre, vous puissiez réunir 60,000 hommes dans le Frioul. Si les Autrichiens ont fait des mouvements, armez Palmanova; je suppose que vous y avez réuni les approvisionnements nécessaires. Si des troupes ennemies approchaient de la frontière, placez la division Broussier dans le Frioul, ainsi que la cavalerie légère, de manière à réunir là, d’abord, 18,000 hommes d’infanterie, 3,000 hommes de cavalerie et trente pièces de canon, dont six d’artillerie légère. Placez en seconde ligne la division Barbou, que vous compléterez promptement à 8,000 hommes; vous pourrez la réunir toute à Trévise. Réunissez également la division Severoli, qui doit être aussi forte de 8,000 hommes, et vous pourrez la placer à la hauteur de Vicence et de Bassano. Réunissez les six régiments de dragons, et faites revenir celui qui est à Rome ; cela doit faire un corps de 5,000 hommes. Enfin réunissez à Padoue la division Grenier, que vous composerez de la manière suivante : le 1er, le 52e et le 102e de ligne. Vous aurez par ce moyen 24,000 hommes d’infanterie et 6,000 hommes de cavalerie, c’est-à-dire 30,000 hommes en seconde ligne. La division Lemarois, étant à Ancône et en Toscane, se trouvera composée des 29e, 13e, et 112e régiments; vous la laisserez là, et ne la ferez venir qu’autant que les événements seraient plus pressés. Je désignerai plus tard le général qui devra prendre le commandement de cette division.

Ne faites cependant aucun mouvement inutile, et, dans le cas où ces premiers rapports ne seraient pas confirmés, contentez-vous d’appeler le régiment qui est à Rome et de mettre la division Grenier sur la rive gauche du Pô, afin qu’en dix jours, comme je vous l’ai dit plus haut, vous puissiez être en mesure de réunir 60,000 hommes et cent pièces de canon attelées dans le Frioul.

Quant à ces cent pièces de canon, le matériel, vous l’avez ; le personnel et le nombre nécessaire de canonniers ne vous manquent pas non plus. Je vois que l’artillerie italienne a 400 hommes du train; portez donc le nombre de vos chevaux à 600; ce qui vous mettra à même d’atteler plus de cent voitures, c’est-à-dire vingt-quatre pièces. Je vois aussi que vous avez 400 sapeurs. Vous avez le 6e bataillon principal du train français, le 7e et le 7e bis; je vois que le 6e a près de 500 chevaux, le 7e près de 200, et le 7e bis en a 300. Prenez les mesures nécessaires pour compléter ces bataillons à 800 chevaux chacun; ce qui, avec les 600 chevaux du train italien, vous donnera 3,000 chevaux, indépendamment de ce que pourra vous offrir le Piémont. Enfin quatre-vingts pièces de canon peuvent, surtout dans un commencement de campagne, se servir à la rigueur avec 400 voitures, c’est-à-dire avec 1,600 chevaux. Ne laissez à Rome que six pièces de canon et seulement deux attelées; faites revenir les autres attelages.

 

Valladolid, 15 janvier 1809, au matin

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, je n’ai pas de nouvelles de vous depuis le 11. Les circonstances de l’Europe m’obligent à aller passer vingt jours à Paris. Si rien ne s’y oppose, je serai de retour vers la fin de février. Le major général restera encore dix à douze jours, afin d’être bien assuré que vous ayez connaissance de toutes les affaires. J’ai ordonné la réunion de ma Garde à Valladolid. J’en laisse le commandement au maréchal Bessières, qui recevra des ordres directement de moi pour ma Garde. Je lui ai fait connaître que je désirais qu’elle restât en repos, pour être en situation de se porter sur une autre frontière, si les circonstances le rendaient nécessaire. Je vous prie de m’écrire tous les jours en grand détail et de m’envoyer même les rapports des généraux sur les différentes affaires, afin que je connaisse bien la situation des choses.

Le major général vous fera connaître mon projet d’entrer en Portugal à la fois par Oporto et la Galice; ce qui vous mettra à même de réunir ce que vous avez pour l’attaque de l’Andalousie, en donnant les premiers coups sur Séville et Mérida, en ayant la frontière du Portugal.

Il ne faut songer à Valence que lorsqu’on aura Saragosse; ce qui certainement doit être fait dans le courant de février. Quand Saragosse sera pris , il n’en faut rien retirer que je n’en sois instruit, car beaucoup de choses vont dépendre des circonstances.

J’ai laissé le commandement des provinces de Léon, de la Vieille-Castille, de la Biscaye et de Santander au maréchal Bessières, qui restera à Valladolid. Il a, pour contenir ces provinces , la division Lapisse qui marche sur Salamanque, les garnisons qui sont dans ces différents points , et de plus une division de dragons.

Je pense vous avoir écrit de faire votre entrée, le 14, à Madrid. Denon voudrait prendre quelques tableaux. Je préférerais que vous prissiez tous ceux qui se trouvent dans les maisons confisquées et dans les couvents supprimés, et que vous me fissiez présent d’une cinquantaine de chefs-d’oeuvre qui manquent au Muséum de Paris. En temps et lieu, je vous en donnerai d’autres. Faîtes venir Denon et parlez-lui dans ce sens. Il peut vous faire les propositions. Vous sentez qu’il ne faut que de bonnes choses, et l’opinion est que vous êtes immensément riches en ce genre.

Je crois qu’immédiatement après votre entrée et votre installation à Madrid vous devez vous occuper de créer deux ou quatre régiments, dont un dans le nord, en ayant soin de n’en pas laisser approcher un de dix lieues de Madrid. Si vous pouvez former des cadres avec quelques officiers , je crois que vous trouverez beaucoup de monde; ce qui est indispensable pour donner refuge à des gens qui deviendraient des brigands. En même temps , ce sera des corps qui seront bons pour la police.

Je crois que j’ai un chiffre pour correspondre avec vous lorsqu’il y aura quelque chose de très-important à me faire savoir. Vous avez dans tous les cas celui de Laforest.

Je compte être à Paris le 21 janvier. J’irai en grande partie à franc étrier.

Si vous le jugez convenable, vous pouvez garder quinze jours mon absence secrète, en disant que je me suis porté sur Saragosse. Vous ferez, au reste, là-dessus, ce qui vous paraîtra le plus à propos.

Je n’ai pas de nouvelles de Galice depuis les dernières reçues. Le duc d’Elchingen avait déjà passé les montagnes et se réunissait au duc de Dalmatie, qui était à huit lieues de la Corogne.

 

Valladolid, 15 janvier 1809, à midi

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, je vous ai expédié ce matin Montesquiou, avec une lettre où je vous faisais connaître que je partais demain pour Paris. Le major général vous enverra demain, par un aide de camp, des instructions sur mon armée d’Espagne. Le major général restera ici dix ou douze jours après moi. Je vous écris cette lettre par l’estafette porteur de vos paquets de Paris, que je laisse continuer. Portez votre attention sur vos journaux, et faites faire des articles qui fassent bien comprendre que le peuple espagnol est soumis et se soumet. Le chargé d’affaires espagnol qui était à Vienne a eu la bêtise de partir pour Trieste, sur une lettre de la junte. La cour de Vienne se comporte très-mal ; elle pourrait s’en repentir. N’ayez aucune inquiétude. J’ai assez de forces, même sans toucher à mon armée d’Espagne, pour aller à Vienne dans un mois.

J’ai peu de généraux de cavalerie. Je désire que le général Montbrun, qui est avec Lasalle, soit appelé par vous à Madrid , et que , huit jours après, vous me l’expédiiez avec des lettres à Paris. C’est un général dont j’estime la bravoure et qui me sera utile. Il ne faut point qu’il sache pourquoi je le fais venir. Si j’ai besoin d’autres, je le manderai de même, et vous me les expédierez de même avec vos dépêches. Il faut dire partout et bien accréditer dans l’armée l’idée que je reviendrai dans vingt à vingt-cinq jours. D’ailleurs ma seule présence à Paris fera rentrer dans le néant l’Autriche, et alors, avant la fin d’octobre, je serai de retour. Je serai à Paris en cinq jours. J’irai à franc étrier jusqu’à Bordeaux, jour et nuit. Pendant ce temps, tout ira se calmant en Espagne.

Je laisse ici, sous les ordres du maréchal Bessières, la division de dragons Kellermann, dont j’ai passé la revue aujourd’hui, pour contenir le nord , depuis Burgos jusqu’à la Galice. Elle va prendre position à Tudela de Duero, ce qui assurera les communications avec Valladolid.

Je pense que, du moment que Saragosse sera rendu, vous pourrez faire venir la Reine avec vos enfants.

J’ai écrit au roi de Naples d’envoyer un ambassadeur à Paris, et je lui ai désigné celui que je voulais qu’il envoyât.

Je vous prie de m’écrire longuement et naïvement; vous le devez, et c’est la seule chose qui puisse me donner confiance en vous, et ma correspondance vous sera utile.

Je crois utile, pour les affaires générales d’Europe, que la Reine, après le carnaval, se rende à Marracq. Elle pourrait y être le 25 février. Les préparatifs de son départ peuvent produire un très-bon effet. Écrivez-lui de partir quand je le lui dirai. Saragosse sera pris quand elle partira. Il n’y a aucun inconvénient à ce que la Reine se repose quinze à vingt jours à Marracq. Je pense donc que votre famille peut se rendre à Madrid vers la fin de février.

Les nouvelles de Russie sont bonnes. Pardo se comporte bien à Saint-Pétersbourg. Ne le laissez pas manquer de nouvelles. Écrivez- lui souvent en envoyant vos lettres à Champagny.

Vous trouverez ci-joint des lettres interceptées par le général Lapisse entre Zamora et Salamanque. Vous y verrez que le 20 décembre la junte était à Séville. Vous sentez l’importance d’occuper Talavera de la Reina et le pont d’Almaraz.

 

Valladolid , 15 janvier 1809

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, quand vous lirez cette lettre, je serai arrivé à Paris. Les armées espagnoles sont détruites, l’armée anglaise battue. Les mouvements.de l’Autriche sont inexplicables. Faites-moi connaître la quantité de troupes dont vous pouvez disposer. Votre contingent doit être de 25,000 hommes; il est fort important de le compléter. Vous sentez que, si la guerre se portait sur votre territoire, ou qu’on épronvât un échec, les conséquences en seraient funestes pour votre royaume. Je vous ai demandé deux régiments pour mon armée d’Espagne, ce qui m’en rendrait deux Français disponibles.

Mille choses aimables à la Reine.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Louis X, Grand-Duc de Hesse, à Darmstadt

Mon Frère, je reçois la lettre de Votre Altesse Royale du 30 décembre 1808. J’ai vu avec peine que vos troupes, qui s’étaient acquis tant de louanges dans la campagne de Pologne, n’aient pas soutenu leur réputation dans celle-ci; la faute en est aux généraux qui les commandent. Le Hessois est brave et bon soldat. Que Votre Altesse leur donne des chefs de mérite, de ceux qui les commandaient dans la campagne passée, et elles reprendront la réputation qu’elles ont méritée depuis plusieurs siècles.

La conduite de l’Autriche fait craindre que cette puissance se porte à des folies qui entraîneraient sa ruine. Il est nécessaire que les troupes de Votre Altesse soient prêtes et que son contingent soit au complet, en comptant, comme de raison , ce qu’elle a à l’armée d’Espagne. Je verrai avec plaisir que Votre Altesse me fasse connatître combien de jours il lui faut pour réunir ses troupes, et sur combien d’hommes je puis compter.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Maximilien-Joeph, roi de Bavière, à Munich

J’expédie à Votre Majesté un de mes officiers d’ordonnance pour lui faire connaître que je suis instruit que l’Autriche fait des mouvements; ses démarches paraissent dirigées par l’esprit de vertige et de folie, avant-coureur de la perte des États. Ayant détruit les armées espagnoles et battu l’armée anglaise, j’ai jugé convenable de me porter à Paris et de mettre en mouvement rétrograde une partie de mes troupes. Dans cette situation de choses, j’écris directement à Votre Majesté, parce que je désire bien connaître le nombre de jours qu’il lui faudrait pour mettre ses troupes sur pied, infanterie, cavalerie, artillerie, caissons, le nombre d’hommes et de chevaux qu’elle pourrait fournir. La guerre ayant pour but de défendre ses frontières, il serait bien à désirer que Votre Majesté pût mettre 40,000 hommes sous les armes. Quand l’Autriche fait des efforts, il faut en faire pour garantir la Bavière du malheur d’être envahie par ses éternels ennemis. Je prie VotreMajesté de faire armer les forteresses de Passau, de Burghausen et de Kufstein, d’y faire tenir une bonne garnison , de les faire approvisionner pour trois mois de vivres, de munitions de guerre, poudre, etc. J’ai autorisé le duc d’Auerstaedt à marcher sur le Danube avec 80,000 hommes, parmi lesquels mes belles divisions de cuirassiers, et deux cents pièces de canon, si Votre Majesté le demande et si les circonstances devenaient urgentes. Je n’en désire pas moins que le corps du général Oudinot se porte dès à présent à Augsburg, où il sera à mes frais. Des compagnies que j’envoie de France vont porter ce corps à 30,000 hommes. Il peut attendre là que les neiges soient fondues et que le passage soit ouvert pour se rendre en Italie. Ce corps, qui n’est aujourd’hui que de 19,000 hommes, mais qui sera de 30,000 , serait utile à Augsburg pour donner de la confiance à vos sujets, à votre armée, et en imposer un peu à l’Autriche. Si telle est l’o

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Frédéric-Auguste, roi de Saxe, à Dresde

J’envoie un de mes officiers d’ordonnance à Votre Majesté, pour lui annoncer mes succès coutre les armées espagnoles et anglaises. Ces succès, joints aux mouvements que fait l’Autriche, me ramènent à Paris et me décident à faire rétrograder une partie de mes armées d’Espagne.

Je prie Votre Majesté de me dire ce qu’elle pense de cette folie de la cour de Vienne. La Russie est indignée de cette conduite et ne peut la concevoir. Est-ce que les eaux du Danube auraient acquis la propriété de celles du Léthé ? Toutefois je suis prêt à recevoir le gant, si l’Autriche le jette, et à couvrir la Confédération avec 300,000 hommes, indépendamnient de l’armée de réserve tirée de mes armées d’Espagne. Partie de ces troupes agirait sur la frontière d’Italie. Je prie Votre Majesté de me faire connaître, dans tous les cas, quel est l’état précis de ses troupes, pour savoir sur quoi je puis compter; car, si l’Autriche continue à vouloir la guerre, il vaut mieux qu’elle s’établisse sur son territoire que sur le nôtre.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Frédéric, roi de Wurtemberg, à Stuttgart

Monsieur mon Frère, on m’a annoncé de Paris qu’un aide de camp de Votre Majesté devait venir me trouver avec une lettre d’elle; je ne l’ai point encore vu. Les affaires ont marché ici comme je pouvais le désirer. Les armées espagnoles ont été détruites ; l’armée anglaise a été poursuivie l’épée dans les reins, l’espace de cent cinquante lieues. Je l’ai poursuivie moi-même jusqu’aux montagnes de la Galice. Elle a déjà perdu le tiers de son monde, tous ses bagages, et abattu elle-même la plus grande partie de ses chevaux, indépendamment de 10,000 Espagnols, reste des armées du nord de l’Espagne, qui ont été pris ou dispersés, et qui l’avaient suivie. Je verrai avec plaisir que Votre Majesté donne des ordres pour que ses journaux démentent les faux bruits publiés par les gazettes de Presbourg et de Vienne dans l’intention malicieuse d’entraîner l’Allemagne dans une lutte qui doit occasionner la ruine de cet État. La Russie est indignée, comme moi, de cette conduite extravagante de l’Autriche. Nous ne pouvons rien concevoir à cet esprit de vertige qui s’est emparé de la cour de Vienne. Lorsque Votre Majesté lira cette lettre, je serai à Paris. Une partie de mon armée d’Espagne est en mouvement rétrograde pour former une armée de réserve. Mais , indépendamment de cela, je puis envoyer en Allemagne, sans toucher à un seul homme de mon armée d’Espagne, et me porter, à la fin de février, avec 150,000 hommes sur l’Inn , indépendamment des troupes de la Confédération. Je suppose que les troupes de Votre Majesté sont prêtes à marcher au moindre mouvement. Elle sent toute l’importance, s’il faut absolument faire la guerre, de la porter sur le territoire de nos ennemis, plutôt que de la laisser s’établir sur le territoire de. la Confédération. Je prie Votre Majesté de m’écrire à Paris ce qu’elle pense de tout cela. Est-ce que les eaux du Danube auraient acquis la propriété du fleuve Léthé ?

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Charles-Frédéric, Grand-Duc de Bade, à Carlsruhe

Mon Frère, ayant battu et détruit les armées espagnoles, et battu l’armée anglaise, et apprenant que l’Autriche continue ses armements et fait même des mouvements, j’ai jugé à propos de me rendre à Paris.

Je prie Voire Altesse Royale de me faire connaître sans délai la situation de ses troupes. J’ai été satisfait de celles qu’elle m’a envoyées en Espagne. J’espère que Votre Altesse Royale complétera son contingent à 6,000 hommes, car il vaut mieux porter la guerre chez nos ennemis que de la recevoir.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Charles-Louis, Grand-Duc Héréditaire de Bade, à Manheim

Mon Fils, je me rends à Paris. Prenez des mesures pour que vos troupes soient sur le meilleur pied. Le régiment qui est en Espagne s’est bien comporté et s’est fait honneur.

Si vous voulez venir passer le reste du carnaval à Paris avec la princesse, je le verrai avec plaisir.

Dites bien des choses de ma part à Stéphanie.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

A Charles, prince Primat de la Confédération, à Francfort

Les armées d’Espagne ont été détruites; celle d’Angleterre a été jetée à la mer après avoir perdu la moitié de son monde, ses chevaux, qu’elle a abattus elle-même, ses bagages, ses munitions et une partie de son trésor. Ces succès, joints aux mouvements de l’Autriche, me portent à retourner à Paris. Je désire que Votre Altesse me fasse connaître ce qu’elle sait des intentions de l’Autriche; elle a un ministre à Vienne qui doit l’instruire. De quelles eaux boit le cabinet de Vienne ? Est-ce de celles du Danube ou du fleuve Léthé ? Toutefois je désire que Votre Altesse demande aux princes de la Confédération de tenir leur contingent prêt à marcher. La Confédération ne doit avoir aucune inquiétude: je couvrirai ses frontières avec 300,000 hommes. Que chacun tienne son monde prêt. J’entrerai moi,mênie en Autriche avec 400,000 Français, si elle persiste dans le système de folie qu’elle a adopté. Je pense que Votre Altesse doit s’exprimer là-dessus avec ménagement, car il est probable que l’Autriche reviendra à des sentiments plus raisonnables; mais il est indispensable que les princes fournissent leur contingent à la rigueur. J’ai écrit moi-même aux différents rois.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au comte de Laforest, ambassadeur de l’Empereur près de S. M. C., à Madrid

Monsieur Laforest, j’ai donné ordre au directeur de l’estafette de prendre vos paquets, et de les mettre dans le portemanteau des dépêches, pour qu’ils passent dans d’autres mains. Il faut écrire au ministre des relations extérieures et lui envoyer les gazettes et autres écrits qui s’impriment en Espagne. Ne manquez pas d’instruire de tout. Le sieur Fréville doit envoyer aussi des rapports non seulement sur les affaires, mais encore des rapports journaliers et tous les renseignements qu’il recueille, Je pars demain matin pour me rendre en six jours à Paris. Après la défaite des Anglai et eu égard `la mauvaise saison, l’armée a besoin de qulques jours de epos. Mon départ doit être tenu secret. Vous n’en parlerez que quand le roi le dira. Votre langage constant doit être que je ne resterai que quinze ou vingt jours à Paris. Montez votre maison à Madrid, recevez du monde et écrivez beaucoup; lorsqu’il y aura qulque chose d’important, vous vous servirez de chiffres, bien entendu, mais il faut que toutes les estafettes portent quelquechose de vous.

 

Valladolid, 15 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, répondez au sieur Durant qu’il y a un moyen plus simple de finir toute dette discussion de cérémonial, c’est de ne pas dîner à la cour. Ou l’on suit l’étiquette royale et dans ce cas les ministres n’y dînent jamais, ou l’on suit l’étiquette électorale et le ministre dîne avec le prince. C’est dans ce sens qu’il faut s’en expliquer, car en ne dînant pas à la cour, cette difficulté d’étoquette est levée.

 

Valladolid, 16 janvier 1809.

Au comte Gaudin, ministre des finances, à Paris

Je n’appronve pas ce que vous me proposez relativement aux 84 millions de la Grande Armée; n’allez pas toucher à ce qni est la ressource de l’État.

Vous trouverez ci-joint un projet de budget pour la Légion d’honneur. Causez-en avec le grand chancelier et le grand trésorier. Mon intention est que les frais de bureau de la grande chancellerie n’exèdent pas 200,000 francs. La maison d’Écouen ne doit pas coûter plus de 200,000 francs; chaque élève ne doit pas coûter plus de 700 francs, entretien, nourriture, directrices, tout compris. Or cette somme de 200,000 francs, à 700 francs par élève, permettra d’en entretenir près de trois cents. Deux cent cinquante élèves seraient même suffisantes.

Les gratifications à la disposition du grand chancelier ne doivent pas excéder 200,000 francs.

Quant au quart de réserve, mon intention est que la moitié soit affectée à 1809, et l’autre moitié à l’arriéré. Il n’y aura plus que 1,500,000 francs d’arriéré.

Mon intention est que vous fassiez liquider entre le trésor et la Légion le produit des mines de l’île d’Elbe. Quant aux années arriérées, vous me ferez connaître les états des recettes et des dépenses de chaque année, et me ferez établir un projet de budget comme celui ci-joint. Il me semble que le revenu de 1,500,000 francs de biens doit se réduire à bien peu de chose, puisqqie je le vois chargé des dépenses ci-après :

Pour entretien et réparation des palais et domaines de la Légion . . . . . . . . . . . . . 200,000
Frais de visites des domaines. . . . . . . . . . . 50,000
Garde-bois, concierges, etc … . . . . . . . . . 25,000
Frais divers .. . . . . . . . . . . . . . . . . . 30,000
Remises à MM. les chanceliers et trésoriers des cohortes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150,000

Voilà donc 4 à 500, 000 francs de dépense à prélever sur à peu près 1,500,000 de revenu. Le fait est qu’il n’y a aucun ordre dans les finances de la Légion, parce qu’il n’a été encore établi aucun budget.

Il faudrait aussi affecter une somme fixe pour l’entretien de l’hôtel de Salm. On pourrait allouer pour cette dépense 8,000 francs par an.

Travaillez, je vous prie, à mettre en ordre cet objet important.

 

Valladolid, 16 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, donnez ordre au 46e régiment que le grenadier qui porte l’urne contenant les cendres de la Tour d’Auvergne se rende à votre ministère, et que l’on cesse un usage qui distingue ce régiment sans raison. Quel est le régiment à la tente duquel un général, un colonel, un brave enfin n’ait été tué ? J’ai toléré suffisamment de temps cette singularité : la Tour dauvergne était un brave homme. Vous prendrez mes ordres sur le lieu où il faudrait déposer son urne.

 

Valladolid, 16 janvier 1809, au soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre du 5 janvier. Vous devez comprendre ce qui me fait désirer d’ôter mon portrait de la plaque de l’ordre de la Couronne de fer. Le projet que vous m’envoyez ne me plait pas; il ressemble trop à l’Ordre de France. Voici ce que je voudrais : que le cordon vert, qui est sur votre projet, fût ciselé comme la couronne de fer qui est à Monza, c’est-à-dire qu’il fit la projection de cette couronne, et qu’il n’y eût pas autour cette espèce de fort étoilé à six côtés. Cette simple couronne en rond, au milieu de laquelle il faudrait mettre l’aigle, aurait quelque chose d’original. Je ne m’oppose pas à l’étoile qui est au-dessus de l’aigle. Les mots Italiani, Italiani, Italiani, je voudrais qu’ils fussent sur une petite couronne, telle que celle placée au milieu de l’aigle. Faites-moi faire ce modèle comme je vous le dis là. Je ne changerai rien à la petite décoration. La couronne de Monza s’y trouve, elle y est projetée; elle est d’autant plus propre à cela que c’est un bandeau; il faut seulement décider les pierres précieuses dont elle sera enrichie. Alors l’Ordre aura quelque chose de particulier qui empêchera de le confondre avec l’Ordre de France et avec les autres. Quand j’ai parlé de second ordre, j’ai entendu parler seulement pour les étrangers, qui ne comptent jamais dans le nombre fixé.

 

Valladolid, 16 janvier 1809, trois heures après midi

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 13. Je n’ai pas reçu la lettre dans laquelle vous me demandez de renvoyer à Madrid trois prisonniers.

Vous pouvez faire ce que vous voudrez du prince Masserano , pourvu que vous ne l’envoyiez pas à Paris ni auprès des puissances étrangères. Il faut à Paris un homme sûr, et chez les puissances étrangères il faut n’avoir personne ou avoir un homme sur lequel on puisse compter.

J’ai envoyé au major général les pièces relatives au commandant de Vitoria.

Il ne faudrait pas que les douaniers arrêtassent ce qui est pour l’armée.

Je n’ai encore vu arriver aucun membre de la députation. Je suppose qu’elle arrivera dans la journée. Je les recevrai aussitôt.

J’ai ordonné que toutes les villes ayant plus de 2,000 âmes de population vous envoient à Madrid une députation pour vous présenter le procès-verbal des prestations de serment. Les villes plus considérables vous enverront une députation plus nombreuse en proportion. Les évêques feront partie de ces députations; les chapitres et tous les corps religieux vous enverront également des députés.

 

Valladolid, 16 janvier 1809, au soir.

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, Carignan arrive à l’heure même avec vos lettres du 11 et du 13; de sorte que j’ai reçu aujourd’hui, d’abord votre lettre du 14, ensuite votre lettre du 13, et enfin votre lettre du 11. Il paraît que Carignan est tombé en route. Je donne l’ordre pour que les officiers que vous demandez vous soient rendus. Il y a dans la province d’Avila un Pignatelli qui nous fait bien du mal.

Des conscrits sont partis de France pour entrer dans votre garde.

J’ai donné ordre au major-général que tous les hussards et chasseurs qui font partie des régiments provisoires en Aragon se rendant à Madrid, et ceux dont les corps ne sont pas en Espagne, puissent également être incorporés dans votre garde, s’ils y consentent. Il y en a, par exemple, du ler et du 2e chasseurs; il y en a du 9e, du 7e, du 8e de hussards. Tous ces détachements, vous les pouvez prendre; le général Belliard doit en avoir l’état.

Je vais donner ordre que des différents dépôts de France on prenne 5 conscrits montés et qu’on les dirige sur l’Espagne; ce qui fera 3 à 400 hommes.

En quelque nombre que soient les Espagnols, il faut marcher droit à eux et d’une résolution ferme. Ils sont incapables de tenir. Il ne faut ni les biaiser, ni les manoeuvrer, mais courir dessus.

Faites incontinent imprimer les discours, que tiendront ces Messieurs, ainsi que le procès-verbal des votes, et, immédiatement après, faites votre entrée dans Madrid.

Je crois vous avoir mandé de me conserver la petite campagne de Chamartin et la maison d’habitation telle que je l’ai laissée, afin que je sache où descendre si un beau matin je reviens à Madrid.

Je crois que la meilleure manière de gouverner l’Espagne, c’est de faire des juntes par province, que l’on appellera juntes royales, et de mettre un gouverneur à leur tête. Des capitaines généraux, je ne crois pas possible d’y penser; ils n’auraient ni crédit ni autorité. Dans ce que je dis là, je n’entends parler que des trois premiers mois. Je vous prie de m’écrire souvent et longuement. Tout ce que l’on imprimera, rapports, états de situation, tout ce que vous m’enverrez me sera agréable.

———

P. S. Dans ce moment, le major général me met sous les yeux des lettres du maréchal Jourdan. Il ne faut pas souffrir que l’ennemi s’établisse à Madridejos. Mais le maréchal Victor pourra faire un à-droite, car il est probable que l’ennemi se retirera sur Valence. D’ailleurs, la division du général Valence serait suffisante. Il paraît que Saragosse avance. Le bataillon polonais qui était à Ségovie doit être arrivé à Madrid; envoyez-le à sa division, à Tolède. Le général Valence doit avoir l’instruction de pousser de forts partis au delà de Madridejos et de balayer tout le pays.

 

Valladolid, 16 janvier 1809, à neuf heures du matin

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne

Je reçois votre lettre du. l4. Je suppose que la députation arrive aujourd’hui; je la recevrai aussitôt.

Votre correspondance est sèche et ne dit jamais rien. Il me semble que vous auriez dû m’écrire aussitôt que la députation est partie et m’envoyer le nom de ceux qui la composent. Je vous envoie des officiers d’ordonnance, et vous m’en renvoyez trois à la fois. Il était plus naturel de ne me les renvoyer que l’un après l’autre, à  vingt-quatre heures de distance. Par ce moyen, je n’aurais pas été soixante heures sans nouvelles, ce qui m’a fait craindre un moment que la communication n’ait été interrompue par quelques brigands.

Il ne faut pas m’écrire que vous avez reçu ma lettre et que tout ce qu’elle prescrit est exécuté. Il faut me répéter le détail de tout ce que vous avez exécuté. Par ce :moyen, je me trouverai avoir présent sous les yeux les ordres donnés, les mesures prises pour les exécuter, et je pourrai juger si ‘ils ont été bien entendus.

Montesquiou a dû vous arriver. Vous recevrez incessamment l’instruction qu’a faite le major général. Les nouvelles de Galice sont que le duc de Dalmatie va tous les jours en avant et ramasse tous les jours des débris anglais.

Il n’y a pas de nouvelles de Saragosse; cependant on ne peut tarder à en recevoir. La place a été investie le 22; ainsi voilà bientôt un mois qu’ils auront eu pour préparer les mines. Un système de mines est une chose fort longue. L’état-major d’artillerie et du génie est parti hier; il y a des mineurs, des sapeurs et des outils.

Le régiment d’Arenberg, qui est le 27e chasseurs, restera à Rio­seco pour s’y reposer quelques jours, et sera ensuite dirigé sur Madrid; ce régiment est fort de 1,000 chevaux et de 1,000 hommes ; il est presque en entier composé de Belges.

La cour des alcades de Madrid a acquitté ou seulement condamné à la prison les 30 coquins que le général Belliard avait fait arrêter. Il faut les faire juger de nouveau par une commission militaire, et faire fusiller les coupables. Donnez ordre sur-le-champ que les membres de l’Inquisition et ceux du conseil de Castille, qui sont détenus au Retiro, soient transférés à Burgos, ainsi que les 100 coquins que Belliard a fait arrêter.

JLes cinq sixièmes de Madrid sont bons; mais les honnêtes gens on besoin d’être encouragés, et ils ne peuvent l’être qu’en maintenant la canaille. Ici ils ont fait l’impossible pour obtenir la grâce des coquins qu’on a condamnés. J’ai refusé, j’ai fait pendre, et j’ai su depuis que, dans le fond du coeur, on a été bien aise de n’avoir pas été écouté. Je crois nécessaire que, surtout dans les premiers moments, votre gouvernement montre un peu de vigueur contre la canaille. La canaille n’aime et n’estime que ceux qu’elle craint, et la crainte de la canaille peut seule vous faire aimer et estimer de toute la nation.

Je vous envoie le duplicata de mes lettres d’hier et différentes lettres interceptées. Recommandez bien qu’aussitôt qu’on entrera à Salamanque, on vous fasse passer les paquets de lettres qu’on y interceptera. Beaucoup de nouvelles disent que Florida-Blanca est mort, et c’est à cela que l’on attibue que les lettres ne soient signées que d’un secrétaire de la prétendue junte.

Aussitôt que je serai parti et que vous aurez reçu les lettres du major général, je crois que vous ferez bien d’envoyer un de vos officiers en Galice auprès du duc de Dalmatie, pour voir ce qui s’y passe. Je ne pense pas que le rnaréchal Victor doive trop s’éloigner du Tage; vous savez que le chemin pour aller à Valence est par Almanza, en faisant un tour sur la droite.

Ordonnez qu’on s’occuppe sur-le-champ des travaux qui doivent fortifier les hauteurs sur la droite du château. C’est une garantie pour le palais, pour les casernes des gardes du corps et pour les autres casernes. Le bon sens et l’expérience du passé prouvent que la populace de Madrid ne sera jamais sage que lorsqu’elle sera bien tenue. Sur les hauteurs du Retiro, des pièces de 24 et des mortiers rendront la ville souple et douce, et cela sera d’un resultat incalculable pour chacun. Il faut au Retiro 12 mortiers de 12 pouces, et autant sur les hauteurs du palais.

Surtout ne vous laissez pas manquer d’argent, et, s’il le faut, exigez des emprunts des villes, des corporations, des provinces. Il y a beaucoup d’argent en Espagne; ils en trouvaient bien pour leur révolte ! Si ma présence devenait nécessaire ici, je suis porté à penser que je pourrais être de retour pour le 20 février, et que je pourrais encore passer ici les mois de mars et d’avril. Vous savez que je n’aime pas habiter dans les villes; donnez ordre qu’on me garde Chamartin pour moi, tant la maison que j’habitais que l’autre qui est en face. Qu’on y mette des gardes et des concierges, afin que je puisse y descendre à mon retour.

 

Valladolid, 16 janvier 1809

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre du 4 janvier et l’extrait du pamphlet qui y était joint. C’est un des mille et un libelles que l’Angleterre paye pour troubler le continent. Il y a quinze ans qu’elle emploie de pareils moyens, qui ne font plus aucun effet. L’auteur de ce libelle est un inconnu. Toutefois vous ferez bien d’arrêter la circulation de l’ouvrage dans vos États.

Les affaires d’Espagne sont finies. L’Italie non-seulement ne veut pas remuer, mais nous fournit 80,000 hommes, et l’empereur d’Autriche, s’il fait le moindre mouvement hostile, aura bientôt cessé de régner. Voilà ce qui est très-clair. Quant à la Russie, jamais nous n’avons été mieux ensemble.

 

Valladolid, 16 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Mon Cousin, donnez ordre que l’on confisque en Galice toutes les marchandises prohiees et spécialement celles venues d’Angleterre pendant l’insurrection.

 

Valladolid, 17 janvier 1809, au soir.

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, au Pardo

Mon Frère, la guerre avec l’Autriche paraît imminente et déjà les troupes de cette puissance sont campés sur les frontières. Mes troupes et celles de la Confédération sont aussi en mouvements. Je vous ai demandé le générl Merlin ou le général Lassalle. Renvoyz-moi ausso Bordesoulle. Si absolument vous n’avez pas besoin de Belliard, renvoyez-le à Paris et donnez le commandement de Madrid et donnez le commandement de Madrid à un des deux généraux Putaud ou Pacthod. Cependant, je pense que le général Belliard, ayant une grande habitude de Madrid, c’est une sottise de s’en priver encore. Il n’est pas assez précieux à l’armée pour que je ne puisse pas m#en séparer.

Renvoyez-moi les casres des 3e escadrons des 24 régiements de dragons qui sont en Espagne, en prenant tous les hommes disponibles pour remplacer les deux premiers escadrons. Je désire que vous me renvoyez les généraux de brigade de cavalerie Bron, Lagrange et Davenay et les généraux d’infanterie Gautier, Pouget et Roger; le général de divison Grandjean, qui est devant Saragosse, et les généraux de brigade Brun et Razout. Ces trois derniers étant devant Saragosse, je leur ai donné directement l’ordre de revenir. J’ai également donné l’ordre au duc d’Istrie de revenir. Il sera remplacé par le général de division Kellermann.

 

[2]dans la lettre datée du 18 – et qui ne figure pas dans la Correspondance – Napoléon prévient son frère qu’il va monter à cheval pour quitter l’Espagne, et revient sur un … Continue reading

J’ai tancé les alcades de ce qu’ils n’ont pas condamné à mort les garnements qu’on avait arrêtés. Ils se sont justifiés en me disant qu’il leur fallait je ne sais quelle permission du roi. Il faut dire ce qui est nécessaire pour faire réussir le procès et faire de grands exemples. Du côté de Las Rosas, on commet de grands brigandages. Si près de Madrid, vous ne pouvez le souffrir. Il faut mettre à la poursuite des coupables deux ou trois colonnes de 50 hommes chacune et un détachement de cavalerie. Les villes de Toro et de Zamora ayant été prises les armes à la main, j’ai mis sur ces deux provinces sune contribution de 500,000 francs, sur l’une, et d’1 million, sur l’autre. Cela servira à solder l’armée de Galicie. On a confisqué les marchandises coloniales et toutes celles preovenant dea manufactures anglaises. C’est une mesure générale qu’on a prise à Leipzig, à Hambourg et partout. J’ai ici pour 1 million d’argenterie dans la caisse de ma maison, et pour 1,500,000 dans le couvent de Saint-Dominique que j’ai supprimé. Cet argent servira à payer la solde, et j’ai ordonné qu’il fût converti en espèces; mais il serait convenable qi’il fût frappé de votre coin. Donnez l’ordre que le coin soit fait, et que, sur-le-champ, à la Monnaie e Madrid on batte 1 million à votre compte, etc. Si, par la suite, votre monnaie est aisni mise en circulation, je préférerais envoyer en Espagne des lingots pour solder la solde. Ce sera autant de battu à votre coin, ce qui est toujours d’un bon effet politique.

 

Valladolid, 18 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne

J’ai reçu hier soir à  neuf heures la députation. Faites mettre dans les journaux les discours qu’ils m’ont tenus, et faites votre entrée à  Madrid. J’ai chargé les députés de vous faire le rapport de ce que je leur ai dit. Le brouillard hier soir était si épais et si humide, que j’ai preféré remettre mon départ à  ce matin. Il est près de six heures, et je vais monter à  cheval. Je laisse ici ma garde, mes équipages et ma maison. Les nouvelles de Galice sont toujours que mes troupes poussent en avant, et ramassent toujours les débris de l’armée anglaise. Parlout où l’ennemi peut se présenter à  six ou sept journées de Madrid, ne le souffrez pas; foncez dessus. J’ai tancé les alcades de ce qu’ils n’ont pas condamné à  mort les garnements qu’on avait arrêtés. Ils se sont justifiés en me disant qu’il leur fallait je ne sais quelle permission du Roi. .II faut faire ce qui est nécessaire pour faire réussir ce procès, et faire de grands exemples. Du côté de Las Rosas, on commet de grands brigandages. Si près de Madricl, vous ne pouvez pas le souffrir. Il faut mettre à la poursuite des coupables deux ou trois colonnes de 50 hommes chacune, et un détachement de cavalerie. Les villes de Toro et de Zamora ayant été prises les armes à la main, j’ai mis sur ces deux provinces sune contribution de 500,000 francs, sur l’une, et d’1 million, sur l’autre. Cela servira à solder l’armée de Galicie. On a confisqué les marchandises coloniales et toutes celles preovenant dea manufactures anglaises. C’est une mesure générale qu’on a prise à Leipzig, à Hambourg et partout. J’ai ici pour 1 million d’argenterie dans la caisse de ma maison, et pour 1,500,000 dans le couvent de Saint-Dominique que j’ai supprimé. Cet argent servira à payer la solde, et j’ai ordonné qu’il fût converti en espèces; mais il serait convenable qi’il fût frappé de votre coin. Donnez l’ordre que le coin soit fait, et que, sur-le-champ, à la Monnaie e Madrid on batte 1 million à votre compte, etc. Si, par la suite, votre monnaie est aisni mise en circulation, je préférerais envoyer en Espagne des lingots pour solder la solde. Ce sera autant de battu à votre coin, ce qui est toujours d’un bon effet politique.

 

Tartas, 19 janvier 1809. [3]du 18 au 24 janvier 1809, Napoléon est sur la route, se dirigeant vers Paris

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général.

Mon Cousin, j’ai ordonné au 10e bataillon de marche composé de conscrits que j’ai rencontré à Yrun de se rendre à St-Sébastien pour y rester jusqu’à nouvel ordre. J’ai ordonné au bataillon du 28e, 58e et 32e, fort de 3000 hommes de se rendre à Madrid par Arranda. Vous donnerez l’ordre qu’arrivés à Madrid on égalise les bataillons et que l’on mette dans ce 4e quelques anciens soldats. Les compagnies sont parties exprès fortes de 180 hommes pour verser sur les autres. J’ai ordonné qu’un détachement de 400 hommes du 38e et de pareille force du 12e se rendent à Madrid pour être incorporés dans les 4e bataillons de ces régiments. Si les cadres du 5e bataillon y sont, il faut les renvoyer. Un détachement de même force des 2e et 4e d’infanterie légère iront joindre le duc de Dalmatie. Faites-les séjourner huit jours à Valladolid d’où on les dirigera par la route la plus courte sur le lieu où est le maréchal.

Voici les chagements à faire à la route : arranger les choses de manière que l’on mette un jour de plus de Bordeaux à Bayonne, que l’on mette deux jours pour aller de Bayonne à Yrun, séjour à Tolosa, Vitoria et Burgos, que toutes les fois qu’un détachement sera destiné pour Madrid, il s’y rende directement en passant par Aranda et l’y faisant séjourner. Mais il faut que ces détachements soient au moins de 400 hommes et qu’ils mettent 3 jours pour aller de Burgos à Aranda. Il est indispensable d’éviter aux détachements qui se rendent à Madrid le grand détour qu’ils font en passant par Vallodolid. Il faut pour cela organiser un bureau d’état-major à Burgos où il sera mieux qu’à Valladolid. La route de Vitoria à Yrun m’a paru bien organisée. Il n’en est pas de même de celle de Burgos à Vitoria. J’ai remarqué que dans toutes les villes il est resté un grand nombre d’hommes d’infanterie et de cavalerie.Il serait bon d’envoyer un adhudant-commandant pour faire rejoindre chacun à son corps.

Faîtes connaître au général Thouvenot que je lui ai envoyé un batailon de plus et qu’il doit occuper en force le port de Passage, mais que je désire que les conscrits soient ecercés deux fois par jour. Moyennant ce bataillon et celui qu’il avait, il diot envoyer à leur corps tous les hommes isolés, mais en veillant surtoit qu’il ne lui manque rien en habollement et armement. Il s’adressera au mar´chal Kellermann pour avoir ce qui lui manquerait. Vous donnerez l’ordre au maréchal Kellermann de lui forunit ce ui lui sera nécessaire.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, voici les instructions que vous donnerez à M. de Saint-Marsan. Vous lui donnerez connaissance des articles secrets du traité avec la Prusse, et vous lui recommanderez de veiller à ce que le militaire de la Prusse n’augmente pas. Cet objet doit constamment occuper sa sollicitude, et il en serait responsable, car mon intention serait plutôt de recommencer la guerre que de tolérer une infraction de cet article important du traité.

Je ne conçois pas la demande que fait M. Clérambault de permettre aux habitants de Koenigsberg de venir acheter du vin à Bordeaux : tous les habitants des pays en paix avec nous le peuvent.

Vous répondrez au gouvernement russe que j’accorde toutes les facilités qu’on pourra désirer pour avoir des médecins et des chirurgiens.

Vous devez faire connaître à M. de Saint-Marsan et à tous mes agents en Allemagne que le voyage du roi de Prusse à Pétersbourg ne me déplaît point et ne peut donner lieu ni à un mauvais effet ni à aucune conjecture politique.

Je n’entends rien aux plaintes du roi de Saxe relativement à ce quil dit me devoir.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Cham,pagny, je reçois votre lettre du 22. Je ne vois pas de difficulté à ce que M. de Strogonoff vienne à Paris et de là retourne à Madrid. En général, on n’a pas eu à se plaindre de lui.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, écrivez à mes ministres à Naples, en Hollande et en Westphalie, qu’ils doivent porter la plus grande attention à ce qu’aucun Français ne sorte de mes troupes ou de mon service et n’entre au service étranger sans mon ordre. Ils ne peuvent aussi porter aucunes décorations étrangères sans ma permission; mon ministre leur ordonnera de les quitter.

Le commissaire de police Mogella, employé dans le royaume ditalie, recevra l’ordre de revenir sur-le-champ.

Vous écrirez à M. de Gallo pour lui faire connaître que je suis extrêmement mécontent de ce que le Roi a attiré à son service des Français sans mon ordre. Ils doivent revenir à leur poste sans délai. Le roi de Naples envoie des décorations de l’Ordre des Deux-Siciles à tout le monde sans ma permission : non-seulement cela est souverainement ridicule, mais cela me déplaît infiniment.

Il faut que les rois, et notamment celui de Naples, prennent des mesures pour que les biens appartenant aux Espagnols déclarés traîtres, et que j’ai ordonné de confisquer, soient conservés et tenus à ma disposition, afin qu’on ait à m’en rendre compte.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien , donnez des ordres pour que les achats de la caisse d’amortissement cessent, et laissez le cours des effets publics à lui-même. Aujourd’hui que les affaires d’Espagne sont à peu près terininées et que je suis arrivé à Paris, je n’attache plus aucune importance au cours des effets. Faites dire aux agents de change que les bruits qu’on fait courir sont faux, que je ne pense point à quitter Paris, et qu’il n’y a aucune présomption de guerre. Faites-moi connaître combien la caisse d’amortissement, la banque de France et la caisse de service ont employé depuis mon départ, et sur quels fonds la caisse d’amortissement pourra effectuer cette dépense. J’avais ordonné : l’achat de sept millions en 5 pour 100 pour donner à différents généraux; que la caisse d’amortissemaent n’achetât rien et avançât ce qu’elle avait. Je suppose qu’elle donnera les 5 pour 100 qu’elle a là-dessus.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Ministre de la guerre, j’approuve la création d’un régiment d’infanterie espagnol. J’approuve que le général Kindelan en soit colonel. Réunissez ce régiment à Nancy; formez-le de la même manière qu’un régiment français; donnez-lui le nom de Royal-Napoléon, afin que les individus qui y entrent sentent davantage l’engagement qu’ils contractent.

J’ai autorisé également les Portugais à recruter parmi les prisonniers de guerre prussiens et espagnols.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Ministre de la guerre, je n’approuve point que les 4 sous-officiers et les 100 soldats du 55e régiment se soient dirigés de Dunkerque sur Bayonne, ainsi que vous m’en rendez compte par votre lettre du 10 janvier; cela ne devait point se faire sans mon ordre, et ces hommes organisés en marche, devaient attendre, ou, mieux même, se rendre à leur dépôt dans la 16e division militaire. Mon intention est que les hommes soient toujours groupés sur les lieux de passage et dirigés par mon ordre; car il serait ridicule, par exemple, qu’une compagnie de marche arrivât en Espagne, tandis que le corps serait en Italie.

J’ai vu avec peine qu’un bataillon de marche de 500 hommes, composé de malades appartenant au 5e corps, fût envoyé en Espagne. Le théâtre de la guerre est devenu trop vaste pour que les opérations puissent être dirigées par un autre que par celui qui embrasse tout l’ensemble. Il serait ridicule que 2 ou 3,000 malades de la Grande Armée allassent en Espagne. Réitérez les ordres pour qu’aucun homme de la Grande Armée n’aille à Bayonne, que tous soient envoyés à la division Oudinot et mis en subsistance dans les compagnies de grenadiers ou de voltigeurs de leurs régiments, afin de pouvoir être, de là, dirigés à Bayonne. Tous les hommes des régiments qui n’auraient point de compagnies de grenadiers ou voltigeurs dans la division Oudinot devraient être envoyés à Mayence ou sur leurs dépôts. Je vous prie de vous occuper sérieusement de cette partie, car il est dans l’ordre des choses possibles que des régiments qui sont en Espagne soient appelés ailleurs. Règle générale, tout homme partant de l’hôpital doit retourner à son corps, si son corps est sur la frontière prochaine; il doit retourner à son dépôt , si son dépôt est dans la division ou sur la frontière; il doit se réunir au chef-lieu désigné par le ministre et attendre ses ordres, lorsque les convalescents ont à faire une longue route.

Pour le mouvement de la Grande Armée sur l’Espagne , je crois avoir donné tous les ordres de détail, et je suis sûr qu’aucun homme isolé n’a dû être dirigé sur Perpignan.

Toutes les fois que je vous ordonne un mouvement, vous devez prévoir qu’il y aura deux mois après des hommes isolés à diriger, et ne demander des ordres; en attendant, former un dépôt.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois la copie de la lettre de M. Herman [4]consul général de France à Lisbonne, puis secrétaire général attaché au commandant de l’armée de Portugal. Je ne sais ce que veulent dire ces mystères. Par conséquent, au lieu de dire dans des conversations ce qu’il n’est pas nécessaire que tout le monde sache, il devrait venir en faire le rapport. Demandez-le lui. Il faut distinguer ce dont il a la preuve et ce qui de sa part n’est que conjecture.

 

Paris, 24 janvier 1809.

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’admiistration de la guerre, à Paris

Monsieur le Ministre, je reçois votre lettre du 10. Je ne crois pas que 68,000 capotes soient arrivées à Bayonne avant le 15 janvier, ni 10,000 à Perpignan. Dans les 6,200 distribuées à différents corps, j’en vois 200 pour le 46e régiment, qui n’a jamais été à Paris; je ne conçois pas bien d’où peut venir cette distribution.

Le commissaire Barbier n’a pas pu dire que 36,000 capotes ont pu être distribuées à Bayonne ; il n’a pas osé me le dire à moi, et ce, par une bonne raison, c’est que le garde-magasin n’avait point de registres. Cet ordonnateur, qui paraît avoir du zèle, s’occupait à y rétablir l’ordre, mais ne savait rien.

Je vois que vous avez 48,000 capotes en confection; elles ne seront pas arrivées à l’armée avant le mois d’août, et je n’en aurai plus besoin. Il ne faut pas moins les faire. Mais, en supposant même que les 134,000 qui sont en route ou en confection arrivent, cela n’aurait point rempli mes intentions, car j’entendais les avoir en novembre et non en avril.

Tous les états que vous m’avez envoyés m’ont paru faux. Jamais les envois de Paris n’arriveront qu’autant qu’ils partiront en convois sous la direction d’un gendarme; alors les ordonnateurs pourront lever les obstacles. Rien ne marche seul; c’est là une des erreurs de l’administration. Les transports militaires ont mal fait leur devoir; j’aurai 20,000 malades de plus, et je n’en dépenserai pas moins d’argent.

 

Paris, 24 janvier 1809.

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’admiistration de la guerre, à Paris

Monsieur le Ministre, je vois, par votre lettre du 11 janvier, que 40,000 livres de quinquina sont arrivées à Bayonne, de Santander. Mais vous ne me faites point connaître la quantité d’un autre envoi qui a dû être fait il y a six mois. Faites-moi connaître ce qu’il est devenu. Il faut en remettre au ministre de l’intérieur la quantité qui lui revient, puisque les Hôpitaux civils font le service militaire; faites venir le surplus à Paris. Il sera important d’en avoir en réserve pour l’ile de Cadzand, Flessingue et la Belgique.

 

Paris, 24 janvier 1809

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Ministre de l’administration de la guerre, je désire que les capotes ne partent pas sans mon ordre, car envoyer des capotes en Espagne, passé les premiers jours de mars, c’est vouloir les perdre. Je préfère avoir mes magasins de Bayonne et de Paris bien garnis, de manière à pouvoir, si cela était nécessaire, en donner au commencement de septembre.

 

Paris, 24 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Italie, à Paris

Mon Frère, je vous envoie une lettre de M. Champagny, où vous verrez des détails relatifs aux affaires d’Espagne. Je suis arrivé ici bien portant, le 23, à 8 heures du matin. Tout va ici fort bien.

 

Paris, 25 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures

Je vous renvoie votre portefeuille. Écrivez à mon ministre en Westphalie qu’il entre dans de grands détails sur l’administration du pays; que ses lettre ne seront point vues. Que ses dépêches parlent de la conduite du roi, de celle des ministres, enfin des opérations du gouvernement, tant pour instruire l’Empereur que pour le mettre à même d’éclairer la marche de ce gouvernement, qui ignorera d’où viennent les renseignements. Indépendamment des rapports signés et en règle qu’il vous adresse, demandez-lui d’y joindre une feuille non signée contenant les bruits vrais ou faux de la ville et une espèce de chronique du pays. Il faut également prescrire à mes ministres dans les différentes jours de suivre cet usage. C’est ainsi que fait M. de Caulaincourt, qui envoie par tons les courriers un petit bulletin des nouvelles de société et des bruits qui tendent à faire connaître l’esprit du moment.

P.S. – J’ai lu avec plaisir le bulletin n° 9 du sieur Reinhard, du 15 janvier. Je n’approuve point sa délicatesse de ne pas vouloir écrire en chiffres. Recommandez-lui, au contraire, de ne pas négliger d’écrire toujours en chiffres, et d’expédier des courriers pour faire connaître les actes du gouvernement. En se servant tous les jours de chiffres, cela paraîtra tout simple. D’ailleurs, j’ai un ambassadenr à Cassel, c’est pour savoir ce qui se passe en Westphalie .

 

Paris, 26 janvier 1809

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, présentez-moi dimanche prochain un travail qui me fasse connaître la situation des finances au ler janvier 1809, avec des états à l’appui, en y comprenant tout ce qui est relatif à la caisse d’amortissement et à la Grande Armée. Je désire voir dans ce mémoire tout ce qui reste à solder et à recouvrer sur les années antérieures. Ainsi vous me présenterez le budget de 1807 tel qu’il a été définitivement arrêté par la loi, en indiquant ce qui en était rentré au 1er janvier 1809, et les payements et recouvrements qui restent à faire, sur ce même budget, ainsi que tout ce qui est relatif aux bons de la caisse d’amortissement. Vous suivrez la même marche pour le budget de 1808. Celui de 1809, vous le mettrez sous mes yeux tel que je l’ai arrêté en recettes et eu dépenses. Vous y joindrez, dans un même cadre, tous les budgets des différents ministères, tels que vous les avez au trésor. La quatrième partie aura pour objet la caisse d’amortissement et la Grande Armée. Vous indiquerez ce qui est rentré à la caisse des fonds provenant de la troisième coalition, ce qui en est sorti , ce qui lui reste à recouvrer. Vous suivrez le même système de travail pour la quatrième coalition. Dans ces derniers états , vous comprendrez ce qui est entré non-seulement dans la caisse, mais aussi dans les comptes des receveurs. Il sera nécessaire de me faire connaître en même temps la situation des recettes et ce qui resterait encore de dépenses à faire au 1er janvier 1809, ainsi que le budget de la Grande Armée dans les années 1806 , 1807, 1808 et 1809 , et de l’armée du Rhin pendant l’aannée 1808, en distinguant ce qui doit être soldé par la Grande Armée et ce qui doit l’être par le trésor. Vous parviendrez plus facilement à franchir les difficultés de ce travail en vous concertant avec M. Daru et M. la Bouillerie. Je désire un tableau exact de ma position au ler janvier 1809 et de l’état où la caisse se trouve placée, afin de juger d’un coup d’oeil quelles sont mes ressources et leurs éléments. Vous joindrez à ce mémoire les différents arrêtés et décisions que j’ai donnés, et qui ont servi à régler les comptes des années 1806 , 1807 et 1808. Vous y comprendrez aussi l’état des sommes que j’ai avancées, soit pour les canaux, soit à différentes villes, pour que je puisse voir ce qui me reste de disponible pour d’autres opérations.

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P. S. Si cela n’était pas possible pour dimanche, que ce soit pour huit jours après.

 

Paris, 26 janvier 1809

Au maréchal Victor, duc de Bellune, en marche sur Tolède

Je reçois votre lettre du 13 janvier d’Alcazar. J’ai vu avec plaisir le beau et heureux résultat de votre manoeuvre contre l’ennemi. J’attends avec impatience d’apprendre quel parti vous avez fait au reste du corps de l’Infantado.

 

Paris, 26 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, vous avez dû recevoir une lettre que je vous ai écrite de Valladolid et qui vous a été envoyée de Bayonne par un courrier. Comme l’Autriche ne fait pas de mouvements, il ne faut pas en faire, du moins d’ostensibles. Écrivez au général Marmont que je suis arrivé à Paris; que l’Autriche ne fait pas de mouvements, comme on l’avait cru; qu’il faut cependant se tenir alerte, mais ne rien faire de prématuré. De nombreux détachements passent les Alpes pour vous rejoindre; de plus nombreux encore partiront en février pour renforcer vos dépôts, afin que les cadres, comme je vous l’ai plusieurs fois fait connaître, soient complets, et qu’au mois de mai ou de juin les régiments puissent entrer en campagne au grand complet. Il me tarde bien d’apprendre que les cadres des 4e bataillons des régiments de l’armée de Dalmatie et de Corfou soient arrivés en Italie.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, vous ferez connaître au ministre du roi de Naples que le Roi a mal fait d’envoyer des consuls dans les États d’Autriche, son ministre n’ayant pas été reçu et la cour de Vienne n’ayant pas envoyé de ministre à Naples; cette démarche est d’autant plus inconsidérée que l’Autriche ne l’a pas encore reconnu ; qu’il doit se conduire avec plus de prudence et ne pas s’exposer à essuyer des affronts gratuits.

Je crois vous avoir déjà mandé que je ne voulais gêner en rien le roi de Saxe pour le remboursement des bons, et que je désirais faire ce qui est agréable à ce prince. Parlez-en à M. de Senft.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au comte Gaudin, ministre des finances, à Paris

Je vous prie de me faire relier en un seul volume vos comptes des finances, depuis le 18 brumaire. Vous aurez soin, à la une de chaque compte, de faire joindre les lois de finances pour ledit service. Vous savez qu’il n’y avait pas une loi unique et quelle n’était pas portée dans vos comptes. Vous ferez mettre un onglet à chaque année. Faites prendre une espèce de reliure telle que le volume puisse être d’une grosseur indéterminée.

 

Paris, 27 janvier 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J’ai lu avec intérêt les deux beaux et grands états que vous m’avez envoyés. Je désire que vous me fassiez connaître quelle marque de ma satisfaction je puis donner à cet employé. Il y a là dedans une grande exactitude. Je n’en ai pu faire qu’une lecture, mais je n’y ai trouvé aucune faute.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je suis fâché qu’on ait imprimé le décret relatif à l’organisation de l’armée. Je ne vois pas la nécessité d’instruire l’Europe que mes régiments sont à 140 hommes par compagnie et de 3,000 hommes présents. Il était évident que ce décret n’était pas fait pour être imprimé, mais pour vous servir de base. C’est une gaucherie qui a été faite.

Je lis également dans un journal que 5 hommes par département sont fournis pour les vélites de ma Garde. Faites voir si , dans l’original, on ne se serait pas trompé ; c’est fusiliers que j’ai voulu dire.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous trouverez ci-joint un ordre que vous ferez exécuter. Vous me proposerez un nouveau commandant pour le fort de Bouillon. Donnez des ordres pour qu’il n’y ait aucun espagnol à proximité de ce fort.

ORDRE

L’Empereur ordonne que le commandant du château de Bouillon soit suspendu de ses fonctions, arrêté et conduit à Paris pour rendre compte de sa conduite par devant le ministre de la guerre et des raisons qui l’ont porté à permettre aux prisonniers de l’État de sortir du château, malgré les ordres réitérés qu’il a reçus et à les laisser aisni entretenir des correspondances qu’il importait qu’ils n’eussent pas.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je reçois votre lettre du 19. J’y vois que rien n’est prêt pour expédier ce qu’il y a bien du temps que je vous ai demandé de me tenir prêt, une expédition à Toulon. Quand je cesse d’avoir les yeux sur une chose, rien ne marche. Comment ces transports et écuries que j’avais demandés ne sont-ils pas prêts ? Je pense que Willaumez peut mener avec lui deux frégates.

Je vous avais chargé d’envoyer quelqu’un à Alger. Je sais que cela a été fait. Faites-moi connaître ce que cet agent est devenu et le mémoire qu’il a remis.

Je préfère que la frégate le Niemen se rende à l’île de France.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-Amiral Decrès, je vous renvoie les pièces relatives à l’escadre russe. Rendez-vous chez M. de Champagny avec l’état des bâtiments russes qui sont à Trieste, à Corfou, à Venise. Vous ferez demander par M. de Champagny une conférence à de Romanzof et Kourakine, et vous leur communiquerez l’état des bâtiments russes, le rapport des visites qu’on en a faites, et la réponse des officiers. L’empereur de Russie a mis ses escadres sous mes ordres et m’a laissé maître de les employer de la manière la plus avantageuse pour lui. Le ministre de la marine russe m’a même fait dire par Caulaoncourt qu’il était convenable qu’ils fussent désarmés. Là-dessus, vous analyserez vaisseau par vaisseau , observant qu’ils sont tout à fait inutiles dans l’Adriatique; vous proposerez d’acheter sur estimation les petits bâtiments bons pour ma marine italienne. Pour les autres, si l’amiral russe veut les conduire à Pola ou à Ancône, vous proposerez de les acheter également. Si enfin l’amiral ne veut les conduire ni à Pola ni à Ancône , vous proposerez de laisser, sur chacun de ces bâtiments et sur ceux qui seraient trop grands pour pouvoir entrer à Venise, une vingtaine d’hommes pour en garder la carcasse. Les munitions et rechanges qui seraient de quelque utilité seraient chargés sur les petits bâtiments et transportés à Venise. Quant aux équipages, on ferait l’inventaire du nombre des marins, et on les enverra à Venise, où l’on attendra de connaître les intentions de l’empereur sur leur destination. Veut-il les avoir en Russie pour les employer sur la Baltique ? On les lui enverra. Veut-il qu’ils soient envoyés à Toulon pour s’exercer sur mon escadre ? Je les emploierai comme il voudra. Par ce moyen , une source considérable de dépenses inutiles pour la Russie, puisque les bâtiments empirent chaque année, sera tarie, et les équipages qui sont inutiles, seront employés. Il en serait de même pour ceux qui sont à Corfou. Je les prendrai sur estimation, et on enverra les équipages à Venise pour en faire ce que voudra l’empereur. Si l’on convient de cela, on en dressera procès-verbal signé de vous et de MM. de Romanzof et Kourakine, et j’enverrai des ordres. M. de Romanzof écrira de son côté pour qu’on s’y conforme et pour faire sentir à l’amiral l’avantage réel qui résultera de cet arrangement pour son maître. Si ces bâtiments gagnent un port italien , je désirerais que ce fût Ancône. Il est bien temps de finir ces trois affaires. Quant aux vaisseaux russes qui sont à Toulon à dater de janvier, ils seront nourris, soldés et entretenus par moi sauf à porter ces dépenses au compte double que nous avons.

 

Paris, 27 janvier 1809

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je vous remercie de ce que vous me dites à l’occasion de la nouvelle année. Ne doutez pas des voeux que je fais pour votre bonheur; ils me sont inspirés par les sentiments que je vous porte et qui me seront toujours chers.

 

Paris, 27 janvier 1809

A Catherine, reine de Westphalie, à Cassel

Ma Soeur, je reçois avec plaisir les voeux que vous faites pour moi au commencement de cette année. L’intérêt que je rends à votre bonheur n’est pas moins sincère.; l’affectionque je vous porte doit vous en convaincre, et il m’est doux de saisir cette occasion de vous en renouveller l’assurance.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au prince Borghèse, gouverneur général des départements au delà des Alpes, à Turin

Je reçois votre lettre du ….. Je suis fort aise que le quina que je vous ai fait envoyer vous ait été utile. Je suppose que les détachements de conscrits ne partiront pas de votre gouvernement sans mon ordre. Ayez soin que les recrues qui passent soient bien traitées au mont Cenis, et aient du vin. Vous les passerez en revue à leur arrivée à Turin, et laissez-les, s’il le faut, se reposer un, deux et trois jours, lorsqu’ils seront fatigués. C’est avec ces soins que l’on conserve la santé du soldat; deux ou trois jours de repos à un homme fatigué lui évitent une maladie.

 

Paris, 27 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à Madrid

Mon Frère, je reçois votre lettre du 15 à onze heures du soir, et celle que me porte un aide de camp du maréchal Victor. J’attends d’apprendre les suites du combat d’Alcazar, et qu’il a atteint et dispersé le reste de l’armée de I’Infantado.

L’empereur de Russie vous a écrit une lettre que vous envoie M. de Romanzof. M. de Strogonof a reçu ses lettres de créance; il est arrivé à Vienne, il va se rendre à Paris, d’où il retournera à Madrid. Vous pouvez le faire annoncer dans vos journaux.

J’ai ordonné la formation d’un régiment espagnol, dont j’ai donné le commandement au général Kindelan. Je le fais réunir et former à Nancy.

Laissez venir les prisonniers en France; ne gardez que ceux auxquels vous croyez pouvoir vous fier. Il vaut mieux en former en France des régiments, qui pourront ensuite vous être envoyés ; ce qui ne doit pas empêcher la formation des régiments que je vous ai recommandée.

Ma prompte arrivée à Paris a déjà fait changer le ton de l’Autriche, et la peur a succédé à l’arrogance et à l’extrème confiance. La conscription se lève avec activité. De nombreux détachements sont en marche pour l’Italie et le Rhin.

Faites connaître au maréchal Victor que j’ai accordé les grâces qu’il a demandées pour le général Villatte , pour le colonel Meunier, pour le chef de bataillon Regeau, pour les colonels Mouton et Jamin, et Rouzès, du génie, pour l’adjudant commandant Aymé, et pour les chefs d’escadrons Chateau, Auguste et François Leroy-Duverger, etc.

Dans les 12,000 boulets qui se trouvent parmi les objets d’artillerie trouvés à Zamora et dont l’état est ci-joint, il peut se trouver des boulets de 24 nécessaires pour les pièces qui sont à Madrid. Les quatre mortiers sont bien nécessaires aussi pour armer les fortifications de Madrid.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris

Monsieur Bigot Préameneu, fai^tes donner au cardinal-archevêque de Naples, à compter du 1er décembre 1808, 3.000 francs par mois et écrivez à Naples pour que ces fonds vous soient remboursés sur les revenus de l’archevêché; du moment où cet archevêque aura prêté serment, il jouira de tout son revenu et il se trouvera fort à son aise en France.

 

Paris, 27 janvier 1809

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Donnez ordre au payeur qui est à Madrid de faire fondre et convertir en piastres, ou en toute autre monnaie d’Espagne à l’effigie du roi Joseph, toute l’argenterie qu’il a. Concertez-vous avec le ministre des finances pour savoir s’il ne vaudrait pas mieux, et si cela ne serait pas plus tôt fait, de faire venir un coin et de fabriquer cette monnaie ici. Il faudra s’écarter le moins possible du type actuel des monnaies d’Espagne.

Burgos manque d’argent; je ne sais pourquoi le payeur ne tient pas celte caisse au courant. Pour le moment, entendez-vons avec le sieur Estève, pour que l’argent existant dans mon trésor à Valladolid soit versé dans la caisse du payeur de Burgos, et vous en tiendrez compte ici au sieur Estève. Vous donnerez ordre pour qu’une somme de 200,000 francs soit employée à payer le transport des laines à Bayonne, acompte sur les 500,000 francs. Accompagnez votre dépêche d’une lettre d’Estève pour son préposé à Valladolid

 

Paris, 27 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Vous ne faites point la police de Paris, et vous laissez à la malveillance le champ libre pour faire courir toute espèce de bruits. Faites surveiller les propos qui se tiennent chez le nommé Citerni, traiteur, place du Palais de justice, et au café de Foy. Occupez.-vous de la police, et non d’affaires étrangères à votre ministère. Un ministre de la police doit être responsable des bruits qu’on fait courir pour égarer la population. Si vous vous occupiez un peu plus de cette partie de l’administration publique, vous trouveriez les fils des intrigues des agents qui excitent à Paris ce système de malveillance. Faites-moi connaître dans un rapport les parties de la ville où se tiennent les plus sots propos, et prenez des mesures pour les réprimer . Vous devriez me tenir au courant de tout ce qui se dit et se fait à Paris, et je n’apprends cela que par les autres.

P.S. – Les environs de l’Hôtel de ville sont pleins de gens qui sèment de sots bruits. Pourquoi n’avez-vous pas là des hommes qui les démentent et en fassent sentir l’absurdité ? Ce moyen doit marcher de pair avec l’arrestation des propagateurs.

 

Paris, 28 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Genéral Clarke, beaucoup de conscrits passent dans le Mont-Blance, pour se rendre en Italie ; faites régler la route d’étapes, j’ai dans l’idée que la route actuelle est mal distribuée, de sorte qu’il y a de trop fortes journées. Mon intention est qu’il y ait un séjour à Saint-Jean-de-Maurienne, et que le passage du mont Cenis se fasse en deux jours, pour coucher à l’hospice. Il ne faut pas qu’il passe plus de 700 à 800 hommes à la fois, qui doivent pouvoir se loger là. Veillez à ce que chaque homme ait une bouteille de vin et la soupe. Donnez ordre au gouverneur général d’en passer la revue lui-même à Turin et de leur donner deux ou trois jours de repos, si cela est nécessaire. Je suppose qu’ils ont un séjour à Chambéry. Autant il est nécessaire de faire de grandes marches dans d’autres circonstances, autant il est nécessaire de n’en faire aujourd’hui que de petites.

Écrivez au commandant de la 7e division militaire de prendre des mesures et de se concerter avec le maire de Lans-le-Bourg pour que le passage du mont Cenis se fasse avec la prudence convenable, et que je ne perde personne.

 

Paris, 28 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je suis surpris que les landammans d’Affry et Ruttiman ne m’aient pas écrit, selon l’usage, au sortir de leur magistrature; je ne puis concevoir pourquoi ils ne l’ont pas fait. J’ai lu les lettres du 20 et du 21 de Berne. Les renseignements que donne le sieur Talleyrand  (il s’agit d’Auguste de Talleyrand, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la Confédération Helvélique) sont pas suffisants; j’en voudrais de plus précis. Faites venir le ministre de Suisse et parlez-lui de cela. Je désire avoir les pièces originales et un rapport qui m’en aide l’explication. Mon intention n’est pas d’intervenir dans les affaires intérieures de la Suisse, mais celles-ci sont assez graves pour que je désire m’en mêler. Rien n’est moins clair que la lettre du sieur Talleyrand du 21. Cette affaire est donc à examiner. Je suis fàché que mon ministre ait pris couleur dans une affaire comme celle-là. Il me semblait que M. Ruttiman était un homme du parti démocrate , et même M. Mousson. Comment se trouve-t-il arrêté par le parti démocrate de Lucerne ? Je regrette beaucoup d’être aussi mal éclairé. Les dépêches du sieur Talleyrand sont on ne peut plus insignifiantes. Faites-lui connaître que, sur des affaires de cette importance, ce n’est pas son opinion qui peut me décider, mais la mienne ; et je ne forme mon opinion que sur une connaissance approfondie des faits , appuyée des pièces originales.

 

Paris, 28 janvier 1809

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, vous avez dû recevoir le décret par lequel j’ai ordonné la formation de deux régiments de tirailleurs de ma Garde, forts de 1,600 hommes chacun. Mon intention est que, pour la formation de ces régiments, vous donniez l’ordre que les grenadiers et chasseurs choisissent, sur les 4,500 hommes qu’ils vont avoir avec la levée des départements de la Loire-inférieure et des Deux-Sèvres, 100 hommes par compagnie, c’est-à-dire 1,600 hommes, en prenant les meilleurs et les mieux disposés. Il restera donc à peu près 3,000 hommes, que mon intention est de distribuer : d’abord 1,200 hommes pour compléter les compagnies de grenadiers et de voltigeurs de la division Oudinot à 140 hommes par compagnie, présents, en comprenant cependant les hommes détachés, mais non ceux aux hôpitaux; les 1,800 autres seront employés selon les circonstances. Je désire donc que vous fassiez dresser l’état des compagnies du corps d’Oudinot qui ont besoin de renforts , et que vous fassiez choisir des hommes de petite taille pour les voltigeurs et les hommes de la plus grande taille pour les grenadiers; que les hommes destinés à l’infanterie légère soient habillés ici, avec l’uniforme de cette arme et des boutons des régiments auxquels ils seront affectés, des shakos et les autres petites distinctions qu’a le corps d’Oudinot; et qu’ainsi organisés, ces hommes puissent partir vers le 15 février pour joindre ce corps. Les habits qu’auraient déjà ces conscrits pourraient servir pour les conscrits qui vont arriver.

Mon intention est d’appeler cette année 10,000 conscrits à ma Garde, pour les répartir ensuite sur les différents points. Donnez ordre que les trois quarts soient habillées avec l’uniforme d’infanterie de ligne ordinaire, et l’autre quart avec l’uniforme d’infanterie légère. Quant aux boutons, on leur donnera ceux des tirailleurs et des fusiliers de la Garde, sauf, quand ces hommes seront envoyés à des régiments, à ôter leurs boutons et à les remplacer par des boutons de leur régiment. Il faut, pour cela, que la Garde ait des boutons de tous les numéros.

 

Paris, 28 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d’Espagne, à Madrid

Mon Frère, j’ai reçu vos lettres du 15 et du 16. Je vous prie de numéroter désormais vos lettres; ainsi, la première que vous m’écrirez après avoir reçu celle-ci portera le numéro 3. J’ordonne qu’on en fasse autant de mes lettres. Par ce moyen, on sera certain qu’il ne s’en perdra point. La suppression de votre apanage est une mesure générale. On en a fait la remarque, et je n’ai as voulu qu’ils parussent dans les comptes. Vous ne devez avoir aucune inquiétude pour cela.

 

Paris, 28 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois vos lettres relatives au paysan Pesserini. Il faut le faire réclamer par mon consul à Trieste, et, si l’on fait des difficultés, faire arrêter un homme important de Goritzia. Vous ferez demander des explications par le général de division le plus près au générl Zach, pour savoir si les officiers peuvent aller librement à Trieste et que vous envoyez exprès des officiers pour vous en rendr compte. Vous ajouterez qu’étant en paix mes officiers peuvent aller partout, que, s’il en était autrement, j’ordonnerai des représailles pour toute l’Italie et la France

 

Paris, 29 janvier 1809

DÉCISION

Le général Clarke, ministre de la guerre, fait un rapport à l’Empereur concernant le général Beker, récemment mis à la retraite sur sa demande et réclamant de nouveau du service. Le ministre propose de lui confier le commandement de la 25e division militaire.Il faut me représenter la lettre qu’a écrite cet officier général. S’il est vrai qu’il ait demandé un congé et, si on ne lui accorde pas, sa retraite, c’est un acte d’insubordination que je ne puis souffrir. La carrière militaire est trop glorieuse, et je récompense trop bien ceux qui m’y ont servi, pour qu’il soit permis de s’y conduire de la sorte. J’estime cet officier sous plusieurs rapports, et je n’aurais point pris cette décision sans des motifs graves; je ne m’en souviens pas en ce moment. Je n’entends pas accoutumer les officiers à demander leur retraite dans un moment d’humeur, et à redemander du service quand cette humeur est passée. Ces caprices sont indignes d’un honnête homme, et la discipline militaire de les comporte pas.

 

Paris, 29 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je vous envoie deux lettres du prince Eugène; vous pourrez les communiquer en original à M. de Metternich. Vous lui demanderez ce qu’il faut conclure de là, si mes officiers n’ont pas le droit d’aller à Trieste, et s’il est défendu à mes sujets d’aller en Autriche. Vous lui ferez connaître que j’attendrai des explications avant d’user de représailles, et que, en cas de refus, les Autrichiens qui pourraient me tomber sous la main me répondront de la vie de ce malheureux paysan.

 

Paris, 29 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, mon intention est que vous donniez ordre sur toutes les côtes où il y a des croisières anglaises, et particulièrement sur celles de Boulogne, de tirer trente coups de canon en réjouissance de la victoire qui a été remportée sur les Anglais et de leur expulsion d’Espagne. Vous ordonnerez aussi de faire les démonstrations de pavillons d’usage entre les marins. Vous donnerez les mêmes ordres sur les côtes de la Méditerranée à toutes mes escadres. Vous annoncerez en peu de mots qu’une armée de 36 à 40,000 Anglais , commandée par les généraux Moore et Baird, et à laquelle s’était réunie une armée espagnole, a été poussée l’épée dans les reins pendant cent cinquante lieues ; que nous lui tavons tué 2,000 hommes , que nous lui en avons pris 7,000, ses hôpitaux et ses bagages, qu’elle a coupé les jarrets à plus de 6,000 chevaux , et qu’elle a été contrainte d’abandonner les Espagnols que commandait la Romana, qui ont été entièrement détruits.

 

Paris, 29 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police géne´rale, à Paris

Je ne sais pas pourquoi on parle toujours de l’histoire de la Vendée. La Gazette de France ne sait pas ce qu’elle dit. Est-ce pour encourager une nouvelle Vendée qu’on ne cesse de parler de l’ouvrage de M. de Beauchamp ? Faîtes témoigner mon mécontentement sau rédacteur de la Gazette de France.

 

Paris, 29 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon fils, mes armées d’Espagne ayant remportédes avantages considérablcs sur l’armée anglaise, qu’elles ont poursuivie l’épée dans les reins pendant l’espace de cent cinquante lieues, lui ayant fait 6,500 prisonniers, pris un grand nombre de canons, tous ses magasins et ses bagages, l’ayant forcé à couper elle-même les jarrets àr sa cavalerie forte de 6,000 chevaux, l’ayant, enfin obligée d’abandonner l’Espagne et La Corogne, et de se réfugier en Angleterre, ayant entièrement détruit l’armée commandée par La Romana qui s’était réunie à elle ; mon intention est que vous ordonniez qu’il soit tiré soixante coups de canon, dans tous mes ports et forteresses frontières, en réjouissance de cet événement. Pour faire comprendre l’objet de cette réjouissance, vous ferez faire par votre ministre de la guerre et de la marine une circulaire annonçant ces avantages remportés sur l’armée anglaise, la destruction des débris dc l’armée de La Romana et la soumission du royaume de Léon, de la Galice et des cinq sixièmes de l’Espagne.

 

Paris, 31 janvier 1809

A Louis Napoléon, roi de Hollande, à La Haye

J’ai reçu à Paris votre lettre du 20 janvier. Il me semble que la marine hollandaise déchoit tous les jours; bientôt vous n’aurez plus rien. On m’assure que vous licenciez vos matelots; cela est un malheur.

Vous aurez vu, par les journaux venus de Paris, les derniers bulletins. De 40,000 hommes qui composaient l’expédition anglaise, plus de la moitié ont été pris, tués ou perdus.Ils ont abandonné ou détruit leurs bagages, chevaux, artillerie. Au combat du 16, le général en chef, John Moore, a eu le bras emporté par un boulet, au défaut de l’épaule; il est mort deux heures après. Sir Baird a eu deux coups de fusil dans le bras ; on lui a fait l’amputation. Il paraît que le général Hope a été trouvé sur le champ de bataille avec cinq ou six colonels et les cadavres d’une centaine d’officiers. La nuit, ils se sont embarqués avec la plus grande confusion.

Je serais bien envieux de savoir ce que les Anglais diront de tout cela. S’il vous arrive des journaux, envoyez-les-moi.

 

Paris, 31 janvier 1808

DÉCISION.

Le vice-amiral Decrès, ministre de la marine, rend compte à l’Empereur des observations de l’amiral Ganteaume sur la difficulté de protéger les côtes des 6e et 7e arrondissements (Toulon et la Spezia).

Cet amiral pense qu’on pourrait hasarder la sortie d’une division; mais il voudrait qu’elle ne fut pas composée de monis de deux vaisseaux et de deux frégates. Il ajoute qu’il ne croit pas devoir exécuter cette sortie sans une autorisation spéciale.

L’amiral Ganteaume doit avoir l’ordre de faire sortir les bâtiments qu’il veut, et quand il veut. Il n’a pas besoin d’un ordre particulier pour cela. Il est extrêmement ridicule qu’avec une escadre aussi considérable que celle qu’il a à Toulon, mes côtes soient bloquées par des frégates ou des croisières isolées. J’ai donné le droit à l’amiral Ganteaume de faire sortir de petitesdivisions; s’il l’avait fait, il aurait pris plusieurs vaisseaux, et l’ennemi se serait dégoûté de serrer de si près nos côtes. Dans une mer où tous les ports sont à nous, et quand le port de Toulon n’est pas hermétiquement fermé, on devrait prendre tous les jours des bâtiments anglais, et obliger l’ennemi à changer de système, c’est-à-dire à se tenir loin des côtes.

 

 

References

References
1Lui, le comte de Goyon et Armand de Châteaubriand – le frère de René de Chateaubriand – avaient débarqué sur les côtes de Normandie. Arrêtés il furent fusillés le 31 mars 1809
2dans la lettre datée du 18 – et qui ne figure pas dans la Correspondance – Napoléon prévient son frère qu’il va monter à cheval pour quitter l’Espagne, et revient sur un procès et les acquittements prononcés
3du 18 au 24 janvier 1809, Napoléon est sur la route, se dirigeant vers Paris
4consul général de France à Lisbonne, puis secrétaire général attaché au commandant de l’armée de Portugal