ORDRE.
Quartier général, Alexandrie, 14 thermidor an VII (1er août 1799).
ARTICLE 1er. — Il sera fourni au commandement du génie, pour les travaux d’Alexandrie, d’Aboukir et des tours à établir à El-Beydah et à Birket, 30,000 francs par mois; 15,000 seront fournis sur les fonds provenant de l’arrondissement, et 15,000 seront envoyés du Caire.
ART. 2. — 1° On achèvera la redoute du fort des Bains qui est revêtue.
2° On occupera la tour des Romains.
3° On établira le fort de Pompée.
4° On formera une enceinte depuis le fort Crétin jusqu’à la tour de Pompée, de manière que le fort Cretin et la tour de Pompée flanquent cette enceinte.
5° On achèvera le fort des Bains tel que le projet en a été laissé par le citoyen Crétin.
6° On établira une enceinte, en bonne muraille, derrière la montagne du fort Caffarelli, et depuis la tour du Kàchef on ira droit à la mer.
7° On établira au puits d’El-Beydah une tour de 18 pieds de haut; on placera sur la plate-forme une pièce de canon de 6.
8° On établira une pareille tour à Birket, sur la hauteur, à peu près à 2 ou 300 toises de ce village.
9° On organisera le puits d’El-Beydah de manière qu’il y ait des abreuvoirs et qu’il produise toute l’eau qu’il est susceptible de produire.
10° On rasera les deux villages d’Aboukir de manière qu’il ne reste pas une seule maison.
11° On établira sur la hauteur des puits d’Aboukir, sur laquelle était appuyée la gauche de l’ennemi, un fort pareil au fort Crétin, et, à l’extrémité de la chaussée où était la batterie Picot, une bonne batterie fermée.
12° S’il arrivait que l’on rencontràt des difficultés majeures à construire un fort sur la hauteur des puits, on mettrait sur-le-champ la main à le construire à l’endroit où est située la redoute. Il faudrait qu’il eût trois batteries basses : une à l’endroit où est aujourd’hui le fort d’Aboukir, les autres à droite et à gauche de l’isthme, de manière à empêcher les chaloupes canonnières de venir le battre; et, comme la batterie située où est le fort d’Aboukir se trouverait très-éloignée du fort, on y laissera subsister, à la gorge, le fossé, avec un simple mur de clôture de 2 à 3 pieds d’épaisseur, et l’on donnera un relief tel à une des batteries du nouveau fort, qu’elle découvre entièrement dans la batterie, de manière qu’il soit impossible de s’y loger tant qu’on ne sera pas maître du fort. Je laisse à une commission composée des citoyens Sorbier, Bertrand, commandant le génie,
du chef de brigade Faultrier, du général Marmont et de l’adjudant général Jullien, à décider définitivement lequel de ces projets doit être adopté. La commission m’enverra copie du procès-verbal de la séance tenue à cet effet, et l’on travaillera, sans le moindre retard , à l’exécution du projet qui aura été arrêté.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 14 thermidor an VII (1er août 1799).
ORDRE DU JOUR.
Le nom d’Aboukir était funeste à tout Français; la journée du 7 thermidor l’a rendu glorieux. La victoire que l’armée vient de remporter accélère son retour en Europe. Nous avons conquis Mayence et la limite du Rhin, en envahissant une partie de l’Allemagne. Nous venons de reconquérir aujourd’hui nos établissements aux Indes et ceux de nos alliés. Par une seule opération, nous avons remis dans les mains du Gouvernement le pouvoir d’obliger l’Angleterre, malgré ses triomphes maritimes, à une paix glorieuse pour la République.
Nous avons beaucoup souffert; nous avons eu à combattre des ennemis de toute espèce; nous en aurons encore à vaincre; mais enfin le résultat sera digne de nous et nous méritera la reconnaissance de la patrie.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 15 thermidor an VII (2 août 1799).
AU GÉNÉRAL MENOU.
Le général en chef vient de recevoir la lettre par laquelle vous lui apprenez la nouvelle de la reddition d’Aboukir. Il ordonne que vous choisissiez sur-le-champ 200 des principaux officiers turcs, y compris le fils du pacha, son kyàya, et les domestiques qu’ils peuvent avoir; vous les remettrez au général Rampon ; il vous en donnera un reçu et les conduira à El-Rahmânyeh sous l’escorte de sa division, qui, d’après l’ordre ci-joint que vous lui remettrez, partira ce soir ou demain , une heure avant le jour.
Vous laisserez 600 prisonniers turcs forts et robustes, que vous enverrez sous escorte au général de brigade Marmont, à Alexandrie, où ils resteront pour être employés aux travaux de la place. Vous préférerez ceux qui ne savent point parler arabe.
Vous choisirez 250 autres prisonniers turcs que vous garderez au fort d’Aboukir, que vous emploierez sur-le-champ à faire enterrer les morts et à soigner les blessés turcs, pour lesquels le général en chef envoie un parlementaire au commandant anglais pour lui proposer de les reprendre. Ces 250 prisonniers seront également employés à abattre les maisons du village d’Aboukir, qui est une des premières opérations dont on doive s’occuper.
Vous réunirez le reste des prisonniers, après avoir choisi ceux demandés ci-dessus ; vous les remettrez au général Robin, sur son reçu. Ce général est chargé de les emmener avec lui à EI-Rahmânyeh, sous l’escorte de la 22e et de la 13e demi-brigade, ainsi que vous le verrez par l’ordre ci-joint, que je vous prie de lui remettre.
Vous aurez soin qu’on ôte aux prisonniers turcs leurs pistolets et autres armes.
Vous aurez soin de faire porter aux blessés turcs qui restent au fort de l’eau, et de leur faire donner tous les secours qui dépendront de vous.
Le général en chef ordonne que vous restiez à Aboukir jusqu’à nouvel ordre avec la 4e demi-brigade d’infanterie légère et le bataillon de la 69e.
Le général Davout a également l’ordre de rester à vos ordres avec sa brigade. Vous recevrez une instruction particulière du général en chef sur ce que vous aurez à faire.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, Alexandrie, 15 thermidor an VII (2 août 1799).
AU GÉNÉRAL DUGUA, AU CAIRE.
Le fort d’Aboukir, Citoyen Général, où l’ennemi avait sa réserve pendant la bataille, et qui avait été renforcé par quelques fuyards, vient de se rendre. Nous n’avons pas cessé de lui jeter des bombes avec sept mortiers, et nous l’avons entièrement rasé avec huit pièces de 24. Nous avons fait 2,500 prisonniers, parmi lesquels se trouvent le fils du pacha et plusieurs de leurs grands; indépendamment de cela, il y a un grand nombre de blessés et une quantité infinie de cadavres. Ainsi, de 15 à 18,000 hommes qui avaient débarqué en Egypte, pas un n’a échappé ; tout a été tué dans les différentes batailles, noyé ou fait prisonnier. Je laisse un millier de ces derniers pour les travaux d’Alexandrie; le reste file sur le Caire.
Le 18, nous serons tous à El-Rahmânyeh.
Faites mettre les Anglais au fort Sulkowski; faites préparer un logement à la citadelle pour le pacha, son fils, le grand trésorier, une trentaine de grands, et à peu près 200 ofifciers, du grade de colonel jusqu’à celui de capitaine. S’il est nécessaire, vous pourrez mettre les prisonniers arabes dans un autre fort. Quant aux soldats,
j’en enverrai du Caire à Damiette, Belbeys, Sâlheyeh, pour les travaux.
Dix-huit vaisseaux de guerre et l’escadre de Brest sont depuis deux mois à Toulon; ils sont bloqués par l’escadre anglaise. Les marins prétendent ici qu’ils arriveront en toute sûreté au mois de novembre.
Il doit vous être arrivé des cartouches et beaucoup d’artillerie que j’ai ordonné d’envoyer de Rosette au Caire.
BONAPARTE
Quartier général, Alexandrie, 15 thermidor an VII (2 août 1799).
AU CITOYEN BERTRAND.
Vous devez avoir reçu, Citoyen, une note de ce que je désire que l’on fasse à Aboukir.
Commencez au préalable par faire abattre les deux villages, par raser la mosquée et tous les bâtiments du fort, en n’y laissant que l’emplacement d’une batterie.
Faites construire, sur un emplacement choisi avec le général Menou et le citoyen Faultrier, une batterie de deux pièces de 16, pour défendre le passage du lac et empêcher les bàtiments d’approcher. Je crois que la batterie Picot est propre à cet objet. Faites-la entourer d’un fossé et d’un mur crénelé , ou tout autre ouvrage convenable.
Avant de partir de ces contrées, je désire que vous assayiez bien la défense d’Aboukir, et que vous vous concertiez à Alexandrie avec les différents officiers du génie qui s’y trouvent, pour la construction des ouvrages que j’ai ordonnés.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 15 thermidor an VII (2 août 1799).
AU GÉNÉRAL MENOU.
Vous devez avoir reçu, Citoyen Général, les ordres de l’état-major relativement aux troupes qui sont actuellement sous vos ordres, et aux prisonniers. Dans la journée de demain, il ne vous restera plus
qu’un bataillon de la 69e, les trois bataillons de la 4e légère et différents détachements d’artillerie. Faites sur-le-champ travailler à démolir les deux villages. Faites déblayer toute l’artillerie de siège sur Alexandrie, hormis quatre pièces de 24, qui resteront à Aboukir, et deux mortiers à la Gomer; faites embarquer à Rosette, pour le
Caire, la pièce de 8 et l’obusier qui s’y trouvent. Faites évacuer sur Rosette toutes les pièces de 4 ou de 3 qui ont été prises sur les Turcs, hormis deux, qui resteront à Aboukir; ordonnez qu’à mesure qu’elles arriveront à Rosette on les fasse partir pour le Caire, hormis deux, que l’on gardera pour le service de Rosette.
Faites rétablir le ponton pour servir au passage du lac. Faites armer de deux pièces de 12 ou de 16 la batterie Picot, et, comme il est nécessaire qu’elle soit à l’abri d’un coup de main , commencez par faire fermer cette batterie par un fossé et un mur crénelé.
Faites recueillir et mettre dans un magasin toutes les tentes ; avec le temps on les évacuera sur Rosette.
Quant aux blessés, j’ai écrit par un parlementaire aux Anglais de venir les reprendre; je vous ferai connaître leur réponse. Pour actuellement , faites-les réunir ensemble sous quelques tentes ou dans une mosquée.
Je désire que vous restiez encore quelques jours à Aboukir, pour mettre les travaux en train et tout réorganiser dans cette partie.
Ordonnez à l’adjudant général Jullien de se rendre à Aboukir. Vous lui laisserez le commandement lorsque vous verrez les choses dans un état satisfaisant.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 17 thermidor an VII (4 août 1799).
AU DIRECTOIRE EXÉCUTIF.
Citoyens Directeurs, le 8 thermidor, je fis sommer le château d’Aboukir de se rendre. Le fils du pacha, son kyâya et tous les officiers voulaient capituler, mais ils n’étaient plus écoutés des soldats.
Le 9, on continua le bombardement; le 10, plusieurs batteries furent établies sur la droite et la gauche de l’isthme. Plusieurs chaloupes canonnières furent coulées bas ; une frégate fut démâtée et prit le large.
Le 10, l’ennemi, commençant à manquer de vivres, se fortifia dans quelques maisons du village qui touche le fort. Le général Lannes, y étant accouru, fut blessé à la jambe. Le général Menou le remplaça dans le commandement du siège. Le 12, le général Davout était de tranchée ; il s’empara de toutes les maisons où était
logé l’ennemi, et le jeta dans le fort, après lui avoir tué beaucoup de monde. La 22e d’infanterie légère et le chef de brigade Magny, qui a été légèrement blessé, se sont parfaitement conduits.
Le 15 , le général Robin était de tranchée; nos batteries étaient sur la contrescarpe; nos mortiers faisaient un feu très-vif; le château n’était plus qu’un monceau de pierres; l’ennemi n’avait point de communication avec l’escadre ; il mourait de soif et de faim : il prit le parti, non de capituler, ces gens-ci n’entendant pas cela, mais de
jeter ses armes et de venir en foule embrasser les genoux du vainqueur. Le fils du pacha, son kyâya et 2,000 hommes ont été faits prisonniers. On a trouvé dans le château 300 blessés et 1,800 cadavres. Il y a tel de nos boulets qui a tué jusqu’à six hommes. Dans les premières vingt-quatre heures de la sortie de la garnison turque,
il est mort plus de 400 prisonniers pour avoir trop bu et mangé avec trop d’avidité.
Ainsi, cette affaire d’Aboukir coûte à la Porte 18,000 hommes et une grande quantité de canons.
Pendant les quinze jours qu’a duré cette expédition, j’ai été très-satisfait de l’esprit des habitants de l’Egypte; personne n’a remué, et tout le monde a continué de vivre comme à l’ordinaire.
Les officiers du génie Bertrand et Liédot, et le commandant de l’artillerie Faultrier, se sont comportés avec la plus grande distinction.
BONAPARTE.
Depuis le 5 nivôse, je n’ai point eu de vos nouvelles.
Quartier général, EI-Rahmânreh, 20 thermidor an VII (7 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESTAING.
Vous avez mal fait, Citoyen Général, d’attaquer les Henâdy, et vous avez encore bien plus mal calculé de penser que je vous enverrais de la cavalerie pour une attaque que j’ignorais et qui était contre mes intentions. Je ne vois pas effectivement pourquoi aller sans artillerie, presque sans cavalerie, attaquer des tribus nombreuses qui sont toujours à cheval, et qui ne nous disaient rien. Puisque vous pensiez que je ne devais pas tarder à arriver à El-Rahmânyeh avec la cavalerie, il était bien plus simple de l’attendre. Je n’ai reçu votre lettre que près d’El-Rahmânyeh, et j’avais alors envoyé le général Andréossy avec toute la cavalerie et deux pièces de canon à la poursuite des Aoulàd-A’ly. Je ne sais pas s’il les rencontrera et ce qu’il fera. Vous nous avez fait perdre une occasion que nous ne retrouverons que difficilement. Nous nous étions cependant bien expliqués à Alexandrie de commencer à traiter avec les Henâdy, pour pouvoir les surprendre ensuite avec la cavalerie. J’imagine que les Arabes seront actuellement bien loin dans le désert. Au reste [1]Comprendre : à part cela, je laisse l’ordre à EI-Rahmânyeh, au général Andréossy, de protéger, avec la cavalerie et les dromadaires, les opérations qui pourraient être nécessaires pour éloigner les Arabes, en supposant qu’ils ne seraient pas acculés dans le désert.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER , A DAMIETTE.
J’arrive à l’instant, Général, au Caire. Le maudit chàteau d’Aboukir nous a occupés six jours. Nous avons fini par y avoir huit mortiers et six pièces de 24. Chaque coup de canon tuait cinq à six hommes.
Enfin ils sont sortis le 15 en foule, sans capitulation, et jetant leurs armes; 400 sont morts dans les premières vingt-quatre heures de leur sortie; il y avait six jours que ces enragés buvaient de l’eau de la mer. On a trouvé dans le fort 1,800 cadavres; nous avons en notre pouvoir à peu près autant de prisonniers, parmi lesquels le fils
du pacha et les principaux officiers.
On va vous envoyer des pièces de campagne, afin que vous en ayez six à votre disposition. Procurez-vous des chevaux.
Rien de bien intéressant d’aucun côté.
Je vous enverrai, demain ou après, une grande quantité de gazettes anglaises où vous verrez d’étranges choses.
Quartier général, au Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESAIX.
J’ai été peu satisfait, Citoyen Général, de toutes vos opérations, pendant le mouvement qui vient d’avoir lieu. Vous avez reçu l’ordre de vous porter au Caire, et vous n’en avez rien fait. Tous les événements qui peuvent survenir ne doivent jamais empêcher un militaire d’obéir; et le talent, à la guerre, consiste à lever les difficultés qui peuvent rendre difficile une opération, et non pas à la faire manquer.
Je vous dis ceci pour l’avenir.
BONAPARTE.
Quartier général, au. Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESAIX.
Les provinces du Fayoum, de Minyeh et de Beny-Soueyf, Citoyen Général, n’ont jamais dù fournir aux besoins de votre division, puisque même l’administration ne vous en a pas été confiée. Je vous prie de ne vous mêler d’aucune manière de l’administration de ces provinces.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).4339.
AU GÉNÉRAL DESAIX.
Vous m’avez fait connaître, Citoyen Général, à mon retour de Syrie, que vous alliez faire passer 150,000 livres au payeur généraL
Vous m’apprenez, par une de vos dernières lettres, que l’ordre du jour qui ordonne le payement de thermidor et fructidor vous empêchait d’exécuter ce versement. Cet ordre ne devait pas regarder votre division, puisqu’elle n’est arriérée que de ces deux mois, tandis que tout le reste de l’armée, indépendamment de ces deux mois, l’est encore de sept autres mois ; et ce n’est avoir ni zèle pour la chose publique, ni considération pour moi, que de ne voir, surtout dans une opération de la nature de celle-ci, que le point où l’on se trouve.
D’ailleurs, l’organisation de la République veut que tout l’argent soit versé dans les coffres des préposés du payeur général, pour n’en sortir que par son ordre. Le payeur général n’aurait jamais donné un ordre qui favorisât un corps de troupes plutôt qu’un autre.
Il est nécessaire que le payeur de votre division envoie, dans le plus court délai, au payeur général, l’état des recettes et dépenses ; je vous prie de m’en envoyer un pareil. Vous sentez combien il est essentiel, pour l’ordre, que l’on connaisse toute la comptabilité de l’armée. Je sais que vous vous êtes empressé d’y mettre tout l’ordre que l’on peut désirer.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).
AU GÉNÉRAL BERTHIER.
Je vous prie, Citoyen Général, de mettre à l’ordre du jour de demain que je suis extrêmement mécontent du général Zajonchek, qui a mis de la négligence dans l’exécution de l’ordre réitéré de faire partir pour le quartier général le bataillon de la 22e d’infanterie légère. Le général Zajonchek, commandant une province directement sous mes ordres, n’a aucune excuse à alléguer. Vous voudrez bien lui ordonner de garder vingt-quatre heures les arrêts forcés. Immédiatement après la réception du présent ordre, il fera embarquer et partir pour le Caire le bataillon de la 22e d’infanterie legere.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 24 thermidor an VII (11 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESAIX.
J’ai reçu, Citoyen Général, votre lettre du 18 thermidor. J’approuve complétement les projets que vous avez formés. Vous n’aurez effectivement achevé votre opération de la haute Égypte qu’en détruisant Mourad-Bey. Il est devenu si petit, qu’avec quelques centaines d’hommes montés sur des chameaux, vous pourrez le pousser dans le désert et en venir à bout.
Je vous ai demandé le bataillon de la 61e, afin de reformer cette demi-brigade et lui donner quelques jours de repos à Rosette. Dès l’instant que vous serez venu à bout de Mourad-Bey, je ferai relever toutes vos troupes. Je prépare à cet effet la 13e et une autre demi-brigade. Je serai d’ailleurs fort aise d’avoir vos troupes s’il arrivait
quelque événement sur la lisière de la Syrie et sur la côte. Les nouvelles que j’ai de Gaza ne me font pas penser que l’ennemi veuille rien entreprendre. Ce n’est pas une chose aisée. Il n’y aurait de sensé pour lui que de s’emparer d’El-A’rych, et, lorsqu’il l’aurait pris, il n’aurait fait qu’un pas. Quant à l’opération de traverser le désert, il faut rester cinq jours et même sept sans eau. Il serait difficile, même impossible, de transporter de l’artillerie, ce qui les mettrait hors d’état de prendre même une maison.
Je donne ordre qu’on vous envoie quatre pièces de 3 vénitiennes, qui sont extrêmement légères. Je vous laisse la 21e, la 88e, le 22e et la 20e.
Dès l’instant que l’inondation aura un peu couvert l’Egypte, j’enverrai le général Davout, comme cela avait été mon projet, avec un corps de cavalerie et d’infanterie, pour commander les provinces du Fayoum, de Minyeh et de Beny-Soueyf. Jusqu’alors laissez-y des corps de troupes. Arrangez-vous de manière que vous soyez maître de ne laisser qu’une centaine d’hommes à Qoseyr, que Qeneh puisse contenir tous vos embarras, et que vous puissiez, en cas d’une invasion sérieuse, reployer rapidement et successivement toutes vos troupes sur le Caire.
Faites filer sur le Caire toutes les carcasses de barques, avisos ou bricks appartenant aux Mameluks ; nous les emploierons pour la défense des bouches du Nil.
J’ai reçu des gazettes anglaises jusqu’au 10 juin. La guerre a été déclarée le 13 mars par la France à l’Empereur. Plusieurs batailles ont été livrées. Jourdan a été battu à Feldkirch, dans la Forêt Noire, et a repassé le Rhin. Scherer, auquel on avait confié le commandement de l’armée d’Italie, a été battu à Rivoli, et a repassé le Mincio
et l’Oglio. Mantoue était bloquée. Lors de ces affaires, les Russes n’étaient point encore arrivés. Le prince Charles commandait contre Jourdan, et M. Kray contre Scherer.
L’escadre française, forte de 22 vaisseaux de guerre et 18 frégates, est partie de Brest dans les premiers jours d’avril, est arrivée au détroit, a présenté le combat aux Anglais, qui n’avaient que 18 vaisseaux, et est entrée à Toulon. Elle a été jointe par 3 vaisseaux espagnols. L’escadre espagnole est sortie de Cadix et est entrée à
Carthagène. Elle est forte de 27 vaisseaux de guerre, dont quatre à trois ponts. Une nouvelle escadre anglaise est, peu de jours après, entrée dans la Méditerranée, et s’est réunie à Jervis et à Nelson. Ces escadres réunies doivent monter à plus de 50 vaisseaux. Les Anglais bloquent Toulon et Carthagène. Le ministre de la marine Bruix commande l’escadre française. A la première occasion, je vous enverrai tous ces journaux. Corfou a été pris par famine. La garnison a été conduite en France. Malte est ravitaillée pour deux ans.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 25 thermidor an VII (12 août 1799).
AU GÉNÉRAL MARMONT.
Je donne ordre, Citoyen Général, que les deux demi-galères et la chaloupe canonnière la Victoire se rendent à Rosette, pour concourir à la défense du Boghàz, afin d’être en mesure, si M. Smith, ce que je ne crois pas, voulait tenter quelque chose avec ses chaloupes canonnières. Cet homme est capable de toutes les folies.
Vous sentez qu’il est nécessaire qu’un aussi grand nombre de bâtiments soient commandés par un homme de tête. Si le commandant des armes à Rosette n’avait pas le talent et le courage nécessaires, tàchez de trouver à Alexandrie un officier qui ait la grande main à cette défense. La faible garnison de Rosette fait que la défense du Nil est spécialement confiée à la flottille.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 25 thermidor an VII (12 août 1799).
AU CONTRE-AMIRAL GANTEAUME.
J’envoie, Citoyen Général, 25,000 francs pour la marine d’Alexandrie. J’écris à l’ordonnateur pour que l’on travaille avec la plus grande activité à établir un véritable phare, qu’on découvre de très.-loin et qui puisse être utile cet hiver, à des frégates ou même à une escadre française.
Je mets toujours le plus grand intérêt à avoir pour le mois d’octobre la Leoben, armée au moins de manière qu’elle n’ait rien à craindre de ces corvettes turques portant du 8, ni des corsaires; je désirerais que l’on pût y placer au moins six pièces de 18.
Je pars le 28 pour me rendre à Menouf, d’où je partirai le 1er fructidor. Il est probable que, le 1er au soir ou au plus tard le 2, je serai vis-à-vis dEl-Rahmàiiyeh – je désire que l’officier qui vous porte cette lettre soit de retour pour le 1er fructidor, au soir, à EI-Rahmànyeh, avec vos dépêches, ce qui me décidera à passer le Nil à El-Rahmânyeh, et à me rendre de suite au puits d’Aboukir ou à Rosette, et de là à Aboukir. Comme cet officier ne se doute pas que je serai à El-Rabmànyeli, ne lui dites rien; donnez-lui simplement votre paquet en lui recommandant de me le remettre en mains propres.
Vous recevrez une centaine de drapeaux et les trois queues du pacha ; tenez-les d’abord chez vous, et puis faites-les embarquer clandestinement. Peut-être même serait-il bon de les faire embarquer sur un aviso que vous diriez être destiné pour France.
Si l’officier part d’Alexandrie dans la journée du 1er, expédiez-m’en un autre le 2 au matin. Vous adresseriez alors votre lettre à l’officier des guides à El-Rahmânyeh, en lui recommandant de me la remettre en mains propres.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 25 thermidor an VII (12 août 1799)
AU GÉNÉRAL LANUSSE.
Je vous prie, Citoyen Général, de garder mes guides et mes équipages. Je n’ai pas pu me rendre à Menouf, vu le désir que j’avais de prendre connaissance des affaires du Caire et de mettre tout en train: car, selon l’usage des Turcs, ils ne payent rien et ne croient pas à la victoire jusqu’à mon arrivée; mais je compte, dans deux jours, débarquer au Ventre-de-la-Vache et vous aller trouver à Menouf.
Je vous ferai prévenir vingt-quatre heures d’avance.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 25 thermidor an VII (12 août 1199).
AU CITOYEN POUSSIELGUE.
Vous voudrez bien, Citoyen Administrateur, faire signifier à la femme de Hassan-Bey que si, dans la journée de demain, elle n’a pas payé ce qui reste dû de sa contribution, elle sera arrêtée et tous ses effets confisqués.
Vous prendrez toutes les mesures pour accélérer le payement de Hadj i-Hussein.
Les juifs n’ont encore payé que 20,000 francs ; que dans la journée de demain ils en aient payé 30 autres.
Parmi ceux qui doivent, il y en a auxquels il ne faudrait qu’une simple lettre pour les faire payer : entre autres Rosetti, Caffe, Calvi et tous les individus de l’armée. Il y a de la négligence la plus coupable de la part de l’administration des finances.
Mon intention n’est point d’accepter pour comptant, sur le compte des fermages des Coptes, les différents emprunts que je leur ai faits, et que je solderai en temps et lieu. Vous ferez demander, à titre d’emprunt, aux six principaux négociants damasquins, 100,000 francs, qui devront être payés dans la journée de demain, et vous leur ferez connaître que mon intention est de les solder en blé.
Faites-moi un rapport sur les affaires du tabac de Rosette. Les renseignements que j’ai eus sont que cela a dû rapporter 14 à 15,000 francs. Faites-moi connaître ce qu’ont produit et ce que doivent les provinces de Gyzeh et du Caire.
Faites-moi également connaître ce qu’ont rendu les douanes de Suez et de Qoseyr, depuis que nous sommes en Egypte, et ce qui serait dû de ces deux douanes.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 26 thermidor an VII (13 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESAIX.
Je vous envoie, Citoyen Général, un sabre d’un très-beau travail, sur lequel j’ai fait graver, Conquête de la haute Egypte, qui est due à vos bonnes dispositions et à votre constance dans les fatigues.
Voyez-y, je vous prie, une preuve de mon estime et de la bonne amitié que je vous ai vouée.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 26 thermidor an VII (13 août 1799).
AU GÉNÉRAL VEAUX.
Je suis très-peiné, Citoyen Général, d’apprendre que vos blessures vont mal; je vous engage à passer le plus tôt possible en France; je donne tous les ordres que vous désirez, pour vous en faciliter les moyens; j’écris au Gouvernement conformément à vos désirs : vous avez été blessé au poste d’un brave qui veut redonner de l’élan à des troupes qu’il voit chanceler. Vous ne devez pas douter que, dans toutes les circonstances, je ne prenne le plus vif intérêt à ce qui vous regarde.
BONAPARTE.
4348. — AU GÉNÉRAL BERTHIER.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
Vous voudrez bien donner l’ordre au général Rampon de partir ce soir, à six heures, avec 300 hommes de cavalerie, en prenant tout ce qui est disponible à Boulâq ou au Caire, le chef de bataillon grec Barthélémy, les janissaires de la province d’Atfyeh et de Qelyoub, pour arriver demain avant le jour à El-Gezyreh, l’investir, tuer tous les Arabes Bily et A’ydy qu’il pourra trouver, et mener au Caire leurs bestiaux et leurs femmes.
Vous donnerez rendez-vous à la cavalerie, à Barthélemy et aux janissaires au fort Sulkowski, d’où il faut qu’ils partent au plus tard à huit heures du soir.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
AU GÉNÉRAL DUGUA.
Je vous prie, Citoyen Général, de faire arrêter tous les hommes de la caravane du Maroc qui seraient restés en arrière ; et que les Moghrebins venant à Qoseyr ne s’arrêtent qu’un jour et filent pour leur pays, sans passer par Alexandrie.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
AU CHEIK EL-A’RYCHY CADI-A’SKIAR,
DISTINGUÉ PAR SA SAGESSE ET SA JUSTICE.
Nous vous faisons connaître que notre intention est que vous ne confiiez la place de cadi à aucun Osmanli; vous ne confirmerez, dans les provinces, pour la place de cadi, que des Égyptiens.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
ORDRE.
ARTICLE 1er. — Les employés des administrations de l’armée seront réduits au moindre nombre possible.
ART. 2. — Les administrations des subsistances et des transports militaires sont réunies.
ART. 3. — L’ordonnateur en chef donnera de nouveaux brevets, en date du 1er fructidor, à tous les employés de l’administration de l’armée qu’il conservera; les anciens brevets n’auront plus aucune valeur.
ART. 4. – Le payeur ne soldera, à dater du 1er fructidor, des appointements sur la présentation des brevets de l’ordonnateur en chef, que jusqu’à concurrence des sommes ci-après, savoir, par
mois :
Pour les appointements des employés aux subsistances et transports militaires. 12,000 fr.
Pour les appointements des employés aux postes militaires. 1,500
Pour les appointements des employés des hôpitaux. 7,000
Pour les appointements des employés de l’habillement. 1,200
ART. 5. — Tous les employés qui se trouveraient réformés seront placés dans les cadres militaires d’infanterie ou de cavalerie, à leur choix.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
ORDRE.
ARTICLE 1er. — Les employés de l’administration des finances, de l’enregistrement et de la Monnaie, seront réduits au moindre nombre possible.
ART. 2. — Le payeur ne soldera les appointements que sur un nouveau brevet qui leur sera donné, en date du 1er fructidor, par l’administrateur des finances.
ART. 3. — Le payeur ne soldera d’appointements aux employés de l’administration des finances, de l’enregistrement et de la Monnaie, que jusqu’à concurrence de 15,000 francs pour tout, par mois.
ART. 4. — Le payeur organisera la trésorerie de manière que les employés coûtent moins de 7,000 livres par mois.
ART. 5. -Tous les employés réformés seront mis dans les cadres des corps de cavalerie ou d’infanterie, à leur choix.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
ARRÊTÉ.
ARTICLE 1er. — Il sera formé deux commissions de membres de la commission des arts, composées ainsi qu’il suit :
ART. 2. — La première commission, composée des citoyens Costaz, Nouet, Méchain, Coutelle, Coquebert, Savigny, Ripault, Balzac, Corabœuf, Lenoir, Labate, Lepère, architecte, Saint-Genis, Viard.
ART. 3. — La seconde commission, composée des citoyens Fourier, Parseval, Villoteau, Delile, Geoffroy, Lepère, ingénieur, Redouté, Lacipière, Chabrol, Arnollet, Vincent.
ART. 4. — La première commission partira pour se rendre dans la haute Egypte, demain 28, et visiter tous les monuments qui nous restent de l’antiquité.
La seconde commission partira le 1er du mois de fructidor pour la haute Egypte.
ART. 5. — Il sera fourni à l’une et à l’autre commission une barque armée, avec une bonne garnison prise au dépôt de la 21e demi-brigade. Le citoyen Costaz sera le commandant de la première commission, et le citoyen Fourier de la seconde. L’officier commandant l’escorte et l’officier de marine commandant le bâtiment ne recevront des ordres que d’eux.
ART. 6. — Les commandants des commissions correspondront avec moi toutes les fois qu’ils auront visité des monuments qui leur auront fourni des observations ou descriptions nouvelles.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 27 thermidor an VII (14 août 1799).
ORDRE.
Le général en chef s’étant fait représenter le marché passé par l’ordonnateur Sucy, qui règle à 28 deniers par ration de pain le prix de la manutention; considérant qu’avec 28 deniers on aurait non-seulement de quoi payer la manutention, mais encore de quoi payer la valeur de la ration entière; sur le rapport de l’ordonnateur d’Aure, ordonne que les comptes de l’agent en chef des subsistances ne seront arrêtés qu’à raison de 12 deniers par ration, et ce, à commencer de
l’entrée de l’armée en Egypte.
Quartier général, au Caire, 28 thermidor an VII (15 août 1799).
AU CONTRE-AMIRAL GANTEAUME.
Je reçois, Citoyen Général, votre lettre du 23. Je vous envoie une caisse de café et de sucre, du vin et du rhum. J’ai fait écrire dessus, Pour Monsieur Smith , vous les ferez déposer chez vous jusqu’à nouvel ordre.
J’écris, à El-Rahmânyeh, à l’officier de guides que je vous ai expédié il y a quelques jours, de se rendre à Menouf, où je serai; je ne partirai de Menouf que lorsqu’il sera arrivé.
Je ne partirai d’ici, au plus tôt, que le 1er fructidor. Si le 2, 3 ou 4 fructidor, vous aviez quelque chose de nouveau, expédiez-moi un de vos adjudants à Menouf; car, si l’officier ne me portait rien de nouveau, j’attendrais, avant de partir de Menouf, l’arrivée de votre adjudant.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 28 thermidor an VII (15 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER, A DAMIETTE.
Je reçois à l’instant, Citoyen Général, votre lettre du 26, à six heures du matin ; l’Arabe qui l’a apportée me dit être parti à neuf heures.
Je suis instruit qu’un grand nombre de bâtiments de ceux qui étaient à Aboukir en sont partis le 25, et, si ce ne sont pas ceux-là qui viennent faire de l’eau au Boghàz, ce sont des bâtiments qui
étaient mouillés à Alexandrette et que le bruit des premiers succès d’Aboukir aura fait mettre à la voile.
Le bataillon de la 25e est parti pour vous rejoindre.
Je vous envoie la demi-galère l’Amoureuse.
Vous pouvez disposer du général Vial, qui est dans le Gharbyeh avec un bataillon de la 32e; il a avec lui une pièce de canon.
La cavalerie qui était à Alexandrie, qui arrive à l’instant, se reposera la journée de demain, et, si cela est nécessaire, je la ferai partir sur-le-champ.
Quelque chose que ce convoi puisse être, je ne doute pas que vous n’ayez eu le temps de réunir votre division et de vous mettre bien en mesure.
J’ai des nouvelles de Syrie à peu près conformes aux vôtres. Ibrahim-Bey a avec lui 250 Mameluks à cheval et 150 à pied, 500 hommes à cheval de Djezzar et 600 hommes à pied. Elfy-Bey n’a avec lui que 30 Mameluks. Une partie des Arabes cherche, comme à l’ordinaire, les moyens de piller.
J’espère recevoir de vous, dans la journée de demain, des renseignements positifs sur cette flotte : qu’ils mettent trois jours à débarquer, comme ils ont fait à Aboukir, et je ne suis plus en peine de rien.
Je fais partir le chef de bataillon Ruty pour commander votre artillerie [2] En remplacement du général Dommartin, mort à Rosette le 22 thermidor..
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 28 thermidor an VII (15 août 1799).
AU GÉNÉRAL DESAIX.
J’ai reçu, Citoyen Général, un grand nombre de lettres de vous, qui avaient été me chercher à Alexandrie et Aboukir et qui sont de retour.
Vous aurez déjà reçu différentes lettres par lesquelles je vous fais connaître que vous pouvez rentrer dans vos positions de la haute Égypte et détruire Mourad-Bey. Je vous laisse le maître de lui accorder toutes les conditions de paix que vous croirez utiles. Je lui donnerais son ancienne ferme près Gyzeh; mais il ne pourrait jamais avoir avec lui plus de 10 hommes armés. Cependant, si vous pouviez nous en débarrasser, cela vaudrait beaucoup mieux que tous ces arrangements.
BONAPARTE.
Au Caire, 28 thermidor an VII (15 août 1799).
AU SULTAN DU MAROC.
Il n’y a d’autre dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète !
Au nom de Dieu clément et miséricordieux !
Au sultan du Maroc, serviteur de la sainte Kasbah, puissant parmi les rois, et fidèle observateur de la loi du vrai prophète;
Nous profitons du retour des pèlerins du Maroc pour vous écrire cette lettre et vous faire connaître que nous leur avons donné toute l’assistance qui était en nous, parce que notre intention est de faire, dans toutes les occasions, ce qui peut vous convaincre de l’estime que nous avons pour vous. Nous vous recommandons, en échange, de bien traiter tous les Français qui sont dans vos États ou que le commerce pourrait y appeler.
BONAPARTE.
Au Caire, 28 thermidor an VII (15 août 1799).
AU BEY DE TRIPOLI.
Il n’y a d’autre dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète !
Au nom de Dieu clément et miséricordieux !
Au bey de Tripoli, serviteur de la sainte Kasbah, le modèle des beys, fidèle observateur de la loi du vrai prophète.
Nous profitons de l’occasion qui se présente pour vous recommander de bien traiter tous les Français qui sont dans vos États, parce que notre intention est de faire dans toutes les occasions tout ce qui pourra vous être agréable et-de vivre en bonne intelligence avec vous.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 28 Thermidor an VII (15 août 1799).
ORDRE DU JOUR.
Le général en chef, sur le rapport qui lui a été fait par l’ordonnateur d’Aure, ordonne qu’il soit donné 3,000 livres de gratification aux chirurgiens qui ont pansé les blessés à la bataille d’Aboukir.
Bonaparte.
Quartier général, au Caire, 29 thermidor an VII (16 août 1799).
AU GÉNÉRAL SONGIS, COMMANDANT L’ARTILLERIE.
Je vous préviens, Citoyen Général, que, sur l’ordre du jour d’hier, le général en chef a porté l’habillement de l’armée au double de ce qui lui est réellement accordé, ce qui est pour l’opinion publique, en
faisant croire en Europe la force effective de l’armée au double de ce quelle est.
Prévenez les corps que ceux auxquels il est accordé une quantité doivent ne compter que sur la moitié, qui leur est réellement accordée.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, au Caire, 29 thermidor am VII (16 août 1799).
ORDRE.
Les commandants des provinces feront connaître, par une circulaire en arabe, qui sera envoyée dans tous les villages,, la pompe avec laquelle la fête du Prophète a été célébrée au Caire.
Depuis mémoire d’homme, on n’en avait pas vu d’aussi brillante.
Toute l’armée qui était au Caire, éclairée par une grande quantité de flambeaux, est allée rendre visite au cheik El-Bekry; le général en chef y avait dîné, ainsi que Moustafa-Paclia et tous les principaux officiers faits prisonniers à la bataille d’Aboukir. Le général en chef a assisté à la lecture qui a été faite de différents poëmes arabes en l’honneur du Prophète, après quoi, au milieu des grands cheiks, il a fait faire la prière et s’est fait réciter la généalogie du Prophète.
Le pacha et tous les prisonniers turcs ne revenaient pas de leur surprise de voir le respect que les Français avaient pour l’islamisme et la loi du plus saint des prophètes.
Le général en chef voulant donner une preuve de sa satisfaction au cheik Gariany, commandant d’Alexandrie, et au cheik El-Messiry, président du divan d’Alexandrie, hommes recommandables par leur sagesse et leur piété, les a fait revêtir chacun d’une pelisse d’une grande valeur.
Le présent ordre du jour sera traduit en arabe, imprimé, et il en sera envoyé trente copies à chaque commandant de province.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 30 thermidor an VII (17 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER, A DAMIETTE.
Je renvoie, Citoyen Général, l’effendi pris à Aboukir, à Constantinople, avec une longue lettre pour le grand vizir : c’est une ouverture de négociation que je fais. Faites-le partir sur une djerme pour Chypre; traitez-le bien, mais qu’il ait peu de communications. Faites la plus grande ostension de forces que vous pourrez.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 30 thermidor an VII (17 août 1799).
AU GRAND VIZIR.
Au grand vizir, grand parmi les grands éclairés et sages, seul dépositaire de la confiance du plus grand des sultans.
J’ai l’honneur d’écrire à Votre Excellence, par l’effendi qui a étéfait prisonnier à Aboukir et que je lui renvoie, pour lui faire connaître la véritable situation de l’Égypte et entamer entre la Sublime Porte et la République française des négociations qui puissent mettre fin à la guerre qui se trouve exister pour le malheur de l’un et de l’autre État.
Par quelle fatalité la Porte et la France, amies de tous les temps et dès lors par habitude, amies par l’éloignement de leurs frontières, la France ennemie de la Russie et de l’Empereur, la Porte ennemie
de la Russie et de l’Empereur, sont-elles cependant en guerre?
Comment Votre Excellence ne sentirait-elle pas qu’il n’y a pas un Français de tué qui ne soit un appui de moins pour la Porte ?
Comment Votre Excellence, si éclairée dans la connaissance de la politique et des intérêts des divers États, pourrait-elle ignorer que la Russie et l’empereur d’Allemagne se sont plusieurs fois entendus pour le partage de la Turquie, et que ce n’a été que l’intervention de la France qui l’a empêché?
Votre Excellence n’ignore pas que le vrai ennemi de l’islamisme est la Russie. L’empereur Paul Ier s’est fait grand maître de Malte, c’est-à-dire a fait vœu de faire la guerre aux musulmans. N’est-ce pas lui qui est le chef de la religion grecque, c’est-à-dire des plus nombreux ennemis qu’ait l’islamisme?
La France, au contraire, a détruit les chevaliers de Malte, rompu les chaînes des Turcs qui étaient détenus en esclavage, et croit, comme l’ordonne l’islamisme, qu’il n’y a qu’un seul Dieu.
Ainsi donc la Sublime Porte a déclaré la guerre à ses véritables amis et s’est alliée à ses véritables ennemis !
Ainsi donc la Sublime Porte, qui a été l’amie de la France tant que cette puissance a été chrétienne, lui a fait la guerre dès l’instant que la France, par sa religion, s’est rapprochée de la croyance musulmane !
La Russie et l’Angleterre ont trompé la Sublime Porte; elles ont intercepté nos courriers par lesquels nous lui faisions part de l’expédition d’Egypte, et l’ont représentée comme le commencement de l’envahissement de l’empire musulman : comme si je n’avais pas toujours déclaré que l’intention de la République française était de détruire les Mameluks, et non de faire la guerre à la Sublime Porte, était de nuire aux Anglais, et non à son grand et fidèle allié l’empereur Sélim.
La conduite que j’ai tenue avec tous les gens de la Porte qui étaient en Egypte, envers les bàtiments du Grand Seigneur, envers les bâtiments de commerce portant le pavillon ottoman, n’est-elle pas un sûr garant des intentions pacifiques de la République française?
La Sublime Porte a déclaré la guerre, dans le mois de janvier, à la République française avec une précipitation inouïe, sans attendre l’arrivée de l’ambassadeur Descorches , qui déjà était parti de Paris pour se rendre à Constantinople, sans me demander aucune explication, ni répondre à aucune des avances que j’ai faites.
J’ai cependant espéré, quoique sa déclaration de guerre me fût parfaitement connue, pouvoir la faire revenir, et j’ai, à cet effet, envoyé le citoyen Beauchamp, consul de la République, sur la caravelle. Pour toute réponse, on l’a emprisonné; pour toute réponse, on a créé des armées, on les a réunies à Gaza et on leur a ordonné d’envahir l’Egypte. Je me suis trouvé alors obligé de passer le désert, préférant faire la guerre en Syrie à ce que l’on me la fit en Egypte.
Mon armée est forte, parfaitement disciplinée et approvisionnée de tout ce qui peut la rendre victorieuse des armées, fussent-elles aussi nombreuses que les sables de la mer. Des citadelles et des places fortes hérissées de canons se sont élevées sur les côtes et sur les frontières du désert; je ne crains donc rien, et je suis ici invincible; mais je dois à l’humanité, à la vraie politique, au plus ancien comme au plus vrai des alliés, l’empereur Sélim, la démarche que je fais.
Ce que la Sublime Porte n’atteindra jamais par la force des armes, elle peut l’obtenir par une négociation. Je battrai toutes les armées lorsqu’elles projetteront l’envahissement de l’Egypte, mais je répondrai d’une manière conciliante à toutes les ouvertures de négociations qui me seraient faites. La République française, dès l’instant que la Sublime Porte ne fera plus cause commune avec nos ennemis, la Russie et l’Empereur, fera tout ce qui sera en elle pour rétablir la bonne intelligence et lever tout ce qui pourrait être un sujet de désunion entre les deux États.
Cessez donc des armements dispendieux et inutiles. Vos ennemis ne sont pas en Egypte; ils sont sur le Bosphore, ils sont à Corfou, ils sont aujourd’hui, par votre extrême imprudence, au milieu de l’Archipel.
Radoubez et réarmez vos vaisseaux ; reformez vos équipages d’artillerie; tenez-vous prêts à déployer bientôt l’étendard du Prophète, non contre la France, mais contre les Russes et les Allemands, qui rient de la guerre insensée que nous nous faisons, et qui, lorsqu’ils vous auront affaiblis, lèveront la tête et déclareront bien haut les prétentions qu’ils ont déjà.
Vous voulez l’Egypte, dit-on; mais l’intention de la France n’a jamais été de vous l’ôter.
Chargez votre ministre à Paris de vos pleins pouvoirs, ou envoyez quelqu’un chargé de vos intentions et de vos pleins pouvoirs en Egypte. On peut, en deux heures d’entretien, tout arranger. C’est le seul moyen de rasseoir l’empire musulman, en lui donnant la force contre ses véritables ennemis, et de déjouer leur projet perfide, qui,
malheureusement, leur a déjà si fort réussi.
Dites un mot, nous fermerons la mer Noire à la Russie et nous cesserons d’être le jouet de cette puissance ennemie, que nous avons tant de sujets de haïr, et je ferai tout ce qui pourra vous convenir.
Ce n’est pas contre les musulmans que les armées françaises aimeraient à déployer et leur tactique et leur courage; mais c’est, au contraire, réunies à des musulmans qu’elles doivent un jour, comme
cela a été de tout temps, chasser leur ennemi commun.
Je crois en avoir assez dit par cette lettre à Votre Excellence. Elle peut faire venir auprès d’elle le citoyen Beauchamp, que l’on m’assure être détenu dans la mer Noire. Elle peut prendre tout autre moyen pour me faire connaître ses intentions.
Quant à moi, je tiendrai pour le plus beau jour de ma vie celui où je pourrai contribuer à faire terminer une guerre à la fois impolitique et sans objet.
Je prie Votre Excellence de croire à l’estime et à la considération distinguée que j’ai pour elle.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 30 thermidor an VII (17 août 1799).
AU GÉNÉRAL MARMONT.
J’ai voulu, Citoyen Général, conclure un marché avec des Francs qui devaient me fournir 24,000 aunes de drap; je comptais les avoir pour 20 francs et payer moitié en argent, moitié en riz ou en blé. Ayant accaparé tous les draps du pays, ils sentent qu’ils sont à même de me faire les conditions qu’ils veulent. Il est cependant indispensable que j’habille l’armée; voici le parti auquel je me résous.
Vous ferez venir chez vous les négociants toscans et impériaux qui ont plus de 20,000 aunes de drap de toutes les couleurs à Alexandrie ou à Rosette. Vous leur ferez connaître que la guerre a été déclarée par la République française à l’Empereur et au grand-duc de Toscane; que les lois constantes de tous les pays vous autorisent à
confisquer leurs bâtiments marchands-et mettre le scellé sur leurs magasins; que cependant je veux bien leur accorder une faveur particulière, et ne point les comprendre dans cette mesure générale; mais que j’ai besoin n de 24,000 aunes de drap pour habiller mon armée; qu’il est nécessaire qu’ils fassent de suite la déclaration du
drap qu’ils ont; qu’ils en consignent 24,000 aunes, soit à Alexandrie, soit à Rosette. Ils seront consignés au commissaire des guerres, qui les fera partir en toute diligence pour le Caire ; le procès-verbal en sera fait, et les draps estimés et payés selon l’estimation, sans que le maximum de l’aune passe 18 francs. Un de ces négociants,
chargé de pouvoirs des autres, se rendra au Caire pour conférer avec l’ordonnateur en chef et s’arranger pour le mode de payement.
Si, au lieu de se prêter à cette mesure de bonne grâce, ces messieurs faisaient les récalcitrants, vous ferez mettre le scellé sur leurs effets, papiers et maisons ; vous les ferez mettre dans une maison de sûreté; vous ferez abattre les armes de l’Empereur et de Toscane, et vous en donnerez avis à l’ordonnateur de la marine, pour qu’il confisque tous les bâtiments appartenant aux Impériaux, Toscans et Napolitains : je préfère la première mesure à la deuxième.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 30 thermidor an VII (17 août 1799).
AU GÉNÉRAL ZAJONCHER, A BEVY-SOUEW.
Vous n’êtes soumis en rien, Citoyen Général, au général Desaix pour l’administration de la province. Vous regarderez comme nuls tous les ordres qu’il vous donnerait à ce sujet. Vous avez eu tort de lui laisser prendre de l’argent. Vous verrez, par l’ordre du jour, que mon intention est de.n’accorder aucune indemnité sur le myry; faites-le percevoir avec la plus grande rigueur.
BONAPARTE.
Quartier général, au Caire, 30 thermidor an VII (17 août 1799).
AU DIVAN DU CAIRE.
Je pars demain pour me rendre à Menouf, d’où je ferai différentes tournées dans le Delta, afin de voir par moi-même les injustices, qui pourraient être commises, et prendre connaissance et des hommes et du pays.
Je vous recommande de maintenir la confiance parmi le peuple.
Dites-lui souvent que j’aime les musulmans et que mon intention est de faire leur bonheur. Faites-leur connaître que j’ai pour conduire les hommes les plus grands moyens : la persuasion et la force ; qu’avec l’une je cherche à me faire des amis, qu’avec l’autre je détruis mes ennemis.
Je désire que vous me donniez le plus souvent possible de vos nouvelles, et que vous m’informiez de la situation des choses.
BONAPARTE
Quartier général, au Caire, 1err fructidor an VII (18 août 1799).
ORDRE DU JOUR.
Le mois de thermidor sera soldé à l’armée.
Le myry et les autres impositions, tant dans les provinces de la haute Égypte que de la basse, seront payés sans aucune déduction, sous quelque prétexte que ce soit; les chevaux qui ont été requis doivent être considérés comme une augmentation d’impositions.
Quant aux cheiks-el-beled qui présenteront des reçus des Mameluks, auxquels ils prétendraient avoir payé le myry, non-seulement on n’y aura aucun égard, mais ils seront menacés de châtiment.
Ce n’est pas lorsque, dans plusieurs provinces, on a été obligé d’augmenter les impositions pour subvenir aux dépenses de l’armée, que certains commandants de provinces doivent accorder ces facilités ruineuses pour le trésor public.
L’intendant général enverra cet ordre du jour aux intendants des provinces, et leur fera connaître qu’ils seront personnellement responsables des décharges qu’ils auraient accordées, quelles que soient les autorisations dont ils seraient munis, vu qu’elles ne leur seront point passées en compte, et qu’ils seront obligés de les payer de leur argent. Toutes les décharges qui auraient été accordées seront regardées comme nulles, et les villages contraints à payer.
BONAPARTE.
Quartier général, Menouf, 2 fructidor an VII (19 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER, A DAMIETTE.
Je reçois, Citoyen Général, votre lettre du 27. Je suis à peu près certain qu’il n’y a dans la Méditerranée aucun armement considérable dirigé contre nous. Ainsi, les 24 hâtiments mouillés devant Damiette, ou sont les mêmes qui étaient à Aboukir et ont quitté cette rade, ou c’est une arrière-garde que le pacha attendait et qui porte fort peu de monde.
La division Reynier, réorganisée avec une bonne artillerie, se portera contre ce qui pourrait venir du côté de la Syrie. Je destine pour le même objet les 1,000 ou 1,200 hommes de cavalerie que j’ai au Caire prêts à marcher.
Je me rends à Rosette, où je me trouverai bien au fait de tous les mouvements de la côte depuis la Tour des Arabes jusqu’à El-A’rych.
Si vous avez besoin de quelque secours, je vous ferai passer des troupes qui se trouvent dans le Bahyreh et à Alexandrie, désirant tenir intactes les divisions Reynier, Bon et Lannes, pour s’opposer à ce qui pourrait venir par terre, quoique les derniers renseignements que j’ai me tranquillisent entièrement. J’ai le 15e de dragons et différents détachements de cavalerie dans le Bahyreh.
Vous recevrez une lettre le 3 ou le 4; partez, je vous prie, sur-le-champ, pour vous rendre, de votre personne, à Rosette, si vous ne voyez aucun inconvénient à vous absenter de Damiette; sans quoi, envoyez-moi un de vos aides de camp : je désirerais qu’il pût arriver à Rosette dans la journée du 7. J’ai à conférer avec vous sur des
affaires extrêmement importantes.
Vous devez avoir reçu l’effendi ou commissaire de l’armée fait prisonnier à Aboukir et que j’envoie à Constantinople.
BONAPARTE.
Quartier général, Menouf, 2 fructidor an VII (19 août 1799).
AU GÉNÉRAL DUGUA, AU CAIRE.
Je reçois, Citoyen Général, votre lettre d’hier matin. Comme le 25 au matin la plus grande partie des voiles qui étaient à Aboukir sont parties, j’ai tout lieu de penser que ce sont celles-là qui ont paru devant Damiette pour faire de l’eau. Au reste, ce n’est rien de considérable. Y aurait-il les 150 bâtiments qui étaient à Aboukir, avec
l’avantageuse localité de Damiette, Kleber a autant de monde qu’il lui en faut pour y résister. La seule chose qu’il est nécessaire de surveiller, ce sont les frontières de l’Asie. Il faut donc faire l’impossible pour avoir beaucoup de cavalerie, la tenir toujours prête à pouvoir partir avec la 85e et se joindre à Belbeys au général Reynier.
Renvoyez-y, dans le plus court délai, le reste de la 9e, afin que le général Reynier l’organise à Belbeys même. Quant à l’artillerie, le général Reynier doit, en vingt-quatre heures, se procurer les chevaux nécessaires. Envoyez-lui exprès sur exprès, pour lui faire connaître que les canons, attelages, charretiers, tout est prêt; qu’il se dépêche donc d’envoyer les chevaux. Je vous autorise à faire atteler, par tous les chevaux de réforme de la cavalerie, le plus possible des pièces que l’on destine à la division Reynier, et envoyez-les à Belbeys. Je sais que ces chevaux crèveront probablement de la fatigue, mais n’importe; le général Reynier les remplacera. Je vous autorise à prendre, dans les différents régiments de cavalerie, 20 chevaux français, non de réforme, pour achever d’atteler l’artillerie de la division Reynier. Le général Reynier remplacera ces chevaux par 20 autres qu’il fera venir de sa province. J’espère que ces deux moyens réunis vous mettront a même d envoyer au général Reynier les pièces qui lui manquent pour compléter l’artillerie de sa division.
Je désire que vous organisiez promptement la 22e et que vous complétiez l’artillerie de la division Lannes ; il lui faut six pièces, il en a, je crois, cinq; il s’agit donc de lui en fournir une.
Il faut également compléter la division Rampon, qui, compris les pièces des généraux Lanusse et Vial, a quatre pièces : il lui en faut deux. Prévenez Rampon qu’il est nécessaire qu’il fasse des courses dans sa province et qu’il se procure des chevaux pour atteler son artillerie.
Ainsi donc je compte que, dans; une décade, j’aurai l’artillerie des trois divisions bien attelée, bien approvisionnée et composée, pour chacune , de six pièces de canon.
La cavalerie n’a que deux pièces de 3; si le général d’artillerie pouvait fournir les deux autres, procurez-lui les attelages.
Je vous autorise, pour pourvoir à tous ces attelages, à requérir 50 bons chevaux dans les moulins. Nous avons déjà fait cela cinq à six fois, et nous nous en sommes bien trouvés. Quant au payement, dites-leur qu’ils seront soldés à mon retour.
Désirant m’assurer par moi-même des mouvements de la côte et être à même de combiner le rapport qu’il pourrait y avoir entre l’augmentation de voiles qui pourraient paraître à Damiette avec celles qui disparaîtraient d’Aboukir, je vais voir s’il m’est possible de descendre par les canaux jusqu’à Hourlos. J’enverrai prendre mes dépêches à Rosette, où vous pourrez m’adresser tout ce qu’il y aurait de nouveau, et, s’il y avait quelque chose de très-urgent, envoyez-moi des triplicata à Rosette, Menouf et Damiette.
BONAPARTE.
Quartier général, Menouf, 2 fructidor au VII (19 août 1799).
ORDRE DU JOUR.
Il existait, il y a plus de cinquante ans, une digue à El-Fara’ounyeh, qu’il était d’usage de couper au moment où le Nil diminuait, et de fermer au moment où il augmentait. Depuis on a librement laissé passer les eaux par le canal de Menouf. Depuis quatre à cinq ans, au contraire, on a rétabli la digue à El-Fara’ouuych, que l’on n’a plus coupée, et les eaux passaient entièrement dans la branche de Damiette ; ce qui a diminué l’inondation du Delta et du Bahyreb, mais a considérablement augmenté celle des provinces de Cbarqyeha, Damiette , Mansoorah et Qelyoub.
Les commandants de ces provinces réuniront les gens les plus instruits de leur province, et se feront remettre des notes :
1° Sur la quantité de terrain qui n’était pas arrosée il y a cinq ou six ans, lorsque la digue d’El-Fara’ounyeh n’existait pas;
2° Sur la quantité de terrain qui se trouve aujourd’hui inondée par rétablissement de la digue d’EI-Fara’ounyeh;
3° Enfin sur le tort que faisait à leurs provinces l’usage plus ancien d’ouvrir cette digue au moment où le Nil commençait à baisser.
Les commandants des provinces de Menouf, Bahyreh, Gharbyeh, Rosette, Alexandrie , se feront également remettre des notes :
1° Sur la quantité de terrain qui était inondée avant l’établissement de la digue d’El-Fara’ounyeh ;
2° Sur celle devenue inculte par l’établissement de cette digue ;
3° Enfin sur le bien que produisait, dans ces provinces, l’usage plus ancien de couper cette digue au moment où le Nil commençait à baisser.
Le commandant de la province de Menouf se fera remettre un état des dépenses que l’on était d’usage de faire, toutes les années, pour couper et refermer cette digue.
Le citoyen Lepère, ingénieur en chef des ponts et chaussées, recueillera tous les renseignements sur cette importante question, afin d’en faire un rapport dans l’année.
Il fera aussi observer, avec le plus grand soin, les autres canaux qui paraissent avoir une tendance à porter les eaux de la branche de Damiette dans celle de Rosette.
Par ordre du général en chef.
Quartier général, à 3 lieues d’EI-Rahmânyeh, 3 fructidor an VII (20 août 1799), 5 heures après midi.
AU GÉNÉRAL MENOU, A ROSETTE.
Il est ordonné au général de division Menou de partir de Rosette une demi-heure après la réception du présent ordre, pour se rendre, de sa personne, à la fontaine entre Alexandrie et Aboukir, où était le quartier général le jour de la bataille d’Aboukir.
J’ai à communiquer au général Menou des ordres qui sont de la première importance. Il faut que le général Menou soit rendu demain 4 fructidor, à deux heures après midi, à la fontaine entre Alexandrie et Aboukir.
Cet ordre est du général Menou à moi; il ne doit pas en donner communication. –
Le général Menou aura avec lui son escorte, qu’il laiss
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU GÉNÉRAL MENOU.
Vous vous rendrez de suite à Alexandrie, Citoyen Général; vous prendrez le commandement d’Alexandrie, de Rosette et du Bahyreh.
Je pars ce soir pour France.
Le général Kleber doit être rendu, dans deux ou trois jours, à Rosette. Vous lui ferez passer le pli ci-joint, dont je vous envoie un double que vous lui ferez passer par une occasion très-sûre.
Le général Marmont part avec moi. Je vous prie, pour empêcher les faux bruits, d’envoyer au général Kleber un bulletin de notre navigation, jusqu’à ce qu’on n’ait plus connaissance des frégates.
Vous préviendrez le général Kleber que la djerme la Boulonnaise est à EI-Rahmànlch.
Je laisse 180 chevaux des guides à cheval, sellés, que vous ferez passer au Caire pour monter le reste des guides et la cavalerie.
Vous ne ferez partir la lettre ci-jointe, pour le général Dugua et pour le Caire, que quarante-huit heures après que les frégates auront disparu.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER.
Vous trouverez ci-joint, Citoyen Général, un ordre pour prendre le commandement en chef de l’armée. La crainte que la croisière anglaise ne reparaisse d’un moment à l’autre me fait précipiter mon départ de deux ou trois jours.
Je mène avec moi les généraux Berthier, Lannes, Murat, Andréossy et Marmont, les citoyens Monge et Berthollet.
Vous trouverez ci-joints les papiers anglais et de Francfort jusqu’au 10 juin; vous y verrez que nous avons perdu l’Italie; que Mantoue, Turin et Tortone sont bloqués. J’ai lieu d’espérer que la première de ces places tiendra jusqu’à la fin de novembre. J’ai l’espérance, si la fortune me sourit, d’arriver en Europe avant le commencement d’octobre. Vous trouverez ci-joint un chiffre pour correspondre avec le Gouvernement et un autre pour correspondre avec moi.
Je vous prie de faire partir, dans le courant d’octobre, Junot ainsi que les effets que j’ai laissés au Caire et mes domestiques. Cependant je ne trouverais pas mauvais que vous engageassiez à votre service ceux qui vous conviendraient.
L’intention du Gouvernement est que le général Desaix parte pour l’Europe dans le courant de novembre, à moins d’événements majeurs.
La commission des arts passera en France sur un parlementaire que vous demanderez à cet effet, conformément au cartel d’échange, dans le courant de novembre, immédiatement après qu’ils auront
achevé leur mission. Ils sont, dans ce moment-ci, occupés à ce qui reste à faire, à visiter la haute Egypte. Cependant, ceux que vous jugeriez pouvoir vous être utiles, vous les mettriez en réquisition
sans difficulté.
L’effendi fait prisonnier à Aboukir est parti pour se rendre à Damiette. Je vous ai écrit de l’envoyer en Chypre. Il est porteur, pour le grand vizir, de la lettre dont vous trouverez ci-joint la copie.
L’arrivée de notre escadre de Brest à Toulon et de l’escadre espagnole à Carthagène ne laisse aucune espèce de doute sur la possibilité de faire passer en Égypte les fusils, les sabres, pistolets, fers coulés dont vous avez besoin et dont j’ai l’état le plus exact, avec une quantité de recrues suffisante pour réparer les pertes de deux campagnes.
Le Gouvernement vous fera connaître alors, lui-même, ses intentions, et moi-même, comme homme public et comme particulier, je prendrai des mesures pour vous faire avoir fréquemment des nouvelles.
Si, par des événements incalculables, toutes les tentatives étaient infructueuses, et qu’au mois de mai vous n’ayez reçu aucun secours ni nouvelles de France, et si, cette année, malgré toutes les précautions, la peste était en Egypte et vous tuait plus de 1,500 hommes, perte considérable, puisqu’elle serait en sus de celle que les événements de la guerre vous occasionneraient journellement, je pense que, dans ce cas, vous ne devez point vous hasarder à soutenir la campagne prochaine, et que vous êtes autorisé à conclure la paix avec la Porte Ottomane, quand bien même l’évacuation de l’Egypte devrait en être la condition principale. Il faudrait simplement éloigner l’exécution de cette condition, si cela était possible, jusqu’à la paix générale.
Vous savez apprécier aussi bien que personne, Citoyen Général, combien la possession de l’Égypte est importante à la France. Cet empire turc, qui menace ruine de tous côtés, s’écroule aujourd’hui, et l’évacuation de l’Egypte par la France serait un malheur d’autant plus grand que nous verrions, de nos jours, cette belle province en d’autres mains européennes.
Les nouvelles des succès ou des revers qu’aurait la République en Europe doivent aussi entrer puissamment dans vos calculs.
Si la Porte répondait aux ouvertures de paix que je lui ai faites, avant que vous n’eussiez reçu de mes nouvelles de France, vous devez déclarer que vous avez tous les pouvoirs que j’avais, entamer la négociation, persister toujours dans l’assertion que j’ai avancée que l’intention de la France n’a jamais été d’enlever l’Egypte à la
Porte, demander que la Porte sorte de la coalition et nous accorde le commerce de la mer Noire, et enfin six mois de suspension d’hostilités, afin que, pendant ce temps-là, l’échange des ratifications puisse avoir lieu.
Supposant que les circonstances soient telles que vous croyiez devoir conclure ce traité avec la Porte, vous ferez sentir que vous ne pouvez pas le mettre à exécution qu’il ne soit ratifié; et, selon l’usage de toutes les nations, l’intervalle entre la signature d’un traité et sa ratification doit toujours être une suspension d’hostilités.
Vous connaissez, Citoyen Général, quelle est ma manière de voir sur la politique intérieure de l’Egypte ; quelque chose que vous fassiez, les chrétiens seront toujours nos amis. Il faut les empêcher d’être trop insolents, afin que les Turcs n’aient pas contre nous le même fanatisme que contre les chrétiens, ce qui nous les rendrait irréconciliables. Il faut endormir le fanatisme en attendant qu’on puisse le déraciner. En captivant l’opinion des grands cheiks du Caire, on a l’opinion de toute l’Egypte et de tous les chefs que ce peuple peut
avoir. Il n’y en a aucun moins dangereux pour nous que des cheiks qui sont peureux, ne savent pas se battre, et qui, comme tous les prêtres, inspirent le fanatisme sans être fanatiques.
Quant aux fortifications, Alexandrie et El-A’rych , voilà les deux clefs de l’Egypte. J’avais le projet de faire établir, cet hiver, des redoutes de palmiers : deux depuis Sàlheyeh à Qatyeh, deux de
Qatyeh à El-A’rych; une de ces dernières se serait trouvée à l’endroit où le général Menou a trouvé de l’eau potable.
Le général de brigade Sanson, commandant le génie, et le général de brigade Songis, commandant l’artillerie de l’armée, vous mettront au fait chacun de ce qui regarde son arme.
Le citoyen Poussielgue a été exclusivement chargé des finances ; je l’ai reconnu travailleur et homme de mérite. Il commence à avoir quelques renseignements sur le chaos de l’administration de ce pays.
J’avais le projet, si aucun événement ne survenait, de tâcher d’établir, cet hiver, un nouveau système d’impositions, ce qui aurait permis de se passer, à peu près, des Coptes. Cependant, avant de l’entreprendre, je vous conseille d’y réfléchir longtemps ; il vaut mieux entreprendre cètte opération un peu trop tard qu’un peu trop tôt.
Des vaisseaux de guerre-français paraîtront indubitablement cet hiver à Alexandrie ou à Bourlos ou à Damiette. Faites construire une batterie ou une tour à Bourlos. Tàchez de réunir 5 ou 600 Mameluks que, lorsque les vaisseaux français seront arrivés, vous ferez arrêter dans un jour au Caire ou dans les autres provinces et embarquer pour la France. Au défaut des Mameluks, des otages d’Arabes, des cheiks-el-beled qui, par une raison quelconque, se trouveraient arrêtés, pourraient y suppléer. Ces individus, arrivés en France, y
seraient retenus un ou deux ans, verraient la grandeur de la nation, prendraient de nos mœurs et de notre langue., et, de retour en Egypte, nous formeraient autant de partisans.
J’avais déjà demandé à plusieurs fois une troupe de comédiens ; je prendrai un soin particulier de vous en envoyer. Cet article est très-important pour l’armée et pour commencer à changer les mœurs du pays.
La place importante que vous allez occuper en chef va vous mettre à même de déployer les talents que la nature vous a donnés; l’intérêt de ce qui se passe ici est vif, et les résultats en seront immenses sur le commerce et la civilisation-, ce sera l’époque d’où dateront de grandes révolutions.
Accoutumé à voir la récompense des peines et des travaux de la vie dans l’opinion de la postérité, j’abandonne l’Egypte avec le plus grand regret. L’intérêt de la patrie, sa gloire, l’obéissance, les événements extraordinaires qui viennent de s’y passer; me décident seuls à passer au milieu des escadres ennemies pour me rendre en Europe.
Je serai d’esprit et de cœur avec vous; vos succès me seront aussi chers que ceux où je me trouverais moi-dême, et je regarderai comme mal employés tous les jours de ma vie où je ne ferai pas quelque chose pour l’armée dont je vous laisse le commandement, et pour consolider le magnifique établissemeai dont les fondements
viennent d’être jetés.
L’armée que je vous confie est toute composée de mes enfants; j’ai eu, dans tous les temps, même au milieu de leurs plus grandes peines, des marques de leur attachemant, entretenez-les dans ces sentiments; vous le devez par l’estime et l’amitié toute particulière que j’ai pour vous, et.pour l’attachement vrai que je leur porte.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU GÉNÉRAL KLEBER.
Il est ordonné au général Kleber de prendre le commandement en chef de l’armée d’Orient, le Gouvernement m’ayant appelé auprès de lui.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie. 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU GÉNÉRAL DUGUA, AU CAIRE.
Quand vous lirez ceci, Citoyen Général, je serai au milieu de la vaste mer. Les circonstances où se trouve la France m’ont fait un devoir impérieux de m’y rendre. C’est d’ailleurs le seul moyen de faire aller à bien cet établissement et les individus de l’armée. Kleber a de l’estime et de l’amitié pour vous. Dans le courant de l’hiver, vous êtes sûr qu’il arrivera des bàtiments de guerre français, sur lesquels vous pourrez vous embarquer pour reprendre votre poste au Corps législatif. Ainsi donc, employez votre talent et votre fermeté à maintenir la tranquillité dans cette grande ville, à la fois le centre de l’Egypte et de l’armée.
Croyez que, dans quelque circonstance que le sort me place, je conserverai toujours pour vous l’estime et l’amitié que vous m’avez inspirées.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU DIVAN DU CAIRE,
CHOISI PARMI LES PLUS ÉCLAIRÉS ET LES PLUS SAGES.
Ayant été instruit que mon escadre était prête et qu’une armée formidable était embarquée dessus ; convaincu, comme je vous l’ai plusieurs fois dit, que, tant que je ne frapperai pas un coup qui écrase à la fois tous mes ennemis, je ne pourrai jouir tranquillement et paisiblement de la possession de l’Egypte, la plus belle partie du
monde, j’ai pris le parti d’aller me mettre à la tête de mon escadre, laissant le commandement, en mon absence, au général Kleber, homme d’un mérite distingué et auquel j’ai recommandé d’avoir pour les ulémas et les cheiks la même amitié que moi. Faites ce qu’il vous sera possible pour que le peuple de l’Egypte ait en lui la même confiance qu’il avait en moi, et qu’à mon retour, qui sera dans deux ou trois mois, je sois content du peuple d’Egypte, et que je n’aie que des louanges et des récompenses à donner aux cheiks.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU CITOYEN POUSSIELGUE.
Les événements majeurs qui se sont passés en Europe depuis le 15 mars au 15 juin m’ont fait un devoir impérieux de m’y rendre le plus promptement possible.
J’espère, avec un peu de fortune, y arriver avant la prise de Mantoue.
Le général Kleber, qui prend le commandement de l’armée, vous estime et vous aime.
Je ferai connaître au Gouvernement les services que vous rendez journellement dans ce pays. Dans toutes les circonstances, vous pouvez compter sur le désir que j’ai de faire quelque chose qui vous soit agréable.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
AU GÉNÉRAL JUNOT.
Lorsque tu recevras cette lettre, je serai bien loin de l’Égypte.
J’ai regretté de ne pouvoir t’emmener avec moi ; tu t’es trouvé trop éloigné du lieu de l’embarquement. Je donne ordre à Kleber de te faire partir dans le courant d’octobre. Enfin, dans quelque lieu et dans quelque circonstance que nous nous trouvions, crois à la continuation de la tendre amitié que je t’ai vouée.
Salut et amitié.
BONAPARTE.
Quartier général, Alexandrie, 5 fructidor an VII (22 août 1799).
A L’ARMÉE.
Les nouvelles d’Europe m’ont décidé à partir pour France.
Je laisse le commandement de l’armée au général Kleber.
L’armée aura bientôt de mes nouvelles ; je ne puis en dire davantage. Il me coûte de quitter les soldats auxquels je suis le plus attaché; mais ce ne sera que momentanément, et le général que je leur laisse a la confiance du Gouvernement et la mienne.
BONAPARTE.
References[+]