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16 mai 1811 – Bataille d’Albuera

”The bloodiest battle of the Peninsular War” (Guy Dempsey)[1] [2]

« O Albuera, nom de gloire et de douleur ! «  (Byron)

(Cartes : courtoisie Napoleonic Series)

 

 

Le général Beredsford
Le général Beredsford

L’Anglais Beresford [3] avait commencé les opérations de siège contre Badajoz le 8 mai. Soult, à la tête de 24.000 hommes environ s’était mis en marche pour venir au secours de la ville. Beresford fait alors mouvement vers Albuera, forte position de couverture, à proximité de la route Badajoz-Séville et à 20 km de Badajoz. En même temps, 12.000 soldats espagnols, sous les ordres de Blake [4], stationnés plus loin au sud, marchent pour le rejoindre.

Jean de Dieu SoultLe 15 mai l’écran de cavalerie de Beresford (2.500 hommes) est refoulé de la rive droite de la rivière Albuera par la cavalerie française[]. Mais, dans les premières heures du 16 mai, sans que Soult ne s’en aperçoive, les forces de Blake rejoignent celles de Beresford, et sont déployées au sud de la position.

Soult a en tête de feindre, avec une brigade, une attaque sur la ville d’Albuera, et, avec le gros de ses forces, d’effectuer un large mouvement de flanc par le sud, en direction de l’aile droite anglo-espagnole. Lorsque quatre pelotons de uhlans polonais traversent la rivière, le général Long[5] répond en déployant deux escadrons du 3e dragons de la garde.

Le premier escadron de ce régiment est détruit par les deux pelotons polonais. Mais quand le deuxième escadron passe à l’attaque, et que le feu devient trop intense, les Polonais battent en retraite de l’autre côté de la rivière, sous le feu des dragons britanniques. Ils perdent dans cette action 14 morts et 3 blessés, contre 20 morts et blessés chez les Anglais.

La brigade Godin repousse celle du général von Alten[6] (Légion Royale Allemande – King’s German Legion) et traverse la rivière sur un pont. Mais elle subit de lourdes pertes de l’artillerie portugaise.

Beresford s’étant aperçu du mouvement de Soult, tente de redéployer ses forces. Les forces espagnoles, les plus exposées, reçoivent l’ordre de faire face au sud. La 2e division britannique (Stewart[7]) postée derrière Albuera, remplacée par une division portugaise, fait alors mouvement vers le sud, afin d’étendre le flanc droit vers l’ouest, tout en restant échelonnée derrière les Espagnols. La 4e division (Cole [8]) demeure en réserve.

Le général Blake
Le général Blake

Mais Blake, qui commande les Espagnols, refuse de bouger ses troupes, persuadé que l’attaque principale française va porter sur le village d’Albuera.

Quand le V corps français (divisions Girard[9] et Gazan[10]) commence son attaque[11] contre les trois divisions espagnoles des généraux Zayas[12], Lardizabel et Ballesteros[13], seul Zayas a fait aligner ses hommes et peut faire face à l’attaque. Les flancs du V corps sont couverts par de l’artillerie montée. Sur le flanc gauche, une division française de dragons (Latour-Maubourg[14]) prend position. Sur son flanc droit se tient la division d’infanterie du général Werlé[15].

La 2e division d’infanterie du général Stewart, accompagnée d’une batterie du KGL, fait mouvement pour venir en aide aux Espagnols de Zayas. La brigade de Colborne  [16] avance, déployée en ligne, pour faire feu sur le flanc gauche de la colonne française qui attaque. Les Français sont foudroyés et Stewart ordonne la charge. Mais une averse de pluie réduit soudainement la visibilité, en même temps qu’elle rend très difficile la mise à feu des mousquets. À ce moment, l’infanterie britannique, déployée en ligne, avec peu ou pas du tout de puissance de feu, ignore que la cavalerie française, qui a effectué un large mouvement de flanc, se trouve sur sa droite et derrière elle.

C’est le moment choisi par Latour-Maubourg pour lancer le régiment de uhlans et le 2e régiment de hussards contre les Anglais. Les trois régiments britanniques (le 3th[17], le 2/48th[18] et le 66th régiment d’infanterie) sont presque totalement anéantis. Seul le 31th régiment d’infanterie réussit à se former en carré, juste à temps pour échapper à la destruction par les lanciers franco-polonais. Les uhlans s’emparent de cinq drapeaux et de cinq canons de la batterie des KGL[19]. Pendant ce temps, un bataillon du 31th est également attaqué, mais il parvient à repousser cette attaque. Les uhlans attaquent ensuite une brigade espagnole (d’Espana), et même l’état-major de Beresford. Une partie des troupes espagnoles, principalement celles des divisions de Ballesteros et de Lardizabal parvient à s’échapper. Finalement, une attaque du 4th régiment de dragons britannique n’est pas couronnée de succès, ces derniers perdant 27 hommes.

Les Français tombent alors sur la brigade de Hoghton[20] (29th, 48th/I et 57th/I) de la 2e division. Mais celle-ci tient bon[21], en dépit de lourdes pertes[22]. Jusque-là la bataille est, pour les Français, un succès. Mais Soult va rapidement se rendre compte que Blake a fait sa jonction avec Beresford et cela le porte à hésiter à engager ses réserves.

La 4e division de Beresford sous les ordres de Lowry Cole monte alors, par l’ouest, à l’attaque de la crête. La brigade de Fusiliers (7th, 23th), la 11/23 brigade portugaise et le 7e chasseur portugais se distinguent particulièrement. Ils repoussent les charges de cavalerie française (dragons et uhlans), et arrivent à faible distance des colonnes françaises. Il s’en suit un feu de mousquet qui dure 20 minutes, Les Anglais perdent 1 000 hommes, mais l’infanterie française, sévèrement atteinte elle aussi, finit par lâcher, lorsque les survivants britanniques se lancent à l’attaque à la baïonnette.

La bataille se termine finalement sans véritable vainqueur, après une lutte très sanglante, la cavalerie polonaise de Soult ayant détruit toute une brigade britannique, tandis que les Espagnols repoussent l’une des plus puissantes attaques d’infanterie française de cette guerre[].

Le 17 mai, les adversaires restent sur leurs positions, le 18, Soult décide de retraiter.

Les pertes des deux côtés sont énormes : les Alliés ont perdu près de 5.000 hommes (4.159 Anglais, 389 Portugais, 1.368 Espagnols), les Français entre 7 et 8.000 (même si Soult n’en annoncera au début que 2.000 à Napoléon).

 

LIEUX DE MÉMOIRE

 

Panorama montrant l’endroit où les hommes de Godinot attaquèrent la KGL (sur la crête)

  • Le monument de la bataille se trouve sur la rue principale du village, en venant de Badajoz. Il est constitué de carreaux de faïence. Un deuxième monument est à la sortie du village. Un monument identique est érigé à l’autre extrémité du village, il comporte, en plus, une phrase de Byron.

  • Plaza de España, autre monument de la bataille(1832), avec un buste du général Castaños, et la liste des généraux ayant participé à la journée du 16 mai 1811 (photo PNS)

  • Non loin du musée, une table d’orientation permet d’avoir une très belle vue sur le champ de bataille, que l’on peut analyser grâce au plan de la bataille.

  • Le vieux pont existe encore, un monument (pyramide), érigé en 2001 en l’honneur des 57th Foot, 3rd Foot (les célèbres Buffs), 2nd et 31st Foot et East Surrey Regiment (une face pour chaque régiment), est à proximité (merci à Dominique Timmermans)

  • Un parc thématique est en aménagement.

NOTES

[1] On trouve aussi les orthographes Albuhera, La Albuhera)

[2] Livre paru en 2008 (ISBN-13#: 9781848324992)

[3] William Beresford (1768 – 1856)

[4] Joaquin Blake y Joyes (1759 – 1827)

[5] Robert Ballard Long (1771 – 1825)

[6] Carl von Alten (1764 – 1840)

[7] William Stewart (1774 – 1827)

[8] Lowry Cole (1772 – 1842)

[9] Jean-Baptiste Girard (1775 – 1815)

[10] Honoré Théodore Maxime Gazan (1765 – 1845)

[11] Le début de leur attaque est dissimulé par des rangées d’oliviers.

[12] José de Zayas (1772 – 1827) Les troupes de Zayas sont considérées par certains comme les meilleures troupes espagnoles à cette époque.

[13] Francisco Ballesteros (1770 – 1832)

[14] Marie-Victor-Nicolas de Fay, marquis de La (1768 – 1850)

[15] François-Jean Werlé (1763 – 1811). Il sera tué durant la bataille.

[16] John Colborne (1778 – 1863)

[17] Les célèbres « Buffs »

[18] Le régiment va perdre son colonel, George-Henry Duckworth.

[19] Ces canons seront repris plus tard par les anglo-espagnols.

[20] Daniel Hoghton (1770 – 1811). Sera tué durant la bataille, d’une balle dans la tête.

[21] Tôt dans la bataille le colonel William Inglis, du 57th régiment d’infanterie (West Middlesex) est blessé par de la mitraille qui perfore un de ses poumons. Il refuse d’être porté à l’arrière et reste couché au pied des couleurs. Tout au long de la bataille on pouvait entendre sa voix répéter calmement « Vendez chèrement votre vie 57th, vendez…. » . En faisant ce qui leur était demandé le 57th gagne un surnom impérissable « Les durs à cuire »[] et le seul régiment à avoir le droit de porter la distinction « Albuhera » aussi bien sur leurs couleurs que sur le badge de leur casquette. Inglis survivra à ses blessures et deviendra plus tard lieutenant-général.

[22] 56 officiers (dont Hoghton), 971 hommes tués ou blessés.