Correspondance de Napoléon – Août 1802

Août 1802

 

Paris, 2 août 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire placer à l’Hôtel-Dieu un marbre dédié à la mémoire des citoyens Desault (Pierre-Joseph Desault, 1744-1795. Professeur de chirurgie médicale à l’École de Santé) et Bichat (François Marie Xavier Bichat, 1771-1802. Mort le 22 juillet, alors qu’il était, depuis janvier 1801, médecin à l’Hotel-Dieu. Il est considéré comme le fondateur de la physiologie expérimentale), qui atteste la reconnaissance de leurs contemporains pour les services qu’ils ont rendus, l’un à la chirurgie française, dont il est le restaurateur, l’autre à la médecine, qu’il a enrichie de plusieurs ouvrages utiles. Bichat eût agrandi le domaine de cette science si importante et si chère à l’humanité, si l’impitoyable mort ne l’eût frappé à vingt-huit ans.

 

Paris, 2 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire connaître le lieu où trouve en ce moment le citoyen Peyron, chef principal des établissements de la compagnie d’Afrique en Barbarie, qui a vécu longtemps à la Calle.

Je vous prie également de m’envoyer les mémoires du citoyen Kercy, qui a été consul de France à Alger, sur l’état militaire d’Alger; ces mémoires doivent se trouver dans vos cartons.

 

Paris, 2 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, une note sur différentes dispositions relatives à la grande communication de la France à l’Italie par le Simplon.

Je désire que vous chargiez le général Chasseloup de faire dresser tous les plans et de faire faire toutes les reconnaissances relatives à ces différents objets, et que vous écriviez au général Turreau pour qu’il vous envoie une reconnaissance générale.

 

Paris, 2 août 1802

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

L’indépendance du Valais, avec la faculté exclusive aux Français de de pouvoir y faire passer leurs armées, la nouvelle route du Simplon, sont propres à changer le système de la guerre d’Italie.

Une armée française qui serait forcée sur l’Adda défendrait le Tessin sans craindre la diversion que l’ennemi ferait sur Tortone. Une fois le Tessin forcé, elle se retirerait sur le lac Majeur, prendrait des positions dans la montagne et gagnerait du temps jusqu’à l’arrivée des secours qui lui parviendraient par le Simplon.

Il devient donc indispensable :

1° De faire lever avec un soin particulier tous les environs du lac Majeur, les sources de la Sesia et tous les revers des Alpes qui forment les vallées supérieures de la Sesia et de la Doire, pour bien connaître les communications que ces vallées ont entre elles et déterminer les positions qu’une armée très-inférieure pourrait prendre pour donner le temps à un renfort qu’elle attendrait d’arriver au Simplon.

Il est nécessaire d’avoir au bureau topographique de la guerre toutes ces reconnaissances faites, afin que l’on puisse, s’il était nécessaire, envoyer aux généraux toutes les instructions convenables, et que, dès le commencement d’une guerre, on puisse connaître les ouvrages défensifs de campagne qui seraient à faire dans les différentes positions, en cas d’événement malheureux.

2° Au moyen d’une reconnaissance du Tessin, depuis son embouchure dans le lac Majeur jusqu’au lieu où il reçoit le torrent de l’Anza, une ligne qui suivrait la crête des montagnes aux environs de l’Anza paraîtrait propre à être défendue par peu de monde et aurait les caractères essentiels de placer la petite ville de Domo-d’Ossola par-derrière en dépôt, et conserverait sa gauche appuyée sur le Majeur, à l’embouchure du Tessin.

3° La faculté d’évacuer promptement, par le Pô, le Tessin et le lac Majeur, tous les bagages, les blessés et les munitions de guerre et de bouche de l’armée, lorsqu’on serait obligé d’évacuer tout 1e plat pays, rendrait une forteresse sur le lac Majeur, aux environs de l’embouchure du Tessin, extrêmement importante. Il faudrait qu’on pût se servir de ce fort pour y mettre à l’abri les barques du lac Majeur, et renfermer tout ce qui pourrait donner la facilité de passer promptement le Tessin.

Il faudrait que cette forteresse fût capable de résister à dix jours de tranchée ouverte, mais surtout qu’elle fût placée de manière à n’influer, ni directement ni indirectement, sur le passage de la grande route du Simplon, afin que, prise par l’ennemi, elle ne s’opposât d’aucune manière à notre rentrée en Italie. Le seul but de ce petit fort devrait être de conserver l’artillerie, les bagages, les malades, les vivres qu’au moment de notre retraite nous ne pourrions pas évacuer au delà du Simplon, et que nous retrouverions quinze ou vingt jours après, dès l’instant que l’armée aurait reçu les renforts.

On sent donc qu’un fort qui n’a pas d’autre but doit être spécialement placé de manière qu’il soit facile à bloquer, qu’il puisse être défendu par 4 ou 500 hommes, et doit être, par le choix de sa localité, d’une construction facile.

4° Il devient nécessaire d’établir des étapes de Genève à Villeneuve, par la rive gauche du lac, ainsi que de Villeneuve au Simplon.

5° La pauvreté du Valais et le peu de bâtiments qui existent rendent nécessaire l’acquisition de quelque grand couvent pour servir de caserne et de magasins. Ces bâtiments, sur lesquels serait arboré le drapeau de la République, seraient gardés par des troupes françaises et soumis à la police française.

Il faudrait principalement deux grands établissements : le premier à Martigny, le second à Brigg. Il faudrait que chacun de ces établissements pût contenir un hôpital pour deux cents lits, loger 2,000 hommes et renfermer des hangards (sic) pour l’artillerie, une manutention pour les vivres, et des magasins pour des farines et des biscuits. Si ces deux locaux n’offrent aucune ressource, il faudra alors construire, sur un plan régulier, ces différents bâtiments, au compte de la République, et alors il faudra les placer de manière à les envelopper facilement par une ligne magistrale et les mettre à l’abri de toute attaque de vive force, surtout de la part des paysans et de l’infanterie légère de l’ennemi.

Les placer de manière qu’ils soient sur le grand chemin et le maîtrisent entièrement, en ayant soin que celui de Martigny soit placé plus bas que l’intersection du chemin du Valais et du chemin du Saint-Bernard.

6° Il y a près de Villeneuve un fort : il faut se faire rendre compte s’il est du domaine du Valais, et, dans ce cas, l’occuper.

7° Le chemin de la rive gauche du lac qui conduit à Genève passe par les rochers de la Meillerie. Il doit y avoir les moyens de bâtir un petit fort qui intercepte ce chemin.

 

Paris, 2 août 1802

DÉCISION

Le ministre de la guerre pend compte de la conduite du 20e régiment de chasseurs dans une émeute à Rouen et propose de le remplacer dans cette ville par un autre corps. Répondre au général Saint-Hilaire que mon intention n’est point de changer ce régiment.  S’il y a des mauvais sujets, il faut les faire arrêter et punir; les officiers et sous-officiers doivent répondre du corps et veiller sur leurs soldats, pour punir ceux qui se comportent mal.

 

Paris, 2 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il paraît qu’il n’y a aucun obstacle pour construire la batterie d’Énette, et il n’y a pas d’inconvénient à la composer de dix pièces de canon et de six mortiers. Elle doit pouvoir battre dans tout le segment compris depuis le fort d’Aix jusqu’à l’endroit nommé Coudepont.

On voit sur la carte, à 500 toises de l’île d’Énette, une autre pointe de rocher appelée la Pointe de l’Épée, qui se trouve à peu près à égale distance de la pointe de Coudepont, et même à 100 toises plus près. Six pièces de canon et deux mortiers dans cet endroit paraîtraient également nécessaires. Ces deux batteries une fois établies, la communication de l’île d’Aix et de Rochefort serait toujours assurée, et ce serait beaucoup pour la défense de cette île.

Quatre pièces de canon et six mortiers au fort des Palle peuvent être utiles. Si jamais la ligne des vaisseaux était forcée, les vaisseaux en se retirant à l’embouchure de la rivière, seraient protégés par cette batterie et par celle de l’île d’Énette. Dans le cas même où l’ennemi viendrait à s’emparer de l’île d’Aix, cette batterie aurait encore l’avantage de protéger l’embouchure de la rivière.

Il paraît donc convenable de faire faire un projet détaillé sur l’établissement d’une batterie sur le rocher des Palles, mais d’ajourner l’exécution de ce plan après la construction du fort Boyard.

Le fort Boyard et l’île d’Aix manquant également d’eau, il serait nécessaire d’aviser aux moyens de s’en procurer dans l’île d’Oléron, la plus près du Boyard, tant pour approvisionner le fort que pour approvisionner la rade elle-même. Dans tous les temps où les vents ne permettent pas de déboucher par la Charente, on se servira d’aqueducs ou de puits, selon la localité.

Le banc du Boyard étant très-étendu, on peut agrandir le plan du fort, dont le projet n’a que 30 toises de long sur 20 de 1arge. Ce projet ne paraît pas bon, et l’idée de mettre des mortiers sur la plate-forme ne semble pas raisonnable.

On voudrait que le fort fût construit d’une autre manière :

Qu’il eût 40 toises de longueur sur 18 de largeur, ce qui ferait 720 toises carrées au lien de 600.

En supposant le plan du Boyard élevé jusqu’au niveau de la haute mer, on élèverait le terre-plein, dans la longueur de 40 toises et sur une épaisseur de 6 toises, à 9 pieds au-dessus du niveau de la mer. A cette hauteur, on placerait la plate-forme et on élèverai l’épaulement. On placerait sur cette batterie douze ou dix-huit pièces de canon de 36.

Après les 6 toises, on ferait un bâtiment voûté à l’abri de la bombe, de 12 toises de largeur sur 28 de longueur. Ce bâtiment commencerait au niveau de la haute mer et irait jusqu’au niveau du parapet de la première batterie, ce qui lui donnerait 15 pieds de haut. On placerait sur cette voûte une plate-forme de dix-huit pièces de canon. Le tir de chaque pièce serait dirigé entre les merlons de la première batterie, et serait plus élevé de 5 à 6 pieds. Par ce moyen, on aurait trente-cinq pièces de canon et six mortiers dirigés dans le même sens que la grande passe.

Sur la plate-forme du côté de l’île d’Oléron, on placerait au centre douze mortiers et sept pièces de canon de chaque côté; les mortiers pourraient tirer en tous sens, les canons pourraient tirer sur la passe d’Oléron et sur les côtes de droite et de gauche.

On pratiquerait aux quatre pans de ce fort quatre avancements pour pouvoir flanquer le fort, et chaque flanc capable de contenir une ou deux pièces de canon de 12. Le flanc offrirait d’ailleurs l’avantage de pouvoir protéger et contenir quelques chaloupes.

Les magasins, la citerne, la poudre seraient logés dans cet immense bâtiment de 28 toises de long sur 12 de large, ce qui forme 336 toises carrées. On pratiquerait d’ailleurs, et selon le besoin extraordinaire qu’on aurait de garnison, de petites baraques de bois pour mettre les canonniers à l’abri de l’intempérie. Ce fort, comme on le voit, contient le triple d’artillerie que celui proposé, et occasionne d’ailleurs moins de dépense.

Ces données sont suffisantes pour que l’officier du génie qui a rédigé le projet puisse dresser un plan.

L’épaulement de la seconde batterie doit être fait en terre, afin que les coups de canon ne jettent pas de débris dans la première batterie.

 

Paris, 2 août 1802

Au contre-amiral Decrès

Je vous renvoie les plans de Cherbourg et de la rade de Rochefort. Je vous ai déjà écrit ce matin ce que je pensais relativement au fort Boyard. Je dois y ajouter que les travaux doivent être dirigés de manière à être finis en l’an XII.

Quant à Cherbourg, il faudrait également que la batterie du centre pût être achevée à la même époque. Au reste, pour ce dernier objet, la question ne me paraît pas éclaircie suffisamment; il faudrait attendre l’opinion des ingénieurs et le devis.

 

Paris, 2 août 1802

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose de mettre le général de brigade Trelliard en non-activité pour s’être opposé à divers mouvements de troupes ordonnés dans la 15e division militaire Il est inutile de le mettre en non-activité. Donnez ordre au général Saint-Hilaire de le mettre aux arrêts pour vingt heures

 

Paris, 3 août 1802

ALLOCUTION DU PREMIER CONSUL AU SÉNAT VENANT LUI ANNONCER LA PROCLAMATION DU CONSULAT A VIE

Sénateurs, la vie d’un citoyen est à sa patrie. Le peuple veut que la mienne tout entière lui soit consacrée. J’obéis à sa volonté.

En me donnant un nouveau gage, un gage permanent de confiance, il m’impose le devoir d’étayer le système de ses loi sur des institutions prévoyantes.

Par mes efforts, par votre concours, Citoyens Sénateurs, par le concours de toutes les autorités, par la confiance et la volonté cet immense peuple, la liberté, l’égalité, la prospérité de la France seront à l’abri des caprices du sort et de l’incertitude de l’avenir. Le meilleur des peuples sera le plus heureux, comme il est le plus digne de l’être ; et sa félicité contribuera à celle de l’Europe entière.

Content alors d’avoir été appelé, par l’ordre de celui de qui tout émane, à ramener sur la terre la justice, l’ordre et l’égalité, j’entendrai sonner la dernière heure sans regrets et sans inquiétude sur l’opinion des générations futures.

Sénateurs , recevez mes remerciements d’une démarche aussi solennelle.

Le Sénat a désiré ce que le peuple français a voulu, et, par là, il s’est plus étroitement associé à tout ce qui reste à faire pour le bonheur de la patrie.

Il m’est bien doux d’en trouver la certitude dans le discours d’un président aussi distingué.

 

Paris, 4 août 1802

A S. S. le Pape

J’ai reçu la lettre de Votre Sainteté, du 21 juillet. Je la remercie de ce quelle a bien voulu adhérer à ma demande, et mon intention est, à l’occasion de la nomination du cardinal Bayane (Alphonse-Hubert de Lattier de Bayane, 1739-1818. Il a éténommé cardinal in petto le 23 février 1801, et sera confirmé par Bonaparte le 9 août. Sera légat du pape à Paris en septembre 1807, et négociera avec Pie VII en janvier 1813. Sénateur la même année, il se ralliera durant les cent-Jours), de lui accorder la pension comme s’il avait été nommé sur ma demande.

Il devient extrêmement important que Votre Sainteté nomme le plus tôt possible le grand maître de Malte, car il est à craindre que cette non-nomination ne donne un prétexte au roi de Naples de garder Malte, et aux Anglais de retarder l’évacuation. En réfléchissant sur cet objet, il me semble que l’intérêt du Saint-Siège, ni celui de la France, ne serait de nommer un sujet napolitain. Cela tiendrait à accréditer les prétentions du roi de Naples sur la suzeraineté de cette île, et aujourd’hui qu’il doit y avoir garnison pendant un an, ce droit de suzeraineté deviendrait plus dangereux. Il faudrait y nommer ou un sujet des États du Saint-Siège, ou un Bavarois, on enfin quelqu’un de l’Italie supérieure. Peut-être le commandeur Caprara pourrait être convenable.

Il me parait convenable, pour l’intérêt de la religion dans la République italienne, que Votre Sainteté donne au cardinal-légat les pouvoirs nécessaires pour conclure et signer. J’ai pris en considération les observations du cardinal, et je lui ai fait remettre un projet très-avantageux au Saint-Siège, mais sur lequel on fait beaucoup d’objections à Milan ; il me paraît donc important de finir promptement.

Ayant appris que les Barbaresques inquiétaient beaucoup le commerce de Cività-Vecchia, j’ai ordonné que l’on armât à Toulon deux bricks, dont je compte faire présent à Votre Sainteté, pour qu’elle s’en serve à écarter de Cività-Vecchia ces pirates. Il serait donc convenable que Votre Sainteté fit former les équipages. Le secrétaire d’État pourra faire connaître ici le temps où l’on sera prêt à Cività-Vecchia pour recevoir ces bâtiments.

Je prie Votre Sainteté de voir dans cette démarche le désir que j’ai constamment de lui être agréable.

Je suis, avec un respect filial, de Votre Sainteté le très-dévoué fils.

 

Paris, 4 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, d’écrire au Citoyen Champagny, et de parler ici avec M. de Cobenzl pour que M. de la Fare, ancien évêque de Nancy, qui fomente des intrigues dans son ancien diocèse, soit arrêté ou au moins relégué en Hongrie.

Je vous prie de faire faire la même démarche dans les États de Baden et à Munich où il y a plusieurs évêques qui ne cessent de nous inquiéter en France pour que, s’ils entretiennent en France des correspondances tendant à troubler le Concordat ou les faire arrêter.

(Lettres à Talleyrand)

 

Paris, 4 août 1802

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Je vous prie de me faire connaître, Citoyen Ministre si vous auriez au trésor public des pierres susceptibles d’être montées en anneaux d’évêques, dont je veux faire présent à cinquante évêques, à la fête du 15 août.

 

Paris, 6 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

J’ai revu, Citoyen Ministre, l’état que vous m’avez remis au 1er messidor. Nous devrions avoir 200,000 fusils neufs, et plus de 150,000 fusils réparés : total, 350,000. Cependant il n’en existe pas plus de 250,000. Il serait nécessaire d’avoir un état qui fit connaître la quantité de fusils neufs que nous avons, les places où ils existent, et les corps qui en ont reçu, afin de pouvoir établir une comptabilité. Il est aussi nécessaire de faire faire la même chose pour les fusils réparés.

Il paraît que nous n’avons pas en magasin plus de 200,000 armes. Il faudrait prendre des mesures pour en activer, l’année prochaine, la fabrication. 700,000 fusils étaient l’approvisionnement de 1789; il nous en faut aujourd’hui un million en magasin, pour pouvoir être en mesure.

 

Paris, 6 août 1802

Au général Berthier

Le ministre de l’intérieur a ordre de faire ouvrir, indépendamment de la route du Simplon, des chemins au mont Cenis, au mont Genèvre, et de perfectionner celui du col de Tende. Ces quatre grands chemins doivent être tels, qu’on puisse arriver en Piémont sans être obligé de mettre pied à terre; c’est une suite nécessaire de la réunion du Piémont à la France.

Il faut également s’occuper de rendre ces communications sûres et commodes, en établissant trois brigades de gendarmerie à pied, au plus haut de chacun de ces cols, et les deux autres à deux lieues de distance à droite et à gauche de la montagne.

Sur chacun de ces cols il a été établi des couvents de moines, qui serviront d’auberge.

A droite et à gauche, il est convenable d’établir une caserne, d’abord pour contenir la brigade de gendarmerie, et ensuite pour contenir un bataillon complet à 1,000 hommes avec tous les officiers, et renfermant un logement pour un général; ce logement pourrait également être occupé par les fonctionnaires publics, à leur passage.

Il faut avoir soin de construire également un pavillon pour hôtellerie et un petit établissement pour y renfermer la poudre, les armes et autres objets d’artillerie qui se gâtent lorsque le passage est retardé.

Je vous prie de faire choisir les positions et de faire faire des plans et des devis qui remplissent ce but.

 

Paris, 7 août 1802

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, toutes les pièces relatives aux douanes de la 26e (Coblentz) et 27e (Turin) division militaire. Je vois avec peine que des questions de cette importance, aussitôt qu’elles parviennent au ministère, ne sont point approfondies et mises sous les yeux du Gouvernement pour qu’il ait à prendre un parti.

J’ai lu avec attention le mémoire du directeur général des douanes sur la question du transit; je l’ai trouvé plein d’erreurs.

Il croit qu’en interdisant le transit directement avec la République italienne, il pourrait se faire par l’État de Parme : ces chemins sont impraticables.

Il pense qu’en l’interdisant par le Saint-Bernard, les avantages en sont perdus pour la Suisse; c’est encore une erreur : le transit de la Suisse se fait par le Tessin, et par terre jusqu’à Gènes, par Oleggio.

Ainsi cette question mérite la plus grande attention.

Je vous prie de me faire un rapport général qui me fasse connaître :

1° Quels sont les droits que l’on paye pour toutes les marchandises sur la frontière du Piémont ?
2° Toutes les marchandises dont l’introduction est défendue en France, l’est-elle également de la Suisse, de Gènes et de la République italienne dans le Piémont ?
3° Le dernier arrêté sur les droits des marchandises des colonies est-il applicable au Piémont ?
4° Y a-t-il des marchandises défendues en France et dont on permette le transit ?
5° Quelles sont les marchandises dont il convient de permettre le transit par le Tortonais ?
6° Quelle espèce de droits ces marchandises peuvent-elles payer aujourd’hui, afin de favoriser nos manufactures et nos fabriques ?

Je vous prie de vous concerter avec le ministre de l’intérieur pour la solution de toutes ces questions, et de me présenter, avant la fin de thermidor, un rapport sur cet objet.

Il faut avoir en vue, pour tous ces objets, de favoriser le commerce de Nice; il faut, par exemple, que le Piémont s’approvisionne de sucre, de café et d’autres marchandises des colonies, par Nice, également de savon et de tous les objets que Marseille et nos manufactures peuvent fournir.

Il est essentiel que ce travail soit fait dans le plus grand secret, et qu’on n’en pénètre rien.

 

Paris, 7 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous m’envoyiez les lettres vous avez écrites au citoyen Otto, ainsi que la minute de la note qui lui a été adressée pour qu’il la présentât à lord Hawkesbury pour demander l’exécution des articles du traité d’Amiens par lesquels est stipulé qu’aucun des deux États n’accordera protection, ni directe, ni indirecte, à ceux qui voudraient leur nuire. Joignez-y les réponses du citoyen Otto. Vous me ferez connaître ce qui a pu le justifier ne pas faire les démarches qui lui ont été positivement prescrites.

Je désire également que, dans les vingt-quatre heures de la réception d’une dépêche d’un ambassadeur ou d’un ministre plénipotentiaire, vous m’en donniez connaissance. Pendant le temps que j’ai ouvert le courrier des relations extérieures, je me suis aperçu que vous étiez informé par des rapports officiels de tout ce que bien souvent j’ai cherché à savoir par des moyens indirects. Envoyez-moi également un numéro des gazettes italiennes et étrangères que vous recevez dans vos courriers.

 

Paris, 7 août 1802

Au citoyen Talleyrand

Il paraît, Citoyen Ministre, que le Piombino est toujours occupé par nos troupes; le roi d’Étrurie n’en est pas encore entré en possession. Je vous prie de me faire un rapport sur cet objet, et d’y joindre le traité qui a été fait pour l’échange de l’île d’Elbe, ainsi que les articles du traité de Naples qui mettent ce pays à notre disposition.

 

Paris, 7 août 1802

Au citoyen Talleyrand

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Hédouville (Ministre plénipotentiaire à Moscou de 1801 à 1804) qu’il peut recevoir le serment de tous les Français qui se trouvent en Russie et qui n’appartiendraient pas aux grandes familles de France, et qu’il les envoie ici pour être amnistiés.

 

Paris, 7 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Le 6e régiment d’artillerie, qui doit se rendre de Brest à Auxonne, vient de recevoir l’ordre de repartir d’Auxonne pour Brest. Cette manière d’ordonner des mouvements exténue les hommes et les che vaux. Je désire qu’aucune compagnie d’artillerie , d’ouvriers d’artillerie, ni de troupes quelconques, ne se remue sans mon approbation.

 

 

Paris, 7 août 1802

PROJET DE LETTRE AU MINISTRE DE LA GUERRE

Les lois sur les traitements de retraite ont été abusivement conçues ou mal interprétées. D’après le compte particulier que je  me suis fait rendre, Citoyen Ministre,  de tout ce qui a trait aux pensions de retraite, aux traitements de réforme, aux vétérans en activité, aux invalides, aux hommes et enfants des militaires, je me suis convaincu de deux vérités : la première, c’est que le trésor public ne peut continuer à payer les sommes énormes auxquelles s’élèvent la solde et l’entretien de ces différentes classes; la deuxième, c’est que les règlements existant sur ces différentes parties ont été, ou abusivement conçus, ou interprétés.

Ne croyant pas que le moment soit encore venu de ramener, par des lois ou des règlements généraux, ces différentes branches de votre administration à l’ordre, à la régularité et à l’économie qui doivent caractériser mon consulat et ne pouvant cependant laisser plus longtemps la fortune publique et les sueurs du peuple s’écouler et se perdre ainsi sans une absolue utilité, je vais vous faire connaître les résolutions que j’ai prises sur ces divers objets.

Tout droit à la solde de retraite est annulé par l’émigration. Ne me présentez point de re traite pour des amnistiés, rayés de la liste Du éliminés. Regardant les soldes de retraite qu’avaient pu mériter les individus qui ont été inscrits sur les listes d’émigrés comme acquises au trésor public, vous ne présenterez plus à ma signature de solde de ce genre, ni de traitement de réforme pour les individus qui ont été rayés, ou éliminés, ou amnistiés; vous n’en admettrez aucun ni dans les vétérans nationaux en activité, ni dans les invalides.
Tous les individus qui n’ont pas servi la République ne doivent pas jouir du bénéfice de la loi du 28 fructidor an VII; les pensions de ceux-ci doivent se fixer par la loi du 22 août 1790 ou la loi du 9 vendémiaire an VI. Tous les individus qui n’ont pas servi la République ne me paraissent avoir droit au bénéfice de la loi du 28 fructidor an VII. Je suis résolu à ne signer,  pour cette classe, que  des pensions, telles qu’elles ont été fixées  la loi du 22 août 1790, réduites d’après l’article 99 de la loi du 9 vendémiaire an VI.
La solde de retraite fixée par la loi du 28 fructidor an VII serait uniquement réservée pour les mutilés, blessés pendant a dernière guerre. Tous les individus qui ont quitté le service de la République avant la publication de la loi du 28 fructidor an VII, et qui ont pris leur retraite pour ancienneté ou d’infirmité me paraissant être dans le même cas que les précédents, je ne veux signer de même pour eux que des pensions réglées d’après les mêmes bases. Ainsi les soldes de retraite, telles qu’elles ont été fixées par la loi du 28 fructidor, seront uniquement réservées aux militaires qui ont été blessés pendant la dernière guerre, ou qui, ayant consacré un grand nombre d’années au service de la République, ont de véritables droits aux grâces accordées par la loi du 28 fructidor. Tout le reste doit être traité ainsi que l’ont voulu  l’assemblée constituante et les auteurs de la loi du 9 vendémiaire.

Je sens bien qu’il serait juste de réviser d’après ces principes toutes les pensions qui ont été antérieurement accordées, soit par le Directoire, soit par les Consuls; mais, comme je ne puis croire que la loi du 28 fructidor ait pu rétroagir, je ne crois pas non plus pouvoir donner un effet rétroactif à ma détermination.

Tout individu qui n’est pas blessé n’y a point droit.

Bonaparte

Vous voudrez bien aussi ne plus me proposer d’accorder des soldes de retraite pour les infirmités non provenant de blessures. Un abus de ce genre est intolérable. L’État ne doit de solde de retraite qu’à ceux qui , ayant été blessés à son service, ne peuvent continuer à le servir, ou qui, ayant atteint cinquante ans d’âge, l’ont servi pendant trente années effectives.

Les hommes et les enfants des vétérans et des invalides ont aussi donné lieu à des abus que je dois faire cesser.

Vous ne me proposerez plus de pension pour les femmes et enfants des vétérans: je ne considère point ces militaires comme en activité de service; quant aux femmes des invalides, leur sort est fixé par la loi du 16 mai.

Les femmes et les enfants des militaires tués à la guerre, et qui sont dans les cas prévus par les n° 1, 4 et 5 de l’article 1er de la loi du 14 fructidor an VI, continueront à jouir du bénéfice de cette loi. Vous me proposerez donc toutes celles qui seront dans cette hypothèse.

Je ferai connaître à la section de la guerre les dispositions ci-dessus, afin qu’elles lui servent de règle dans les rapports qu’elle pourra être chargée de faire, comme elles vous serviront de loi dans la direction de votre travail.

 

Paris, 7 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Les instructions pour Cayenne me paraissent bonnes; j’en approuve l’esprit et le sens. Mais les instructions secrètes doivent être remises au net. Il est de principe qu’avec une espèce d’hommes qui ont été d’une opinion différente de celle qu’on leur prescrit, il ne faut jamais discuter; cela ne fait que les aigrir, parce que cela renouvelle les discussions qu’ils ont eues sur cet objet. Il faut dire, en deux mots, que, Cayenne étant destiné à de grands résultats, un grand nombre de noirs doit y être envoyé, et tout préparer au rétablissement de l’esclavage. Ce principe est non-seulement celui de la métropole, mais encore celui de Angleterre et des autres puissances européennes. Un homme destiné à passer sa vie dans les colonies doit sentir que, si les noirs ont pu se maintenir dans les colonies contre les Anglais, ils tourneraient leur rage contre nous, égorgeraient les blancs, menaceraient sans cesse d’incendier nos propriétés, et ne présenteraient aucune garantie au commerce, qui n’offrirait plus de capitaux et resterait sans confiance.

 

Paris, 8 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître a nos différents auprès des puissances étrangères l’arrêté qui ordonne à tous les Piémontais d’être de retour dans leur patrie avant le 1er Vendémiaire, afin qu’ils  en préviennent les piémontais qui pourraient se trouver dans le lieu où ils résident.

(Lettres à Talleyrand)

 

Paris, 8 août 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me remettre sous les yeux les demandes faites par le général Jourdan pour l’admission au Prytanée français de jeunes Piémontais. On m’assure qu’il existe dans vos bureaux des demandes pour quarante individus. Beaucoup demandent d’être admis au Prytanée, en s’engageant d’envoyer à leurs frais un de leurs cousins. Cela paraît très-convenable.

 

Paris, 9 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur notre situation à Corfou et de me faire connaître s’il a été fait des notifications à notre agent sur la garantie du traité d’Amiens, et sur les évènements qui ont eu lieu depuis, et dans quelle situation il se trouve dans ce pays.

Il me parait que les hollandais veulent prendre à leur solde un corps de cinq mille hommes composé d’émigrés bataves qui étaient à la solde de l’Angleterre. Cette conduite me parait devoir fixer notre attention.

Je vous prie de me faire un rapport sur cela.

(Lettres à Talleyrand)

 

Paris, 9 août 1802

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire faire l’état de toutes les sommes qui sont entrées à la trésorerie ou chez le payeur de l’armée d’Italie depuis le 1er vendémiaire an X jusqu’au 1er messidor, en ayant soin de faire connaître au compte de quel exercice ces recettes ont été faites. Il est aussi également convenable que vous fassiez joindre l’état des dépenses, mois par mois, en distinguant les mêmes chapitres qui étaient établis pour le budget du ministre de la guerre de l’an X. J’imagine que vous avez tenu la main à ce que le payeur de Milan vous envoyât exactement tous les états.

 

Paris, 10 août 1802

DÉCISION

Bref du Pape qui sécularise le citoyen Talleyrand. Projet d’arrêté portant que ce bref aura son plein et entier effet en France. Renvoyé au citoyen Portalis,  pour me faire connaître si cela lui paraît convenable.

 

Paris, 12 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Le rapport qui m’a été remis sur l’exécution de l’arrêté du 8 fructidor, relatif an Piémont, ne renferme pas les détails que je demandais. Je désirerais avoir des détails qui me fissent connaître :

1° Quand le bataillon de vétérans sera définitivement organisé;
2° Quand les 800 militaires qui ont été portés sur le travail du général Jourdan seront définitivement admis aux Invalides;
3° Un prompt rapport sur les Giubilati (voir l’arrêté en date du 26 août 1801);
4° Un prompt rapport et une prompte décision sur les officiers et soldats piémontais qui ont droit à une solde de retraite.

Mon intention est que la République se trouve substituée au roi de Sardaigne dans tous les engagements qui ont été pris par ce gouvernement. Il faut que toutes les soldes de retraite relatives aux Giubilati soient décidées, non par les lois françaises, mais par les lois de l’ancienne monarchie piémontaise, avec cette seule condition qu’ils remettront les brevets du prince pour en recevoir d’autres de la République.

 

Paris, 13 août 1802

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Ne laissez plus entrer, Citoyen Ministre, aucun journal anglais en France, et surtout n’en laissez pas circuler dans les lieux public, cabinets littéraires, ni autres.

Le citoyen Otto ayant fait connaître, dans sa correspondance, qu’il y avait un journal qui était écrit avec plus de modération que les autres, vous lui demanderez qu’il en envoie une trentaine d’exemplaires, qui seront adressés au commissaire du Gouvernement près les postes, lequel les fera passer aux différents cabinets littéraires, en place des journaux qu’ils recevaient.

—————–

Même lettre au citoyen Lavalette, commissaire du Gouvernement près les postes.

 

Paris, 13 août 1802

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE ET DES COLONIES

Faire en sorte que les marins de l’île d’Elbe s’attachent au service de la marine française. Dans ce but, les répartir par moitié sur des bâtiments de guerre, et leur faire faire une longue navigation sur l’océan.

 

Paris, 14 août 1802

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Le Premier consul désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez venir à Troyes les douze otages de l’île d’Elbe, qui sont à Toulon. Vous leur ferez donner 600 francs à chacun pour leur voyage, et six francs par jour pour leur subsistance. Vous chargerez de les conduire un officier de gendarmerie, qui les fera voyager lentement, les laissera séjourner dans les grandes villes, les traitera avec égards et comme des hommes auxquels le Gouvernement veut faire prendre les mœurs  françaises. Il tiendra des notes sur la connaissance qu’il acquerra de leur caractère et sur ce qu’ils pourront lui dire sur leur conduite l’égard de la République à Porto-Ferrajo. Les otages doivent être arrivés à Troyes pour le 1er vendémiaire. Sur le rapport qui sera fait par l’officier de gendarmerie, on pourra accorder à ceux qui le désireront la permission de se rendre à Paris.

 

Paris, 14 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, d’écrire au citoyen Verninac pour qu’il lève auprès du Gouvernement helvétique tous les obstacles qui pourraient s’opposer à la confection de la route de Morez à Gex, mon intention étant que cette route soit achevée dans le plus court délai.

 

Paris, 15 août 1802

ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CORPS LÉGISLATIF PRÉSENTS A PARIS

L’union du Peuple français, dans ces circonstances, le rend digne de toute la grandeur et de toute la prospérité auxquelles il est appelé.

Le vœu formé plusieurs fois par le Corps législatif et le Tribunat vient d’être rempli par le sénatus-consulte (instituant le Consulat à vie), et les destins du Peuple français sont désormais à l’abri de l’influence de l’étranger, qui, jaloux de notre gloire et ne pouvant nous vaincre, aurait saisi toutes les occasions pour nous diviser.

Le Corps législatif est appelé, à sa première session., aux discussions les plus chères à l’intérêt public; et le Gouvernement attend, pour le convoquer, le moment où tous les travaux des codes, que le Conseil d’État et le Tribunat discutent, seront plus avancés.

Dans cet intervalle, le Peuple organisera les différents collèges; et les membres du Corps législatif qui se trouvent dans leurs départements concourront, par leurs conseils, à éclairer les assemblées dont ils font partie sur leurs choix.

Le Gouvernement accueille avec satisfaction les sentiments que vous venez de lui exprimer.

 

Paris, 15 août 1802

ALLOCUTION AU TRIBUNAT

La stabilité de nos institutions assure les destins de la République. La considération des corps dépend toujours des services qu’ils rendent à la patrie.

Le Tribunat, appelé à discuter les projets de lois proposés le Conseil d’État, constitue, avec lui, une des parties les plus essentielles à l’organisation législative.

Égal en nombre, divisé comme lui en sections, il continuera de porter dans les discussions cet esprit de sagesse, ce zèle, ces talents dont il a donné, dont il donne aujourd’hui un si bel exemple dans l’examen du code civil.

Le Gouvernement est vivement touché des sentiments que venez d’exprimer. Il y répondra toujours par son dévouement à la patrie.

 

Paris , 15 août 1802

ALLOCUTION AU TRIBUNAL DE CASSATION

Le Gouvernement a, dans la conduite du tribunal de cassation, le gage le plus sûr des sentiments que vous venez de lui exprimer.

Ce tribunal est lui-même une des plus heureuses institution qui assurent la stabilité de la République.

Le premier appui des États, c’est la fidèle exécution des lois.

Placés par vos lumières et par vos fonctions à la tête des tribunaux, c’est à vous qu’il appartient d’y maintenir les principes qui vous dirigent et les vertus dont vous donnez l’exemple.

 

Paris, 15 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Le citoyen Lannes (Jean Lannes, futur maréchal, était alors ambassadeur à Lisbonne, et, suite à des évènements tragico-comiques, avait demandé ses passeports à la cour portugaise… qui s’était empressé de lui accorder ! Il retournera en mars 1803 à Lisbonne, pour peu de temps), ministre plénipotentiaire de la République à Lisbonne, a eu tort de quitter cette ville. Il a violé tous les usages et toutes les formes, et il a manqué au premier devoir d’un fonctionnaire public, qui ne doit pas quitter son poste sans l’ordre positif du gouvernement.

Cependant la conduite du ministère de Lisbonne n’en est pas moins offensante pour le Gouvernement français. On ne devait jamais proposer de passe-ports, puisque c’était en quelque sorte accepter le défi d’une rupture avec la France.

Les passe-ports une fois accordés, on ne devait rien publier sur cette affaire, afin de laisser le Gouvernement français maître de la conduire comme il aurait voulu.

La réunion de ces deux circonstances montre évidemment un esprit de malveillance et d’inconvenance de la part de M. d’Almeida, qui aurait des conséquences funestes pour notre considération en Europe, si nous passions par-dessus.

Le ministre français a manqué à la cour de Lisbonne par un style trop impérieux et par un brusque départ sans congé : il doit être blâmé.

Ce ministre a également manqué à son devoir en quittant son poste sans ordre, et en compromettant par là la tranquillité de l’Europe : il doit être rappelé.

Nous devons demander et insister pour que M. d’Almeida soit changé.

Ainsi, la reine de Portugal changera son ministre, et la France le sien; les deux puissances auront été justes, car les deux ministres sont également coupables.

Vous trouverez ci-joint ma réponse au prince régent. Vous l’enverrez, par un courrier extraordinaire, à Madrid, au secrétaire de légation Herman, qui obtiendra une audience du régent. Le citoyen Herman verra M. Pinto ; il lui fera connaître que nous demandons, sans bruit et sans éclat, que M. d’Almeida soit changé. Vous ne l’autoriserez à rester à Lisbonne que dix à douze jours.

Quarante-huit heures après le départ de votre courrier pour Madrid, vous verrez M. de Souza ; vous lui ferez part de la lettre que j’écris au prince royal et de mon inviolable résolution d’employer tous les moyens, et même la force que j’ai dans les mains, pour punir tout ministre insolent, qui a si fortement compromis l’honneur de la nation dans cette circonstance. Vous lui parlerez, dans le sens de ma lettre, de la conduite du général Lannes, et de mon intention de faire, de mon côté, ce que le prince régent fera du sien. Vous pourrez même lui montrer la copie de ma lettre. Vous lui direz que, si M. d’Almeida n’est pas renvoyé, je lui donnerai l’ordre de quitter Paris et je déclarerai la guerre au Portugal; quelles que puissent être les conséquences de cette démarche, M. d’Almeida a insulté la nation avec trop d’astuce et d’impudence pour que je délibère.

Vingt-quatre heures après que M. de Sousa aura expédié son courrier, vous lui remettrez une note dans laquelle vous lui porterez les plaintes les plus amères contre le ministre, en lui faisant sentir que l’on a toujours mille moyens de ne pas répondre à une demande faite dans un moment d’humeur. Vous développerez dans cette note toutes les démarches faites pour irriter le ministre français, et toutes les plaintes que nous avons à faire; vous demanderez pour satisfaction ce que je demande moi-même au prince royal. Cette note doit être très-détaillée et faite avec beaucoup de prudence.

 

Paris, 15 août 1802

Au régent du Portugal

J’ai reçu la lettre de Votre Altesse Royale, en date du 8. J’ai appris par elle le départ du ministre plénipotentiaire de la République. J’ai éprouvé une vive douleur en apprenant que le ministre avait quitté Votre Altesse Royale d’une manière aussi prompte qu’inusitée; je lui en ai fait témoigner mon mécontentement, et, quelles que soient la vérité et la force des outrages qu’il a reçus et qui l’ont poussé à cette démarche, je ne puis que fortement désapprouver sa conduite.

Mais je prie actuellement Votre Altesse Royale d’accueillir, avec cette justice qui lui est toute particulière, les plaintes que j’ai à porter contre M. d’Almeida, son ministre. Ne vient-il pas, par sa conduite, de compromettre la tranquillité si heureusement rétablie ? En accordant des passe-ports au ministre plénipotentiaire de la République, n’a-t-il pas ramassé le gant que ce ministre paraissait lui jeter et peut-il être dans l’intention de Votre Altesse Royale de vouloir encore exposer à une lutte contre la France des États si heureusement sauvés après dix ans de périls et de dangers ?

J’ai d’autant plus à me plaindre de M. d’Almeida que, quelques jours après le départ du ministre français, craignant sans doute qu’il ne fit pas assez d’esclandre en Europe, il en a fait donner connaissance à tout le corps diplomatique. Il a donc mis au jour ces sentiments d’aversion pour la France qu’il n’a cessé de manifester, et il a montré par là, jusqu’à l’évidence, qu’il est fauteur de toutes les menées qui ont porté à une démarche, peut-être précipitée, un caractère loyal, mais ardent. Cette conduite du ministre de Votre Altesse Royale, soit en donnant plus précipitamment des passe-ports, soit en donnant plus précipitamment encore une publicité officielle à cette affaire, est contraire aux égards que l’on se doit.

J’ai donné et je donnerai satisfaction au Portugal pour ce qu’il a pu y avoir d’irrégulier dans la conduite du ministre français. Je demande à Votre Altesse Royale une égale satisfaction contre M. d’Almeida. L’intérêt de la paix, les intérêts les plus chers du Portugal, veulent que le ministère de Votre Altesse Royale soit composé d’hommes étrangers aux menées de l’ancien ministère anglais, dont une partie a soutenu longtemps la guerre avec acharnement, et la prêche encore tête levée. M. d’Almeida est leur créature; il a compromis l’honneur des deux États; s’il restait plus longtemps dans le ministère de Votre Altesse Royale, il nous conduirait par d’autres menées à une rupture, quelles que soient d’ailleurs les intentions pacifiques et la bienveillance de Votre Altesse Royale envers la France.

Je prie Votre Altesse Royale de peser mûrement les objets contenus dans cette lettre, de faire ce qui dépend d’elle pour maintenir la paix entre les deux États, et d’être persuadée que, de mon côté, je n’épargnerai rien pour consolider les nouvelles relations et pour écarter ce qui pourrait exciter des troubles et des divisions.

Je prie Votre Altesse Royale de recevoir mes regrets de ce que la dernière lettre que j’ai l’avantage de lui écrire est relative à des objets lui doivent lui être personnellement désagréables. Les considérations le l’honneur, avec lequel il m’est impossible de transiger, ont pu seules vaincre dans moi le dégoût d’une démarche aussi pénible.

Je prie Votre Altesse Royale d’être persuadée du désir que j’ai de ai être agréable.

 

Paris, 15 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur notre situation à Corfou, et de me faire connaître s’il a été fait des notifications à notre agent sur la garantie du traité d’Amiens et sur les événements qui ont eu lieu depuis, et dans quelle situation il se trouve dans ce pays.

Il me parait que les Hollandais veulent prendre à leur solde un corps de 5,000 hommes, composé d’émigrés bataves qui étaient à la solde de l’Angleterre. Cette conduite me paraît devoir fixer notre attention. Je vous prie de me faire un rapport sur cela.

 

Paris, 16 août 1802

DÉCISION

Barrai, capitaine au régiment des dromadaires demande une indemnité pour les pertes qu’il a éprouvées dans une entreprise de fabrique de toiles en Égypte. Renvoyé au ministre de  guerre, pour lui donner 1,500  fr. de gratification.

 

Paris, 18 août 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, les comptes des cinq banquiers du trésor public.

J’imagine que vous avez depuis longtemps pris des mesures pour ne plus recevoir de blé, tant de la part des banquiers que de celle Vanlerberghe; sans quoi, il est clair qu’on nous ruinerait, puisqu’on nous vendrait au prix de 20 francs le quintal ce qui n’en vaut plus aujourd’hui que 10.

 

 Paris, 18 août 1802

DÉCISION

Le ministre du trésor public expose que le conseiller d’État chargé des affaires concernant les cultes lui a
adressé deux ordonnances, chacune de 162,500 francs, ensemble 325,000 frs pour le payement des archevêques et évêques, au nombre de cinquante-neuf. Les deux derniers trimestres de l’an X sont rappelés, quoique plusieurs de ces prélats n’aient été nommés que dans le dernier trimestre. Il parait peu conforme aux règles et à une économie indispensable d’allouer des traitements même avant que la nomination ait été faite. Le ministre demande aux Consuls de décider que les appointements ne commenceront à courir que du jour de la nomination, et, au moment où ce service commence, de l’assujettir aux règles générales de la comptabilité.
Les archevêques et évêques  nommés dans le courant du trimestre de germinal jouiront de leur traitement à dater du ler germinal; ceux qui ont été nommés depuis le 30 prairial, et le seront à l’avenir, ne jouiront de leur traitement qu’à dater du jour de nomination.

Ils seront payés au trésor publique, comme les autres parties prenantes.

Les ordonnances seront expédiées conformément à cette décision.

 

Paris, 19 août 1802

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Il sera réservé six millions de biens nationaux dans les quatre départements réunis du Rhin, et dix millions dans les six départements de la 27e division militaire, pour être donnés en récompense aux officiers et soldats qui ont été blessés dans la guerre.
ART. 2 – Le ministre des finances fera dresser les états de ces biens par départements. Il fera choisir par les administrateurs généraux cinq emplacements dans la 26e division militaire, et cinq dans la 27e propres à établir des camps de vétérans, composés chacun au moins de 300 individus , avec des terres pour leur dotation.
ART. 3. – Le ministre des finances est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 20 août 1802

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur demande qu’un sénatus-consulte autorise le Gouvernement à concéder le titre de citoyen français, comme récompense nationale ou motif d’encouragement, aux étrangers qui s’établiraient en France et qui, par leurs services, lui paraîtraient mériter cette faveur. Renvoyé à la section de législation, pour avoir l’opinion du Conseil d’État sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas de  proposer un sénatus-consulte ayant pour but d’accorder aux habitants des villes d’Anvers et de Mayence, pendant cinq ans, le privilège de devenir citoyens français après un an de domicile et sur une simple autorisation du Gouvernement.

 

Paris, 2l août 1802

Au citoyen Abrial, ministre de la justice

J’ai l’honneur de vous adresser Citoyen Ministre, une expédition d’arrêté portant que le bref du Pape qui rend à la vie séculière laïque le citoyen Charles-Maurice Talleyrand aura son plein et entier effet. Je vous invite à vouloir bien le faire insérer auBulletin des lois, quoiqu’il ne porte pas cette disposition.

 

Paris, 23 août 1802

DÉCISION

L’évêque de Meaux demande l’agrément du Premier Consul pour passer quelque temps à Paris, afin de soigner un mal d’yeux. Je verrai avec plaisir qu’il reste à Paris, où il ne s’occupera pas moins des affaires de son diocèse.

DÉCISION

Cazeneuve, archevêque de Saint-Domingue, demande au Premier Consul le jour où il pourra lui prêter serment et fidélité. Renvoyé au citoyen Portalis,  pour lui demander pourquoi il prend le titre d’archevêque, et, s’il l’est, qui l’a nommé.

 

Paris, 23 août 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

On me porte des plaintes, Citoyen Ministre, contre les officiers municipaux de Château-Renard, Eyragues et Fontvieille, sous-préfecture de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône. Je vous prie décrire au préfet, pour qu’il pourvoie à composer les autorités de ces communes d’hommes attachés au Gouvernement et qui ne soient animés par aucun esprit de parti.

 

La Malmaison, 24 août 1802

ORDRE

Le président de la République italienne ordonne de demander au ministre de la guerre qu’il envoie au président, tous les mois, un petit livre de toutes les troupes de la République italienne, avec des notes qui lui fassent connaître leur force, leur situation et les noms des chefs qui les commandent, ainsi que les noms des généraux et leurs états de service.

 

Paris, 24 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Dans l’état que vous m’avez remis, Citoyen Ministre, de l’emplacement des troupes au 1er fructidor, je vois portés comme commandants d’armes et adjudants des officiers morts depuis plusieurs mois.

 

Paris, 24 août 1802

Au général Berthier

Il paraît nécessaire, Citoyen Ministre, de former de l’artillerie de la République italienne, de celle de la 27e division militaire (Trivulzi)et de celle de la République de Gênes, une seule inspection d’artillerie, et de charger le général Lacombe Saint-Michel de s’occuper uniquement de faire approvisionner et mettre en bon état l’immense matériel d’artillerie que nous avons dans cette partie.

Il faudrait le charger de former un plan, qui me serait soumis, sur le placement de l’artillerie que nous avons en Italie, soit artillerie de campagne, soit artillerie de siège, soit artillerie de place, soit approvisionnement d’artillerie de l’intérieur.

Je vous prie de me faire connaître si l’administration des poudres de la République a étendu sa direction sur les moulins  à poudre de la 27e division militaire. Si elle ne l’a pas fait, il est instant qu’elle prenne des mesures pour les diriger et les mettre dans la plus grande activité.

Enfin, il est également essentiel que l’inspecteur Lacombe Saint-Michel présente un projet pour la refonte des pièces qui se trouvent dans les places d’Italie, en mettant tous les canons aux calibres de 6, 12 et 24 et tous les mortiers à 8 et 12 pouces. Je désire que, dans la dernière décade de fructidor, vous me présentiez un travail sur ces différents objets.

 

Paris, 24 août 1802

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre aux trois bataillons de la 54e, aux deux bataillons de la 17e de ligne, à deux compagnies d’artillerie à pied du 7e régiment, qui se trouvent en Hollande, à deux escouades d’ouvriers d’artillerie, à une compagnie du bataillon du train d’artillerie, à un escadron de 150 dragons, de se tenir prêts à partir sous les ordres du capitaine général Victor. Ces troupes s’embarqueront à Dunkerque. Vous ne les ferez sortir de Hollande que lorsque tout sera prêt à Dunkerque, et qu’elles n’auront plus qu’à s’embarquer. Donnez des ordres en conséquence au général de division Rivaud, aux généraux de brigade Gareau, Gratien et Boivin, à l’adjudant commandant César Berthier, à des officiers d’artillerie et du génie, et à des administrateurs, ce qu’il en sera jugé nécessaire à un corps de troupes de la force ci-dessus.

Vous réunirez huit pièces de 4 avec un double approvisionnement, quatre de 8, quatre de 12, huit obusiers de 6 pouces, avec 2,500 fusils français et 500 étrangers, 600,000 cartouches et des outils de pionniers, à Dunkerque, où ils seront à la disposition du ministre de la marine, pour l’expédition aux ordres du général Victor.

Je suppose que le général divisionnaire Rivaud désire faire partie de cette expédition. Le général Victor m’avait demandé le général Colli; faites-lui connaître que j’ai des vues sur ce général, et que j’ai besoin qu’il continue à rester en Europe.

 

Paris, 24 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Le ministre de la guerre a ordre de tenir à votre disposition, à Dunkerque, cinq bataillons d’infanterie composés des 54e et 17e de ligne, deux compagnies d’artillerie, seize pièces de canon, 3,000 fusils, un général de division, trois généraux de brigade, pour être employés à l’expédition de la Louisiane. Je désirerais que cette expédition pût partir dans la première décade de vendémiaire, immédiatement après les vents de l’équinoxe, afin qu’elle pût encore profiter des bonnes mers.

 

Paris, 25 août 1802

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Je vous ai parlé, dans le travail d’hier, Citoyen Ministre, du désir que j’avais de connaître toutes les menées qui avaient eu lieu pour tirer de l’argent des princes allemands. Des escrocs, dont cette grande ville abonde, compromettent l’honneur du Gouvernement et dupent d’infortunés étrangers.

Voici les renseignements que j’ai : il doit y avoir à Paris un nommé Aach et un monsieur Lubau, qui sont chargés des affaires de la duchesse de Brunswick, lesquels ont donné de l’argent pour être compris dans les indemnités. Mettez tout en oeuvre pour connaître ces étrangers et tirer deux, sans bruit et sans aucune intervention directe tous les renseignements qu’il m’importe d’avoir.

 

Paris, 27 août 1802

Au citoyen Talleyrand, Ministre des relations extérieures

Un grand nombre d’individus, Citoyen Ministre, reçoivent des journaux anglais venant de vos bureaux. Je vous prie de veiller à ce que personne n’en reçoive sous votre couvert.

Lettres à Talleyrand

 

Paris, 27 août 1802

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Afin de favoriser l’usage de la langue française dans les départements compris dans l’ancienne basse Bretagne, il sera reçu au Prytanée quarante élèves choisis dans les départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord.
ART. 2. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 27 août 1802

DÉCISION

Rapport du ministre de l’intérieur tendant à appliquer à la 27e division militaire les lois françaises relatives aux dîmes et redevances féodales Renvoyé à la section de législation, pour présenter un projet d’arrêté portant publication, dans le Piémont, des lois relatives à la suppression des dîmes et des redevances féodales, en indiquant parmi ces lois celles qui sont le plus d’accord avec les principes de la propriété.

 

Paris, 28 août 1802

A S.S. le Pape

Très-saint Père, j’ai lu avec la plus grande attention la lettre que Votre Sainteté a bien voulu m’écrire, en date du 18 août. Je ne puis qu’approuver et témoigner à Votre Sainteté ma satisfaction de l’intention où elle est de nommer un de ses sujets pour grand maître de Malte.

Je vois avec quelque peine que Votre Sainteté ne croit pas devoir établir un concordat avec la République italienne. Si son intention est immuable sur cet objet, je la prie alors de donner des pouvoirs au cardinal-légat pour que nous puissions régler, par différents brefs, tout ce qui est relatif à la religion dans la République italienne, pour que le mal n’empire pas et que tout puisse aller selon les désirs et à la satisfaction de Votre Sainteté.

Les cardinaux que je proposerai à Votre Sainteté sont les archevêques de Paris et de Lyon, les évêques de Troyes et d’Autun. Votre Sainteté connaît l’archevêque de Paris; il est plein de vertus, et, quoique âgé de quatre-vingt-treize ans, il conserve encore de la mémoire et de la force.

L’archevêque de Lyon, jeune et moins méritant, est un ecclésiastique distingué par la sévérité de sa morale et l’attachement particulier que je lui porte, étant mon proche parent.

L’évêque d’Autun est un vieillard respectable, de quatre-vingt-quatre ans; il a beaucoup souffert dans la révolution, ayant été longtemps traîné dans les prisons. Ses vertus l’ont rendu supérieur à toutes les vicissitudes.

L’évêque de Troyes est celui qui s’est prononcé, avec le plus de force pour porter les évêques, à Londres, à adhérer aux ordres de votre Sainteté. Il est aussi très-âgé. Il a parfaitement réussi dans son diocèse. C’est un des hommes les plus distingués par son érudition et son savoir que l’Église gallicane ait eus.

Votre Sainteté voit que je ne lui présente point l’évêque d’Orléans, je dois lui dire ingénument que je désirerais qu’elle lui fit connaître qu’elle le nommera à la première occasion; mais je ne crois pas utile au bien de la religion, dans ce moment-ci, de nommer cardinal un homme qui nous a rendu de très-grands services, mais qui, dans des temps malheureux, a trop marqué par la part active qu’il a prise à la guerre civile; il résulterait, pour la politique de l’État, dans le moment actuel, plus d’inconvénients que d’avantages de cette nomination. Mais, comme je lui ai en quelque sorte promis de faire, un jour, Votre Sainteté, la demande de cette place pour lui, elle pourra le nommer à la première vacance, qui ne doit pas tarder puisque, sur quatre que je présente à Votre Sainteté, trois ont plus de quatre-vingts ans.

Il m’est revenu indirectement que Votre Sainteté éprouvait beaucoup de peine pour les affaires de Russie. Je crois qu’elle doit, avec cette puissance, gagner le plus de temps possible. L’empereur n’attache, en réalité, aucune importance aux demandes qui ont été faites par son cabinet, et, si Votre Sainteté se trouve obligée répondre, il vaut mieux qu’elle le fasse directement, par un bref adressé à l’empereur, que par une note de cabinet à cabinet. L’empereur Alexandre est juste, bon et pacifique, et son cabinet est immoral, divisé et arrogant. Ce que je dis ici, Votre Sainteté sent bien que c’est pour elle seule.

Je dois faire part à Votre Sainteté que je viens d’obtenir du dey d’Alger la liberté d’un grand nombre de chrétiens, dont plusieurs sont sujets de Votre Sainteté; cela est venu à la suite d’arrangements faits avec ce dey pour réparer l’insulte qu’il avait faite au pavillon français.

J’ai fait remettre sous la protection de la France le Saint-Sépulcre tous les chrétiens de Syrie, ainsi que toutes les églises qui existaient à Constantinople. J’ai reçu plusieurs demandes des évêques d’Arménie et des chrétiens persécutés en Valachie; j’en ai écrit au sultan Selim avec qui je suis en correspondance directe, et qui me paraît animé du désir de faire ce qui est juste.

Je désirerais de donner une nouvelle activité aux missions de la Chine, et je ne cacherai pas à Votre Sainteté  qu’indépendamment du bien général de la religion, j’y suis porté par le désir d’ôter aux Anglais la direction de ces missions, qu’ils commencent à s’attribuer.

L’électeur de Bavière me prie de l’aider dans ses affaires ecclésiastiques. Je prie Votre Sainteté de me dire ce qu’elle veut accorder et ce qu’elle veut faire pour ce prince. Elle peut être assurée que je n’en ferai qu’un usage utile à l’Église et à la paix.

Je suis, avec un respect filial, de Votre Sainteté le très-dévoué fils.

 

Paris, 28 août 1802

A l’archevêque de Paris

Je me fais faire un rapport sur les différentes demandes relatives aux sœurs de la Charité. Mon intention est de redonner à ces bonnes filles toutes les prérogatives quelles avaient, afin de les mettre à même de continuer à faire le bien qu’elles ont fait, témoignage que je me plais à leur rendre.

J’ai lu avec la plus grande attention la note que vous m’avez envoyée relative à la mission de la Chine; j’en sens l’importance. Je désire que vous me fassiez un rapport plus détaillé, qui me fasse connaître où en sont nos missionnaires, et ce qu’il y aurait à faire pour rendre leur zèle utile à la religion et à l’État. Vous pouvez assurer tous ceux qui s’adresseront à vous que mon intention est d’agir aux Indes et à la Chine comme je viens de le faire dans la Syrie et dans le Levant, où j’ai remis sous notre protection spéciale le Saint-Sépulcre et tous les chrétiens de l’Orient.

Je désire, Monsieur l’Archevêque, que vous continuiez à vous bien porter, car vos vertus et votre attachement à ma personne me sont nécessaires.

 

Paris, 28 août 1802

Au citoyen Melzi

Au citoyen Melzi, Vice-président de la République italienne

Citoyen Melzi, Vice-président de la République italienne, je vous prie de faire connaître à la Consulte d’État, au Corps législatif et à la nation, que je viens d’obtenir du dey d’Alger que le pavillon de la République italienne serait respecté par ses corsaires à l’égal du pavillon français., Les bâtiments de la République peuvent donc hardiment faire le commerce dans toute la Méditerranée, ils n’ont rien à craindre; il suffira qu’ils soient munis de passe-ports qui constatent qu’ils appartiennent à la République italienne, conformes au modèle que le ministre des relations extérieures vous enverra. Cet avantage, que le commerce de la République italienne va avoir sur les autres puissances d’Italie, portera, je l’espère, les spéculateurs du côté des ports de l’Adriatique et surtout des bouches du Pô. Je désire aussi que vous me fassiez connaître les mesures possibles pour accroître la navigation du commerce des petits ports de Massa-Carrara. A cet effet, il serait convenable de réparer les routes de l’Apennin. Vous sentez que, par ce privilège que se trouvera avoir le pavillon de République italienne sur Livourne, Naples et Gênes, notre commerce peut considérablement s’accroître. Je fais les mêmes demandes au bey de Tripoli; il n’y a aucune difficulté à craindre de sa part.

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Je joins ici le paragraphe de la lettre que j’ai reçue du dey d’Alger relativement à la demande directe que je lui avais faite :

 » 7° Vous demandez que je sois ami de la République italienne : je respecterai son pavillon selon vos désirs, comme je ferai toujours du pavillon français. Si toute autre puissance m’eût fait une pareille demande, je ne l’aurais pas acceptée pour un million de piastres. »

 

Paris, 29 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que le citoyen Sebastiani, accompagné du secrétaire interprète Jaubert et du capitaine Berge, aide de camp du général Songis, s’embarque sur une frégate à Toulon, pour se rendre à Tripoli, chargé auprès du Bey d’une mission tendant à reconnaître le pavillon de la République italienne. Il se rendra de là à Alexandrie, pour reconnaître l’état des affaires en Égypte; de Jaffa, pour y reconnaître l’état des affaires dans la Palestine; de Saint-Jean d’Acre, à Smyrne, à Zante, Céphalonie, Corfou, et de là en France.

Vous lui donnerez une lettre de vous au bey de Tripoli, pour l’engager à reconnaître la République italienne; une lettre de vous au pacha du Caire, pour lui faire connaître que le commissaire général des relations extérieures va se rendre à Alexandrie et au Caire. Il est nécessaire d’envoyer auparavant un officier, pour savoir si les Anglais ont évacué l’Égypte, conformément au traité; si tout est tranquille et s’il n’y a aucun inconvénient à ce que le commissaire général parte. Il serait bon qu’il fût porteur d’une lettre de l’ambassadeur ottoman au pacha du Caire, qui fît connaître que le principal but de son voyage est d’observer si les Anglais ont évacué Alexandrie.

Vous donnerez au citoyen Sebastiani une instruction pour s’assurer, à Jaffa et à Saint-Jean d’Acre, si les chrétiens de la Syrie, qui sont sous notre protection, n’éprouvent aucune vexation ; et si le couvent de Nazareth jouit de tous les privilèges que lui a toujours procurés la protection de la France. Il serait bon que tous les commissaires des relations extérieures qui doivent se rendre dans le Levant profitassent de cette occasion pour s’embarquer sur cette frégate. Les vents sont sur le point de changer, et il n’y a pas de temps à perdre; il est donc nécessaire que la frégate mette à la voile avant le 1er septembre.

La frégate sera accompagnée d’un aviso qui sera expédié d’Alexandrie avec toutes les nouvelles relatives à la position des Anglais et qui peuvent nous intéresser sur l’état de l’Égypte.

 

Paris, 29 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre qu’une bonne frégate, avec un aviso, soit prête à mettre à la voile, de Toulon, avant le 12 septembre. Un officier porteur de dépêches du Gouvernement et les différents commissaires des relations extérieures qui doivent se rendre dans le Levant s’embarqueront sur cette frégate.

Elle se rendra d’abord à Tripoli, où l’officier a une mission qui pourra le retenir trois jours; de là il se rendra à Alexandrie, où il a une mission qui pourra le retenir dix à douze jours; de là à Jaffa, où il pourra rester deux jours; de là à Saint-Jean d’Acre et à Smyrne, où il pourra rester trois jours dans chaque endroit; enfin de là à Zante, Céphalonie et Corfou, où sa mission exigera un séjour d’une quinzaine de jours.

Donnez des ordres pour que la division du contre-amiral Leissègues (Corentin de Leissègues, 1758-1832) soit sur-le-champ ravitaillée à Toulon, et qu’elle puisse partir immédiatement après l’équinoxe pour Constantinople.

L’aviso qui accompagnera la frégate partira d’Alexandrie pour apporter directement des nouvelles d’Égypte.

 

Paris, 29 août 1802

A l’empereur de Russie

Le colonel Caulaincourt m’a appris les bontés que Votre Majesté a bien voulu avoir pour lui.

A l’heure qu’il est, la note relative aux affaires d’Allemagne doit être présentée à Ratisbonne par le ministre de Votre Majesté et par celui de France. Sur ces entrefaites, l’électeur de Mayence étant venu à mourir, il ne reste plus qu’un seul électeur ecclésiastique à placer. J’ai retiré toutes les troupes de l’Helvétie, des états du Pape et du royaume de Naples. Sous peu je compte retirer celles qui se trouvent dans la Toscane, la Ligurie et la Batavie. Je prierai à cette occasion, Votre Majesté de vouloir permettre que le roi d’Étrurie lui écrive, ce prince attachant un grand prix à être définitivement reconnu par Votre Majesté.

La République ligurienne se trouvant organisée, si Votre Majesté voulait faire connaître qu’elle est satisfaite du système qui a été établi, elle ferait un grand plaisir à ces peuples.

La très-petite République de Lucques serait également flattée que Votre Majesté voulût manifester qu’elle agrée et reconnaît son existence. Le dey d’Alger, après avoir exigé de l’Espagne une forte somme d’argent pour la continuation de la paix, a été assez osé pour me faire dire que, si dans quarante jours je ne lui envoyais pas deux millions, il déclarerait la guerre à la France. Cette conduite est d’autant plus inouïe que ces pirates, sentant combien la France est proche d’eux, l’avaient toujours ménagée davantage. J’ai envoyé trois vaisseaux de guerre à Alger, et j’espère que le Dey accédera à toutes les réparations que j’ai le droit de demander.

L’existence de ces pirates est une honte pour toutes les grande puissances de l’Europe, et il serait à désirer que l’on pût s’entendre pour les faire vivre en honnêtes gens; car, puisque la croix ne fait plus la guerre au croissant, pourquoi souffrir que la réciprocité n’ait pas lieu ? Les côtes de Barbarie sont fertiles; leurs habitants pourraient vivre tranquilles et cultiver leurs terres sans commettre de pirateries.

Je prie Votre Majesté de croire à l’estime toute particulière que j’ai pour elle.

 

Paris, 29 août 1802

Au roi de Naples

J’ai reçu la lettre de Votre Majesté, du 31 mai. J’ai appris avec grand plaisir son arrivée à Naples. Je la remercie des choses aimables contenues dans sa lettre.

L’ambassadeur de Votre Majesté m’ayant fait connaître qu’un bâtiment napolitain avait été pris sous le canon d’Hyères par des corsaires Algériens, j’ai exigé du dey d’Alger qu’il restituât le bâtiment et mît l’équipage en liberté; et, à l’heure qu’il est, vingt-huit Napolitains, qui se trouvaient au bagne, doivent être rendus chez eux.

Votre Majesté peut être persuadée que, toutes les fois que ces pirates feront quelque insulte aux bâtiments napolitains sur les côtes de France, je ferai rendre justice.

Je prie Votre Majesté de recevoir mon compliment sur son alliance avec la maison d’Espagne, et de croire au désir que j’ai de lui être utile.

 

Paris, 29 août 1802

Au roi de Toscane

J’ai reçu les lettres de Votre Majesté, des 30 juillet et 16 août, par lesquelles elle m’apprend qu’elle va partir pour Barcelone. Je souhaite que la reine supporte bien les fatigues de la mer. J’espère qu’au retour de Votre Majesté nous pourrons faire sortir de Toscane ce qui reste de troupes françaises, Sa Majesté le roi d’Espagne ayant donné des ordres pour l’occupation de la Louisiane.

Votre Majesté sent bien que, par l’arrangement qui a eu lieu entre l’Espagne et la France, le duché de Parme se trouve à ma disposition. Il serait facile de faire avec le roi d’Espagne un traité par lequel les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla seraient réunis au royaume d’Étrurie, moyennant que Sa Majesté le roi d’Espagne réunirait la Floride à la Louisiane.

Au reste, Votre Majesté peut compter, dans tous les cas, sur le désir que j’aurai constamment de lui être utile.

 

Paris, 29 août 1802

A l’Électeur de Bavière

  1. de Cetto vient de me remettre les lettres de Votre Altesse Sérénissime , des 15 et 22 août.

Je l’ai engagé à voir sur-le-champ M. de Lucchesini, afin que, de concert avec le citoyen Talleyrand, il fasse un acte de garantie pour toutes les nouvelles possessions qui sont accordées à Votre Altesse Sérénissime.

J’approuve et je trouve tout à fait convenables les mesures qu’à prises Votre Altesse pour se mettre en possession de ce qui lui est échu.

Je n’oublierai rien de mon côté pour que Passau ne reste pas à l’Autriche, et pour qu’elle fasse partie de la Bavière. Votre Altesse Sérénissime peut compter sur toute l’influence et même, dans l’occasion, sur l’assistance des armées françaises, si, ce qui n’est pas probable, la cour de Vienne violait la paix en attaquant la Bavière.

Je fais faire à Rome les démarches convenables pour aider Votre Altesse Sérénissime, autant qu’il me sera possible, dans ses arrangements intérieurs.

Je m’empresserai de lui faire connaître ce que Sa Sainteté m’aura répondu.

Je prie Votre Altesse Sérénissime de croire au désir que j’aurai toujours de lui être agréable.

 

Paris, 29 août 1802

Au Margrave de Baden

J’ai reçu la lettre de Votre Altesse Sérénissime, du 24 juillet. Elle va se trouver placée au rang qu’exigeaient l’illustration de ses alliance et le véritable intérêt de la France. Je me félicite d’avoir trouvé cet occasion éclatante de témoigner à Votre Altesse Sérénissime l’estime que j’ai pour elle.

L’Autriche, la Russie et la Bavière ayant chacune occupé les possessions qui leur reviennent, il me parait instant que Votre Majesté Sérénissime occupe les pays qui lui sont échus. S’il se présente quelque obstacle, je n’oublierais rien pour le lever promptement. J’apprendrai avec plaisir que Votre Altesse Sérénissime jouit paisiblement de ses nouveaux États.

Je la prie d’être persuadée du plaisir que j’aurai toujours de lui être agréable.

 

Paris, 29 août 1802

Au Président de la République batave

Citoyen Président du gouvernement d’État de la République Batave, J’ai reçu votre lettre du 12 août. Je vous prie de faire agréer au gouvernement d’État mes vifs remerciements des choses aimables qu’elle contient. Je me trouve heureux que les circonstances m’aient permis d’être utile à votre nation. Je saisirai toujours avec empressement ce qui pourra contribuer à sa prospérité et à son bonheur. Croyez à la sincérité de ces sentiments.

 

Paris, 29 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J’ai vu M. de Cetto; je l’ai engagé à voir Lucchesini, et, si ce Ministre y consent, à dresser dans la journée, de concert, un acte de garantie, et convenir des démarches à faire relativement à Passau. Si Lucchesini ne le veut pas faire, il est bon que vous fassiez voir jusqu’à l’évidence que c’est de nous seuls que la Bavière tient son agrandissement, et que ce n’est que près de nous qu’elle peut trouver appui.

 

Paris, 29 août 1802

Au citoyen Talleyrand

Il est convenable, Citoyen Ministre, d’établir à Raguse un sous-commissaire des relations extérieures. Depuis que le pays vénitien et la Dalmatie appartiennent à la Maison d’Autriche, et que nous exerçons en Italie une influence aussi directe, ce point devient d’un nouvel intérêt.

C’est à Raguse qu’il faut adresser les lettres à notre agent à Corfou, et toute notre correspondance pour ce pays.

 

Paris, 29 août 1802

Au général Clarke, ministre plénipotentiaire à Florence

Vous recevrez une lettre en réponse, pour M. de Saint-Marsan , qui est ou doit se rendre à Florence. Vous pouvez, citoyen, Citoyen Général, lui dire confidentiellement que l’Autriche, la Russie et la Prusse ont, par des articles secrets, reconnu la possession da Piémont; qu’il perdra sa fortune, son existence, sans aucun motif; qu’au contraire, le Piémont ayant des places à donner dans toutes les autorités de la République, il peut se trouver en position d’être utile à son pays; qu’il serait bien absurde que, lorsque les émigrés français, même ceux qui ont été le plus attachés aux Bourbons, rentrent pour ne trouver que les débris de leur fortune, il voulût perdre la sienne sans aucune espèce de raison.

 

Paris, 29 août 1802

A M. de Saint-Marsan

Monsieur de Saint-Marsan, j’ai reçu votre lettre du 17 août. Le Piémont ne peut plus appartenir au duc d’Aoste. Au moment où vous recevrez cette lettre, la loi de réunion des six départements du Piémont au territoire de la République aura été rendue.

Vous avez rempli fidèlement vos devoirs envers le roi de Sardaigne, qui vient de se démettre. Vous devez à votre famille, à vos enfants, à votre pays, de suivre son sort et de chercher, dans cette nouvelle circonstance, à lui être utile. Par l’estime particulière que je vous porte depuis longtemps, vous êtes plus propre que personne à lui rendre des services.

Le Piémont est nécessaire à la France, la Maison d’Autriche possédant l’État de Venise; la loi d’incorporation engagerait la nation à soutenir une guerre, s’il le fallait, pour s’en assurer la possession. Mais, bien loin d’en venir là, les puissances ne prennent aucun intérêt à voir rétablir un roi qui, se trouvant placé entre quatre républiques plus puissantes que lui, serait un sujet de troubles pour l’Europe, qui a cependant besoin de repos et de tranquillité.

Rentrez dans votre patrie; croyez quelle ne peut plus trouver de bonheur que française et par l’attachement de ses principaux citoyens à la République.

 

Paris, 29 août 1802

A M. Troendlin, président des États du Frickthal

Monsieur le Président des États du Frickthal, j’ai reçu votre lettre en date du 9 août. J’ai vu avec une vive satisfaction que les peuples du Frickthal sont contents de leur sort et qu’ils seront heureux dans leur nouvelle position. Faites-leur connaître qu’ils ne me seront jamais indifférents, et que la France, en intervenant pour changer leur situation, a par là contracté l’obligation de prendre intérêt à ce qui peut les regarder.

 

Paris, 29 août 1802

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Les députés (Il s’agit des trois députés de l’île d’Elbe) seront présentés au ministre de la guerre, qui leur donnera à dîner et les fera présenter chez tous les ministres par un de ses officiers; ils seront présentés aux généraux de la garde, au Gouverneur du palais, aux préfets du palais, aux inspecteurs des différentes armes; ils me seront présentés le 15. Le ministre de la guerre leur fera donner à chacun 3,000 francs; il leur fera connaître qu’à leur présentation du 15 ils pourront faire un petit discours, dans lequel ils parleront du plaisir qu’ont les habitants de l’île d’Elbe d’être réunis à la France et de faire partie de cette grande nation.

 

Paris, 30 août 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

Vous trouverez ci-joint un mémoire sur Pontivy; je désire :

1° Que vous me présentiez un projet d’arrêté pour établir à Pontivy une école secondaire, et céder, à titre  d’encouragement, le local demandé dans le mémoire;
2° Que vous me fassiez connaître ce qu’il y aurait à faire pour encourager les différentes branches d’industrie qui commencent à fructifier; je désire employer pour ce seul objet, dans le courant de l’an XI, 50,000 francs;
3° Que vous me présentiez un projet pour construire à Pontivy deux maisons : une pour y placer le tribunal civil et criminel, le juge de paix et les prisons; l’autre pour y placer la sous-préfecture et les archives;
4° Que vous me présentiez un arrêté et un projet pour achever, dans le courant de l’an XI, la navigation du Blavet;
5° Que vous me proposiez les mesures les plus propres à former, dans cette petite ville, un foyer d’instruction, et à accroître la population.

Comme le ministre de la guerre a ordre de construire à Pontivy des casernes pour 3,000 hommes, et une maison pour un général commandant, il est convenable que vous chargiez un ingénieur de coordonner tous ces différents travaux.

 

Paris, 30 août 1802

DÉCISION

Vestris demande la permission de s’absenter six mois par an et de passer ce temps en Angleterre, où on lui offre 1,300 guinées par saison. Ses dettes,
qu’il porte à 40,000 francs, rendent ce voyage indispensable.
Renvoyé au ministre de l’intérieur. Il ne paraît pas convenable  que Vestris s’en aille. Je désire  que, lorsqu’il ne jouera plus, il lui soit accordé une pension convenable. Le ministre de l’intérieur fera un rapport sur la demande du citoyen Vestris, pour ses dettes.

 

Paris, 30 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Le citoyen Schimmelpenninck, Citoyen Ministre, m’a présenté, à la dernière parade, deux Français, et entre autres un colonel Prade, qui est un très-mauvais sujet. Je vous prie de lui en faire connaître mon mécontentement. Des étrangers ne doivent pas me présenter des Français, quand même ils les auraient à leur service, à moins d’une explication particulière.

 

Paris, 30 août 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Vous écrirez, Citoyen Ministre, au général Turreau, que j’ai appris avec peine qu’il y a dans le Valais des assemblées où l’on s’agite pour demander la réunion à la République française. Le général Turreau doit faire connaître aux Valaisans que toute réunion à la France est impossible, et qu’ils doivent joindre leurs efforts pour s’organiser en petite république indépendante.

 

Paris, 30 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Le règlement du général Leclerc, du 6 messidor an X, pour l’administration des domaines et revenus nationaux, a répandu l’inquiétude parmi les propriétaires. Je désire que vous me présentiez un projet d’arrêté portant que tous ceux qui ont des propriétés à Saint-Domingue qui sont sous le séquestre, s’adresseront au ministre de la marine pour en demander la levée. Si ces propriétaires sont nés à Saint-Domingue, ou y avaient leur domicile avant la révolution, ils seront tenus d’y retourner dans le plus court délai, afin de contribuer au rétablissement de l’ordre et à l’organisation des noirs. Ceux qui n’étaient point dans l’habitude de demeurer à Saint-Domingue seront obligés d’envoyer un gérant blanc de France; ce gérant devra savoir lire et écrire et avoir les qualités nécessaires pour conduire une habitation.

 

Paris, 31 août 1802

Au consul Lebrun

Je vous envoie, Citoyen Consul, des idées pour un projet de sénatus-consulte relatif à la réunion du Piémont. Je vous prie de le rédiger pour le conseil privé du 15.

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PROJET DE SENATUS-CONSULTE

1° Les départements du Pô, de la Doire, de la Stura, de la Sesia, de Marengo et du Tanaro sont réunis au territoire de la République française.
2° Ils sont classés dans les cinq séries, conformément au tableau ci-joint.
3° Ils auront au Corps législatif vingt députés répartis conformément au tableau ci-joint.
4° Ces départements nommeront, pour la première fois, dans le courant de l’an XI, leurs députés, qui seront renouvelés dans les années où s’opère le renouvellement dans la série où ils seront placés.
5°Les ministres, etc.

 

Paris, 31 août 1802

Au citoyen Lacépède, vice-président du Sénat

Vous trouverez ci-joint, Citoyen Sénateur, le pouvoir en vertu duquel vous présiderez le Sénat pendant toutes les séances nécessaires pour opérer le classement des membres du Corps législatif entre les différentes séries et pour la désignation des membres du Tribunat qui doivent sortir. Vous désignerez le jour et l’heure où le Sénat se réunira pour ce travail.

Il suffira que vous me fassiez connaître par un billet, à la fin de chaque séance, le jour où le Sénat se réunira. Ces séances doivent être uniquement destinées aux opérations qui font l’objet de la convocation.

Plusieurs membres du Sénat ayant témoigné le désir de changer leur costume, le Sénat peut nommer une commission qui lui fera un rapport à l’effet d’en déterminer un différent.

 

Paris, 31 août 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

  1. de Cobenzl m’a remis, Citoyen Ministre, la lettre de l’Empereur; il m’a exposé fort au long la situation de la Maison d’Autriche et ses désirs. Par la lettre de l’empereur de Russie, ce prince m’a paru désirer une augmentation pour le grand-duc de Toscane. Le roi de Prusse est porté aussi d’inclination à accorder quelque chose à la Maison d’Autriche.

Nous n’avons pas de fortes raisons, puisque la Maison d’Autriche s’en est remise à nous, d’être de notre côté plus inflexibles que les autres.

Je pense donc que vous devez négocier et signer un arrangement avec M. de Cobenzl, stipulant les articles suivants :

Que S. M. l’Empereur demandera à la Diète, pour rendre complète l’indemnité du grand-duc de Toscane, une augmentation de quelques abbayes dont vous conviendrez avec M. de Cobenzl; il faut que ces abbayes soient prises hors du cercle de Souabe, ne se tiennent pas entre elles et soient éloignées au moins de vingt lieues des frontières de la Bohême; la population de ces abbayes ne devrait pas passer de quarante à soixante mille âmes; que nous l’appuierons;,

Que, de son côté, l’Autriche s’engagerait :

A envoyer sa ratification dans l’espace de deux mois,
A remettre Passau au duc de Bavière.

Enfin, vous inséreriez dans cette convention qu’il n’y aurait que trois électeurs protestants; le but serait d’exclure, mais sans en parler, Mecklenburg.

Si le prince de Modène refusait absolument de faire la renonciation à son duché, l’Empereur s’engagerait, par un article secret, à ne jamais réclamer, comme chef de la Maison d’Autriche, le duché de Modène; alors le Brisgau serait mis en dépôt entre les mains du grand-duc de Toscane, qui en jouirait en toute souveraineté, jusqu’au moment où le duc de Modène jugerait à propos de faire sa renonciation.

Il faut faire comprendre à M. de Cobenzl que nous ne voulons rien céder, soit sur l’Inn ou ailleurs, qui puisse diminuer la puissance réelle de la Bavière.

Enfin il me semble que cette augmentation pour la Maison d’Autriche pourrait être prise, moitié dans ce qui est cédé au duc de Bavière, en Franconie, et l’autre moitié sur quelques autres petits princes.

Il faudrait que cet arrangement se trouvât conclu dans la journée de demain, parce que cela nous éviterait de conclure celui avec le roi de Prusse, relatif à Passau et à la Bavière. Il n’y aurait même pas d’inconvénient à laisser entrevoir à M. de Cobenzl la nécessité de terminer dans la journée de demain, parce que l’occupation de Passau nécessiterait quelques arrangements qui alors deviendraient inutiles.

Il faudrait y ajouter que S. M. I’Empereur reconnaît les différents arrangements qui ont eu lieu en Italie depuis la paix de Lunéville, et s’engage à ne présenter jamais, ni directement ni indirectement des réclamations relatives aux dits arrangements.

 

Paris, 31 août 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Les deux bâtiments que vous enverrez au Pape, Citoyen Ministre, sont le Colibri et le Speedy. Vous les ferez baptiser, l’un du nom de Saint-Pierreet l’autre du nom de Saint-Paul. Vous ferez écrire, en lettres d’or, sur la poupe de chacun : Donné par le Premier Consul Bonaparte au Pape Pie VII. Vous donnerez ordre qu’ils se rendent sans délai à Cività-Vecchia, où ils seront remis aux équipages du Pape. Ils seront armés, approvisionnés avec toutes leurs rechanges, et peints à neuf, de manière qu’il n’y ait rien à y faire. Faites faire quelques peintures dans les chambres. Ordonnez à un troisième brick de se rendre à Cività-Vecchia, pour reprendre nos équipages, sans qu’il en coûte rien au Pape.

Vous écrirez au secrétaire d’État, à Rome, une lettre dans laquelle vous lui ferez connaître le jour du départ de ces bâtiments, leurs noms et leur qualité. Vous enverrez un officier de la marine, qui ait de l’usage, pour en faire la consignation et rapporter l’inventaire, signé, de tout ce qui en formera l’armement et l’équipement.