Trafalgar – Les grandes manœuvres

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“Gicquel des Touches, op. cit.). Le destin malheureusement, va commencer de marquer de son empreinte les destinées de notre marine. Le 18 août 1804, La Touche Tréville meurt de maladie et d’épuisement”

Chassé croisé sur les océans et combinaisons maritimes

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Dès le mois de juillet 1804, Napoléon est bien décidé à faire prendre la mer à ses escadres ancrées de Brest à Toulon, en passant par Rochefort, le Ferrol et Cadix. Son esprit échafaude constamment des plans, des combinaisons qui, toutes, ne tendent qu’à un seul but : prendre le contrôle de l’entrée de la Manche, pour lui permettre la réalisation de son projet, alors son unique préoccupation : la descente en Angleterre.

Déjà, trois mois auparavant (mai 1804) il avait écrit à l’amiral La Touche-Tréville, alors à Toulon :

Pour arriver au but qui va vous être marqué……

Pour ce faire, La Touche Tréville pourrait disposer de dix vaisseaux, auxquels il ajouterait l’Aigle, à Cadix depuis presque un an, puis les cinq que Villeneuve a sous son commandement à l’île d’Aix. Ce serait donc 16 vaisseaux de ligne qu’il pourrait aligner devant Cherbourg. Ce premier plan ne prévoit ni la coopération des bâtiments alors présents au Ferrol (5), ni ceux (22 selon l’Empereur) qui sont à Brest, parce que leur déblocage apparaît comme trop difficile.

C’est à cette époque que Napoléon lance à Le Touche Tréville le célèbre :

Que nous soyons maître du détroit six heures et nous serons maîtres du monde ! ((Bientôt il comprendra qu’il lui faudrait plus de ces six heures et son discours se modifiera, et il ne parlera plus qu’en jours….))

A Brest, il s’était purement et simplement débarrassé de l’amiral Truguet, qui n’avait pas manifesté, loin s’en fallait, un enthousiasme immodéré vis-à-vis du nouvel empereur, le remplaçant par Ganteaume, bien plus empressé. Il lui avait donné pour instruction d’aller harceler l’ennemi et de faire appareiller ses vaisseaux aussi souvent que possible. Ganteaume en avait pris acte et, le 25 juillet, il fait mettre à la voile une division…. Qui rentre cependant précipitamment au port, à la vue, à l’entrée du raz de Sein, d’une escadre bien plus nombreuse.

Au sud, en Méditerranée, l’escadre de La Touche Tréville est plus libre de ses mouvements et se permet, presque journellement, d’engager des escarmouches avec les bâtiments anglais. Certes, sans grandes conséquences, mais cela permet aux équipages et à leurs officiers de se former convenablement aux manœuvres en mer, « à être des adversaires de Nelson dignes de lui » ((Gicquel des Touches, op. cit.).

Le destin malheureusement, va commencer de marquer de son empreinte les destinées de notre marine. Le 18 août 1804, La Touche Tréville meurt de maladie et d’épuisement ((Il avait dû quitter Saint Domingue l’année précédente.)). Pour le remplacer, Napoléon, ayant le choix entre Bruix (trop utile à Boulogne), Rosily (âgé de 56 ans et qui depuis bientôt dix ans n’a pas navigué) et Villeneuve (par ailleurs ami de Decrès), porte son choix sur ce dernier, qui laisse donc son commandement de Rochefort à Missiéssy.

Ces modifications interviennent en septembre 1804. A ce moment, l’empereur échafaude projet sur projet : débarquement en Irlande, par l’escadre de Brest, opérations en Guyane, par celle de Toulon, aux Antilles anglaises, par celle de Rochefort, ce qui serait suivi du déblocage de nos vaisseaux du Ferrol et, toujours, la protection du passage de nos soldats en Angleterre.

Le 5 octobre 1804, nouveau signal du destin : des navires anglais capturent ou détruisent quatre frégates espagnoles, au large de Cadix. Aussitôt, l’Espagne déclare la guerre à l’Angleterre, se rangeant au coté de la France, avec, en théorie du moins, une bonne trentaine de vaisseaux prêts à se joindre aux escadres françaises.

Napoléon tient alors à ce que ses escadres soient parées à prendre la mer en permanence ((C’est pourquoi il n’y aura aucun officier des escadres de Toulon et de Rochefort à la cérémonie du couronnement, le 2 décembre.)) Ses projets sont de nouveau modifiés. Oubliées l’Irlande et Sainte-Hélène. Désormais, il s’agit de s’emparer de la Guyane hollandaise, ce qui doit être la tâche des six milles hommes commandés par Lauriston ((Lauriston)), transportés là-bas par l’escadre de Villeneuve, tandis que Lagrange ((Lagrange)) commandera trois mille hommes destinés à prendre possession des îles Dominique et Sainte-Lucie, transportés, eux, par l’escadre de Rochefort, sous le pavillon du contre-amiral Missiessy.

(Instructions à Villeneuve)

La chance semble jouer en faveur de Villeneuve. Le 18 janvier 1805, les vents lui sont favorables et Nelson se trouve au nord de la Sardaigne, à La Magdalena. Il sort de Toulon, lorsque son adversaire traverse les bouches de Bonifacio. Mais celui-ci, n’apercevant rien, pense que Villeneuve se dirige vers l’Egypte ((Ce sera d’ailleurs une idée récurrente chez Nelson.)), et vire de bord. Las ! Les vents deviennent rapidement trop violents, surtout pour des équipages loin d’être parfaitement entraînés. Il y a de la casse, les bâtiments s’éparpillent et Villeneuve est finalement contraint de ramener son escadre au port, le 21 janvier. Complètement découragé, l’amiral demande à être relevé de son commandement. Cette demande ne sera pas mise sous les yeux de l’Empereur ((L’eut-elle été, Napoléon aurait-il accédé à cette demande ? Autre signe du destin….)).

Villeneuve ne peut donc se joindre à Missiéssy qui, lui, a bien appareillé le 11 janvier en direction des Caraïbes. La croisière est rude, difficile, l’escadre souffre de gros dégâts, mais Missiéssy ne renonce pas et jette finalement l#ancre à Fort de France, le 20 février 1805, y retrouvant l’escadre de Villaret-Joyeuse. Jusqu’au 12 mars, il fait là-bas du bon travail, faisant capituler trois îles anglaises (Saint-Christophe, Nevis, Montserrat), capturant ou détruisant une trentaine de navires de commerce battant pavillon anglais.

Revenu à Fort de France, Missiéssy y trouve des instructions, parties le 1er février de France (sur le brick Palinure) : il y apprend que, Villeneuve n’ayant pu quitter Toulon, il n’a plus qu’à rentrer à Rochefort. Négligeant, car il comprend que l’Empereur lui signifie un retour immédiat, de prêter main forte à Villaret-Joyeuse pour la prise du rocher du Diamant, devant la Martinique ((Le Diamant est alors aux mains des Anglais, qui l’ont fortifié.)), Missiéssy fait voile pour la France, arrivant à l’île d’Aix, le 20 mai 1805. Ce faisant, il ne peut donc prendre connaissance de nouvelles instructions, datées du 2 mars 1805, qui lui prescrivaient de rester aux Antilles jusqu’à la fin de juin, pour y attendre de nouvelles forces. Encore un signal du destin….

Car Napoléon a de nouveau échafaudé une nouvelle combinaison. Apprenant l’arrivée de Missiéssy, il s’emporte, fulmine, exige que son escadre reparte d’où elle vient. S’en est trop pour la pauvre amiral, qui demande à être relevé de son commandement. Cette fois, Napoléon accepte cette démission. Pour remplacer Missiéssy, le choix s’arrête sur le capitaine de vaisseau Allemand, et celui-ci prend son commandement le 30 juin.

Ce nouveau plan, quel est-il ?

  • Ganteaume doit quitter Brest et débloquer le Ferrol. Rassemblant autour de lui les bâtiments français et espagnols qui s’y trouvent, ainsi qu’à La Corogne, il doit faire voiles sur la Martinique.
  • Villeneuve doit, trompant la surveillance de Nelson, quitter Toulon, prendre les vaisseaux qui sont à Cadix, et rejoindre Ganteaume à la Martinique.

Il y aura donc là-bas – avec ceux de Missiéssy, que Napoléon suppose alors encore à Fort de France, une armada de plus de 40 vaisseaux qui, placés qui, placés sous les ordres de Ganteaume, reviendra au large d’Ouessant, dispersera les navires anglais qu’y s’y trouveront, pour, enfin, protéger le passage en Angleterre.

Ce plan ((Ce plan, et en tous cas l’idée de réunion aux Antilles, fut, semble-t-il, connu assez rapidement en Angleterre. On parla même d’un espion qui aurait renseigné l’ambassade de Russie à Dresde, le jour même où les premiers ordres de Napoléon étaient envoyés !!)), certes, force l’admiration mais pêche à la vérité par un certain nombre de défauts. Il suppose, par exemple, que Ganteaume, comme Villeneuve, s’échappera sans combattre, ce qui lui est impossible ((Ganteaume fera une tentative de sortie le 27 mars. Trouvant 18 vaisseaux anglais qui l’attendent (il en a lui-même 21), il renonce et rentre au port.)). Il ignore les distances et les lenteurs des communications, qui ont fait, on l’a vu, que Missiéssy a quitté la Martinique alors qu’il aurait du (selon le plan) s’y trouver. Enfin, Ganteaume devant être le commandant suprême, Villeneuve n’est pas mis au courant de toutes les opérations prévues, ce qui sera un lourd handicap pour la compréhension globale de ce qu’il aura à faire, lorsqu’il se retrouvera finalement seul.

Notons au passage un point important : l’Amirauté anglaise avait donné l’ordre à ses amiraux bloquant les ports français, au cas où l’une ou l’autre de nos escadres se fut échappé, de rejoindre immédiatement l’escadre croisant au large d’Ouessant, sous le commandement de l’amiral Cornwallis, se retrouvant alors, de facto, en supériorité numérique. Mais cela, Napoléon l’ignorait…..

Quoi qu’il en soit, le 30 mars 1805, Villeneuve sort de Toulon, à la tête de 11 vaisseaux de ligne ((Il y a là quatre vaisseaux de 80 – dont le Bucentaure, tout neuf – et sept vaisseaux de 74.)), 6 frégates et 2 corvettes, et accompagné (ou surveillé ?) du général Lauriston, qui, une nouvelle fois, commande les troupes embarquées..

Nelson, une nouvelle fois, se laisse berné et court chercher Villeneuve au sud de la Sardaigne ((Comme dit plus haut, l’amiral anglais est une nouvelle fois persuadé que Villeneuve est en route pour l’Égypte. Lorsqu’il réagira, quatre semaines se seront écoulées. C’est d’un Anglais séjournant au Portugal qu’il apprendra, le 10 mai, de façon sûre, que la flotte française a fait voiles vers les Caraïbes. La nouvelle avait d’ailleurs été publiée la veille dans le Morning Chronicle, qui précisait que plus personne, désormais, ne pouvait dormir tranquille en Angleterre.)). Ce dernier en profite, poussé par un vent d’est, pour filer vers l’Espagne. Passant le 6 avril par Carthagène, où les vaisseaux espagnols, prétextant l’absence d’ordres précis, refusent de se joindre à lui ((Certains auteurs, cependant, disent qu’au contraire l’amiral espagnol Salcedo aurait demandé 36 heures de délai pour embarquer ses poudres, ce que Villeneuve aurait refusé, sentant Nelson à ses trousses.)), il continue sur Gibraltar (9 avril) puis sur Cadix ((Le port est alors bloqué par 5 vaisseaux anglais, sous les ordres du vice-amiral Orde, qui lève l’ancre à l’arrivée de Villeneuve..)), où 7 vaisseaux, 1 frégate et 2 bricks, commandés par l’amiral espagnol Gravina, se joignent aux bâtiments de Villeneuve. ((Il y avait en fait 16 vaisseaux sous les ordres de Gravina, mais beaucoup en mauvais état, incapables de prendre la mer.))

Villeneuve quitte Cadix le 10 avril, mais la traversée de l’Atlantique est longue et pénible, et il ne jette l’ancre à Fort de France que le 16 mai 1805 ((Missiéssy vient juste de reprendre la route de l’Europe….)), rejoint, le 2 juin, par le contre-amiral Magon qui lui amène, de Rochefort 2 vaisseaux, ainsi qu’une frégate, porteuse de nouvelles instructions, datées du 14 avril ((Napoléon est alors à Lyon, en route pour l’Italie.))

Car, à cette date, Ganteaume, pour diverses raisons, n’est toujours pas sorti de Brest, ce qui compromet de façon presque certaine sa réunion avec Villeneuve aux Antilles. Ordre est donc donné à se dernier de ne pas attendre Ganteaume plus de cinq semaines après l’arrivée de Magon, puis de faire voiles sur l’Europe, où il devra débloquer le port du Ferrol, avant de rejoindre Ganteaume devant Brest, et d’entrer dans la Manche. Faisant bonne mesure, Napoléon investit Villeneuve du commandement de cette armada une fois réunie.

Conformément à ces Instructions, Villeneuve commence par « faire du mal » aux Anglais, leur prenant l’îlot du Diamant, avant de se diriger sur la Barbade, dans le but de s’en emparer également. Mais, en cours de route, il apprend, du commandant d’un bâtiment capturé, que Nelson, parti à ses trousses le 10 mai ((Depuis le 10 avril, Nelson se trouvait au large de Palerme, espérant intercepter l’escadre de Toulon. C’est la nouvelle qu’un convoi de troupes anglaises se dirige vers la Méditerranée, escorté de seulement deux vaisseaux, qui l’a amené à prendre la route de Gibraltar. Arrivé à Tarifa, le 7 mai, il rencontre, le 12, ce convoi, qui n’a pas vu l’ombre d’une voile française. Alors, il devine que Villeneuve lui a faussé compagnie et se trouve certainement aux Antilles. Avec 32 jours de retard, il s’est lancé à sa poursuite.)). On est alors le 6 juin.

Villeneuve n’hésite pas : le 10 juin, il donne l’ordre de faire voile sur l’Europe…. Suivit à quatre jours de distance par son chien de garde, l’amiral Nelson. ((Il n’a fallu à Nelson que 23 jours pour traverser l’Atlantique, alors qu’il en avait fallu 34 à Villeneuve.))

On peut ici s’interroger sur la pusillanimité de Villeneuve : avec les 18 vaisseaux dont il disposait, il aurait sans doute pu venir à bout des dix de Nelson. Seule la crainte d’un nouvel Aboukir a pu déterminer sa décision. ((Autre chance que Villeneuve ne saisit pas (mais, objectivement, le pouvait-il ?) : Nelson se dirige vers Gibraltar, vers la Méditerranée, sans se douter que son rival fait voile sur Brest.))

A la mi-juillet, Napoléon a de quoi être optimiste. Il est confiant que Villeneuve et son escadre combinée seront bientôt au Ferrol, où ils récupéreront 5 vaisseaux de ligne français et 9 espagnols et qu’ils seront rejoints par l’escadre de Rochefort (Allemand), ce qui fera une flotte de près de 40 vaisseaux. De quoi largement tenir tête aux 30 vaisseaux anglais croisant devant Brest, et ce d’autant plus que, cette fois, espère l’Empereur, Ganteaume se décidera bien à sortir de la rade.

Mais le temps presse et, surtout, Napoléon ne dispose pratiquement plus d moyens d’intervenir sur la marche de ses escadres. Aussi, dans une dernière lettre datée du 16 juillet, il définit à Villeneuve deux objectifs :

  • Réunir son escadre à celles de Rochefort et de Brest – au pire, à l’une des deux seulement ;
  • Entrer dans la Manche par l’ouest, ou, faisant le tour des Îles Britanniques, venir bloquer le Pas de Calais « ne serait-ce que 4 ou 5 jours »

Si, pour quelque raison que se soit, Villeneuve n’est pas en mesure d’accomplir l’une ou l’autre de ces options, il devra se diriger sur Cadix, pour y attendre de nouvelles instructions.

Mais, pour l’Empereur, cela ne peut être que dans les cas

« d’évènements qu’on ne peut calculer et dans ce cas seulement »

Le compte à rebours de Trafalgar a commencé.