Testament de Napoléon – Instructions – Page 1

Instructions Page 1
Instructions – Page 1

 

Ce 26 avril 1821, Longwood.

INSTRUCTIONS POUR MES EXÉCUTEURS TESTAMENTAIRES

Page première

 

1° J’entends que mes legs soient payés dans leur intégralité.

2° Les 5.280.000 francs que j’ai placés chez le banquier Laffitte devront avoir produit, au 1er janvier 1822, les intérêts étant comptés à 5 pour 100, ainsi que je le lui ai dit, environ 7 millions de francs. En cas de difficulté, il faut compter de clerc à maître, puisque des forces majeures m’ont empêché d’écrire et de disposer de mes fonds. Je n’entends aucune modification là-dessus.

3° Je n’ai connaissance que le banquier Laffitte ait payé pour mon compte que:

1° 20.000 francs au général Lallemand aîné;
2° 3.000 francs à Gillis, mon valet de chambre;
3° 100.000 francs au comte Las Cases;
4°  72.000 francs à Balcombe, sur une lettre de crédit du comte Bertrand;
5° Une autorisation, envoyée par le canal du prince Eugène, de fournir 12.000 francs par mois, depuis 18 17 , à Londres, pour mes besoins: cette somme n’a pas été fournie, si ce n’est une partie chez MM. Parker, ce qui me rend redevable de sommes considérables au comte Bertrand, sommes dont il doit tout d’abord être remboursé.

D’où il résulte que le règlement de ce compte doit porter les fonds que j’ai placés chez M. Laffitte à la somme de 6.200.000 francs, capital et intérêts, ou environ, disponibles au 1er janvier 1822.

4° La question de mon domaine privé est une question majeure; elle sera susceptible de beaucoup de débats: mais la restitution de l’argent de Peyrusse, qui a été versé à la Couronne, à ce que je crois; mais la liquidation de ma liste civile d’Italie, dont il doit me revenir plusieurs millions; mais la rentrée des meubles existants à la Couronne et qui m’appartenaient avant l’institution de la liste civile, du temps du Consulat et même lorsque j’étais général (dans le premier cas sont tous les meubles de Saint-Cloud, une partie de ceux des Tuileries ; dans le deuxième cas sont une grande partie des meubles de Rambouillet) ; mais les présents reçus évidemment soit des souverains, soit de la ville de Paris, tels que les beaux meubles de malachite de Russie, les lustres, les cristaux, etc., mais le service d’or de la ville de Paris, sont une question particulière. Ces divers objets doivent avoir une valeur de plusieurs millions.

5° Quant à tous les meubles de la Couronne qui m’appartiennent comme ayant été achetés des deniers des revenus de la liste civile, on opposera que, par un sénatus-consulte, les héritiers de l’Empereur ne pouvaient en hériter que lorsque la valeur dépassait 30 millions: mais cela était pour l’avenir; c’était une règle de famille, et l’on ne pourrait sans injustice ne pas considérer ces meubles comme ma propriété.

6° Laeken a été acheté des deniers du domaine extraordinaire; mais les meubles ont été payés par les deniers du domaine privé; cela forme un article de 800.000 francs, qui doivent être réclamés au roi des Pays-Bas.

7° Lorsque le roi de Sardaigne et le grand-duc de Toscane furent chassés de leurs États en 1799, ils emportèrent leur argenterie, leurs bijoux et autres effets précieux; on leur conserva même leurs domaines particuliers: de quel droit ces souverains prétendraient-ils garder mon argenterie et les meubles que j’ai envoyés de Paris et qui ont été achetés des deniers de ma liste civile ?

8° Le Pape a emporté de Rome son argenterie et ses objets précieux: l’argenterie et les meubles que j’ai envoyés à Rome, et qui ont été payés des deniers de ma liste civile, m’appartiennent de droit.

9° J’avais à l’île d’Elbe une petite métairie appelée Saint-Martin, estimée 200.000 francs, avec meubles, voitures, etc. Cela avait été acheté des deniers de la princesse Pauline : si on le lui a remis, je suis satisfait: mais, si on ne l’a pas fait, mes exécuteurs testamentaires doivent en poursuivre la remise, qui sera donnée à la princesse Pauline si elle vit, et qui rentrera à la masse de ma succession si elle ne vit plus alors.

10° J’avais à Venise 5 millions de vif-argent, qui ont été, je crois, en grande partie dérobés aux Autrichiens: les réclamer et en poursuivre la rentrée.

11° Il court des bruits sur un testament du patriarche de Venise : il faut les approfondir .

12° J’avais laissé à Malmaison, indépendamment de tous mes livres, 2 millions en or et bijoux, dans une cachette; donation spéciale n’en a jamais été faite à l’Impératrice Joséphine: je désire que cette somme ne soit réclamée qu’autant que cela serait nécessaire pour compléter mes legs.

13° J’ai donné à l’Impératrice Marie-Louise 2 millions en or, à Orléans, qu’elle me doit: mais je désire que cette somme ne soit réclamée qu’autant que cela serait nécessaire pour compléter mes legs.

14° J’ai chez Denon et d’Albe une grande quantité de plans qui m’appartiennent, puisque j’ai payé pendant plusieurs années 10 à 20.000 francs par mois pour la levée et confection de ces plans et dessins: s’en faire rendre compte et faire faire remise pour mon fils.

15° Je désire que mes exécuteurs testamentaires fassent une réunion de gravures, tableaux, livres, médailles, qui puissent donner à mon fils des idées justes et détruire les idées fausses que la politique étrangère aurait pu vouloir lui inculquer, afin qu’il soit dans le cas de voir les choses comme elles ont été. En imprimant mes campagnes d’Italie et d’Égypte, et ceux de mes manuscrits qu’on imprimera, on les dédiera à mon fils, ainsi que les lettres des souverains, si on les trouve; on doit pouvoir se les procurer des Archives; ce qui ne doit pas être difficile, puisque la vanité nationale y gagnerait beaucoup.

16° Si on peut se procurer une collection de mes quartiers généraux qui était à Fontainebleau, ainsi que les vues de mes palais de France et d’Italie, on en fera une collection pour mon fils.

17° Constant m’a beaucoup volé à Fontainebleau ; je crois que de lui et de Roustan on peut tirer beaucoup de choses précieuses pour mon fils et qui pour eux n’ont que des valeurs métalliques.

18° Il y avait dans mes petits appartements, au comble des Tuileries, un grand nombre de chaises faites par Joséphine et Marie-Louise, qui peuvent être agréables à mon fils.

19° Quand mes exécuteurs testamentaires pourront voir mon fils, ils redresseront ses idées, avec force, sur les faits et les choses, et le remettront en droit chemin.