Suchet et le siège de Valence

 Jonathan Cooper – Robert Ouvrard – Dominique Contant

(article également publié sur le site des Napoleonic Series)

Louis Gabriel Suchet, duc d'Albufuera. Adèle Gault. Musée de l'Armée
Louis Gabriel Suchet, duc d’Albufuera. Adèle Gault. Musée de l’Armée

« Il n’y a que Suchet qui soit bien à son affaire. Si j’avais eu deux généraux en chef comme lui à conduire mes troupes en Espagne, cette guerre serait déjà terminée; mais chacun veut y faire ses affaires et pas les miennes. » Napoléon – 1812

« C’est leur pillage (aux généraux) qui m’a fait perdre l’Espagne, à l’exception toutefois de Suchet, dont la conduite fut exemplaire » Napoléon à Sainte-Hélène.

« Suchet était quelqu’un chez qui le caractère et l’esprit s’étaient accrus à surprendre… Si j’avais eu Suchet à la place de Grouchy, je n’aurais pas perdu Waterloo. » (Napoléon à Sainte-Hélène)

« Ce qu’on remarquait chez Suchet, c’était surtout une grande aptitude pour l’organisation et l’administration, le rare talent d’entraîner les troupes par son exemple et se les attacher autant par sa fermeté que par son empressement à signaler les belles actions. » (D. Lacroix)

« Chef militaire très distingué et administrateur très habile, il trouva dans les riches provinces d’Espagne les moyens de pourvoir abondamment à tous les services de son armée, sans trop fouler les peuples. Il lui fut possible de faire observer une exacte discipline à ses troupes et d’inspirer de la confiance aux habitants. » (Joseph Bonaparte)


Automne 1811. Napoléon a déjà les yeux fixés sur la Russie. Il aimerait bien terminer cette ruineuse et inutile guerre d’Espagne par quelques coups d’éclat.

Les armées du Portugal sous Marmont, d’Andalousie sous Soult, du Centre sous Joseph annoncent  déjà le désastre final. Seule l’armée d’Aragon et de Catalogne brillera sous le commandement de Suchet qui y gagnera son bâton de Maréchal et ses titres de Noblesse.

A la lumière des documents qui retracent le siège de Valence – octobre 1811 à janvier 1812 –  vérifions si Suchet a bien mérité de la considération et du prestige dont beaucoup d’historiens l’honorent.

Nous pensons que la lecture des documents qui sont mis à notre disposition doit toujours se faire dans le contexte de l’époque et accompagnée de notes explicatives, sous risque de mauvaises interprétations.

Tel a été le but de notre travail.


Le siège de Valence.

Après la prise de Murviedo et la capitulation de Sagonte, Suchet, qui venait d’être blessé vint s’établir solidement sur les rives du Guadalquivir qui baigne Valence.

Il attendit les renforts escomptés : Reille de Navarre, Montbrun du Portugal et Darmagnac de l’armée du Centre, pour investir la place et anéantir l’armée de Blake et O’Donell.

 

PIECE N° 1

Lettre du maréchal Suchet au prince Berthier, major Général.

Au camp de Valence, le 29 décembre 1811.

Monseigneur,

Dès l’instant qu’une partie du corps du Général Reille fut arrivée à Ségorbe le 24 je m’y rendis pour en passer la revue, et, par une marche forcée de trente heures, je le fis arriver sur les bords du Guadalaviar le 26 au matin. Dans la nuit du 25 au 26, deux ponts de chevalets avaient été établis par le génie sur ce fleuve, tandis qu’un pont de bateaux y avait été jeté par l’artillerie en une heure.

A huit heures du matin, la division Harispe, la brigade Robert et la cavalerie étaient avec moi sur l’autre rive, sans avoir éprouvé une vive résistance. J’aspirais à couper de l’armée de Blake les corps de Freyre et de Bassecourt, qui se trouvaient vers Requena, à déborder entièrement l’ennemi sur la grande route de Murcie, et à forcer les camps retranchés qu’il avait à Manissès et à Quarte. Dès que la troupe du Général Reille eut commencé à passer le fleuve, le Général Harispe se porta sur Torriente qui est couvert par un ravin profond et difficile, en avant duquel était réunie la cavalerie ennemie. Soixante de nos hussards s’étant trop avancés, furent ramenés par mille chevaux et le Général Boussard fut blessé dangereusement : son aide de camp Robert périt en voulant le secourir ; mais bientôt le quatrième de hussards et le treizième de cuirassiers mirent en déroute cette cavalerie, et délivrèrent leur Général, qui était prisonnier.

Cependant les troupes espagnoles ne quittant pas leurs camps retranchés, j’ordonnai au Général Musnier de s’approcher de Manissès. J’entendis alors le feu de la division Palombini que j’avais laissée sur la rive gauche, et que j’avais chargée d’attaquer Mislata en opérant un passage du fleuve sous la protection de six pièces de gros calibre. Ce mouvement, qui ne devait être que secondaire, donna lieu a une action très chaude, dans laquelle la valeur italienne s’est déployée avec éclat. Le Général Balathier, à pied et à la tête des deuxième léger et quatrième de ligne, a passé le fleuve sur une digue malgré un feu meurtrier de mitraille et de mousqueterie que faisait l’ennemi ; il a franchi plusieurs canaux, et s’est maintenu avec constance contre des forces très supérieures. Dans le même temps, le Général Palombini faisait passer le fleuve à gué à sa seconde brigade, composée des cinquième et sixième de ligne ; ces troupes éprouvèrent une vive résistance, mais la valeur des soldats et des officiers triompha de tous les efforts que tenta l’ennemi pour les rejeter dans le fleuve. Pendant l’action le colonel du génie Henri fit établir un pont et traça des ouvrages pour le couvrir. Le combat se prolongeait avec opiniâtreté devant cette division, soutenue par les dragons Napoléon qui, malgré les difficultés du terrain, firent plusieurs charges heureuses, lorsque le Général Robert, à la tête des cent quatorzième de ligne et du premier de la Vistule, se jeta sur les retranchements de Manissès et de Quarte et s’en empara. Dans le même temps, mes aides de camp Meyer, Richard,  Antoine, les officiers d’état-major Visconti et d’Héronville, avec cinquante lanciers de mon escorte, enlevaient cinq pièces de canon attelées, et le Général Reille, à la tête de la division Sévéroli et de la brigade Bourke, forçait sa marche pour couper à l’ennemi sa retraite par Aldaya. Les hussards du neuvième régiment firent une centaine de prisonniers, et le Général Reille ayant rejoint le Général Palombini détermina la retraite des Espagnols dans Valence.

A midi, le Général Habert, après avoir battu les retranchements ennemis et éloigné par des bombes les bâtiments anglais qui croisaient à l’embouchure du Guadalaviar, fit passer sur la rive droite du fleuve cent chasseurs napolitains, ayant chacun un voltigeur en croupe, et bientôt après traversant lui-même le fleuve avec trois mille hommes, il s’empara du lazaret, prit cinq pièces à l’ennemi, et fit sabrer trois cents paysans. Les Anglais soutinrent la canonnade pendant plus de trois heures avec deux vaisseaux, deux frégates et plusieurs canonnières contre seize de nos bouches à feu, établies en partie sur le môle du Grao.

Dès que ces mouvements furent prononcés, le Général Harispe se porta de Torriente. A Cartorroja sur la route de Murcie, et, avant la nuit, toutes nos divisions, par un mouvement spontané, enveloppèrent la place de manière à forcer l’ennemi de se jeter dans son vaste camp retranché.

L’ennemi a perdu dans cette journée cinq cents hommes tués et cinq cents prisonniers, un drapeau, quatorze pièces de canon et seize caissons. Une partie des corps qui ont pu s’échapper par la route de Murcie, se sont jetés dans les marais d’Albufera.

Notre perte a particulièrement porté sur la division du Général Palombini ; elle a eu huit officiers et quarante et un soldats de tués ; vingt-six officiers et trois cent vingt-neuf soldats de blessés. Parmi les hommes tués se trouvent le brave colonel Barbieri du deuxième léger, justement regretté, et le capitaine du génie Ordinaire, et parmi les blessés les colonels Saint-André et Peyre. Notre perte totale s’élève à cinq cent vingt et un hommes, suivant l’état ci-joint.

Par suite de notre passage du Guadalaviar, les corps de Freyre et de Bassecourt, qui étaient à Requena, se trouvent coupés de l’armée principale, et j’ai lieu de penser qu’ils seront poursuivis par les troupes que l’Empereur a envoyées par Cuenca dans la Manche. Blake renfermé dans Valence fera sans doute de grands efforts pour en sortir, mais nous en ferons aussi pour l’en empêcher.

J’ai l’honneur de remettre à V. A. S. le plan du camp retranché qu’il faut forcer avant d’arriver aux murs de la ville, et un croquis des ouvrages qui ont été enlevés dans la journée du 26.

Le Général de cavalerie Delort, que j’avais mis à la poursuite de l’ennemi avec cinq cents voltigeurs et mille chevaux, est arrivé le 27 au soir aux portes d’Alcira, sur le Xucar. Les généraux Maby et Obispo, qui s’y trouvaient avec trois ou quatre mille soldats, ont fui précipitamment pendant la nuit, après avoir coupé les ponts, abandonnant dix pièces de canon. Les habitants se sont hâtés de rétablir le passage et ont reçu nos troupes avec empressement. Villar-Campa, qui occupait Cullera avec quinze cents hommes, s’est enfui à l’approche de trois cents chevaux que conduisait le colonel Christophe.

La place est maintenant plus resserrée encore que le 26, et, dans la nuit du 1er au 2 janvier, j’espère faire ouvrir la tranchée. L’armée n’a qu’un seul désir, celui de donner, au renouvellement de l’année, des preuves nouvelles de dévouement et d’amour à l’Empereur.

Je suis avec respect, etc.

signé: MARÉCHAL COMTE SUCHET.

PS. Je compte que les troupes du Général Palombini seront rendues au camp le 1er janvier.

 

PIÈCE N° 2

Délibération des autorités militaires de Valence, relative à la tentative de sortie de l’armée espagnole.

 

Valence, le 26 décembre 1811

Voulant connaître l’avis de MM. les généraux et officiers d’état-major des deuxième et troisième armées réunies, sur le changement survenu dans la situation de ces armées et de la place de Valence, le très excellent seigneur D. Joachin Blake, Général en chef, les a convoqués, aujourd’hui 26 décembre 1811, à six heures du soir, dans le couvent de Los Remédios, savoir: D. Carlos O’Donell, maréchal de camp, second commandant Général du deuxième corps, et gouverneur de la place de Valence; D. Joseph Miranda, commandant Général de la première division du quatrième corps d’armée ; D. Ramon Pires, chef d’état Major du deuxième corps d’armée, D. Francisco Marco del Ponte, sous inspecteur de l’infanterie du même corps, et D. José Lardizabal, commandant Général de l’avant-garde du quatrième corps; D. Joaquin de Zea, brigadier, sous inspecteur de la cavalerie du deuxième corps; D. Antonio Burriel, brigadier, chef d’état-major du corps expéditionnaire, le colonel D. Juan Zapatero, commandant Général des ingénieurs.

S. Exc. le Général en chef a posé les questions de savoir si Valence pouvait ou non se défendre, et si l’armée devait ou non demeurer dans ses lignes. Après avoir mûrement délibéré sur ces questions, et avoir pris connaissance de la quantité des vivres existant dans les magasins, tous les membres, à l’exception du maréchal de camp D. José Miranda, ont décidé que l’armée devait sortir de ses lignes et s’ouvrir un chemin au travers des ennemis.

S. Exc. le Général en chef a demandé ensuite quel jour et à quelle heure il serait convenable de faire cette opération. MM. les généraux ont décidé qu’attendu l’impossibilité de l’effectuer cette nuit même, faute de temps pour distribuer les rations et pourvoir aux autres besoins du soldat, et dans l’ignorance où l’on était de la position des ennemis, l’exécution devait en être remise à l’époque la plus prochaine.

Les principales raisons sur lesquelles les membres de l’assemblée ont motivé leur vote, sont les suivantes :

1° Que le Général Mahy s’est retiré avec ses troupes, et qu’on est dans l’ignorance de son sort ; que la communication avec ce Général est coupée de façon qu’il est impossible de concerter aucune opération avec lui.

2° Que Valence ne peut se défendre par son camp retranché, qui, vu sa trop grande étendue, ne peut soutenir un siège en règle, et que l’armée en y restant n’a aucun espoir de recevoir des secours.

3° Que d’après l’état des vivres présenté par l’intendant de l’armée, il n’y a dans la place que deux cent mille rations de pain, trois cent quatre-vingt-dix-huit mille six cent quatre-vingt-six rations de légumes, quatre cent cinquante-deux mille cinq cent soixante de merluches et sardines, trente-six mille cinq cents de vin, cent dix-sept mille d’eau-de-vie, et soixante-huit mille de sel ; c’est-à-dire, qu’en évaluant la consommation journalière à vingt ou vingt-deux mille rations, il y a en magasin pour neuf ou dix jours de pain, dix-neuf ou vingt jours de légumes, vingt ou vingt-trois jours de merluches, deux jours de vin, cinq ou six d’eau-de-vie, et trois ou quatre de sel ; en sorte qu’en compensant une chose par une autre, l’armée pourrait subsister encore seize ou dix-huit jours.

4° Qu’il est moins désavantageux à la nation de perdre Valence, que de conserver cette ville seize ou dix-sept jours de plus en sacrifiant à sa défense tout un corps d’année, qui peut se recruter, assurer la conservation des places d’Alicante et de Carthagène, et préparer même les moyens de reconquérir le royaume de Valence, tandis que ces troupes une fois perdues, les places le seront aussi.

5° Que si la sortie est retardée, les inconvénients augmenteront, parce que les ennemis commenceront leurs travaux e t fermeront les chemins.

S. Exc. ayant ensuite proposé la question de savoir si l’on devait emmener l’artillerie, l’avis unanime de MM. les généraux a été pour la négative, attendu les difficultés nombreuses qui en résulteraient, et qu’il fallait se borner à mettre ces pièces hors d’état du servir, et les abandonner, pour éviter de faire connaître a l’ennemi le mouvement de l’armée, et de compromettre le peuple de Valence.

( Suivent les signatures)

 

PIÈCE N° 3

Lettre du Général Blake au Général O’Donell, commandant à Valence.

Des lignes sous Valence, le 27 décembre 1811.

Après de mûres réflexions sur l’état critique de Valence et l’avis motivé de MM. les généraux et commandants d’armes de l’armée; convaincu que cette place, tant par la nature de ses ouvrages que par la pénurie de ses approvisionnements, ne pourrait tenir que peu de jours encore, que cet intervalle serait insuffisant pour amener un changement de circonstances propres à faire lever le siège, et qu’une prolongation de résistance ne servirait qu’à l’exposer à tous les maux qu’une attaque et une défense opiniâtres peuvent entraîner avec elles ainsi qu’à toutes les horreurs d’un assaut, considérant en même temps combien il importe à la chose publique de conserver, pour la continuation de la guerre, l’armée qui forme la garnison de la ligne extérieure; j’ai résolu de faire un effort pour la sauver. La garnison qui est actuellement dans la place y restera, afin que, sous l’ombre de cette force, le gouverneur puisse capituler; et s’il faut que Valence succombe et reçoive le joug ennemi, que du moins cette cité, modèle de patriotisme et de dévouement, soit à l’abri des calamités inséparables d’une invasion de vive force.

Je communique ma résolution à V. S., pour qu’elle soit à portée d’agir en conséquence, et je l’assure en même temps que jamais le regret de n’avoir pu conserver à Valence un destin digne d’elle, ne s’éteindra dans mon cœur.

Que Dieu conserve, etc.

signé : JOAQUIN BLAKE.

PIÈCE N° 4

Lettre du Général Blake au Général O’Donell commandant à Valence.

 

Des lignes sous Valence, le 26 décembre 1811.

L’évacuation de la ligne ou camp retranché que l’armée occupe, ayant été résolue, comme Votre Seigneurie le sait, dans les assemblées d’officiers généraux qui ont eu lieu hier et avant-hier, j’ai cru qu’il était de mon devoir d’en instruire préalablement la commission du district et l’administration municipale de la ville, par les dépêches ci-jointes que Votre Seigneurie voudra bien transmettre cette nuit même où doit s’exécuter l’opération concertée.

Votre Seigneurie verra par ces lettres que mon intention n’est point d’exiger que Valence se défende avec obstination. Je ne m’opposerai point à ce qu’elle ne se défende qu’autant qu’il sera nécessaire pour se faire respecter de l’ennemi, et obtenir une capitulation honorable, capable d’assurer aux habitants l’exercice de leur religion, la sécurité de leurs personnes et de leurs propriétés, avec tous les avantages enfin qu’il sera possible d’obtenir : toutefois Votre Seigneurie aura ce point important à examiner avec les autorités que je lui indique et avec les autres personnes auxquelles il pourrait appartenir d’en connaître. Quel que soit le parti qu’embrasse Valence, je recommande à Votre Seigneurie, comme une chose sacrée, de s’appliquer à conserver la tranquillité du peuple et de n’épargner aucun soin pour adoucir l’amertume du sort que nous n’avons pu lui éviter.

Que Dieu conserve, etc.

Signé : JOAQUIN BLAKE.

PIÈCE N° 5 

Rapport du maréchal Suchet au prince Berthier, major Général, sur la prise du camp retranché de Valence.

 

Au camp devant Valence, le 8 janvier 1811.

Monseigneur,

J’ai omis dans mon rapport du 29 décembre de rendre compte à V. A. S. de la sortie que l’ennemi a tentée dans la nuit du 28 au 29. Blake, avec douze mille hommes, a entrepris de percer nos lignes ; mais les compagnies d’élite du premier régiment de la Vistule l’ont repoussé avec vigueur, et la presque totalité de cette colonne a é té refoulée dans la ville par le pont supérieur : à peine deux ou trois cents hommes ont pu gagner les montagnes en profitant de l’obscurité de la nuit; plus de quatre cents ont été tués ou se sont noyés dans les canaux. Dès ce moment, il nous vient beaucoup de déserteurs : en quatre jours nous en avons reçu près de cinq cents.

Du 30 au 31, les avant-postes de la division Severoli resserrèrent de très près la place. Les Espagnols firent alors une sortie avec deux mille hommes et deux pièces de canon; mais un bataillon du premier de ligne italien s’avança contre eux sous le feu de la mitraille, les culbuta et les força de rentrer. Les chefs de bataillon Ponti-Provasi, aide de camp du ministre de la guerre d’Italie, et Bouilli, aide de camp du Général Severoli, se sont distingués : le dernier a été blessé d’un coup de biscaïens à la jambe.

Le 29 décembre, notre avant-garde est entrée à Saint-Philippe, où elle a pris un million de cartouches et un grand approvisionnement en riz. Les habitants de cette ville, qui compte quinze mille âmes, sont venus à notre rencontre et se conduisent bien. Je fais fortifier Alcira sur le Xucar; c’est une position fort avantageuse a l’opération actuelle. Les troupes de l’armée de Blake, qui se sont échappées lors de l’affaire du 26 décembre, cherchent à se reformer entre Alicante et Alcoy.

Dans la nuit du 1° au 2 janvier, la tranchée a été ouverte par trois mille hommes, à quatre-vingts toises des ouvrages de Saint-Vincent et d’Olivette. Le Général comte Pannetier, arrivé le même jour au camp avec sa brigade, a été porté par son ancienneté au commandement de la tranchée. Le travail a été poussé avec vigueur, et le résultat en eût été fort heureux si le colonel du génie Henri n’eût été mortellement blessé : cet officier supérieur emporte les regrets de l’armée ; dans l’espace de deux ans, il a été chef d’attaque à sept sièges différents, dans lesquels il a déployé autant de bravoure que de talent. Malgré un feu soutenu de la part de l’ennemi, nos travaux ont été continués jour et nuit jusqu’au 5 au matin ; déjà l’artillerie était parvenue à élever cinq batteries et à en armer deux à soixante toises des ouvrages, tandis que les travaux du génie étaient déjà à quinze toises du fossé. La marche rapide de ces travaux, l’étonnante désertion qu’éprouvait l’ennemi, l’ont déterminé à abandonner son camp retranché. Il a couvert ce mouvement par un feu meurtrier. A la pointe du jour, le colonel Belotli, commandant de tranchée à l’attaque d’Olivette, fit escalader les fossés de ce fort par trois cents grenadiers qui s’emparèrent de vingt pièces de canon. En même temps, le Général Montmarie attaquait Saint-Vincent, s’emparait du faubourg, et repoussait dans la ville les postes ennemis. Bientôt après, le Général Palombini attaqua également le faubourg de Quarte, dont il s’empara. Je ne tardai pas à me convaincre moi-même de toute l’importance des vastes ouvrages que l’ennemi nous avait abandonnés avec quatre-vingt une pièces de canon. Voulant profiter du désordre qu’un pareil événement devait entraîner dans une ville si considérable, j’ordonnai de commencer le bombardement, qui fut prolongé toute la nuit.

Le 6 au matin, je pensai que la retraite de Blake dans la ville, avec une armée qui venait d’abandonner des ouvrages aussi forts, armés de quatre-vingt une pièces de canon, et l’effet terrible du bombardement sur une population immense, auraient amené ce Général à une capitulation. Je chargeai donc le colonel Meyer, mon premier aide de camp, de lui porter mes propositions, et de lui témoigner le désir que j’éprouvais d’épargner la ruine d’une grande ville; mais le colonel Meyer ne put entrer dans la ville ni voir le Général Blake. Aujourd’hui, à midi, j’ai reçu la réponse de ce Général, qui me fait connaître son aveuglement, ou sa soumission aux conseils de la junte et des moines.

Je me vois donc contraint à continuer avec vigueur mes opérations contre la place, où sont renfermées tant de victimes du fanatisme.

Le génie ouvre ses travaux devant les murailles, l’artillerie élève des batteries formidables, et, malgré des pluies affreuses qui rendent les communications en quelque sorte impraticables, elle va être sous peu de jours en état de faire brèche à la dernière enceinte. L’armée attend l’assaut avec ardeur, et si nous avons, comme à Saragosse, une guerre de maisons à faire, je tâcherai de la rendre courte par l’ensemble de nos opérations et l’habileté de nos mineurs. Mais, avant d’en être réduit à cette extrémité, j’espère encore pouvoir épargner à une ville florissante et peuplée les dernières horreurs de la guerre. J’adresse à V. A. S. le plan des ouvrages pris, ma lettre au Général Blake avec sa réponse, et l’état de l’artillerie tombée entre notre pouvoir.

Je suis avec respect, etc.

Signé : MARÉCHAL COMTE SUCHET.

 

PIÈCE N° 6

Le maréchal Suchet au Général Blake.

 

Au camp devant Valence, le 6 janvier 1812

M. le Général,

Les lois de la guerre assignent un terme aux malheurs des peuples; ce terme est arrivé. Aujourd’hui l’armée impériale est à dix toises des corps de votre place; dans quelques heures, plusieurs brèches peuvent être ouvertes, dés lors un assaut Général doit précipiter dans Valence les colonnes françaises.

Si vous attendez ce terrible moment, il ne sera plus en mon pouvoir d’arrêter la fureur des soldats, et vous se ul répondrez devant Dieu et devant les hommes des maux qui accableront Valence.

Le désir d’épargner la ruine totale d’une grande ville me détermine à vous offrir une capitulation honorable. Je m’engage à conserver aux officiers leurs équipages, et à faire respecter les propriétés des habitants ; je n’ai pas besoin de dire que la religion que nous professons sera révérée.

J’attends votre réponse dans deux heures, et vous salue avec une très haute considération.

Le maréchal de l’Empire.

Signé : COMTE SUCHET.

 

PIÈCE N° 7

Réponse du Général Blake à la lettre précédente

 

Valence, le 6 janvier 1812.

Monsieur le Général,

J’ai reçu cette après-midi la lettre de V. Exc. Peut-être qu’hier, avant midi j’aurais consenti à changer la position de mon armée, en évacuant cette ville, pour éviter à ses habitants les malheurs d’un bombardement, mais les premières vingt-quatre heures que V. Exc. a employées à l’incendier m’ont fait connaître combien je peux compter sur la constance de ce peuple, et sur sa résignation à tous les sacrifices qui seront nécessaires pour que l’armée soutienne l’honneur du nom espagnol. Que V. Exc. continue donc ses opérations, et quant à la responsabilité devant Dieu et les hommes des malheurs qu’occasionne la défense d’une place, et de tous ceux que la guerre entraîne, elle ne retombera jamais sur moi, mais sur celui qui a entrepris et qui soutient une aussi injuste agression.

Signé : JOAQUIN BLAKE.

 

PIÈCE N° 8

Délibération des autorités militaires de Valence, relative à la reddition de cette place.

 

Valence, le 8 janvier 1812.

Dans la place de Valence, le 8 janvier 1812, le Très Excellent Seigneur don Joaquin Blake, capitaine Général des armées du royaume, et Général en chef des deuxième et troisième corps d’armée, a convoqué en conseil MM. les maréchaux de camp Don Carlos O’Donell, don José Miranda , don José Zayas, don Ramon Pires, don Francisco Marco del Ponte, et don Joseph Lardizabal, MM. les brigadiers don Joaquin de Zea, don Venceslas Prieto, don Antonio Burriel, et don Manuel Velasco; MM. les colonels don Francisco de Arze, commandant Général de l’artillerie, don Juan Zapatero, commandant Général des ingénieurs, et, en qualité de secrétaire sans droit de suffrage, le colonel adjudant Général de l’état Major, don Joseph de Lavangos.

Tous les membres ci-dessus désignés étant réunis, S. Exc. leur a fait connaître la sommation qui lui a été faite par le Général ennemi, le 6 de ce mois, dont l’original est ci-joint sous le n° 1, avec la réponse sous le n° 2, et il a témoigné son désir d’avoir l’avis de chacun d’eux sur ce qu’il fallait faire dans les circonstances critiques où se trouvait la place. Le conseil a pris en considération tout ce que les habitants ont souffert depuis trois jours par le bombardement; les cris du peuple demandant la fin de ses maux; l’impossibilité de prolonger le siège d’une manière utile à la patrie, sans exposer les habitants à toutes les horreurs d’un assaut que l’ennemi ne manquerait pas de livrer avec des chances de succès, attendu le mauvais état des troupes en Général, la faiblesse du mur d’enceinte de la ville, bon tout au plus pour résister à un coup demain, et nullement à une batterie qui pourrait le détruire en quelques heures.

D’après tous ces motifs, S. Exc. s’est décidée à envoyer au Général ennemi deux officiers, avec une lettre, dont copie est ci-jointe, contenant les conditions honorables auxquelles il consentait a traiter de l’évacuation de la place. En attendant la réponse, le conseil est resté assemblé. On a longuement discuté sur l’état de la place, et l’on est Généralement convenu de l’impossibilité de prolonger sa défense, vu la proximité de l’ennemi; que le peuple non seulement n’était pas disposé à y contribuer et a seconder les troupes, mais, qu’au contraire, il était dans la consternation, et demandait à capituler, qu’on manquait entièrement de matériaux et d’outils pour construire des blindages et former de nouveaux retranchements; que la muraille pouvait être ouverte en quelques heures, et que la ville était exposée à être mise à feu et à sang, d’autant plus que la troupe elle-même n’était pas disposée à remplir ses devoirs. La vérité de ces faits reconnue, et fortifiée par le témoignage des commandants respectifs des divers corps, tous les membres de l’assemblée ont néanmoins décidé qu’avant tout il fallait connaître la réponse de l’ennemi; et que si, se prévalant de ses avantages, il voulait imposer des conditions honteuses, il fallait, plutôt que d’y souscrire, s’ensevelir sous les ruines de Valence.

Au retour de leur mission, les officiers envoyés au Général ennemi ont présenté un simple papier contenant quelques notes, dans lesquelles ce Général fait connaître les conditions qu’il met à la capitulation  (les originaux sont annexés à la présente délibération ). Ces conditions ayant été entendues et discutées, on a recueilli les voix, et la majorité a prononcé;

Qu’attendu l’état de la place, la lassitude des troupes, l’éloignement du peuple pour la prolongation de la défense, ses clameurs et ses plaintes; qu’attendu surtout l’impossibilité de résister plus  longtemps sans attirer sur la ville les plus grands malheurs, et les autres raisons indiquées dans les votes respectifs dont les originaux sont ci-joints, il fallait traiter de la sortie de l’armée aux termes proposés par le Seigneur Général en chef, et que, si on ne pouvait obtenir leur acceptation, il faudrait souscrire à ceux que demandait le Général ennemi.

Ensuite du quoi le Très Excellent Seigneur Général en chef a proposé de discuter le vœu du maréchal de camp don Francisco Marco del Ponte, qui a opiné qu’il fallait se frayer un chemin, les armes à la main, au travers de l’ennemi. Cette proposition a été rejetée d’une voix unanime comme impraticable, inutile et préjudiciable, ainsi qu’il résulte de la pièce originale qui est ci-jointe.

( suivent les signatures)

 

PIÈCE N° 9

Capitulation conclue entre S. Exc. le maréchal de l’Empire comte Suchet, commandant en chef l’armée impériale d’Aragon, et S. Exc. le Général en chef Blake, commandant les deuxième et troisième armées espagnoles, pour l’occupation de la ville de Valence.

 

ARTICLE 1° La ville de Valence sera livrée à l’armée impériale; la religion sera respectée, les habitants et les propriétés seront protégés.

ART. II. Il ne sera fait aucune recherche pour le passé contre ceux qui auraient pris une part active à la guerre ou à la révolution. Il sera permis à ceux qui voudraient sortir, d’ici à trois mois, de s’en aller, avec l’autorisation du commandant militaire, pour transporter ailleurs leurs familles et leurs fortunes.

ART. III. L’armée sortira avec les honneurs de la guerre par la porte Seranos, et déposera les armes au delà du pont, sur la rive gauche du Guadalaviar. Les officiers conserveront leurs épées ainsi que leurs chevaux et équipages,  et les soldats leurs sacs.

ART. IV. M. le Général en chef Blake offrant de rendre les prisonniers français ou alliés des Français qui se trouvent à Mayorque, Alicante et Carthagène, un pareil nombre de prisonniers espagnols restera dans les places au pouvoir des Français jusqu’à ce que l’échange puisse être consommé homme pour homme et grade pour grade. Cette disposition sera applicable aux commissaires et autres employés militaires, prisonniers des deux cotés. L’échange se fera successive ment,  et commencera dès l’arrivée des premières colonnes de prisonniers français.

ART.V. Aujourd’hui, 9 janvier, dès que la capitulation aura été signée, la porte de la Mer et la citadelle seront remises à des compagnies de grenadiers de l’armée impériale, commandées par des colonels. Demain à huit heures du matin, la garnison sortira de la place par la porte Seranos, tandis que deux mille hommes sortiront par la porte Saint-Vincent, pour se rendre à Alcira, où ils seront détenus jusqu’à l’arrivée d’un pareil nombre de Français venant d’Alicante.

ART. VI. Les officiers en retraite qui se trouvent en ce moment dans Valence, seront autorisés à y rester s’ils le désirent, et il sera pourvu aux moyens d’assurer leur existence.

ART. VII. Les généraux commandant l’artillerie et le génie, et le commissaire Général de l’armée, remettront aux généraux et commissaires français, chacun dans sa partie, l’inventaire de tout ce qui dépend de leur service.

Fait à Valence, le 9 janvier 1812.

Le Général de brigade, chef de l’état-major de l’armée d’Aragon,

Signé : SAINT-CYR-NUGUES.

Le Général de division,

Signé : JOSÉ ZAYAS.

Approuvé, le Général en chef, capitaine Général,

Signé : JOAQUIN BLAKE.

Approuvé, le maréchal de l’Empire,

Signé : COMTE SUCHET.

 

PIÈCE N° 10

État des généraux et brigadiers renfermés dans Valence l e jour de la reddition de cette place, le 9 janvier 1812.

 

S. Exc. don Joaquin Blake, capitaine Général en chef des deuxième et troisième armées.

MARÉCHAUX DE CAMP

Don Carlos O’Donell, deuxième commandant Général de la deuxième armée, et gouverneur de la place de Valence.

Don José Zayas, commandant la quatrième division expéditionnaire de Cadix.

Don José Lardizabal, commandant la division d’avant-garde expéditionnaire de Cadix.

Don José Miranda, commandant la première division de la deuxième armée.

Don Francisco Marco del Ponte, sous-inspecteur d’infanterie de la deuxième armée.

Don Ramon Pires, chef d’état-major de la deuxième année.

Le comte Rouré, à la suite, à Valence.

 

BRIGADIERS

Don Manuel Velasco, deuxième commandant Général de la place de Valence.

Don José Casimir Lavalle, deuxième commandant de la première division de la deuxième armée.

Don Joaquin Zea, sous-inspecteur de cavalerie idem.

Don Antonio Burriel, chef d’état-major du corps expéditionnaire,

Don Venceslas Prieto, sous-inspecteur d’infanterie du corps expéditionnaire, et deuxième commandant d’avant-garde.

Don Ramon Polo, deuxième commandant Général de la quatrième division expéditionnaire.

Don Sébastian Lerea, lieutenant du Roi, à Valence.

Don Francisco, du corps royal d’artillerie.

Don Francisco Munoz, colonel du régiment d’infanterie de Murcie.

Don Ignace Balanzat, colonel des volontaires de la patrie.

Don Francisco Dotregat, capitaine des gardes wallonnes.

Don Francisco Ustavir, id.

Le marquis de la Rocca, chef d’état-major de la quatrième division du corps expéditionnaire.

Don Francisco Arce, comandant Général de l’artillerie de la deuxième armée.

Don Juan Zapatero, commandant Général du génie.

Murviedro, le 11 janvier 1812.

Signé : RAMON PIRES.

Nota : En sus des officiers portés dans cet état, il y encore dans Valence soixante-treize officiers en retraite, dont neuf généraux ou brigadiers

 

PIÈCE N° 11

Lettre du maréchal Suchet au prince Berthier, major Général, sur la prise de Valence.

 

Au quartier Général de Valence, le 11 janvier 1812.

Monseigneur,

Je prie Votre Altesse Sérénissime d’annoncer à S. M. l’Empereur que ses ordres sont exécutés; Valence est soumis à ses armes.

Les mouvements rapides du 26 décembre ont forcé l’ennemi à se retirer dans ses lignes, où il a été aussitôt bloqué. La poursuite jusqu’à Saint-Philippe, des troupes échappées de Valence, a ôté à Blake tout espoir d’être secouru. L’armée, avide de gloire, cherchait les dangers, et a repoussé trois sorties avec une haute valeur.

La hardiesse des travaux du génie, qui, dans la nuit du 1 au 2 janvier, a ouvert la tranchée à soixante-dix et quatre-vingts toises des ouvrages de l’ennemi, et qui, en quatre jours et quatre nuits, a porté ses sapes jusqu’à quatre toises du fossé; les efforts surprenants de l’artillerie, qui a élevé ses batteries à soixante toises, et qui est parvenue à les armer malgré des pluies et des chemins affreux; la constance de l’infanterie à partager tous ces travaux, ont entraîné l’abandon des lignes ennemies armées de quatre vingt une pièces de canon.

Ces lignes ont quatre mille toises de développement :Valence a dépensé douze millions de réaux pour les élever, et des milliers de bras y ont travaillé pendent deux ans.

Après avoir fait bombarder la ville le 5, j’ai offert, le 6, une capitulation qui a été rejetée. J’ai alors fait redoubler le feu, et, en trois jours et trois nuits, deux mille sept cents bombes sont tombées dans Valence, et y ont causé plusieurs incendies considérables. Au moment de la reddition, l’artillerie, par une louable émulation, était parvenue à élever deux batteries de dix pièces de 24 chacune, pour faire brèche à la dernière enceinte, et le génie, avec son activité ordinaire, était arrivé à se loger dans les dernières maisons des faubourgs et à attacher le mineur sous deux portes principales de la ville. Mais le Général en chef Blake, craignant les suites terribles et prochaines d’un assaut, a accepté la capitulation suivante, qui met au pouvoir de l’Empereur la ville de Valence, trois cent soixante-quatorze bouches à feu, cent quatre-vingts milliers de poudre, trois millions de cartouches, seize mille cent trente et un prisonniers de ligne, suivant l’état ci-joint, remis par le Général chef d’état-major espagnol, dix-neuf cent cinquante malades aux hôpitaux, dix-huit cents chevaux de cavalerie et d’artillerie, et vingt et un drapeaux. Parmi les prisonniers se trouvent huit cent quatre-vingt-treize officiers et vingt-deux généraux ou brigadiers; au nombre de ces derniers, on distingue le capitaine Général Blake, Charles O’Donell, gouverneur de Valence, Zayas et Lardizabal, commandant les divisions expéditionnaires, Miranda, Marco del Ponte, Zayas, le marquis de Rocca, etc. ; enfin quatre lieutenants généraux et six maréchaux de camp, se disant en retraite.

Dans cette circonstanc e, les insurgés font une perte irréparable, ils perdent cinquante bons officiers d’artillerie sortant de l’école de Ségovie ; trois cent quatre-vingt-trois mineurs et sapeurs, et quatorze cents vieux artilleurs, dont une partie forment quatre belles compagnies d’artillerie à cheval, servant trente pièces de bataille attelées.

Votre Altesse Sérénissime s’apercevra par la lecture de l’article IV de la capitulation, que j’ai saisi l’occasion de remplir les volontés bienfaisantes de l’Empereur, en obtenant la très prochaine rentrée à l’armée de deux mille Français ou alliés qui sont prisonniers, et l’espérance d’un échange plus considérable encore.

Les généraux d’artillerie et du génie Valée et Rogniat ont dirigé leurs armes avec leur talent accoutumé.

Le Général comte Reille, à la tête de son corps, a déployé la plus grande activité, les généraux Palombini et Sévéroli le plus entier dévouement.

Les généraux Harispe, Habert, Musnier et Saint-Cyr Nugues, chef d’état-major, ont servi avec le zèle soutenu qui n’a cessé de les animer depuis leur entrée en Espagne.

J’aurai l’honneur d’adresser très prochainement à Votre Altesse Sérénissime l’état des grâces que je sollicite des bontés de l’Empereur pour son armée; j’ose vous prier, monseigneur, de les soumettre à Sa Majesté.

Je suis avec respect, etc.

Le maréchal de l’Empire, commandant en chef l’armée d’Aragon.

Signé : COMTE SUCHET.

 

PIÈCE N° 12

Lettre du Maréchal Suchet au prince Berthier, major Général

 

Au quartier Général de Valence, le 12 janvier 1812.

Monseigneur,

Le 10 janvier au matin, la garnison de Valence a défilé devant une partie de l’armée; la marche a duré jusqu’à la nuit. Le Général en chef Blake avait demandé la permission de sortir des premiers et d’être conduit à Murviedro; c’est un homme de soixante ans, très bien conservé et d’une grande taille; il paraît doué d’un sens droit, et passait, avec raison, pour le premier organisateur militaire de l’Espagne. On peut croire qu’il n’aime réellement pas les Anglais. Il s’est opposé autant qu’il l’a pu à l’influence qu’ils cherchent à prendre dans toutes les affaires d’Espagne ; sa perte sera vivement sentie par les Espagnols. Je le fais conduire à Pau, où il doit attendre les ordres de Votre Altesse Sérénissime, pour le lieu de sa résidence. Il est parti ce matin avec six de ses aides de camp, sous bonne escorte, accompagné par le colonel napolitain Pépé. Les autres généraux partiront le 13; j’aurai le soin de faire connaître à S. Exc . le ministre de la police mon opinion sur ceux qui méritent le plus particulièrement d’être surveillés. Des officiers espagnols munis de passeports sont partis pour Alicante et Cadix, afin de faire arriver les prisonniers français qui doivent être échangés.

Je dirige par Terruel environ sept mille prisonniers, sous l’escorte de quatre bataillons; le Général comte Pannetier couvre ce mouvement avec quatre autres bataillons, quatre cents hussards et quatre pièces de canon. Une autre colonne d’environ quatre mille prisonniers avec tous les généraux part pour Tortose. Comme le pays est extrêmement épuisé dans cette direction , je prie le Général comte Caffarelli d’assurer la marche de cette colonne jusqu’en France, soit par Jaca, soit par la Navarre. Deux mille cinq cents prisonniers ont été dirigés sur Alcira, pour être échangés.

Pour connaître exactement le nombre des prisonniers, je leur ai fait passer une revue de rigueur, afin de faire rechercher ensuite dans Valence ceux qui se seraient soustraits à mes ordres. Je crois cependant pouvoir déjà assurer qu’il entrera en France sept cents officiers et de onze à douze mille soldats ou sous-officiers, sans compter ceux qui ont été dirigés sur Alcira avec cent officiers.

J’ai fait opérer le désarmement des miliciens. Les chefs, coupables ( car en consentant l’article II de la capitulation, je n’ai eu d’autre vue que d’en finir promptement) seront détenus, et tous les assassins seront punis.

J’ai nommé commandant de la ville le Général Robert, dont je connais la délicatesse, les talents et la fermeté; il y est entré le 9, avec quelques troupes d’élite, pour établi r l’ordre. L’ordonnateur de l’armée, des officiers supérieurs d’artillerie et du génie, et le receveur central, ont été chargés de prendre possession des magasins et des caisses. Je me propose de n’entrer dans Valence, avec les troupes que le 14, afin de prévenir tout désordre, et ménager les ressources que le bombardement peut avoir épargnées.

Aujourd’hui, à dix heures du soir, un officier de l’armée de Portugal m’a remis une dépêche du Général Montbrun, qui m’écrit d’Almanza le 9, pour m’annoncer son arrivée, et les ordres formels qu’il a reçus du duc de Raguse de retourner du 15 au 20. L’opération de Valence étant achevée, je m’empresse de lui faire savoir que, conformément à ses ordres, il peut rejoindre le maréchal.

J’ai envoyé à Saint-Philippe la division du Général Harispe, avec deux régiments de cavalerie. Le Général Habert s’est porté sur le Xucar; il occupera Alcira, Cullera et Dénia où je me propose de faire un établissement. La division du Général Musnier occupera Valence jusqu’à Tortose, resserrant Péniscola que je me propose de faire bombarder. Les divisions italiennes et la brigade Bourke resteront momentanément dans Valence, et feront de nombreux détachements dans le pays pour faire rentrer les contributions en argent et surtout en denrées, car ce n’est pas sans une vive inquiétude que je vois le long espace de temps qui doit s’écouler jusqu’à la nouvelle récolte ; la disette se fait également sentir sur tous les points, et je sollicite de nouveau auprès de Votre Altesse Sérénissime la permission de faire arriver des blés de France.

Je suis avec respect, monseigneur, etc.

Le maréchal de l’Empire, commandant en chef l’armée d’Aragon.

Signé : COMTE SUCHET.

 

PIÈCE N° 13

Rapport du Général Blake au conseil de guerre, sur la reddition de Valence.

 

Valence, le 9 janvier 1812

Quoique la perte de Valence fût depuis longtemps prévue et annoncée, il m’est impossible de prendre la plume pour en faire part à V. S. sans éprouver la plus profonde douleur. On a dû craindre et on a craint ce funeste événement, depuis qu’on a vu succomber la place de Tarragone. La brillante défense de Sagonte, la réunion de forces à laquelle ce siège avait donné lieu, les énergiques dispositions que manifestaient les officiers et les soldats, leur serment de combattre en braves, avaient fait concevoir des espérances fondées et flatteuses : elles ont duré jusqu’au 25 octobre. Depuis ce jour, tout avait pris un aspect d’abattement et de tristesse; Une révolution politique, ou tout autre événement extraordinaire qui eût privé le maréchal Suchet des secours et des renforts qu’il attendait, pouvait retarder un moment la destinée de Valence, et mon plan était de soutenir cette place aussi longtemps qu’il serait possible, sans compromettre entièrement le sort de la petite armée qui composait sa garnison. La sûreté d e ces troupes dépendait de la manière dont elles défendraient la position de Quarte et de Manissès. Appuyé sur cette position et soutenu par ma cavalerie, je pouvais à mon gré et suivant les circonstances, choisir et livrer une affaire Générale, en tirant de Valence les troupes qui s’y trouvaient, ou évacuer cette place en n’y laissant qu’une petite garnison pour capituler, et sauver l’armée. Les forces nombreuses de l’ennemi et le grand circuit qu’il avait fait par son flanc droit nous avaient empêchés de profiter du vieux chemin de Madrid, qui est la route la plus grande dirigée sur cette capitale, et il était impossible que nous n’approchassions pas des deux routes de Cullera, qui bordent la rive droite et la rive gauche du lac Albufera. Le 25 décembre, les ennemis passèrent le fleuve entre Manissès et Ribaroya, et menacèrent de couper les troupes de Quarte. Mais la division Zayas, qui était à Mislata, s’opposa à ce mouvement et en annula l’effet. Je ne puis assurer si ce fut par la crainte de ce mouvement ou de toute autre combinaison que les retranchements de Quarte et de Manissès ont été évacués sans avoir été attaqués. Ceux de Manissès seulement soutinrent un feu assez léger. La cavalerie eut toute liberté d’agir, et l’artillerie ne s’étant pas retirée, fut abandonnée, à l’exception de cinq pièces qui furent conduites à Valence. Dans cet intervalle de temps, on envoya à Quarte un renfort de deux bataillons du régiment des volontaires de Castille, mais ces bataillons trouvant Quarte déjà évacué, prirent position auprès de Chirivella; les troupes de Milasta furent renforcées d’un bataillon de la division d’avant-garde avec quelques pièces d’artillerie, et deux autres bataillons se tenaient prêts à exécuter le même mouvement, lorsqu’on vit que le corps de Quarte avait quitté ce poste, et fuyait en désordre vers Chirivella, poursuivi par l’ennemi. La division Zayas n’ayant plus alors d’intérêt à occuper Mislata, exécuta sa retraite pied à pied sur Valence, en se faisant respecter de l’infanterie et de la cavalerie ennemies.

Il est aisé de concevoir l’embarras dans lequel nous nous sommes trouvés à Valence, embarras qu’il n’eût pas été difficile d’éviter, si, ne nous occupant que de notre conservation particulière, nous n’eussions pas songé à d’autres considérations. Voulant sortir de la ville avec le plus grand nombre de troupes possible sans exposer les habitants à de trop grands malheurs, et considérant que cette entreprise devait, par son extrême importance, être mûrement réfléchie, il me parut convenable de la soumettre à la délibération des généraux réunis en conseil. Tous furent d’avis qu’il fallait tenter une sortie pour se faire jour les armes à la main, et l’on convint que cette sortie aurait lieu par la porte Saint-Joseph dans la nuit du 28 au 29. Les dispositions qui devaient précéder ce mouvement furent exécutées à la faveur du silence et des ombres de la nuit; mais à peu de distance de la place les troupes qui se trouvaient en tête rencontrèrent quelques obstacles résultant de la nature du terrain. Les avant-postes de l’ennemi prirent l’alarme, un feu très vif s’engagea de part et d’autre, et ainsi échoua cette entreprise, qui ne pouvait réussir qu’à la condition d’être ignorée par les ennemis jusqu’à l’entière sortie des colonnes. L’armée retourna alors prendre ses anciennes positions du côté de Quarte. Mon projet avait été de faire une nouvelle tentative quelques jours après, mais un mouvement du peuple me fit renoncer à cette idée et me contraignit de me restreindre à la courte défense dont Valence était susceptible.

Les ennemis entreprirent avec la plus grande vigueur une attaque en règle contre nos lignes, du coté de Saint-Vincent et de Mont-Olivette, le 4, ils étaient déjà à peu de distance du fossé. L’opinion des généraux et des chefs de l’armée réunis en conseil fut alors d’abandonner les lignes et de se retirer dans la ville. Cette retraite s’exécuta pendant la nuit sans désordre ni confusion, et sans que l’ennemi s’en aperçût, quoique dans certains endroits les sentinelles d’observation ne fussent qu’à huit ou dix pas du fossé ; on rentra en ville l’artillerie de campagne et quelques pièces de gros calibre, les autres furent enclouées. Dans la journée vers deux heures de l’après-midi, le bombardement commença et fut continué nuit et jour, les 6, 7 et 8. Ses ravages sur les édifices et parmi les habitants furent terribles, la dévastation s’étendit de toutes parts, et les gémissements du peuple allaient toujours croissant : sa situation était en effet d’autant plus cruelle, que la ville de Valence n’avait aucun abri à l’épreuve de la bombe.

Je reçus, le 6 à midi, une sommation du maréchal Suchet que je rejetai. Mais, le 8, le peuple était dans une telle consternation, et moi-même j’étais tellement é tonné de me voir sans ressources et sans espoir de secours, pressé vivement par les travaux de l’ennemi, et n’ayant à lui opposer qu’une faible muraille, que je résolus d’entrer en négociation pour l’évacuation de la place. Il paraissait impossible que quarante huit heures écoulassent sans que de larges brèches fussent ouvertes, et dès lors la place pouvait être livrée à toutes les horreurs imaginables. Je frémissais à l’idée de continuer sans aucune utilité la défense pendant quatre ou cinq jours, au prix de si grands et de si terribles sacrifices.

Le Général ennemi n’ayant point adhéré à mes propositions, j’assemblai en conseil les chefs de l’armée pour en proposer de nouvelles, et c’est d’après la délibération de ce conseil et à la majorité des suffrages qu’a été conclue la capitulation dont la copie est ci-jointe. En vertu de cette capitulation les Français prennent cette nuit même possession de la citadelle et de la porte de Mer, les troupes espagnoles sortiront demain.

J’espère que V. A. voudra bien ratifier l’échange convenu des prisonniers, et envoyer en conséquence ses ordres à Mayorque. Pour ce qui me touche, l’échange des officiers de mon grade, l’époque où il pourrait avoir lieu étant extrêmement reculée, je me crois condamné à la captivité pour le reste de ma vie, et je regarde le moment de mon expatriation comme celui de ma mort. Mais si mes services ont été agréables à la patrie, et si jusqu’à ce moment je n’ai cessé de bien mériter d’elle, je supplie instamment V. A. de daigner prendre sous sa protection ma nombreuse famille.

Que Dieu garde, etc.

Signé : JOAQUIN BLAKE.

 

PIÈCE N° 14

Lettre du maréchal Suchet au prince Berthier, major Général.

 

Au quartier Général de Valence, le 17 Janvier 1812.

Monseigneur,

J’ai la satisfaction d’annoncer à V. A. S. que les troupes de l’Empereur sont entrées dans Valence le 14, quatre jours après la reddition de cette place, et que, par suite des dispositions que j’avais ordonnées, la plus grande discipline a été observée : l’armée espagnole en était déjà sortie, et j’avais fait opérer le désarmement Général ; le nombre des fusils réunis s’élève à près de vingt mille.

J’ai fait enlever tous les moines; cent quarante-huit qui se trouvaient trop vieux pour voyager vont être réunis dans un couvent à dix lieues de Valence. Cinq cents environ sont déjà partis pour la France, et cinq des plus coupables, qui promenaient dans les rues la bannière de la foi et qui prêchaient sur les places publiques au moment de la capitulation pour exciter encore les habitants, ont été fusillés. Je continuerai à faire faire des recherches pour tacher d’en arrêter un plus grand nombre.

Sur trois mille paysans armés des environs de Valence, qui avaient pris les armes, j’en ai fait arrêter quatre cent quatre-vingts, comme suspects, ils partent liés pour la France. Parmi eux se trouve un assez grand nombre de chefs de guérillas; plusieurs ont été fusillés ou vont l’être. Dans sa fureur, le marquis de Palacio était parvenu à organiser en milice dix mille habitants, et les hommes de soixante-dix à quatre-vingts ans avaient des postes assignés dans la défense de la ville. Je les ai tous fait réunir aujourd’hui, toute la ville tremblait de voir les chefs de famille enlevés. Le Général Robert a eu de la peine à obtenir des officiers qu’ils fissent connaître les plus coupables; j’espère cependant finir par les découvrir; trois des plus furieux sont au château et seront fusillés. Trois cent cinquante étudiants servant d’auxiliaires à l’artillerie et tous fort exaltés, ont été enlevés et seront conduits en France. J’ai ordonné la dissolution de tous ces corps, que je me propose de remplacer par une garde civique moins nombreuse et formée particulièrement d’hommes choisis parmi les pères de famille et les propriétaires. Tous les assassins des Français seront recherchés et punis; déjà plus de six cents ont été exécutés par la fermeté du juge espagnol Marescot, que j’espère voir bientôt.

Il existe plus de douze cents invalides dans le pays entre Saint-Philippe et Valence ; j’espère leur faire donner une demi-solde  tant qu’ils se conduiront bien.

J’ai envoyé chercher l’archevêque de Valence, qui était à Gandia ; il est venu avec empressement. C’est un vieillard de soixante-dix-huit ans qui paraît animé d’un bon esprit.

Sous peu du jours, j’aurai l’honneur d’adresser à Votre Altesse le plan des forts destinés à Servir de réduit à la garnison et à contenir la ville.

La petite place de Peniscola ayant hésité a se rendre, je l’ai fait bloquer par terre, déjà les moyens d’artillerie nécessaires pour la réduire sont prêts à Bénicarlo. Je crois, comme j’ai déjà eu l’honneur de le marquer à Votre Altesse, n’en obtenir raison que par le bombardement.

Je viens d’être informé que les généraux Lascy, d’Eroles et Sarsfield, se sont réunis à Reus et menacent Tarragone. Ils sont appuyés par deux vaisseaux anglais, deux frégates et vingt-trois canonnières qui ont débarqué dans le port de Salao du canon, des vivres et des échelles. J’ai ordonné aussitôt au Général Lafosse, commandant de Tortose, de se porter avec sa garnison sur Reus; je le fais soutenir par le Général Musnier avec deux mille cinq cents hommes. J’espère que ces troupes arriveront à temps pour repousser l’ennemi. Je n’aurais aucun sujet d’inquiétude, si les régiments que l’Empereur avait ordonné de laisser en basse Catalogue y fussent restés ; mais leur absence à forcé le gouverneur de Tarragone à laisser manger un approvisionnement que j’avais fait compléter à sept mois pour douze cents hommes, et auquel j’avais défendu, sous peine de mort, que personne ne touchât, c’est ainsi que, par des mesures accidentelles, on compromet le sort des places qui ont coûté tant de peine à prendre.

Je viens enfin de recevoir des nouvelles du Général Darmagnac, dont je n’avais pas entendu parler depuis le 24 décembre, et qui a envoyé un bataillon du soixante-quinzième à Requena; je l’engage à laisser un poste sur ce point pour se lier avec ceux que j’ai déjà établis en arrière jusqu’à Valence, afin que la communication avec Madrid devienne facile.

Je suis forcé d’employer seize bataillons pour l’escorte des prisonniers; ces troupe s mettront douze jours pour se rendre a Saragosse, et je prévois à regret qu’elles seront forcées d’aller jusqu’à Pau, ce qui m’en privera pendant quarante jours.

Je remets à V, A. S. le rapport que m’adresse le Général Caffarelli sur l’événement affligeant arrivé à Huesca. Les dispositions qui avaient été prises pour la sûreté de ce poste étaient si bonnes, que j’étais fondé à en attendre  un tout autre résultat. J’engage le Général Caffarelli à rechercher la cause de cet évènement, qui a permis à Mina de s’emparer de la garnison et de l’emmener sans être inquiété, ce qui paraîtra inconcevable à tout homme qui, comme moi, connaîtra les localités. Cette fausse manœuvre, cette lenteur dans les opérations, continuent de nous priver de nos relations avec la France. Les dernières lettres  que j’ai reçues sont du 14 décembre, et je ne doute pas que l’Empereur conçoive des inquiétudes, tandis que j’ai tout fait pour les prévenir, ayant envoyé à V. A. de fréquents rapports, et ayant fait partir trois de mes aides de camp.

Je suis avec respect, etc.

Le Maréchal de l’Empire,

Signé : COMTE SUCHET.


NOTES

Officiers français

Maréchal Suchet : Louis-Gabriel Suchet , 1770-1826. Duc d’Albufera, Maréchal de France, Grand Aigle de la Légion d’honneur, Pair de France. Fils de soyeux, doté d’une solide instruction, Suchet s’initie au métier paternel, travaille dans la manufacture. A la Révolution il s’engage dans la garde nationale de Lyon (1791), puis devient soldat d’une compagnie franche, lieutenant puis capitaine. Lieutenant-colonel aux volontaires de l’Ardèche (septembre 1793), présent au siège de Toulon. Affecté à l’armée d’Italie (1794), il sert  sous Bonaparte (1796). Il est à Arcole et Rivoli, deux fois blessé, et termine la campagne comme chef de brigade. Chef d’état-major de Brune en Suisse (1798), puis de nouveau en Italie comme général de brigade. Nommé général de division et chef d’état-major de Joubert (1799), il prend le commandement de cette armée après la mort de celui-ci à Novi. Coupé de l’armée de Masséna, il se replie sur le Var, puis reprend Gênes quelques jours après Marengo.

Inspecteur général d’infanterie (1801). Commandant d’une division sous Soult puis au 5e corps sous Lannes. S’illustre à Austerlitz ce qui lui vaut d’être nommé Grand Aigle de la Légion d’honneur. En 1806, il est à Saalfeld, à Iéna et à Pultusk. L’année suivante, il est en Silésie, puis fait comte de l’Empire en 1808.

Envoyé en Espagne, il sera le seul des grands généraux à obtenir une réussite exceptionnelle et le seul maréchal à gagner son titre en Espagne, où il obtient une série impressionnante d’actions à la tête de l’armée d’Aragon : prises de Saragosse, Lérida, Tortose, Tarragone, Mont-Serrat et victoires de Sagonte et de Valence qui lui vaut son titre de duc d’Albufera. Gouverneur de la Catalogne en 1812, et par une stricte discipline, ne tolérant pas les pillages et les exactions, maintient son autorité dans la région. 

L e désastre de Vitoria (1813) l’oblige à quitter Valence, et à s’installer à Barcelone d’où il envoie des renforts à l’Empereur en Allemagne. A la fin de l’année, il est à Gérone où il reçoit Ferdinand VII puis est encore vainqueur à Moulins del Rey en janvier 1814. Il défend la frontière des Pyrénées Orientales jusqu’à la chute de l’Empire. Rallié à la Restauration, il est nommé pair de France et commandant la division militaire à Caen. Durant les Cent-Jours, il rejoint Napoléon, qui lui confie le commandement de l’armée des Alpes où il envahit la Savoie. Lorsque survient la deuxième abdication, il est déjà aux portes de Genève. Il négocie habilement avec les Alliés, évite l’occupation de Lyon et se retire dans son château de Saint-Joseph près de Marseille. Radié de la chambre des pairs, il retrouve son titre en 1819. Il meurt le 3 janvier 1826. 

Prince Berthier. Louis-Alexandre Berthier, 1753-1815. Prince souverain de Neuchâtel – Prince de Wagram – Maréchal de France – Grand Aigle de la Légion d’honneur – Grand veneur – Vice-connétable de l’Empire

Berthier reçoit une forte éducation pour devenir élève ingénieur géographe. Nommé officier du roi, il est en Amérique avec Rochambeau et devient colonel avant la Révolution. Destitué comme noble, il retrouve les armée en 1795, comme général de brigade. En Italie (1796) général de division, chef d’état-major de Bonaparte, à qui il restera fidèle jusqu’en 1814. S’illustre à Lodi, à Rivoli. Chargé de porter le traité de paix de Campoformio au Directoire. Nommé commandant l’armée d’Italie, mais rappelé peu de temps après par Bonaparte qui veut le garder à son état-major. Il le suit sur les côtes du nord avec l’armée d’Angleterre puis en Egypte. Il est aux Pyramides, en Syrie, à Aboukir et revient en France avec Bonaparte. Après Brumaire, il est nommé ministre de la Guerre. Il participe à la deuxième campagne d’Italie (1800) et à la victoire de Marengo. Maréchal d’Empire dès la première promotion, il est Grand Aigle de la Légion d’honneur l’année suivante et major général de la Grande Armée. Il est présent à Austerlitz et Friedland. Nommé grand veneur, vice-connétable de l’Empire et prince souverain de Neuchâtel. Prend un temps le commandement de l’armée d’Allemagne pour la campagne de 1809 mais se montre incapable de gérer ses troupes. A l’arrivée de l’Empereur, il reprend sa place de chef d’état-major. Fait prince de Wagram après la bataille, il épouse, sous la pression de Napoléon, une princesse de Bavière, Marie Elisabeth.

Prépare la campagne de Russie et part avec l’Empereur encore une fois comme major général de la Grande Armée. Il est à Smolensk, à la Moskowa et à Moscou. Après la retraite et Napoléon le laisse à Murat lorsqu’il quitte l’armée pour Paris. Fait les campagnes d’Allemagne et de France et suit l’Empereur jusqu’à Fontainebleau. Il fait partie de ceux qui abandonnent l’Empereur, et, lors du retour de l’île d’Elbe de Napoléon, accompagne Louis XVIII à Gand, puis se retire à Bamberg, château du prince de Bavière, son père. Rayé de la liste des Maréchaux, assigné à résidence par les Alliés, qui veulent l’empêcher de rejoindre l’Empereur. Il meurt le 1er juin 1815, en tombant d’une fenêtre du château, sans que l’on sache encore s’il s’agit d’un suicide, d’un accident ou d’un assassinat.

Duc de Raguse – Auguste-Frédéric-Louis Marmont, 1774-1852. Duc de Raguse, Maréchal de France.

Affecté à l’école d’artillerie de Châlons-sur-Marne (1790), lieutenant-colonel en 1792. Rencontre Bonaparte au siège de Toulon et devient son aide de camp en 1794. En Italie (1796) puis sur Rhin sous les ordres de Desaix. Bonaparte devenu commandant de l’armée de l’Intérieur le rappelle aussi tôt. Nommé chef de bataillon en Italie. Il participe à l’expédition d’Egypte (1798).

Promu chef de brigade d’artillerie mais toujours aide de camp de Bonaparte, il est fait général de brigade à Malte après s’être emparé du drapeau des chevaliers de Saint-Jean d’Acre. Est aux Pyramides et, commandant la flotte d’Alexandrie, repousse la flotte anglaise, le 3 février 1799. Après Brumaire, devient conseiller d’État, puis suit Bonaparte en Italie. Il se distingue à Marengo à la tête de l’artillerie et devient général de division en septembre 1800. Premier inspecteur général de l’artillerie (1802), commandant le camp d’Utrecht en Hollande. Colonel-général des chasseurs et des hussards (1805), il ne fait cependant pas partie de la première promotion des maréchaux.

A la tête du IIe corps de la Grande Armée (1805), contribue à la victoire d’Ulm, mais n’est pas présent à Austerlitz. Général en chef et gouverneur de la Dalmatie (1806), il est chargé de sa pacification et de sa valorisation. Contraint la flotte russe à lever le siège de Raguse, ce qui lui vaut le titre de duc de cette ville en 1808. En 1809, il repousse les Autrichiens vers le nord, est vainqueur à Gôspich, Fiume, prend Graz, s’illustre en commandant la réserve à Wagram et est vainqueur à Znaim. Nommé maréchal le 12 juillet.

Gouverneur des Provinces Illyriennes, il est envoyé en 1811 au Portugal pour remplacer Masséna. Il débloque Ciudad Rodrigo, envahit le Portugal et affronte Wellington, arrive jusqu’à Castelo-Branco mais doit se replier. Battu aux Arapiles, où il est blessé. Il ne reprend un commandement qu’au début de 1813. Commandant le VIe corps de la Grande Armée en Saxe en 1813, il est à Lützen, Dresde et commande l’aile gauche à Leipzig. 

Commandant le VIe corps à l’armée de Champagne (1814), il est à Brienne , La Rothière, Champaubert, Vauchamps, Montmirail, mais il est battu à Laon. Capitule à Paris (30 mars) pourtant défendable. Sa défection entraîne l’abdication de Napoléon. Nommé pair de France par Louis XVIII, il le suit à Gand pendant les Cent-Jours. Il vote la mort dans le procès du maréchal Ney. Ministre d’État et membre du Conseil supérieur de la Guerre, il est chargé de réprimer la Révolution de 1830. Il échoue et sa carrière est terminée. Il passe les dernières années de sa vie à essayer de se justifier. Il meurt le 22 juillet 1852 à Venise. 

Général Reille – Honoré-Charles Reille, 1775-1860. Venu de Navarre, dont il est le gouverneur.

Général Harispe – Jean-Isidore Harispe, 1768-1855. Blessé à Iéna , général de brigade en 1807, blessé à Friedland, en Espagne de 1808 à 1814 – Général de division en 1810 – Commande la 2e division du 3e corps sous Suchet. Nommé maréchal de France en 1851, sous Napoléon III. – Division Harispe : 7e, 116e, 44e  de ligne, 3e Régiment de la Légion de Vistule

Robert – De la 1° division Musnier : 114e Line et 1er Régiment de la Légion de Vistule.

Général Boussard – André-Joseph Boussart, 1758-1813. Sert sept ans en Autriche avant d’entrer dans les armées françaises. Général de brigade en 1801. Reçut ce jour là 5 coups de lance et 3 coups de sabre – Dans sa carrière Boussart eut : 3 coups de sabre le 21 avril 1796; Alexandrie: blessé le 2 juillet 1798; Canope: blessé de 2 balles le 23 mars 1801;  Pultusk : blessé par coup de feu, son cheval étant tué sous lui le 26 décembre 1806; Ostralenka : blessé à nouveau le 16 février 1807;  Lérida: coup de feu au ventre le 23 avril 1810;  et ceux que nous avons vu à Touente. Au total: 23 blessures et 12 chevaux tués sous lui. 
Division de cavalerie Boussart : 4e Hussard – 24e Dragons – 13e Cuirassier – Dragons Napoléon – Chasseurs Napolitains

Général Musnier – Louis Musnier de la Converserie 1766-1837. Sert à Marengo, sous Boudet. Général de division en 1805. En Espagne de 1808 à 1813. Défend Lyon en 1814. Grand Officier de la LH en 1810 – 1° division Musnier : Brigade Robert (114e Line et 1er Regimentt de la Légion de Vistule.)

Général Balathier – Eloi Charles Balathier de Bragelonne, 1771-1830. Sert en Espagne de 1810 à 1812, étant notamment au siège de Valence. Il mourra fou.

Général Palombini – Division Italienne Palombini : Brigade Saint Paul (5e et 6e de Ligne) et Brigade Balathier (2e léger, 4e de ligne)

Général Habert – Pierre-Joseph Habert, 1773-1825.. Sert en Autriche, Prusse et Pologne de 1805 à  1807. En Espagne de 1808 à 1813. Il forme l’arrière-garde au moment de la retraite de Suchet, Sera nommé gouverneur de Barcelone, qu’il ne rendra qu’après la paix. – 3e Division Habert : Brigade Montmarie (5e et 16e de Ligne) – Brigade Bronikowski (117e de Ligne  )

Général Darmagnac (Envoyé par Joseph) – Jean-Barthélémy-Claude-Toussaint Darmagnac, 1766-1855. En Espagne de 1808 à 1813 où il occupe plusieurs postes de gouverneur de provinces

Colonel du génie Henri – 

Colonel napolitain Pépé – Guglielmo Pépé – 1783-1855 – Devint Général et laissa d’intéressantes mémoires

Général Robert

Général de cavalerie Delort – Marie-Joseph-Raymond Delort, 1769-1846. Fait une partie de sa carrière en Dalmatie et en Istrie.

Général Severoli – rien au Six

Général comte Pannetier – Claude-Marie-Joseph Pannetier, comte de Valdotte, 1769-1843. Il commande la 2e brigade de la 2e division Harispe. Fait com te d’Empire en 1808.

Général Montmarie – Aimé-Sulpice-Victor Pelletie, baron de Montmarie, 1772-1813. Sert en Espagne à l’armée du Centre avant de partir en Russie. Blessé à la Moskowa, puis à Wachau, durant la bataille de Leipzig, décédant des suites de cette dernière blessure.

Général Saint-Cyr-Nugues – Cyr, baron Nugues, dit Saint-Cyr-Nugues, 1774-1842. Suit Suchet depuis le camp de Boulogne, à des postes d’officier d’état-major. En Espagne depuis 1808, dans le corps de Suchet.

Général comte Caffarelli – Marie François Auguste, comte Caffarelli (1766-1849) – Lord Blayney l’a connu en janvier 1811 alors qu’il était commandant de Vittoria. – 

Général Montbrun (détaché de l’armée de Portugal) – Louis-Pierre, comte Montbrun, 1770-1812, Commandant de la cavalerie de Portugal depuis avril 1810. Quitte la péninsule pour aller en Russie, sous Murat

Général Lafosse – Jacques-Mathurin Lafosse, 1757-1824. En Espagne de février 1808 à février 1813.

Colonel Barbieri du 2e léger –

Colonel Belotli – 

Capitaine du génie Ordinaire –

Colonel Saint-André –

Colonel Peyre –

Colonel Christophe –

Colonel Meyer (1er aide de camp de Suchet) – Bernard Meyer de Shauensee, 1777-1860. Suisse de naissance, servit sous Suchet en Espagne de 1808 à 1814.

Richard – 

Antoine – 

L’officier d’état-major Visconti

L’officier d’état-major d’Héronville

Ponti-Provasi

 

Unités françaises

Dragons Napoléon

Premier régiment de la Vistule

Brigade Bourke

 

 

Officiers espagnols

Don Joaquin Blake : « Le Général Blake, qu’on ne peut plus qualifier que de brigand, est parvenu par les menaces, les supplices et les incendies, à exciter le peuple de ces montagnes (les Alpujarras) à courir aux armes «  Soult à Berthier le 17 mars 1810. Joaquín Blake y Joyes : d’origine Irlandaise, né à Malaga le 19 août 1759 – A 15 ans cadet du régiment d’infanterie « America » – Sergent Major du Régiment des volontaires de Castille – Blessure à Muga en 1794 – Colonel dans le régiment d’élite des Chasseurs volontaires de la Corogne en 1975- Teniente General en 1808 – Régent du Roi en 1810 – Capitán general en 1811 – Décédé à Valladolid le 27 avril 1827

Don Carlos O’Donell

Don José Zayas

Don José Lardizabal

Don José Miranda

Don Francisco Marco del Ponte

Don Ramon Pires

Le comte Rouré

Le Général Mahy – Mahy, Nicolás Madrid 1757 / La Havane 13 juillet 1823

Le Général Obispo

Général Lascy,

Général d’Eroles

Général Sarsfield

Villar-Campa

Mina

Marquis de Rocca

Marquis de Palacio

Juge espagnol Marescot

 

Unités Espagnoles

Volontaires de Castille