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Statut de la famille impériale

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les constitutions de l’État, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D’ITALIE, à tous présens et à venir, SALUT.

 

     L’article 14 de l’acte des constitutions du 28 floréal an XII porte que nous établirons par des statuts auxquels nos successeurs seront tenus de se conformer, les devoirs des individus de tout sexe, membres de la maison impériale, envers l’Empereur. Pour nous acquitter de cette importante obligation, nous avons considéré, dans son objet et dans ses conséquences, la disposition dont il s’agit, et nous avons pesé les principes sur lesquels doit reposer le statut constitutionnel qui formera la loi de notre famille.

     L’état des princes appelés à régner sur ce vaste Empire et à le fortifier par des alliances, ne saurait être absolument le même que celui des autres Français.

     Leur naissance, leurs mariages, leurs décès, les adoptions qu’ils pourraient faire, intéressent la nation tout entière, et influent plus ou moins sur ses destinées : comme tout ce qui concerne l’existence sociale de ces princes appartient plus au droit politique qu’au droit civil, les dispositions de celui-ci ne peuvent leur être appliquées qu’avec les modifications déterminées par la raison d’État ; et si cette raison d’État leur impose des obligations dont les simples citoyens sont affranchis, ils doivent les considérer comme une conséquence nécessaire de cette haute dignité à laquelle ils sont élevés, et qui les dévoue sans réserve aux grands intérêts de la patrie et à la gloire de notre maison.

     Des actes aussi importans que ceux qui constatent l’état civil de la maison impériale, doivent être reçus dans les formes les plus solennelles : la dignité du trône l’exige, et il faut d’ailleurs rendre toute surprise impossible.

     En conséquence, nous avons jugé convenable de confier à notre cousin l’archi-chancelier de l’Empire, le droit de remplir exclusivement, par rapport à nous et aux princes et princesses de notre maison, les fonctions attribuées par les lois aux officiers de l’état civil. Nous avons aussi commis à l’archi-chancelier le soin de recevoir le testament de l’Empereur et le statut qui fixera le douaire de l’Impératrice. Ces actes, ainsi que ceux de l’état civil, tiennent de si près à la maison impériale et à l’ordre politique, qu’il est impossible de leur appliquer exclusivement les formes ordinairement employées pour les contrats et pour les dispositions de dernière volonté.

     Après avoir réglé l’état des princes et princesses de notre sang, notre sollicitude devait se porter sur l’éducation de leurs enfans. Rien de plus important que d’écarter d’eux, de bonne heure, les flatteurs qui tenteraient de les corrompre, les ambitieux qui, par des complaisances coupables, pourraient capter leur confiance, et préparer à la nation des souverains faibles, sous le nom desquels ils se promettraient un jour de régner. Le choix des personnes chargées de l’éducation des enfans des princes et princesses de la maison impériale doit donc être réservé à l’Empereur.

     Nous avons ensuite considéré les princes et princesses dans les actions communes de la vie. Trop souvent la conduite des princes a troublé le repos des peuples, et produit des déchiremens dans l’État. Nous devons armer les Empereurs qui régneront après nous, de tout le pouvoir nécessaire pour prévenir ces malheurs dans leurs causes éloignées, pour les arrêter dans leurs progrès, pour les étouffer lorsqu’ils éclatent.

     Nous avons aussi pensé que les princes de l’Empire, titulaires des grandes dignités, étant appelés par leurs éminentes prérogatives à servir d’exemple au reste de nos sujets, leur conduite devait, à plusieurs égards, être l’objet de notre particulière sollicitude.

     Tant de précautions seraient sans doute inutiles, si les souverains qui sont destinés à s’asseoir un jour sur le trône impérial, avaient, comme nous, l’avantage de ne voir autour d’eux que des parens dévoués à leur service et au bonheur des peuples, que des grands distingués par un attachement inviolable à leur personne : mais notre prévoyance doit se porter sur d’autres temps ; et notre amour pour la patrie nous presse d’assurer, s’il se peut, aux Français, pour une longue suite de siècles, l’état de gloire et de prospérité où, avec l’aide de Dieu, nous sommes parvenus à les placer.

     À ces causes, nous avons décrété et décrétons le présent statut, auquel, en exécution de l’art. 14 de l’acte des constitutions de l’Empire, du 28 floréal an XII, nos successeurs seront tenus de se conformer.

 

TITRE PREMIER.

De l’état des Princes et Princesses de la Maison impériale.

     ART. 1.er. L’Empereur est le chef et le père commun de sa famille. À ces titres, il exerce sur ceux qui la compose [1]Sic , la puissance paternelle pendant leur minorité, et conserve toujours à leur égard un pouvoir de surveillance, de police et de discipline, dont les effets principaux seront déterminés ci-après.

2. Si l’Empereur est lui-même mineur, les droits mentionnés dans l’article précédent appartiennent au régent, qui ne peut les exercer qu’en vertu d’une délibération du conseil de régence, prise dans les cas où il y a lieu à en faire l’application.

3. La maison impériale se compose,

     1.° Des princes compris dans l’ordre d’hérédité établi par l’acte des constitutions du 28 floréal an XII, de leurs épouses, et de leur descendance en légitime mariage ;

     2.° Des princesses nos soeurs, de leurs époux et de leur descendance en légitime mariage, jusqu’au cinquième degré inclusivement ;

     3.°De nos enfans d’adoption et de leur descendance légitime.

4. Le mariage des princes et princesses de la maison impériale, à quelque âge qu’ils soient parvenus, sera nul et de nul effet, de plein droit, et sans qu’il soit besoin de jugement, toutes les fois qu’il aura été contracté sans le consentement formel de l’Empereur.

     Ce consentement sera exprimé dans une lettre close, contre-signée par l’archi-chancelier de l’Empire. Il suffira seul, et tiendra lieu de dispense d’âge et de parenté, dans tous les cas où ces dispenses sont nécessaires.

5. Tous les enfans nés d’une union qui n’aurait point été contractée conformément aux dispositions du précédent article, seront réputés illégitimes, sans que ni eux, ni leurs père et mère puissent prétendre, en vertu de cette union, aucun des avantages attachés par les lois et usages de certains pays aux mariages dits de la main gauche ; lesquels mariages ne sont autorisés ni par le Code civil, ni par les constitutions de l’Empire, et sont, autant que besoin est, prohibés par le présent statut.

6. Les conventions matrimoniales des princes et princesses de la maison impériale sont nulles, si elles ne sont approuvées par l’Empereur, sans que, dans ce cas, les parties puissent exciper des dispositions du Code civil, lesquelles n’auront point lieu à leur égard.

7. Le divorce est interdit aux membres de la maison impériale de tout sexe et de tout âge.

8. Ils pourront néanmoins demander la séparation de corps.

     Elle s’opérera par la seule autorisation de l’Empereur, sans forme ni procédure.

     Elle n’aura d’effet que quant à l’habitation commune, et ne changera rien aux conventions matrimoniales.

9. Les biens des princes et princesses de la maison impériale, dont le père serait décédé, seront, pendant leur minorité, administrés par un ou plusieurs tuteurs que l’Empereur nommera.

10. Ces tuteurs rendront le compte de tutelle au conseil de famille dont il sera parlé ci-après.

11. Le conseil de famille exercera sur le tuteur, en tout ce qui concernera l’administration de la tutelle, une juridiction coactive et contentieuse.

     Il remplira, pour les actes de tutelle, toutes les fonctions qui, à l’égard des particuliers, sont déléguées par le Code civil aux conseils de famille ordinaires et aux tribunaux.

     Néanmoins les décisions qu’il rendra, n’auront d’effet qu’après l’approbation de l’Empereur, dans tous les cas où, entre particuliers, les délibérations du conseil de famille sont sujettes à l’homologation des tribunaux.

12. Les membres de la maison impériale ne peuvent, sans le consentement exprès de l’Empereur, ni adopter, ni se charger de tutelle officieuse, ni reconnaître leurs enfans

     Dans ces cas, l’Empereur réglera les effets que l’acte devra produire, quant aux biens, et quant au rang qu’il donnera dans l’État à la personne qui en sera l’objet.

13. L’interdiction des princes et princesses de la maison impériale, dans les cas prévus par l’article 489 du Code civil, est prononcée par le conseil de famille.

     Le jugement n’a d’effet qu’après avoir été approuvé par l’Empereur.

     Le conseil de famille exercera sur le curateur, sur l’interdit et sur ses biens, la même autorité et la même juridiction qui, entre particuliers, appartiennent aux conseils de famille ordinaires et aux tribunaux.

 

TITRE II.

Des Actes relatifs à l’état des Princes et Princesses de la Maison impériale.

14. L’archi-chancelier de l’Empire remplira exclusivement, par rapport à nous et aux princes et princesses de notre maison, les fonctions attribuées par les lois aux officiers de l’état civil.

     En conséquence, il recevra les actes de naissance, d’adoption, de mariage, et tous actes prescrits ou autorisés par le Code civil.

15. Ces actes seront transcrits sur un registre double, tenu par le secrétaire de l’état de la maison impériale, coté par première et dernière, et paraphé sur chaque feuille par l’archi-chancelier

     Le secrétaire de l’état de la maison impériale sera nommé par l’Empereur, et choisi parmi les fonctionnaires qui font ou ont fait partie du ministère ou du Conseil d’état.

16. Le secrétaire de l’état de la maison impériale demeurera dépositaire de ces registres. Il délivrera les extraits des actes y contenus, lesquels seront visés par l’archi-chancelier.

17. Lorsque ces registres seront finis, ils seront clos et arrêtés par l’archi-chancelier : l’un des doubles restera aux archives impériales, l’autre sera déposé aux archives du Sénat, conformément à l’article 13 de l’acte des constitutions du 28 floréal an XII.

18. Les actes seront rédigés dans les formes établies par le Code civil ; sauf ce qui est réglé par l’article 31 de l’acte des constitutions du 28 floréal an XII, pour les actes d’adoption, dans le cas prévu par l’article 4 dudit acte.

19. L’Empereur indiquera les témoins qui assisteront aux actes de naissance et de mariage des membres de la maison impériale.

     S’il est absent du lieu où l’acte est passé, ou s’il n’y a pas eu d’indication de sa part, l’archi-chancelier sera tenu de prendre les témoins parmi les princes du sang, en suivant l’ordre de leur proximité du trône ; après eux, parmi les princes de l’Empire, titulaires de grandes dignités ; et au défaut de ceux-ci, parmi les grands officiers de l’Empire et les membres du Sénat.

20. L’archi-chancelier ne pourra recevoir l’acte de mariage des princes et princesses, ni aucun acte d’adoption ou de reconnaissance d’enfans naturels, qu’après qu’il lui aura apparu de l’autorisation de l’Empereur : À cet effet, il lui sera adressé, le cas échéant, une lettre close, qui indiquera en outre le lieu où l’acte doit être reçu. Cette lettre sera transcrite en entier dans l’acte.

21. Les actes ci-dessus mentionnés qui, par l’effet de circonstances particulières, seraient dressés en l’absence de l’archi-chancelier, lui seront remis par celui qui aura été désigné pour le suppléer.

     Ces actes seront inscrits sur le registre ; et la minute y demeurera annexée, après avoir été visée par l’archi-chancelier.

22. L’acte qui fixera le douaire de l’Impératrice, sera reçu par l’archi-chancelier, assisté du secrétaire de l’état de la maison impériale, qui l’écrira en présence de deux témoins indiqués par l’Empereur.

     Cet acte, soit clos, soit ouvert, suivant que l’Empereur l’aura déterminé, sera déposé au Sénat par l’archi-chancelier.

23. Lorsque Empereur jugera à propos de faire son testament par acte public, l’archi-chancelier, assisté du secrétaire de l’état de la maison impériale, recevra sa dernière volonté, laquelle sera écrite sous la dictée de l’Empereur par le secrétaire de l’état de la maison impériale, en présence de deux témoins.

     Dans ce cas, l’acte sera écrit sur le registre mentionné en l’article 15 ci-dessus.

24. Si l’Empereur dispose par testament mystique, l’acte de suscription sera dressé par l’archi-chancelier et inscrit par le secrétaire de l’état de la maison impériale. Ils signeront l’un et l’autre avec l’Empereur et les six témoins qu’il aura indiqués.

     Le testament mystique de l’Empereur sera déposé au Sénat par l’archi-chancelier.

25. Après le décès des princes et princesses de la maison impériale, les scellés seront apposés dans leurs palais et maisons par le secrétaire de l’état de la maison impériale, et, en cas d’empéchement, par un conseiller d’état désigné à cet effet par l’archi-chancelier de l’Empire.

 

TITRE III.

De l’Éducation des Princes et Princesses de la Maison impériale.

26. L’Empereur règle tout ce qui concerne l’éducation des enfans des princes et princesses de sa maison. Il nomme et révoque à volonté ceux qui en sont chargés, et détermine le lieu où elle doit s’effectuer.

27. Tous les princes nés dans l’ordre de l’hérédité seront élevés ensemble et par les mêmes instituteurs et officiers, soit dans le palais qu’habite l’Empereur, soit dans un autre palais, dans le rayon de dix myriamètres de sa résidence habituelle.

28. Leurs [2]Sic cours d’éducation commencera à l’âge de sept ans, et finira lorsqu’ils auront atteint leur seizième année.

     Les enfans de ceux qui se sont distingués par leurs services, pourront être admis par l’Empereur à en partager les avantages.

29. Le cas arrivant où un prince, dans l’ordre de l’hérédité, monterait sur un trône étranger, il sera tenu, lorsque ses enfans mâles auront atteint l’âge de sept ans, de les envoyer à la susdite maison pour y recevoir leur éducation.

 

TITRE IV.

Du Pouvoir de surveillance, de discipline et de police que l’Empereur exerce dans l’intérieur de sa Famille.

30. Les princes et princesses de la maison impériale, quel que soit leur âge, ne peuvent, sans l’ordre ou sans le congé de l’Empereur, sortir du territoire de l’Empire, ni s’éloigner de plus de quinze myriamètres (trente lieues) de la ville où la résidence impériale se trouve établie.

31. Si un membre de la maison impériale vient à se livrer à des déportemens et oublier sa dignité ou ses devoirs, l’Empereur pourra infliger, pour un temps déterminé et qui n’excédera point une année, les peines suivantes, savoir :

     Les arrêts,

     L’éloignement de sa personne,

     L’exil.

32. L’Empereur peut ordonner aux membres de la maison impériale d’éloigner d’eux les personnes qui lui paraissent suspectes, encore que ces personnes ne fassent point partie de leur maison.

 

TITRE V.

Du Conseil de Famille.

33. Il y aura auprès de l’Empereur un conseil de famille. Indépendamment des attributions qui sont données à ce conseil par les articles 10, 11 et 13 du présent statut, il connaîtra,

     1.° Des plaintes portées contre les princes et princesses de la maison impériale, toutes les fois qu’elles n’auront point pour objet des délits de la nature de ceux qui, aux termes de l’article 101 de l’acte des constitutions du 28 floréal an XII, doivent être jugés par la haute-cour ;

     2.° Des actions purement personnelles, intentées soit par les princes et princesses de la maison impériale, soit contre eux.

     À l’égard des actions réelles mixtes, elles continueront à être portées devant les tribunaux ordinaires.

34. Le conseil de famille sera présidé par l’Empereur, et, à son défaut, par l’archi-chancelier de l’Empire, lequel en fait toujours partie.

     Il sera composé, en outre, d’un prince de la maison impériale désigné par l’Empereur, de celui des princes grands dignitaires de l’Empire qui aura le premier rang d’ancienneté, du doyen des maréchaux de l’Empire, du chancelier du Sénat, et du premier président de la cour de cassation.

     Le grand-juge ministre de la justice remplit près le conseil les fonctions du ministère public.

     Le secrétaire de l’état de la maison impériale y tient la plume.

     Les pièces et les minutes des jugemens seront déposées aux archives impériales.

35. Les demandes susceptibles d’être présentées au conseil seront préalablement communiquées à l’archi-chancelier, qui en rendra compte, dans huitaine au plus tard, à l’Empereur, et prendra ses ordres.

36. Si l’Empereur ordonne que l’affaire soit suivie devant le conseil, l’archi-chancelier procédera d’abord à la conciliation.

     Les procès-verbaux contenant les dires, aveux et propositions des parties intéressées, seront dressés par le secrétaire de l’état de la maison impériale. L’accommodement dont les parties pourraient convenir n’aura d’effet qu’après avoir été approuvé par l’Empereur.

37. Le conseil de famille n’est point tenu de suivre les formes ordinaires, soit dans l’instruction des causes portées devant lui, soit dans les jugemens qu’il rend.

     Néanmoins il doit toujours entendre les parties, soit par elles-mêmes, soit par leur fondé de pouvoirs, et ses jugemens sont motivés.

     Il doit aussi avoir prononcé dans le mois.

38. Les jugemens rendus par le conseil de famille ne sont point susceptibles de recours en cassation. Ils sont signifiés aux parties à la requête du grand-juge, par les huissiers de la chambre ou tous autres à ce commis.

39. Lorsque le conseil de famille statue sur des plaintes, et qu’il les croit fondées, il se borne à déclarer que celui contre qui elles sont dirigées, est répréhensible pour le fait que la plainte spécifie, et renvoie pour le surplus à l’Empereur.

40. Si l’Empereur ne croit pas devoir user d’indulgence, il prononce l’une des peines portées en l’article 31 ci-dessus, et même, suivant la gravité du fait, la peine de deux ans de réclusion dans une prison d’État.

 

TITRE VI.

Des Dispositions du présent Statut qui sont applicables aux Princes de l’Empire titulaires des grandes dignités.

41. Les grands dignitaires et les ducs sont assujettis aux dispositions de l’article 31 ci-dessus, dans les cas prévus par cet article.

     Donné en notre palais des Tuileries, le 30 Mars de l’an 1806.

                                                                      Signé NAPOLÉON.

References

References
1, 2 Sic