Shubert – Avril 1813

Le 18 Avril.  Après être arrivé la veille à  Gössnitz, par un chemin abominable, Korff prend le commandement du détachement de Saint-Priest. Je vais à Altenburg, pour parler à Blücher; je ne trouve que Miloradovich, qui me dit que l’ennemi marche sur Leipzig par Naumburg et Weissenfels; qu’à Mersebourg les Prussiens ont été repoussés; que le Général Bertrand (1) avec 25 m. hommes marche de Jena sur Altenburg. Je pars, et l’on envoie tout de suite deux détachements à Zeiss et Gera.

Le 19. Tout le corps de Miloradovich se rassemble à Altenburg; la position entre la ville et la rivière est affreuse ; enfin on se décide à la prendre sur la rive droite de la Pleisse. On entend une canonnade : c’était Winzegorode qui se battait à Lützen (2) avec l’avant-garde ennemie.

Le 20. On reçoit la nouvelle que Wittgenstein doit attaquer ; nous marchons à Predel, sur l’Elster ; arrivé à Meuselwitz, on change d’avis, on marche à Zeiss, où l’on prend une belle position derrière la ville. On entend, on voit de loin la bataille de Wittgenstein, et nous avons les plus belles espérances. (No. 1)

Le 21. À 3 heures du matin nous recevons l’ordre de marcher à Pegau ; arrivés à Predel, nous rencontrons les Prussiens et l’armée de Wittgenstein battant en retraite ; nous prenons une mauvaise position près de Predel, pour couvrir leur passage à Draschwitz. Winzegorode qui devait marcher avec sa cavalerie par Pegau, prend la route sur Moelsen et Zeiss, et par la notre droite est tournée par l’ennemi. À 4 heures il nous attaque et occupe Draschwitz ; nous restons dans la position de Köneritz jusqu’à la nuit, et puis nous marchons.

Le 22. Après avoir marché toute la nuit par Lucka, nous arrivons à Frohburg, où nous trouvons Miloradovich avec son corps, et celui de Wittgenstein. Nous nous arrêtons devant la ville jusqu’à ce que ceux-ci aient filé, et puis nous la passons, pour occuper une position assez bonne. Les Prussiens, qui devaient défendre Borna, s’étaient en allés, et l’ennemi tournait notre droite avec de grandes colonnes avançant sur Briessnitz ; au jour tombant nous marchons à Geithain.

Le 23. Vers midi nous apprenons que les Prussiens qui devaient tenir à Colditz, se sont retirés ;  nous marchons à Rochlitz ; à peine arrivés, qu’on nous fait savoir que Saint-Priest se bat près de Harta ; nous marchons aussi vite à Géringswalde, ou nous sommes presque coupés ; l’affaire dure jusqu’au soir ou nous gardons la position devant la ville Waldheim et toutes nos troupes même la cavalerie près de Frohburg, arrivent heureusement.

Le 24. Le lendemain nous nous retirons jusque derrière Etzdorf, parce que l’ennemi se porte en grandes forces sur Döbeln, où les Prussiens devaient se trouver. Miloradovich et Wittgenstein s’arrêtent à Nossen, et le premier fait ordonner de ré avancer jusqu’à Waldheim. Korff en démontre l’impossibilité et finit par se dire malade ; le prince de Wurtemberg prend le commandement. Nous passons Nossen et couchons à Tanneberg.

Le 25. Nous nous retirons jusque Wilsdruff. Si nous étions restés à Tanneberg une demi-heure davantage, l’ennemi nous aurais pris.

Le 26. De grand matin nous marchons à Dresde, où nous passons l’Elbe à midi, sans être poursuivis par l’ennemi ; on fait sauter le pont un peu trop tôt ; les arrière-gardes de Miloradovich et de Lanskoi passent sur des ponts plus bas et plus haut La veille l’ennemi avait poussé vivement Lanskoi à Freiberg, sans réussir dans son projet d’arriver à Dresde avant nous. Au passage un bataillon d’infanterie (3) se distingue d’une manière brillante ; on le laisse dans le tête de pont à gauche par oubli, et l’on brûle le pont ; le bataillon jette ses armes dans l’eau, et passe à la nage, sous le feu ennemi, emportant même les officiers. Quelles troupes ! La tiraillerie long de l’Elbe continue jusqu’au soir.

Dans la nuit 40 tirailleurs ennemis passent l’Elbe, et prennent pied ferme à Ubigau ; on veut les en chasser ; il sont renforcés ; et peu à peu tout le corps de Miloradovich est en affaire, sans pouvoir réussir, ou les batteries énormes et bien placées de l’autre côté. Nous perdons beaucoup de monde, et nous retirons vers le soir sur Reichenberg. À peine arrivés, on reçoit l’ordre de réoccuper la ville et de défendre le passage ; Miloradovich le fait, car les Français ont eu la bêtise de ne pas occuper la Neustadt.

À l’aube du jour nous marchons à Weissig ; l’ennemi avait été trompé par notre marche à Reichenberg, et avait retiré ses batteries et tirailleurs le long de l’Elbe, par quoi il nous aurait pût faire bien du mal.

L’après-dîner l’ennemi attaque Saint-Priest, qui garde sa position ; l’armée veut prendre position à Gobau, où l’on fait venir tous les quartiers-maîtres.

On change la position pour se placer derrière Bautzen ; je vais de là à Bischofswerda où je trouve l’avant-garde engagée bien chaudement ; je retourne avec Korff à Bautzen.

NOTES

[1] Le général Henri Bertrand commandait le IVe corps.

[2] Il se trouvait engagé à Reippach

[3] Ce bataillon faisait parti du régiment d’infanterie Schlüsselburg.