[ed-logo id=’7324′]

Latest Posts

Sainte-Hélène – Gourgaud -Février 1818

Dimanche, 1 février.

 A 2 heures, on me prévient que Sa Majesté est au salon. Elle a l’air en colère et de fort mauvaise humeur : « Ah, monsieur Gourgaud ! » s’impatiente de ce que le dîner n’est pas encore servi et déclare à Montholon qu’il ne veut plus que les offi­ciers anglais entrent dans ses appartements; puis passe à table, ne trouve rien de bon, gronde le cui­sinier et raconte les couches de l’Impératrice.

« Elle avait des douleurs, je me mis au bain, Dubois vint me trouver d’un air effaré, il avait perdu la tête, réellement c’est là que j’ai vu combien j’ai un sang-froid admirable, je lui dis : Eh bien, elle est morte ? Si elle est morte, on l’enterrera! Il me répondit : Non, mais les eaux ont crevé et cela n’arrive pas dans mille cas.

Je montai avec lui, l’Impératrice croyait qu’on voulait la sacrifier pour son fils, heureusement que Mme de Montesquiou lui assura qu’elle avait eu des couches semblables…. J’aurais dû laisser entrer le grand duc de Wurtz bourg. » L’Empereur dit ensuite que si l’accouchement n’avait pas réussi, il aurait chassé Corvisart, pour lui avoir donné Dubois; au contraire, il donna 100000 fr. à Dubois, le fît baron, avec 4000 livres de rentes. « Aussi, poursuivit Sa Majesté, il s’intéressait beaucoup à ce que je fisse d’autres enfants. »

 L’Empereur passe au billard et est très maussade : il dit à Mme Bertrand qu’elle n’a pas de dents et à moi que je suis triste comme un bonnet à poil. Pour nous égayer, il nous lit du Moniteur pendant une heure. C’est le procès de Louis XVI. Sa Majesté blâme Sieyès d’avoir voté « la mort sans phrases. J’aurais dit que c’était avec un pro­fond regret que je votais la mort du Roi. » L’Empereur, qui veut aller voir Mme de Montholon, nous envoie tous promener. Nous plaisantons sur le docteur Lewinston, qui, lui, n’aura pas 100000 francs pour les couches de Mme de Montholon.

 

Lundi, 2 février.

C’est la dernière fois que je vois l’Empereur !. A 6 heures et demie, Sa Majesté me de­mande, joue avec Bertrand, n’a pas l’air de mauvaise humeur, et s’informe de ce que j’ai fait : «Lu Jomini. — Vous y mordez donc?» Montholon vient, l’Empereur le cajole, puis se tournant vers moi : « Pourquoi êtes- vous si triste? de la gaieté. — Votre Majesté sait que je n’en puis avoir! —Et pourquoi? —Je suis trop mal­traité ! » L’Empereur siffle avec une colère concentrée et renvoie Montholon sous le prétexte d’aller voir combien il y a de sentinelles, puis se levant : « Mais que voulez-vous donc ?

— Je prie Votre Majesté de me permettre de me retirer : je ne puis supporter l’humiliation où Elle veut me tenir. J’ai toujours fait mon devoir, je déplais à Votre Majesté, je ne veux être à charge à personne, que l’Empereur me permette de m’en aller. » Il s’anime, se déclare le maître de traiter M. et Mme de Montholon comme il lui plaît. Très en colère, Sa Majesté me déclare que je devrais être très bien avec M. de Montholon, aller chez lui. « Sire, ils m’ont fait trop de mal, mais j’ai tort d’en parler à Votre Majesté; c’est avec M. de Montholon que je dois causer. » Furieux, l’Empereur s’écrie : « Si vous menacez Montholon, vous êtes un brigand! » Il m’appelle assassin, je m’emporte autant que lui et lui montrant ma tête : « Voilà mes cheveux que, depuis plusieurs mois, je n’ai pas coupés, je ne les couperai qu’après m’être vengé de l’homme qui me réduit au désespoir! Votre Majesté m’appelle brigand. Elle abuse du respect que je lui porte. Assassin! je ne crois pas qu’on puisse me le dire, je n’ai tué personne, c’est moi qu’on veut assas­siner! On veut me faire mourir de soucis! — Je vous défends de menacer Montholon, je me battrai pour lui, si vous même. …je vous donnerai ma malédiction..:. — Sire, je ne puis me laisser maltraiter sans m’en prendre à l’auteur…, c’est le droit naturel…, je suis plus malheu­reux que les esclaves, il y a des lois pour eux, et pour moi, il n’y a que celles du caprice. Je n’ai jamais fait de bassesse et n’en ferai jamais. » Sa Majesté se radoucit un peu : « Voyons, si vous vous battez, il vous tuera! — Eh bien, Sire, j’ai toujours eu pour principe qu’il vaut mieux mourir avec honneur que de vivre avec honte. » Cela blesse l’Empereur qui redevient furieux; le grand maréchal est appuyé contre le mur, il ne dit mot; j’ai beau l’interpeller et le prier de déclarer qu’il y a longtemps que je le prie de dire à Sa Majesté qu’Elle a tort de me tant maltraiter, que je m’en prendrai à M. de Montholon, Bertrand ne répond rien. Sa Majesté, pour l’exciter contre moi, prétend que j’ai dit du mal de lui et de sa femme. Voyant ma résolution et ayant épuisé tous ses artifices, Elle me demande ce que je veux…. passer avant Montholon…. qu’Elle dîne toujours avec nous…. la voir deux fois par jour? Aigri, je répète qu’un assassin, un brigand ne doit rien demander. Alors, l’Empereur me fait des excuses. « Je vous prie d’oublier mes expressions…. » Je me sens faiblir et consens à ne pas provoquer Montholon, si l’Empereur veut m’en donner l’ordre par écrit. Il me le promet, car, si je ne veux pas rester, on me retiendra au Gap, on me mettra en prison. « Le gouverneur croira que vous êtes envoyé en mission. — Je demanderai donc à être jeté en prison. Perdu pour perdu, j’aime mieux mourir en faisant mon devoir. J’ai là-dessus les principes de mon père et de ma mère…. — Ah! je suis certain que vous serez bien reçu! Lord Bathurst vous aime. — Comment cela?

Oui, vous lui avez plu par votre correspondance.

J’ai toujours dit que je me portais bien pour ne pas effrayer ma mère. Je ne tiens pas à la vie, je n’ai rien à me reprocher. »

Le grand maréchal n’aura qu’à tout arranger avec moi.  II faut déclarer que vous êtes malade, je vous ferai donner des certificats par O’Méara, mais écoutez mon conseil, il ne faut vous plaindre à personne, ne pas parler de moi et, une fois en France, vous verrez l’échi­quier sur lequel vous devez jouer. C’est la dernière fois que nous nous voyons. » J’attendrai les ordres de l’Em­pereur qui rentre à 10 heures; je reconduis le grand maréchal et lui demande quand je le Verrai demain pour recevoir la lettre que Sa Majesté l’a chargé de rédiger et qu’Elle doit signer : la défense écrite de me battre avec Montholon.

 

Mardi, 3.

Wygniard et Jackson viennent me parler pour la nouvelle maison; un bâtiment arrive, annonçant la mort de la Princesse Charlotte. J’attends en vain Bertrand chez qui je vais à 4 heures; il est triste et n’a pas préparé la lettre. C’est donc une nou­velle tromperie pour gagner du temps; si je n’ai pas la lettre, ce soir ou demain, je provoquerai Montholon. L’Empereur demande le grand maréchal, m’engage à dîner : j’v vais à 7 heures. L’Empereur l’a fait demander dans la journée pour lire les gazettes; peu après Ali arrive lui porter les journaux. Il assure que cela va faire des cancans, mais il s’en moque. Bertrand ne rentre qu’à 8 heures, je lui réitère mon intention, si je n’avais pas de lettre, d’envoyer demain chez Montholon ; il me serre la main

 

Mercredi, 4.

9 heures, Montholon va chez l’Empereur; le grand maréchal me fait tenir les gazettes. J’envoie mon cartel avec un fusil et six louis que je devais, en recommandant à mon domestique de ne remettre ma lettre qu’à Montholon. Il retourne plu­sieurs fois sans le trouver; enfin, à 5 heures, il la lui remet. Bertrand vient chez moi à 2 heures, l’Empereur n’a pas écrit. J’ai envoyé mon cartel; tout, à présent, m’est égal.

Je vais ensuite faire visite à Mme Dobjins. Rentré à 5 heures et demie, je vois Noverraz et Cipriani, qui ont l’air très grossiers. Mon domestique a remis la lettre, mais on ne lui a rien dit. A 10 heures, ma lettre me revient avec un souper superbe; on n’a pas voulu recevoir ma provocation, parce que Montholon est couché : je le renvoie encore et, enfin, il est reçu!

 

Jeudi, 5

A midi, Bertrand vient chez-moi. Il me dit que l’Emperqur veut garder le récit des campagnes qu’il m’a dicté; que Sa Majesté pense que je devrais aller chez le gouverneur demander à m’en aller pour maladie. Quant à lui, Bertrand, il priera Sa Majesté de me laisser Waterloo et mes autres campagnes. Je vois O’Méara. Bertrand revient à 2 heures ; il fait le diplomate. Sa Majesté a dit que mes ouvrages n’étaient que des ébauches. Je vais à 4 heures chez Mme Bertrand qui me dit que si je pars elle mourra d’ennui et que son mari a des obligations aux Anglais qui auraient pu le livrer; elle me prie de défendre son imputation en Europe. Les Bertrand ont été très bien pour moi. Je dînerai demain chez eux.

 

Vendredi, 6.

A l’heure, je vais dîner chez Bertrand qui me dit qu’il est naturel que Sa Majesté garde ce que j’ai écrit. Je proteste de toutes mes Forces. Mme Bertrand est très honnête. Son mari me dit qu’il est bien fâché de mon départ, que sa femme va bien s’ennuyer et que je devrais rester. Si je veux partir, il faut, dit-il, que j’écrive à l’Empereur pour lui lire que je suis malade. « Personne ne le croira, mais on verra que c’est un prétexte honnête. » Je déclare que je n’écrirai pas à Sa Majesté pour lui demander de m’en aller. Elle voudrait que j’eusse l’air de lamquitter, tandis que c’est Elle qui me chasse.

Je suis allé me promener au jardin de Longwood vec Mme Bertrand. Hier, l’Empereur s’est promené au jardin et a caressé Hortense. Aujourd’hui, il a appelé denri.

 

Samedi, 7.

Archambault me rapporte mon fusil que le petit Bertrand m’avait demandé et assure que les gens sont désolés de me voir partir. Le grand maréchal n’a pas parlé à l’Empereur, qui était souffrant ; je vais chez Hudson Lowe, qui me reçoit bien, me conseille de patienter, de parlementer, car je suis entre deux écueils, les uns diront ennui, les autres mission : je le prie de me traiter avec la dernière rigueur.

 

Dimanche, 8.

 J’écris à l’Empereur pour lui de­mander à me retirer pour cause de maladie, je reçois une lettre du gouverneur; Mme Bertrand me donne des objets de la Chine.

 

Lundi, 9, mardi, 10.

Je fais mes malles et demande mes livres à Ali.

 

Mercredi, 11.

Bertrand m’avertit que l’Empereur me demande…. J’y vais avec lui et suis en bourgeois; le grand maréchal me quitte en entrant; Sa Majesté est sur un sopha : « Eh bien, vous allez partir! — De­main, Sire. — Vous faites bien, allez d’abord au Cap, ensuite en Angleterre. Vous y serez bien reçu; en France, on crée une armée nationale, je vous vois incessamment commander l’artillerie contre les Anglais. Dites bien en France que je déteste toujours ces coquins, ces scélérats. Tout le monde va vous faire fête, puisque Louis XVIII a pris le parti de se rendre national…. » L’Empereur continue en disant que je dois partir le plus tôt pos­sible, je l’ai bien servi et suis un bon officier; Sa Majesté me regrettera, car, avec moi Elle pouvait par­ler de sciences et de ses campagnes que les autres n’ont pas faites. « Espérons… voyez la princesse Charlotte sur qui nous comptons tant. »

Sa Majesté s’est adoucie, m’a donné un petit souf­flet. « Nous nous reverrons dans un autre monde. Allons, adieu…. embrassez-moi… voyez le grand maréchal pourn faire la lettre avec lui. » Je pleure, l’embrasse et sors à 5 heures. L’Empereur passe au jardin; moi, je vais chez Bertrand lui raconter et mes larmes et le cœur le Sa Majesté. Mme Bertrand est désolée que je parte demain. Elle a vu Mme de Montholon qui est dans la pie, elle a fait grande dépense et acheté des bijoux. À 8 heures, retour de Bertrand, fort triste, il se promène avec moi et me prie de prendre la selle de l’Empereur. « Sa Majesté n’a qu’à le dire…. » Bertrand n’offre 12000 francs; non, je donnerai des leçons de mathématiques. Je rentre le cœur déchiré.

 

Le 12.

Bertrand m’offre de faire ensemble une lettre; je lui montre celle du 20 avril 1814. Selon lui, Sa Majesté m’ayant créé 12000 francs de rente, mon sort est assuré. Il va déjeuner chez l’Empereur, mais ce n’est que le soir que je reçois la lettre. Ies armes qu’Elle veut léguer à son fils… ; non, je les renverrai tous. Bertrand est tout triste; je suis prêt à partir, douloureux adieux, Mme Bertrand se sauve eu larmes; les gens du maréchal, Archambault pleurent; je pars, nous passons par la route du camp; silence une partie du chemin. Bertrand est désolé de me voir partir sans ressources, je devrais accepter les 12 000 francs.

Devant Alarm-House, je dis adieu à Bertrand, je l’embrasse en lui disant que je vais faire son logement au Cap. Je vois passer M. Jackson et rencontre O’Méara qui me serre les mains. Arrivés devant Plan­tation-House, Hudson Lowe nous invite à dîner, nous offre du café et nous conduit une partie de la route à ma nouvelle demeure. A 9 heures, mon souper m’est envoyé de chez le gouverneur.

 

Le 14.

Hudson Lowe m’invite à dîner avec M. Jackson, à Tissan. Il me permet d’ouvrir ma malle pour y prendre du linge. Un vaisseau est venu de l’Inde, ayant à bord un commissaire de la Compagnie. Il pleut, je suis souffrant.

 

Le 15.

Je rencontre M. de Stürmer et dîne à Plantation-House, conversation sur les revenants.

 

Le 16.

Visite à M. de Stürmer. M. Baxter vient; M. Gorey visite mes papiers, je reçois M. Emmat. Le  gouverneur me parle de la nouvelle maison de l’Empe­reur.

 

Le 17.

 Hudson Lowe et Gorrequer viennent chez moi ; ils ignoraient la lettre de Lord Liverpool et ils ont été trompés; je leur laisse mes notes qu’ils lisent pendant deux heures. Mon domestique va en ville m’acheter des bas, mais il va sans permission à Longwood. Je fais visite à Mme de Stürmer, conversation sur la capitulation de Dresde. Je vais dîner à Planta­tion, où je trouve M. et Mme de Stürmer, M. de Montchenu, Balmain, le conseiller de Calcutta, Siffren. Montchenu me félicite de ce que j’ai brisé mes fers : je n’ai rompu que ma chaîne morale, mais c’était la plus pesante. Tout le monde me traite avec honnêteté; M. de Stürmer nous a invités à dîner pour demain; M. Wygniard est venu me faire visite, ainsi que M. Vernon.

 

Le 18.

Je vais avec Jackson à cheval chez Wy­gniard et chez Mme Bingham, nous y trouvons le gouverneur et M. Reade. Au retour, je rencontre Emmat, avec qui je fais une grande promenade. On a fait venir Fritz à Plantation et on lui a demandé pourquoi il est allé en ville, puis à Longwood, puis encore en ville? Nous passons la soirée chez M. de Stürmer; on y boit du punch.

 

Le 19.

Nous allons prendre Mme de Stürmer à deux heures, pour faire une promenade à cheval jusque chez Mme Doveton, à Sandy-Bay. Punch chez Mme de Stürmer, mon domestique m’est rendu ; il est convenu avec M. Balmain que nous irons demain en ville.

 

Le 20.

Balmain ne peut pas aller en ville aujour­d’hui parce que, dit-il, il n’a pas fait sa barbe. C’est une défaite, il veut aller à Longwood. Le soir, punch chez Mme de Stürmer. Son mari déclare que si on lui assurait 100000 livres de rente, il resterait bien auprès de Napoléon. Nous nous promenons au clair de lune. Rose-Mary-Hall est un endroit charmant.

 

Le 21.

Je me promène avec Balmain et les Stür­mer, nous croisons Hudson Lowe, qui est très hon­nête pour moi, mais paraît en colère contre Balmain qu’il gronde d’avoir été sur la route de Longwood; nous allons chez M. de Montchenu, où je rencontre O’Méara, qui me demande pourquoi je ne veux pas des 12000 francs. Je prie le docteur de me faire tenir les 20 livres sterling, car je suis sans le sou. Il n’y a eu que lui et Mme Bertrand qui m’aient témoigné de l’intérêt. Personne ne s’inquiète de ce que je deviens et on me laisse, sans ressources, à la disposition des ennemis.

 

Le 22.

M. de Stürmer me demande si je connais le prince de Metternich ; il m’invite à dîner pour le 25, anniversaire de la vingt et unième année de sa femme. Nous dînons à Plantation, mais lady Lowe ne paraît pas. Conversation sur la guerre, le gouverneur est de bonne humeur et ne me parle pas de ma situa­tion, il a beaucoup écrit par le William Pitt, qui part après-demain.

 

Le 23.

Balmain n’ose pas s’approcher de moi ; nous nous promenons du côté des Horsemen, nous rencontrons le capitaine Routh, puis le gouverneur, qui va du côté de Sandy-Bay. Après dîner, nous allons chez les Stürmer ; grande tirade du baron et du comte contre le gouverneur, qui ne veut pas qu’ils aillent à Longwood. Il l’avoue enfin!

Stürmer me parle de l’Empereur, sur quoi, je m’em­porte. « Il me laissé à la merci des Anglais. Veuillez dire à Bertrand, la première fois que vous le verrez, qu’il m’envoie les 20 livres qu’il me doit, car je suis sans le sol. Tout le monde de Longwood m’oublie et on me laisse crever comme un chien. » Le baron et le comte ont un singulier air, ont-ils vu le gouverneur et les a-t-il grondés? Le baron nous rappelle qu’après-demain nous dînons chez lui pour la fête de sa femme.

 

Le 24.

Le baron nous avertit que, son valet de chambre étant malade, il ne pourra pas nous donner à dîner demain. J’en suis fâché parce que j’étais prié ce jour-là chez Emmat et que je me suis dégagé. Le baron a demandé au gouverneur à acheter mon sopha, ce qui lui a été refusé. Il nous invite à prendre du punch le soir et va en ville désinviter le marquis.

 

Le 25.

J’envoie des fleurs et des boucles d’oreilles à Mme de Stürmer et me promène à cheval avec elle à la Wechtloge.

 

Le 26.

Nous apprenons que Cipriani est bien ma­lade. Visite à Mme Baxter, les Montchenu n’y sont pas. M. de Stürmer nous envoie chercher pour la soirée ; la conversation roule sur Dresde, l’Empereur François, Alexandre et Napoléon. Mme de Stürmer se dit roya­liste. Monsieur assure que l’Empereur est malade, qu’il a des douleurs de foie, des palpitations de cœur.

 

Le 27.

M. de Stürmer m’invite à déjeuner, je refuse pour aller dîner à Plantation-House. Le gouverneur dîne seul avec nous. « Je ne vous ai jamais parlé de votre départ, j’espère que bientôt nous aurons un ba­teau d’Europe. — Tout ce que vous ferez sera bien. On n’entendra, de ma part, ni plainte, ni réclamation : je suis résigné à tout. » Il m’invite à dîner pour de­main; Cipriani est au plus mal, le gouverneur en fait l’éloge, ce qui m’étonne; il m’offre à lire des livres de sa bibliothèque, me montre sa correspondance d’avant Waterloo et rentre à 4 heures avec moi. A 7, Mme de Stürmer nous envoie des lanternes pour aller chez elle : très aimablement, elle nous invite à dîner tous pour demain.

 

Le 28.

Cipriani est mort dans la nuit; à 11 heures, M. de Montchenu vient chez nous, la pluie l’a trans­percé et je lui prête de quoi changer de tout; il cause beaucoup, me questionne sur les amours de Napoléon, je ne réponds pas grand’chose; selon moi, Sa Majesté regrettera plus Cipriani que n’importe qui de nous tous. Il me demande mes lettres à l’Empereur, à Montholon, je les lui fais voir. Son aide de camp et lui déjeunent avec nous et nous les traitons le mieux possible. Montchenu est bien pour moi et se montre bon homme : il reste jusqu’à 5 heures; à 7, nous allons à cheval chez le gouverneur, où il y a un grand dîner avec Wygniard et Bingham. Hudson Lowe re­nouvelle ses regrets de la mort de Cipriani. Comment le remplacer? Reade le regrette aussi. Il fallait que Cipriani eût bien de l’esprit pour se faire ainsi re­gretter de MM. Lowe et Reade. Lady Lowe se montre fort gracieuse à mon endroit, je lui donne la main après le dîner; la conversation roule sur les reve­nants. On a enterré Cipriani ce matin au cimetière de Plantation-House. Bertrand, Montholon, tous les domestiques s’y trouvaient.