Sainte-Hélène – Bertrand – Janvier 1818
Campagne d’Egypte.
Dans les efforts que le gouvernement français fit pour secourir l’armée d’Egypte, il faut distinguer, outre l’expédition des trois ports, la flotte de Ganteaume, de Brest, le départ de la Régénérée, de l’Africaine (de Rochefort), de la Justice et de l’Egyptienne (de Toulon) et l’armement de plusieurs bâtiments expédiés de Carthagène, d’Espagne, de France et d’Italie.
- Les troupes envoyées à Naples en mars (1801), parmi Iesquelles une division française sous les ordres du général Soult, occupèrent entre autres Brindes, ce qui avait donné de l’inquiétude aux Anglais sur ce point et (à nous) une chqance de plus d’envoyer des secours en Egypte.
- L’envoi d’un grand armement en Espagne, qui, sous les ordres du Prince de la Paix, conquit le Portugal, province si précieuse aux Anglais et qui devait les décider à y replacer ou à y faire revenir les troupes qu’ils en avaient tirées, puis envoyées en Egypte. En même temps le Gouvernement français pressait le sultan ottoman de conclure des arrangements.
L’Angleterre dut attaquer l’Egypte avec 45.000 hommes, mais qui sont arrivés successivement :
- L’expédition d’Abercromby, infanterie, cavalerie, artillerie, soit 18.000 hommes.
- La division des Indes arrivée à Cosseyr : 6.000 hommes.
- Deux mille hommes des unités laissées à Rhodes et à Malte.
- Des garnisons de Madère, Gibraltar, etc. : 5.000 hommes.
Total : 31.000 hommes.
Avec le capitan Pacha, 4.000 Turcs, avec le Grand Vizir, 10.000. 14.000 Turcs et 31.000 Anglais, au total 45.000 hommes.
Le général Belliard s’est trouvé dans la plus belle position du monde ayant 8 à 10.000 hommes disponibles, après en avoir laissé 2.000 pour défendre le Caire, qui était dans une assez bonne défense. Il avait mille hommes aux hôpitaux et mille employés (hommes, femmes, enfants,) ce qui faisait 14.000 têtes qu’on embarqua. Il y avait dix tours isolées autour du Caire, à 15 hommes : 150; les forts Dupas, Sakos, mettons 120 ou 150 hommes, 500 dans la Citadelle, 500 dans Giseh, cela faisait 1.300 hommes, une réserve de 6 à 700 hommes : deux petits bataillons. Il pouvait donc sortir du Caire avec 10.000 hommes, dont 2.400 d’infanterie légère, 3.600 d’infanterie, 1.000 cavaliers, total, 7.000; plus 300 sapeurs, 1.200 cavaliers et 1.500 hommes d’infanterie alliés, copte ou syrienne.
Il y avait contre lui deux corps d’armée séparés par un grand fleuve, qui ne pouvaient se combiner ou concerter leurs mouvements qu’avec beaucoup de peine, comme l’expérience l’a montré. Hutchinson n’osait pas s’éloigner de son corps d’attaque et craignait d’être coupé. Il suffit d’examiner les dates : les Anglais, partis le Ier mars, débarquent le 8. Combat de canon le 13, bataille du 21, arrivée dans le port, le 26. Le 19 avril, 800 Anglais et 4.000 Turcs entrent dans Rosette. Le 23 avril, le général Hutchinson y porte son quartier général. A la fin d’avril ou au commencement de mai, les armées étaient ainsi : les Anglais forts de 12.500 hommes, les Turcs de 10 à 12.000, sayoir 4.000 du capitan Pacha, 8 du Grand Vizir. L’armée anglaise avait sa droite au Camp des Romains, composée de 4.000 Anglais et Turcs. Il y avait, en outre, 1.500 Anglais à Rosette et Fort Julien, observant le Delta. La gauche était composée du Grand Vizir : 8.000 hommes qui avaient passé le désert. Total : 24.000 hommes.
L’armée française avait sa gauche à Alexandrie :
8.000 hommes, compris les équipages des vaisseaux, son centre à Rahmanyeh — 4.000 hommes, sa droite au Caire : 11.200 hommes, total 23.000 hommes, et il y avait en outre mille malades au Caire, 1.200 à 1.500 à Alexandrie. Mourad Bey occupait les hauteurs avec 1.200 hommes et reconnaissait encore les lois de la France.
Le paragraphe V contient les événements militaires de mai et juin. Le Grand Vizir n’avait que 4.000 hommes avec lui. Il était presque en guerre avec Djezzar. Il donna peu d’attention à l’opération des Anglais, moitié pour se confiner dans la position qu’il occupait alors, moitié par ce qu’il ne croyait pas à leur succès. Cependant il apprit successivement les batailles du 13 et du 21 mars. Les agents anglais le réconcilièrent avec Djezzar qui lui fournit 5.000 hommes. Quand il y eut quelque espérance de succès, alors il arriva, en avril, à El’A’rych, et ce ne fut que le 2 mai qu’il arriva à Salheyh, qu’il trouva évacué, c’est-à-dire deux mois après le débarquement des Anglais. Il arriva, le 8, à Belbeys, qu’il trouva également évacué. Il détacha 2.500 hommes pour occuper Damiette. 500 Français qui étaient à Lesbé se retirèrent sur Bourlos, y campèrent quelques mois, et, ne croyant pas pouvoir rejoindre le Caire, s’embarquèrent le 17 mai, pour la France et furent pris en mer.
Hutchinson voulant rester tranquille à Rahmanyeh, avait alors, secrètement, sans cavalerie, occupé une forte position en avant de Rosette, appuyé au Nil et au Caire. Mais l’armée du Grand Vizir le força à se porter en avant pour la soutenir. Le jour qu’elle arriva à Belbeys, le 8 mai, il attaqua le général Lagrange à Rahmanyeh, qui, le 9, évalua, et arriva, le 13, au Caire. Alors le général Belliard laissa Ie général Aimeras pour garder le Caire, et, avec 5.000 hommes, se porta contre le Grand Vizir. Le 16 mai, il y eut une escarmouche près d’El-Khanqah, et, le 17 mai, les Français rentrèrent au Caire. Hutchinson n’osa cependant s’avancer. Il y rut beaucoup d’allées et venues de son camp à celui du Vizir.
Le 16, campa à El-Khanqah, prit une flottille provenant de l’évacuation de Damiette qui avait emprunté, je crois, le canal de Menouf, pour traverser le Delta, et entra dans la baie d’Alexandrie pour éviter le Grand Vizir.
Le 17, le colonel Cavalier, avec 600 dromadaires et cavaliers et un convoi de chameaux, se rendit d’Alexandrie au Caire, fut auprès du camp anglais, parlementa avec les cavaliers anglais, et capitula. Cette capitulation était honteuse. Il avait abandonné son convoi, et avec ses troupes se rendit. Soit au Caire, soit à Alexandrie, on devait le juger militairement, mais il y avait tant d’événements pareils occasionnés par le désir de revenir en France, que le général (en chef) ferma les yeux.
Le 17 mai, Hutchinson était à quatre marches du Caire. Enfin, le 21 juin, plus d’un mois après, après beaucoup d’allées et venues pour se concerter, l’armée du Grand Vizir vint à se combiner avec celle d’Hutchinson auprès du Caire. Le général Belliard capitula.
Hutchinson n’avait avec lui que 7 ou 8.000 hommes, dont 4.500 Anglais. Le Grand Vizir n’avait que 7 à 8000 hommes de mauvaises troupes. Pendant tout un mois le général Belliard aurait pu attaquer l’un ou l’autre. C’était bien de commencer par le Grand Vizir, qui était le plus facile à battre. Une fois battu, 4.000 hommes suffisaient pour le poursuivre et le rejeter dans le Delta. Hutchinson fût resté à Rahmanyeh sans combattre et n’eût pas attendu le général Belliard; s’il l’eût fait, il eût été battu.
La division des Indes est arrivée, le 14 mai, à Cosseyr, mais elle n’avait pas de chaloupes pour passer le Delta. Ce ne fut qu’après l’évacuation du Caire qu’elle le fit. Elle arriva au Caire au mois d’août et se présenta devant Alexandrie au moment de la capitulation de cette place.
J’ai toujours regardé Rahmanyeh comme une position très importante pour éloigner des armées combinées et les empêcher d’agir : il faut, heureusement pour El-Rahmanyeh, afin de passer le Delta, avoir de l’eau. On ne peut s’exposer à un échec avec cette place à dos. Le siège d’El-Rahmanyeh exige 15 jours, ce qui est suffisant pour donner le temps de marcher et battre l’ennemi qui débarque. Aussi ai-je toujours attaché une grande importance à El-Rahmanyeh et sous ce rapport elle m’apparaît, comme Alexandrie, une clé de l’Egypte. Kléber n’avait pas eu le temps de la reprendre. C’était d’ailleurs impossible dans ce moment qui était celui de la chaleur. Kléber fut assassiné en juin, mais Menou aurait dû l’occuper, et c’est une grande faute de ne pas l’avoir fait. C’est une avant-garde et une place importante pour éloigner l’ennemi.