Relation des opérations de l’armée autrichienne dans l’empire depuis le mois de septembre 1805 jusqu’au 21 octobre 1805 de la même année, jour de notre sortie d’Ulm.
Extrait du Journal d’un officier de d’État-Major général
Adam-Adalbert, comte de Neipperg

…. Tout est perdu hormis l’honneur; c’est ce qu’écrivit le loyal François premier, après la perte de la bataille de Pavie, au moment où on le conduisait prisonnier à Madrid. Nous sommes dans le cas de nous servir des mêmes expressions. Cependant dans un sens moins consolant, car nous avons tout perdu, tout, excepté nos bagages.
La vérité, rien que la vérité
Klagenfurt, le 28 novembre 1805
(Document en français des Kriegs Archiv de Vienne – 1805/13/46-781) – Les illustrations ont été ajoutées – Nous avons également pensé intéressant d’ajouter la « défense » du général Mack, que ce dernier écrivit en 1806)

Vers les derniers mois d’août, on déclara l’Armée sur pied de guerre et on proclama l’avancement.
Le mois de septembre se passa dans des marches et contre-marches continuelles et forcées qui dirigèrent toutes les colonnes de l’armée vers le haut Danube, à l’exception du corps de Kienmayer qu’on détacha en avant de Donauwoerth pour observer celle de Bernadotte. A cette époque, nous avions deux quartiers-maîtres généraux : Mack et Mayer.

Le premier généralement connu et regardé comme un homme de génie et de talents supérieurs, ajoutait à cette réputation que très peu de personnes lui contestaient, tout le poids de l’opinion avantageuse qu’il avait inspiré en vieux maréchal Laudon, qui avait prédit, dit-on, que Mack deviendrait un jour le plus grand général de la maison d’Autriche.
Le second n’avait pas à la vérité une renommée aussi décidée; et la méritait davantage – dans les guerres précédentes il avait rendu les services les plus signalés et développé des talents et des ressources qu’on eut du d’autant plus apprécier qu’ils sont plus rares dans notre armée; tous ceux qui avaient le bonheur de le connaître plus particulièrement, admiraient en lui, l’immensité de ses lumières en tous genres, la profondeur de son calcul et ses connaissances topographiques de nos États, dont il avait une grande partie dirigé la levée et raisonné la défense.
Toute l’armée ne peut qu’applaudir au choix du souverain, qui placait au timon des opérations deux hommes qui semblaient faits pour réaliser les plus hautes espérances.
Mack, dans les premiers jours de septembre s’était rendu à la frontière, était l’âme de tous les mouvements et les dirigeait a sa volonté.
Son plan ne tarda pas à être public, il ne cessait point de répéter qu’il fallait prévenir l’ennemi, gagner du terrain et surtout la position d’Ulm, qu’il regardait comme le pivot de notre armée et de toutes nos opérations en Allemagne.
Mayer prévoyait d’avance les suites funestes de cette précipitation, ne voulait point passer le Lech, mais s’y retrancher, organiser l’armée, donner le temps aux Russes, nos alliés, de nous joindre, rétrécir ainsi notre ligne de défense et nous ménager les ressources avantageuses des détachements que les localités du Tyrol nous facilitait et qui dans le cas contraire étaient perdus pour nous.
Il fit des représentations, démontra mathématiquement la solidité de son opinion et les dangers de celle de son collègue. Celui-ci, indigné qu’on osa en avoir une opposée à la sienne, le culbuta et Mayer eut le commandement d’une brigade.
Cet évènement pénétra de tristesse tous ceux qui désiraient ardemment le succès de nos armes, on gémit en silence de ce commencement de disharmonie et on en tira le plus sinistre augure.
Sur ces entrefaites, l’archiduc Ferdinand, jeune Prince connu avantageusement dans les campagnes précédentes, arriva à l’armée, avec le titre de général en chef et n’eut pas un seul bataillon à sa disposition.
Dans les premiers jours d’octobre, on commença à croire à l’existence d’une armée ennemie sur les bords du Rhin.
Les gazettes ne cessaient de donner le dénombrement et répétaient jusqu’à satiété la direction qu’elle devait tenir. Cependant on s’opiniâtra à la croire peu signifiante, parce que l’on ne se donna pas la peine de calculer que de Boulogne à Strasbourg, il n’y a pas plus loin que de Vienne à Ulm, et qu’on ne voulut pas faire la réflexion très simple que l’armée sous les ordres directs de l’Empereur Napoléon serait assurément la plus formidable, car il n’est pas d’homme à aventurer sa gloire.
Le 6 du même mois, nos postes avancés heurtent ceux de l’ennemi en avant de Grisslingen, nous essuyons quelques affronts partiels et restons dans l’incertitude. Si la guerre est déclarée, si les hostilités ont commencé.
Toutefois, pour ne pas rester dans l’inaction, nous travaillons sans relâche à bouleverser et à hérisser de profils et palissades les jardins des bourgeois de Memmingen, pour leur prouver que leur bicoque est une place forte, nous creusons et escarpons les décombres d’Ulm, pour en faire notre Palladium et nous élevons quelques parapets de boue, sur les hauteurs dites – Michelsberg et Frauensteig – pour y établir notre position et assurer notre pivot.
Le 8 octobre, tous les charrois de la Bavière et de la Souabe sont enfin parvenus à rassembler notre infanterie dans les environs d’Ulm, mais la cavalerie qui n’a pas eu la même commodité pour s’y rendre, compte à peine 20 chevaux par escadron en état de se remuer.
L’artillerie de réserve marche jour et nuit, enterre par douzaines les misérables chevaux le long de la route et est suivie par les pontons traînés par les squelettes de Wimmer et compagnie; malgré tous leurs efforts, ces deux objets si essentiellement nécessaires, ne purent parvenir à joindre les colonnes en ******(NDLR.- illisible) et arrivèrent à point nommé pour servir contre nous.
Entre temps on se consola de l’apostasie de l’Électeur de Bavière, par la facilite qu’elle nous procurait de vivre de réquisitions, et surtout par l’importante acquisition de toutes les rosses de son pays – dont on fit des chevaux de marmite.
Le 9, l’armée fait un mouvement général, on descend le Danube sur la rive droite et le général d’Aspres a l’ordre, avec un corps choisi, de côtoyer la rive gauche du fleuve.
Pendant que les colonnes sont en marche et qu’elles eurent, déjà en partie, dépasse Günzburg, l’ennemi grimpe par-dessus les traverses mal ruinées du pont, près de cette ville, attaque la troupe destinée à le défendre; les nôtres se battent très mollement et sont repoussées jusqu’aux dernières maisons. L’archiduc Ferdinand arrive, sa présence , son exemple, rétablissent le combat. L’ennemi est chassé et nous restons maîtres du poste.

Pendant que ceci se passe à Günzburg, on reçoit la nouvelle que la veille 8 du courant, le lieutenant général Stüffenberg a été attaqué et entouré à Wertingen, par un corps nombreux de cavalerie, sous les ordres du Prince Murat, l’attaque fut si prompte que les nôtres ne purent se former, deux divisions de notre cavalerie, qui se trouvaient avec Stüffenberg se précipitèrent deux fois sur l’ennemi, mais ils succombèrent sous le trop grand nombre, l’infanterie s’efforça de gagner les bois et tout ce qui échappas au sabre, fut, à peu de choses près, fait prisonnier; toute la division (elle avait été détachée du Tyrol et était venue par Kaüfberren (?) joindre notre armée) fut dispersée et perdue sans ressources.
Par surcroît d’infortune, on apprit presque en même temps, que le corps d’Aspres était entièrement abîmé – et le général lui-même prisonnier – il n’en revint pas un seul homme.
Tel fut le résultat de nos premières rencontres avec l’ennemi, hier et aujourd’hui, on échangea les premiers coups de canon, huit jours plus tard notre campagne était terminée.
Le 10. L’armée qui pendant la nuit s’était reportée sur Ulm, se posta sur les deux rives du Danube – on suspend provisoirement le général Stüffenberg – et on change l’ordre de bataille; dans les premiers moments la confusion est telle que le divisionnaire ne sait où trouver ses brigadiers, ceux-ci cherchent en vain leurs régiments, qui à leur tour, ne demandent que du pain, et allument les maisonnettes de campagne des habitants d’Ulm, pour sécher les guenilles.
On vit des réquisitions, mais on ne pensa pas à les organiser d’une manière utile. Le même village est assigné à plusieurs régiments à la fois, pour y fourrager et requérir – on s’y entasse, et on trouve à peine la centième partie du nécessaire – au surplus, on pille tout le voisinage, afin d’éviter par la suite les embarras du superflu et les incommodités du transport.

Le 11 – L’ennemi attaqua vers les une heure tout le front de notre position devant Ulm; ses efforts parurent au commencement n’en vouloir qu’à notre aile droite, qui s’appuyait en arrière de Boeffingen au Danube. La canonnade et le feu de mousqueterie fut très vif, mais après deux heures de combat, il fut obligé de se replier, et notre aile se porta quelques centaines de toises en avant, de manière qu’elle débordait de beaucoup notre centre.
Vers quatre heures l’attaque de l’ennemi se dirigea contre le centre et l’aile gauche de notre position, il forma une colonne qui descendit la hauteur et attaqua le village de Jüngingen situé devant le front de la ligne sous les ordres du lieutenant-colonel Loudon, et parvint à en rester maître.
Le lieutenant-général fit marcher quelques bataillons, se mit à leur tête et reprit Jüngingen.
L’ennemi se reforma, revint de nouveau à la charge et malgré tous nos efforts nous perdîmes le village pour la seconde fois
Il ne restait plus de la division Loudon que le seul régiment de Froon, il le fit avancer et après un combat opiniâtre Jüngingen resta en notre pouvoir.

Pendant ces attaques réitérées, notre cavalerie de l’extrémité de la gauche, ayant le lieutenant-general Prince de Schwarzenberg à sa tête, décida de la journée de la manière la plus brillante, en se précipitant sur le flanc et les derrières de l’ennemi; elle culbuta et abîma presque en entier deux régiments de cavalerie et deux d’infanterie légère, prit onze canons, 17 caissons, une quantité de bagages et plus de 900 prisonniers.
Le résultat de cette affaire est très consolant; attaqués sur tous les points nous n’avons pas perdu un pouce de terrain et l’ennemi fut repoussé partout avec perte – outre celle de ses canons, on put évaluer à 3000 le nombre de ses morts, blessés et prisonniers.; notre perte se monte à peu près à la même quantité, parce que quelques bataillons se conduisirent misérablement et mirent bas les armes devant une poignée de tirailleurs.
Le 12, le maréchal Ney (NDLR : Neü dans l’original), dont le corps d’armée avait agit la veille, se retira de quelques lieues, on amena un nombre assez suffisant de prisonniers, et on se baraqua comme on put, pour se mettre à l’abri de la pluie continuelle qui nous persécute depuis plus de huit jours, et nous replace à l’époque désastreuse de la campagne en Champagne. (NDLR- campagne de Valmy ?)
Le 13, l’armée se mit en mouvement et marcha en trois colonnes.
Celle de gauche sous les ordres du lieutenant-général Werneck marcha sur Heydenheim et traina à la suite l’artillerie de réserve et les pontons arrivés la veille.
Celle du centre commandée par le lieutenant-général Risch file le long de la rive gauche du Danube vers Elchingen et Langenau.
Celle de droite, ayant à sa tête le lieutenant-général Prince de Schwarzenberg, a l’ordre de se porter sur la route d’Ulm, à Memmingen, pour reconnaître et observer les mouvements de l’ennemi sur cette rive du Danube.
Dans le même temps, le corps du lieutenant-général Jellachich est destiné à remonter l’Iller sur la rive gauche, d’en détruire les ponts, et à couvrir en cas de besoin les gorges du Tyrol.
On voit que de notre pivot, nous nous prolongeons vers différentes directions – il était dit dans l’ordre de l’armée – que les mouvements avaient lieu pour poursuivre l’ennemi battu et en fuite : les moins clairvoyants pouvaient-ils douter un seul instant que notre intention ne pouvait être autre que d’essayer d’effectuer la même manœuvre que Kray, moins malheureux que nous, réalisa dans la campagne de l’année 1800, quand il partit d’Ulm, et passant par Nordlingen et Donauwoerth, vint se replacer entre Vienne et l’armée de Moreau.
D’Ulm à Elchingen on compte deux lieues, la colonne du centre ne put atteindre cet endroit qu’après 14 heures de marche, tant les chemins étaient ruinés.
L’avant-garde de cette colonne, qui y était arrivé à point nommé, trouve Elchingen occupé par quelques troupes légères – qu’on y sabra, ou fit prisonnières.
On ruine, mais très négligemment et seulement en partie le pont du Danube, et on y place quelques bataillons et six pièces de canons pour le défendre.
Il est à remarquer que dans l’instruction du lieutenant-général Risch, il était dit qu’il ne remontrait que de petits partis ennemis, très insignifiants, jusqu’à la hauteur de Donauwoerth, où on supposait toute sa force. De plus, on lui enjoignait d’envoyer tous les rapports à **** endroit situé entre Heydenheim et Elchingen, où devait se porter le quartier général : j’ignore par quel motif ou par quelle fatalité attachée à tous nos pas – le quartier général, au lieu de se rendre à l’endroit indiqué à toutes les colonnes, ne bougea pas d’Ulm – Par suite, les commandants adressèrent constamment leurs rapports à ****, d’où ils retournèrent la plus grande partie à leur destination : quoiqu’il en soit il était irrévocablement arrêté dans le livre des destinées, que nous étions condamnés à accumuler les plus monstrueuses sottises pour parvenir à abîmer sans ressources une armée naguère si brillante, et attacher de nouveaux et trop faciles lauriers à la couronne du trop fortuné Napoléon.
Le 14 l’avant-garde de Risch se porte de grand matin vers Langenau et le gros de la colonne, resté en attente, posté à Elchingen.
Vers 10 heures, le général Meczery envoie le rapport que toute l’armée ennemie est en pleine marche contre nous.
L’ordre de se replier était à peine donné à l’avant-garde que l’ennemi fait une décharge générale sur la troupe qui garde le pont, le rétablit, pour en colonne emporter le village d’Elchingen, débouche de tous les cotés et renverse tout ce qu’il rencontre.
Nos troupes repoussées de la rive gagnent les hauteurs, se rallient comme elles le peuvent, la cavalerie tombe sur l’infanterie, la notre reçoit l’ordre d’attaquer et ne peut mouvoir ses chevaux harassés de faim et de fatigue.
Les régiments de l’archiduc Charles, Auersperg, Erlach perdent un monde prodigieux, d’autres éprouvent le même sort, ils se retirent en carrés, et gagnent peu à peu la route d’Albeck.
C’est ainsi que la colonne du centre suivie pied à pied par l’ennemi, continue sa retraite sur Ulm, pendant que celle de Weneck poursuit sa marche sur Heydenheim : nous n’en avons plus ouï parler, que pour apprendre sa capitulation en plein champ, près de Frochtelfingen.
Pendant que les troupes exténuées de faim, de misère et de fatigue, viennent reprendre vers le soir la position devant Ulm, le général Marmont replie celles qui se trouvent sur la rive droite, s’établit sur les hauteurs de Pfuhl et nous resserre dans notre tête de pont.

L’archiduc Ferdinand (condamné jusqu’à cette heure à un état passif), pénétré de la situation déplorable de l’armée, se rend, à six heures du soir, à l’auberge de la Roue – quartier de Mack, lui représente toute l’horreur de notre position actuelle et le presse vivement de profiter de la nuit, pour nous frayer un passage à travers l’ennemi, seul moyen de salut encore praticable.
Mack, plein de confiance en lui-même, assure sur son honneur que l’attaque générale de l’ennemi, qui nous cerne de tous cotés, n’était qu’une feinte, pour cacher sa détresse et masquer sa retraite.
L’archiduc s’efforce en vain à lui démontrer la fausseté de son calcul et déclare qu’il ne veut ni ne peut se faire enfermer dans Ulm et qu’il est décidé à percer ou à tourner l’aile droite de l’ennemi, pour tacher de se joindre à la colonne de Werneck.
Mack le conjure de rester dans Ulm, dit qu’il répond de tout sur sa tête et annonce qu’il a plein pouvoir d’agir comme il le jugerait à propos, répète au surplus que demain matin il n’y aurait plus un seul Français devant la ville.
Il est bien difficile de décider si les assurances de Mack provenaient de la persuasion intime, si elles se fondaient sur les rapports de ses misérables espions ou bien si elles n’étaient que la ressource désespérée de son amour propre opiniâtre, et d’autant plus insensé qu’il se refusait à l’évidence.
Son altesse royale, qui perdait son temps à vouloir le plier à ses raisons, le quitte, monte à cheval et suivie des généraux Kolowrath, Stipchitz, Giulay, Schwarzenberg, ses adjudants-généraux, sa suite et les officiers de l’état-major qui se trouvaient présents, se rend au mont Saint-Michel, y trouve six à sept escadrons, les détache en avant pour éclairer le chemin qu’elle était résolue de tenir, et attend jusqu’à onze heures du soir, à un feu de bivouac, le retour des généraux Giulay et Stipzicz qu’elle avait envoyés chez Mack, pour essayer de le déterminer à suive son conseil.
Mack, bien loin de se laisser persuader, persista dans la coupable erreur, prédit les plus grands malheurs pour l’archiduc – et envoya l’ordre, au nom de Sa Majesté, que les généraux Stipciz, Giulay et tous les officiers de l’état-major, qui se trouvaient avec Son Altesse Royale, eussent à retourner sur le champ dans Ulm.
Il est bien triste que son Altesse Royale n’ait point eu assez d’autorité et de fermeté pour faire arrêter Mack, non comme traître, son caractère connu le met au dessus d’un soupçon pareil, mais comme un insensé sur le point de tout sacrifier. C’était le seul et unique parti à prendre, il nous eut évite la plus humiliante catastrophe.
L’Archiduc n’ose s’opposer aux ordres donnés au nom du Souverain et nous retournons, accablés de tristesse, dans cette ville, dont le nom laissera a jamais un souvenir aussi douloureux qu’odieux dans le cœur de tous les autrichiens.
Son Altesse Royale suit la route de Geisslingen, nos vœux l’accompagnant – ils n’ont point été vains, cet intéressant Prince parvint après des combats sans nombre et des fatigues inouies à gagner la Bohême.
Nous voila devant et dans Ulm, avec plus de vingt deux mille combattants, quelques canons de régiment, du pan pour vingt-quatre heures et cinq cartouches par homme.
Nous avons à la vérité, devant les murs de la ville, un fossé plein d’eau, mais en d’autres endroits, tels qu’aux portes de Göttlingen et Günz, il n’en existe aucune, et les ouvrages destinées à les défendre, n’ont point encore atteint deux pieds d’élévation.
Le 15, de grand matin, Mack, toujours fermement persuadé, ou affectant de l’être, que l’ennemi va se retirer, fait grimper ses affidés sur la tour de la cathédrale, pour épier et annoncer sur le champ les mouvements qu’il pourrait faire.
Après quoi, il fait imprimer des proclamations, où il annonce nos succès et la fuite, et écrit à Werneck et à Kienmayer, pour leur donner l’ordre de poursuivre, harceler et attaquer sans relâche l’ennemi en pleine retraite, et surtout enlever son artillerie et ses bagages.
Tous ceux qui étaient témoins de cet accès de démence gémissaient en secret sur le sort d’une monarchie, dont les destinées se trouvaient dans ce momenci, en de telles mains – au reste on pensa bien que ces dépêches restèrent sur sur son bureau, car nous n’avions pas la ressource des pigeons d’Alep pour les faire voler à leur destination.
A 10 heures, les télégraphes de la tour annoncent qu’à travers le brouillard épais qui couvrait les environs, leurs lunettes ne découvrent que de très petits partis de l’ennemi sur la rive droite du Danube et qu’il a replié ses avant-postes de la rive gauche jusque vers Haslach.
Voilà toutes les espérances de Mack avivées, on reçoit l’ordre de mettre la moitié de l’armée en quartier chez les bourgeois, qu’on invite par une nouvelle proclamation très pathétique à partager leur table avec leurs braves libérateur.
Pendant que les escouades affamées se rassemblent devant les portes des citadins, dans l’espoir de contenter au moins une fois la faim qui les dévore, on entend vers midi battre l’alarme, et les malheureux se traînent à leur postes.
Au bout de quelques minute de canonnade, l’ennemi forme des colonnes d’attaque et emporte d’assaut les hauteurs de Saint-Michel, où il y avait à peine la dixième partie de la troupe, qui aurait été nécessaire pour les défendre.
Nos soldats gagnent en désordre les portes de la ville, ceux placés sur les hauteurs du Frauen Steig, ont à peine le temps d’effectuer leur retraite.
On annonce la catastrophe à Mack, il est dans les convulsions, soutient que c’est impossible, et donne cependant l’ordre de fermer et barricader toutes les portes.
On se canonne de part et d’autre, une partie de la garnison occupe les ouvrages avancés, garnit les remparts, le reste est entassé pêle-mêle dans les rues, obstrue les passages ou se trouve réfugié dans les maisons..
On voit paraître un homme pâle, ayant un bonnet de nuit sous le chapeau, une redingote bleue sur le corps, le bras en écharpe, et soutenue par un valet. Il se traîne à pied, pendant une pluie battante, le long des remparts, s’approche des groupes d’officiers. C’est Mack, assurant à tous ceux qui voulaient le croire que le tout n’était qu’une feinte, que l’ennemi se trouvait dans le plus mortel embarras et effectuait sa retraite.
On l’écoute en silence, on ne peut concevoir comment un home qui a vraiment du génie, peut s’aveugler à un tel point, on ne doute pas qu’il n’ait l’esprit aliéné, et les cheminées et les toits des maisons nous prouvent d’une manière convaincante qu’en s’écroulant sur nos têtes, que celle de notre quartier-maître général battait la campagne.
Vers cinq heurs du soir, l’ennemi fore deux colonnes d’attaque et court à l’assaut, aux deux portes dites Günz et Frauen Thor.
La tête des assaillants, conduite par le colonel Vedel avait déjà percé jusque sous les voûtes de la Frauen porte, et était sur le point de pénétrer dans la ville, quand les efforts et la bravoure du capitaine comte de Linanges, secondés par la compagnie, parvinrent à l’arrêter – tout ce qui n’est pas tué est fait prisonnier, et la mitraille moissonna nombre de français, qui restèrent morts ou mourants sous les remparts.
La colonne qui assaillit la porte de Günz ne fut pas plus heureuse : non seulement elle ne put forcer la porte, mais encore fut obligée de se retirer en désordre, après une perte très considérable.
Cet essai rendit l’ennemi plus circonspect, sans améliorer notre position; vers six heures, deux officiers de l’état-major ennemi se présentèrent pour parlementer; on les conduit au quartier de Mack, où tous les généraux se trouvent rassemblés.
On nous somme de nous rendre- Mack fulmine, dit qu’il faut manger nos chevaux et déclare traîtres tous ceux qui parleront de capitulation.
Les généraux se consultent, délibèrent et déclarent unanimement que la place n’est pas tenable, qu’on est sans munitions, sans vivres et que le seul service à rendre à l’État dans la situation actuelle était de tâcher d’obtenir des conditions honorables qui sauvassent la garnison et l’honneur de l’armée.
En conséquence, ils signent tous la déclaration suivante :
Les soussignés jurent à l’unanimité de se laisser ensevelir sou les ruines de la ville, si on n’accorde à la garnison la sortie libre d’Ulm avec les honneurs de la guerre – armes et bagages, et la liberté de se rendre sur le Lech, où elle rejoindra le corps du lieutenant-général Kienmayer, et continuera à servir.
Mack refuse de signer et fait insérer sa protestation.
Le Prince Maurice de Liechtenstein se rend avec l’écrit au quartier-général de Ney, où il passe toute la nuit.
Le 16 au grand-matin, on voit circuler un imprimé, signé Mack, par lequel il défend au nom de l’Empereur de parler de se rendre, et annonce qu’une armée formidable d’autrichiens et de ruses est en pleine arche pour nous délivrer.
A dix heures, le prince de Liechtenstein revient avec la réponse de Ney qui s’engage, uniquement par considération pour le-dit prince, à obtenir de l’Empereur Napoléon la capitulation suivante :
On accorde une trêve jusqu’à midi, à condition que la garnison s’engage à remettre encore aujourd’hui la ville d’Ulm entre les mains des troupes françaises et à être prisonnière de guerre, et transportée en France; les généraux et officiers auront la même destination, mais conserveront leurs chevaux et bagages – en cas de refus, on donnera l’assaut.
On refusa et chacun courut à son poste, animer les soldats et se préparer à recevoir l’ennemi.
Après midi, une canonnade très vive s’engage et dure pendant deux heures, les obus éclatent de tos cotés, mettent le feu à quelques maisons, mais on parvient à l’étouffer dans sa naissance; un trompette se fait entendre, demande le général Mack, il se porte à quelques centaines de toises hors de la ville. Sa conférence avec Ney dure une demie heure, il revient, et toutes les batteries recommencent le feu, qui se prolonge jusqu’à six heures d soir, endommage la plus grande partie des maisons, et ne nous tue que trois à quatre hommes.

Vers le soir vint le jeune Ségur, aide de camp de Napoléon; il passa toute la nuit chez Mack, et la garnison sur les remparts, travaillant à qui mieux mieux à se couvrir le moins mal possible.
Le 17 au matin, le jeune Ségur retourne à son camp et nous apprenons l sujet de sa mission. L’Empereur se décide par humanité à ménager la ville et pour nous prouver que nous n’avons aucun secours à espérer, nous accorde cinq jours, à l’expiration des quels nous devons nous engager, au cas où nous de soyons pas délivrer, à nous rendre prisonniers de guerre. C’est-à-dire que les généraux et officiers de tous grades conserveront leur épée, chevaux et bagages, donneront leur parole d’honneur de ne pas servir jusqu’à leur échange, et retourneront par le Tyrol, dans les pays héréditaires. Les soldats, après qu’ils seront sortis avec les honneurs militaires – tambours battants et mèche allumée – mettront bas les armes et seront conduits prisonniers en France.
De notre coté, Mack qui la veille encore avait défendu de parler de capitulation, accepte les conditions ci-dessus, avec la restriction qu’au lieu des cinq jours d’attente accordés, il en demandait huit.
Il est à remarquer que depuis la déclaration faite par les généraux en corps, ils ne furent plus assemblés, ni appelés à aucune délibération, et Mack négocia et termina le tout, à lui tout seul, agissant toujours au nom du Souverain.
A deux heures l’après-midi, le maréchal Berthier vint à Ulm, et après quelques pourparlers et modifications, la capitulation et déterminée et signée.
La défense du général Pendant ce temps, j’avais une armée de 65.000 hommes, et si j’avais eu liberté d’action , j’eusse immédiatement avancé vers Ingolstadt à la rencontre de Bernadotte, qui avait franchi le Danube huit jours avant les autres parties de l’armée. La direction inattendue de la marche de l’ennemi m’avait déconcerté. Je délibérais, prenais conseil aux plus hauts niveaux, réfléchissais, et je perdis ainsi le temps que j’aurais dû utiliser pour agir. Jusqu’au moment où je me décidais à envoyer 15.000 hommes de l’armée d’Ulm, pour renforcer les troupes du Tyrol, et unis à celles-ci, libéreraient la route à l’Archiduc Charles, qui s’avançait d’Italie avec 25.000 hommes pour aider l’armée principale; ces 15.000 hommes se heurtèrent à Memmingen à l’armée du maréchal Soult, et fut complètement mise en déroute. L’Archiduc Ferdinand, effrayé de sa situation dans Ulm , commis une plus grande erreur que la mienne. Il s’en alla, avec 20,000 hommes, pour, en faisant un détour par Stuttgart, se diriger vers la Bohème. Bonaparte envoya après lui le maréchal Lannes et le prince Murat, avec 12.000 hommes d’infanterie d’élite et 6.000 cavaliers. L’archiduc fut rattrapé à Nordlingen, il ne pensait qu’à sa fuite. Une partie de son armée le suivit, le reste fut encerclé et fait prisonnier sans résistance. Du fait de cet infortuné mouvement de l’archiduc, ma situation était désespérée. De l’armée de 65.000 homes que j’avais eu à Ulm, il n’en restait que 30.000. Mon courage s’était envolé -moi-même je ne me comprenais même plus, Ce malheur m’avait ôté toute ma détermination. Avec les 30.000 hommes restant, j’aurais pu effectuer une sortie, l’épée au poing, particulièrement parce que les ponts d’Elchingen, par lequel les armées ennemies sur les deux rives du Danube, avait été enlevé et je n’aurais eu à combattre sur la rive droite pas plus de 22.000 hommes, dont 4.000 Bataves. Ayant complètement perdu mes esprits, incapable de penser clairement, je n’avais que le choix d’une capitulation honteuse, après que l’ennemi se soit emparé des défenses extérieures du camp, la baïonnette à la main, l’Empereur Napoléon étant lui-même présent, et m’ait effrayé par une canonnade de trois heures. J’abandonnais à l’ennemi, 28.000 prisonniers, 36 drapeaux et 50 canons. Source: General-Feld-Zeugmeister von Mack, « Vertheidigung |
Le 18, en conséquence de articles additionnels, on devait livrer le jour même une porte aux français, leur laisser en outre le passage libre de celle du Danube, pour communiquer avec la partie de leur armée postée sur la rive droite, et chose inouïe jusqu’alors, recevoir une de leurs brigades en quartier au milieu de nous.
A neuf heures l’ennemi se présente à la Porte Neuve, on lui en remet la garde – et nous avons le chagrin de voir défiler une de ses brigades, ayant le maréchal Ney à la tête, et se rendre sur la place d’armes, où on lui distribue ses billets de logement.
Il faut s’être trouvé à Ulm, pour pouvoir se faire une idée de notre affreuse situation, il serait trop douloureux, trop poignant de retracer en détail tout ce que nous eûmes à souffrir d’avanies et de mauvais traitements, nos soldats pêle-mêle avec les français, n’ignorant pas le sort qui les attend, ne regardent qu’avec dédain leurs officiers qui ne le partagent point, et ne connaissent d’autre instinct que celui de leur misère. Les généraux français affluent dans toutes les rues, ils galopent sans relâche avec leur suite nombreuse, et nous couvrent de boue, ou nous disputent nos quartiers, on vole nos effet, t pendant la nuit, on pénètre de force, dans la plupart de nos écuries, on enlève nos chevaux et on rit de nos réclamations.
Le 19, les lunettes en permanence sur la tour dont en vain braquées vers Memmingen, pour découvrir l’armée de secours, on a grand soin de nous apprendre que le général Spangau y a capitulé avec 6.000 hommes.
Plus tard, on nous que Bernadotte a passé l’Inn et qu’à Munich nous avons perdu neuf bataillons et 30 pièces de canon.
A midi, Mack sort de la vile, avec une suite nombreuse et se rend à Elchingen, quartier de l’Empereur Napoléon, qui avait demandé à lui parler.
On lui prouve que par les positions des différents corps de l’armée française nous n’avions aucun secours à espérer, le maréchal Berthier assure sur son honneur que Verneck a capitulé le 18, près de Trochtelfingen, et que Kienmayer est au-delà de l’Inn, et après avoir…. engagé, a laissé l’armée aux ordres de Ney, dans les environs d’Ulm, sans qu’il puisse en être détaché une partie au-delà d’une circonférence de 10 lieues jusqu’à l’expiration des huit jours accordés, c’est-à-dire jusqu’au 25. Mack consentit à évacuer la ville dès le lendemain.
A on retour, il fait assembler les généraux et leur annonce notre sortie qu’il venait de stipuler avec l’Empereur, ajoutant qu’à cette heure, il est pleinement convaincu que nous n’avons plus rien à espérer, que l’armée ennemie était forte de plus de cent mille hommes, et qu’il était inutile d’attendre dans une ville affamée l’expiration des huit jours en un mot, qu’au lieu de rendre Ulm le 25, comme on l’avait stipulé, nous en sortirions demain 20 du courant.
Chacun est très étonné de cette infraction à la capitulation, on proteste, on dispute et on cède.
Le 20 `onze heures avant midi, l’armée de Marmont à laquelle se trouvait une brigade Hollandaise, traverse la ville, en grande parade, pour se joindre à celle de la rive gauche, et compléter l’immense carré qui s’appuyant d’un coté aux fossés d’Ulm couronnait à l’opposé les hauteurs devant la ville.
L’Empereur Napoléon était placé à une des extrémités du carré à la droite, au milieu de ses gardes à pied et cheval.
Tout étant ainsi disposé, on nous donne l’ordre de défiler; vingt-trois mille autrichiens, avec leurs généraux à la tête, sorte par la Frauen Tor, tambours battants, la rage dans le cœur, le désespoir dans l’âme, et traversent le carré français dans toute sa longueur; arrivés à la porte Neuve, ils mettent bas les armes. (Pendant cette humiliante manoeuvre, las musique de tous les régiments français jouait sans relâche, et très souvent l’air connu du….. Nous eussions pût y répondre par celui du …….); journées de Puttava, de Pirna, vous n’êtes rien en comparaison de cette hideuse sortie d’Ulm, la honte qui nous écrase, la boue qui nous couvre, sont inextinguibles.

Pendant qu’on défile, l’Empereur français, dans le costume le plus simple, au milieu de tous ses généraux brodés (il portait l’uniforme de simple soldat un chapeau sans distinction, dont les formes ratatinées, annonçaient qu’il lui servait de bonnet de nuit au bivouac, ce qui semblait confirmer par sa capote grise, brûlée en plusieurs endroits.) s’entretenait très affablement avec Mack et plusieurs de nos généraux qu’il avait fait venir près de lui, après qu’ils eurent défilé.
Il était déjà nuit, et une grande partie des nôtres n’était pas encore sortie – chacun retourne à son quartier et s’abandonne aux plus tristes réflexions.
La matinée du 21 se passe à obtenir des passeports, à signer l’acte qui nous constitue prisonniers et nous paralyse jusqu’à notre échange.
A deux heures, on nous annonce enfin que la première colonne des officiers destinés à prendre le chemin de Kempten peut sortir par la porte du Danube, aussitôt toute la foule se presse vers l’issue, généraux, officiers, domestiques, chevaux, bagages, tout veut sortir à la fois d’un lieu de tribulations et d’horreur : le passage est tellement obstrué, qu’on ne peut ni avancer ni reculer.
Mack, qui le matin était parti en poste, pour se rendre par Augsbourg à Vienne, fit très bien de prendre les devants, il eût trop souffert s’il eût entendu les malédictions de tous ceux qui l’accusaient de leur malheur.
Enfin, les commissaires et officiers français placés à la porte, avec la louable intention de nous piller le plus qu’ils pourraient, réalisent leu espoir, nus passent sévèrement en revue et ont la bassesse d’arracher de force un grand nombre de chevaux à la plus grande partie des malheureux officiers, sous le prétexte qu’ils étaient marqués. On représente en vain qu la majeur partie de ces chevaux portent la marque du haras où ils naissent, on n’obtient aucune justice, n est injurié, bafoué, maltraité – il fallut vider le calice jusqu’à la lie.
Ce manège révoltant dure trois jours entiers, au bout desquels les derniers parviennent enfin à fuir ce lieu de désolation et à se diriger sur Bregenz.
Telle fut la fin des opérations entreprises avec tant d’espoir de succès, tel fût le résultat épouvantable des sotties inouïes qui signalèrent cette campagne de huit jours – il surpasse sans contredit tout e que la Monarchie Autrichienne a jamais éprouvé de plus foudroyant et de plus humiliant.
Seize généraux, quinze officiers de l’état-major, vingt-trois mille hommes avec leurs officiers supérieurs et autres, une grande partie du corps de génie toute l’artillerie, pontons et attelages, tombent dans Ulm au pouvoir de l’ennemi.
Les généraux qui ont fait partie de la garnison d’Ulm sont les huit généraux : comte Risch, baron Mack, baron Ludon, baron Gottesheim, prince Hesse-Homburg – baron Stipsicz, comtes Klenau et Giulay.
Les généraux-majors : baron Ulm, Weidenfeld, Fresnel, Auersperg, prince Liechtenstein (Maurice), Sticker, Gehnidegg et Richter.
Sept mille hommes capitulent avec Werneck, six mille dans Memmingen; cinq mille dans Munich essuient le même sort; les états héréditaires sont en proie aux ravages et à la rapacité d’un ennemi, qui va se fortifier de nos dépouilles. La capitale de l’Autriche, en vain assiégée par les Turcs, recevra la loi et déposera ses richesses aux pieds du trop heureux Napoléon, les provinces les plus fertiles et les plus opulentes de notre Souverain, vont être sucées, épuisées par les commissaires français, les russes, nos alliés, chercheront en vain l’armée à laquelle ils devaient se réunir, l’émigration va ruiner des milliers de familles et porter l’alarme jusque dans les lieux les plus reculés, et cette longue série de calamités, cet enchaînement épouvantable de catastrophes, est l’ouvrage d’un seul homme – ou insensé – ou coupable.
Quant à nous, qui avons été condamnés à être les témoins et les acteurs de cette hideuse tragédie, nous traînons de Province en Province le sentiment de notre douleur, de notre honte et de notre inutilité; partout on nous accueille avec le sourire du mépris, l’habitant grossier mais loyal du Tyrol ne sait point saisir la différence qui existe entre celui qui commande et celui qui obéit, et ne voit en nous que des lâches ou des traîtres; l’employé en qui on devrait supposer plus de discernement nous traite avec une égale injustice, et il ne se passe pas un seul jour que nous ne mourrions du coup de pied de l’âne.
Remarque
Depuis que ceci est écrit, j’ai appris que le Prince d’Auersperg – qui certainement est bien loin d’être un génie aussi transcendant que Mack, n’en a pas moins commis la plus déplorable et la plus incalculable sottise, en laissant subsister le Pont du Danube entre Vienne et Stammersdorf – de façon que le prince Murat recueillit complètement le fruit de ses artificieuses et feintes négociations, en passant très pacifiquement, en présence de notre armée et vis-à-vis de cent pièces d’artillerie, les trois bras d’un fleuve qu’il eut du, dans le cas contraire, remonter jusqu’à Krems – et faciliter par le retard notre jonction avec l’armée de Kutusov, et nos moyens de défensive (sic). Nous sommes réellement dans le cas de nous écrier : alu bella gerant-infelix Austria Nube
S’il est possible que la Maison d’Autriche conserve encore, après de tels revers, un reste de réputation militaire aux yeux de l’Europe, elle la doit uniquement à l’Archiduc Charles et à son armée. Ce prince, l’honneur et la gloire des Autrichiens, a été attaqué trois fois avec un acharnement opiniâtre, et trois fois il a battu l’ennemi. Ce n’est que par suite des sottises commises sur le Danube, et l’invasion qu’elles ont entraîné après elles, que l’Archiduc s’est vu dans la nécessité de quitter de plein gré les bords de l’Adige pour se réunir avec la partie de son armée qui avait été destinée a défendre le Tyrol.
On doit aussi rendre justice à l’habileté et à la fermeté que l’Archiduc Jean développa dans sa retraite très épineuse et très aventurée du Tyrol. Tout ce qu’il fit dans une occasion aussi critique que malheureuse, nous donne la mesure de qu’il et certainement fait, si , en Empire, nous eussions été moins infortunés et plus sages