Regula Engel-Egli (1761-1853) – Une cantinière suisse
Elle était née en 1761 à Zürich, fille d’un officier dans l’armée prussienne. Après ses premières années dans un orphelinat, elle vit chez sa mère, qu’elle quitte lorsqu’elle a 13 ans, et épouse, en 1778, Florian Engel, de Langwies, sergent-major dans le régiment suisse Diesbach, au service de l’armée française. Elle suit son mari de garnison en garnison, Strasbourg, la Corse, Arras, Lille. Onze ans plus tard, en 1789, elle a déjà sept enfants. Durant la Révolution, le mari de Régula, qui est devenu lieutenant, est arrêté. Elle s’adresse, accompagnée de sa nombreuse progéniture, directement à Robespierre, et l’impressionne assez pour que son mari soit remis en liberté. Ce dernier est même nommé capitaine-grenadier au 4e régiment d’infanterie de ligne, avec lequel Régula fait la campagne de Hollande.
Elle suit son mari en Italie durant la première campagne d’Italie, qui va rendre célèbre un certain Bonaparte: «Il régnait en Italie comme un maître et força les Autrichiens à une paix peu glorieuse », se souviendra-t-elle plus tard. En 1798, elle prend part à l’expédition d’Égypte. Elle emmène avec elle sa plus jeune fille, les autres enfants restant auprès d’amis en France. Au moment d’embarquer, elle est présentée à Bonaparte, comme les treize autres femmes d’officiers qui ont choisi de suivre leur mari. A la question de ce dernier, qui n’est pas aveugle : « N’est-elle donc pas enceinte ? », elle répond par un sonore: « Quoi ! Est-ce que cela le regarde ? » qui en impose au général en chef. En route pour les côtes égyptiennes, elle a l’occasion, car elle et son mari sont sur le même bateau, de discuter et de boire le café avec Bonaparte (c’est du moins ce qu’elle raconte dans ses Mémoires). Partie enceinte de Toulon, elle met au monde des jumeaux au Caire, Napoléon-Baptiste et Napoléon-Henri. Bonaparte est au baptême des nouveaux nés, qui portent les numéros 15 et 16. Régula racontera dans ses Mémoires qu’ils accompagneront l’Empereur à Saint-Hélène, mais rien ne vient étayer ses dires, probables fruits de son imagination
Elle suit l’armée dans l’expédition en Syrie, est à Jaffa (là, selon elle, elle revêt un habit d’officier et sert en tant que tel !), puis au siège de Saint-jean d’Acre.
Elle retrouve la France, de nouveau enceinte, ce qui l’oblige à rester à Nice, pendant que son mari fait la campagne de 1800 : ses deux aînés, Johann (20 ans) et Rudolph (21 ans) sont tués à Marengo, comme le mari de sa fille (aide de camp de Desaix), laquelle meurt également en apprenant le décès de son mari !
Cinq ans plus tard, Régula, de nouveau enceinte, suit son mari à Austerlitz. Elle est blessée d’un coup de sabre à la tête, qu’elle ressentira encore des années plus tard, comme un «souvenir de la bataille». Et c’est à Josephstadt (l’ancienne Theresienstadt, en Bohême) qu’elle met au monde son 19e enfant ! [1]« J’accouchai entre deux canons. Dès le jour suivant, à quatre heures du matin, je devais reprendre la route », raconte-t-elle dans ses Mémoires
Notre héroïne, après un court séjour à Rome, suit son mari (qui est maintenant commandant) durant la campagne de 1806, qui combat à Auerstaedt, et séjourne à Postdam. Après Tilsitt, elle retrouve la France.
En 1808, Régula est en Espagne, avec un autre de ses fils, Conrad, qui sera fait prisonnier par les Espagnols et pendu à un arbre. Elle revêt une nouvelle fois l’habit d’officier pour, dit-elle « échapper à la lubricité des moines » !
La vie continue pour elle : elle attend son vingtième enfant (!) lorsque commence la campagne de 1809, en Bavière. Elle est faite prisonnière près de Ratisbonne, ce qui lui évite les risques inhérents aux batailles. C’est durant sa captivité, à Semlin, qu’elle accouchera.
Parce qu’elle parle couramment l’allemand, Régula est choisie pour faire partie de la « délégation » qui est chargée de ramener de Vienne la future impératrice, l’archiduchesse Marie- Louise d’Autriche. C’est sans doute la raison pour laquelle Régula donnera le prénom de Marie-Louise à son vingt-et- unième enfant, né en 1811. [2]Sur les 21 enfants, 5 seulement survivront
Régula ne participe pas à la campagne de Russie, ni à celle de 1813, qui en est la conséquence. En 1814, elle accompagne Napoléon à l’île d’Elbe, et revient avec lui en mars de l’année suivante. A Waterloo, elle suit l’armée française, et est blessée deux fois, au cou et au côté. Son mari est tué sous ses yeux et son fils Joseph est touché mortellement à la tête.
Régula survit pourtant et elle passera désormais son temps à s’occuper de ses enfants qui sont encore vivant. Elle se rendra même à la Nouvelle-Orléans, pour rendre visite à l’un de ses fils, Caspar, qui a émigré. Lorsque, le 6 janvier 1817, elle arrive à destination, c’est pour apprendre la mort de son fils, mort de la fièvre jaune trois jours plus tôt !
Il ne lui reste désormais qu’un seul enfant, sa fille Catherine, qui avait épousé le général Augustin Perrier. Elle ne se rencontreront plus. De 1821 à 1853, Régula réside à Zürich, dans un hospice. Et c’est dans cette ville qu’elle meurt, le 25 juin 1853, à l’âge de 92 ans.
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