Proclamation de Rimini – Le Consulat et le Premier empire

Italiens !

L’heure est venue où doivent s’accomplir les grandes destinées de l’Italie. La Providence vous appelle enfin à être une nation indépendante. Des Alpes au détroit de Sicile, qu’un seul cri s’é­lève : Indépendance de l’Italie! Et à quel titre, des peuples étran­gers prétendent-ils vous enlever cette indépendance, premier droit et premier bien de toute nation ? À quel titre dominent-ils vos plus belles contrées ? De quel droit s’approprient-ils vos richesses pour les transporter dans des pays qui ne les ont pas produites ? De quel droit vous enlèvent-ils vos enfants pour les faire servir,
languir et mourir loin des tombeaux de leurs ancêtres ? C’est donc en vain que la nature a élevé pour vous garantir la barrière des Alpes, qu’elle vous a entourés d’un rempart plus insurmontable encore, celui de la différence des langues et des mœurs et de l’invincible antipathie des caractères ? — Non. — Que toute domination étrangère disparaisse du sol italien! Vous qui avez été une fois les maitres du monde, vous avez expié cette gloire par vingt siècles d’oppression et de massacres. Mettez aujourd’hui votre gloire à ne plus avoir de maîtres !

Tous les peuples doivent se tenir dans les limites que la nature leur a assignées. Les vôtres sont des mers, des montagnes qu’on ne peut franchir. N’essayez jamais d’en sortir; mais repoussez l’étran­ger qui les a violées, s’il ne se hâte de rentrer dans les siennes.

80.000 Italiens s’avancent sous les ordres de leur Roi; ils ju­rent de ne prendre aucun repos avant que l’Italie ne soit délivrée et ils ont déjà prouvé qu’ils savent tenir leurs serments.

Italiens de toutes les contrées de l’Italie, secondez ce dessein magnanime. Qu’ils reprennent les armes qu’ils ont déposées, ceux qui parmi vous les ont déjà portées et que la jeunesse novice à les manier apprenne à le faire.

Qu’à de si nobles efforts se préparent tous les cœurs, toutes les intelligences ! Que toutes les voix libres se fassent entendre par­lant au nom de la patrie à tous les cœurs vraiment italiens ! Que l’énergie nationale se manifeste dans toute son étendue et sous toutes les formes ! Il s’agit de décider si l’Italie doit être libre ou réduite à plier encore pour des siècles son front humilié sous le joug !

Que la lutte soit décisive et bientôt nous verrons assuré pour longtemps le bonheur d’une patrie si belle qui, bien que sanglante encore et déchirée, excite tant de convoitises étrangères. Les hommes éclairés de tous les pays, toutes les nations dignes d’un gouvernement libéral, les souverains qui se distinguent par la grandeur de leur caractère se réjouiront de votre entreprise et applaudiront à votre triomphe. Pourrait-elle ne pas applaudir à vos efforts, l’Angleterre, ce modèle de gouvernement constitu­tionnel, ce peuple libre qui met sa gloire à combattre et à répan­dre ses trésors pour l’indépendance des nations !

Italiens ! Vous avez été longtemps étonnés de nous appeler en vain; vous avez peut-être accusé notre inaction alors que vos vœux se faisaient entendre tout autour de nous; mais le moment favorable n’était pas encore arrivé. Je n’avais pas encore fait l’expérience de la perfidie de nos ennemis. Il était bon que les événements démentissent les promesses trompeuses dont se sont montrés si prodigues vos anciens dominateurs lorsqu’ils reparu­rent parmi vous. Combien rapide, combien lamentable fut cette expérience, vous le savez !

J’en appelle, à vous, braves et infortunés Italiens de Milan, de Bologne, de Turin, de Venise, de Brescia, de Modène, de Reggio, de tant d’autres villes célèbres et opprimées. Combien de bra­ves guerriers, combien de patriotes vertueux ont été arrachés au sol natal ! Combien gémissent dans les fers ! Que de victimes, d’extorsions, d’humiliations inouïes, Italiens ! Pour réparer tant de maux, unissez-vous d’une étroite union à un gouvernement de Votre choix. Qu’une représentation vraiment nationale, qu’une constitution digne de ce siècle et de vous garantisse votre liberté, Votre prospérité intérieure, aussitôt que par votre courage vous aurez assuré votre indépendance.

J’appelle autour de moi tous les braves pour combattre. J’ap­pelle également tous ceux qui ont profondément médité sur les intérêts de leur patrie afin de préparer et de régler la constitution et les lois qui doivent régir l’Italie heureuse, l’Italie indépendante.

Joachim Napoléon.

 

Pour copie conforme, le chef de l’état-major général.

Millet de Villeneuve.

Le 30 mars 1815.