Plébiscite – Participation
La Carte de la participation

La carte de la participation (donc de l’abstention et même, vu le très faible nombre de votes négatifs, le vote favorable à l’hérédité) montre :
Participation outrancièrement exagérée (90 % et plus)
a) le cas de la Corse : les deux départements du Golo et du Liamone affichent des chiffres de participation outrancièrement trafiqués : 137 % pour le premier, 125 % pour le second. l’action des préfets Ladoucette et Fourier ? Leur présence dans ce lot tranche en tout cas avec l’attitude qui sera la leur lors des Cent-Jours.
Les plébiscites napoléoniens dans l’île y préparent les scrutins trafiqués, largement en usage depuis lors dans l’île.
b) le cas du Dauphiné : 102 % de participation dans les Hautes-Alpes, 91 % dans l’Isère. Faut-il n’y voir que c) les quatre cas isolés des Landes (95 %), des Deux-Sèvres (107 %), de la Seine (94 %) et de la Dyle (99 %) tiennent autant de l’action de préfets zélés (respectivement : Duplantier, Dupin, Frochot et Doulcet-Pontécoulant) que, dans le cas des Deux-Sèvres et de la Seine particulièrement, de l’importance relative de ces départements eu égard, le premier, à ce qu’il avait été au coeur de la lutte vendéenne et, le second, parce qu’il abrite la capitale du nouvel Empire.
Participation très forte (70/90 %)
a) les départements de la Cisrhénanie (Roer, Rhin-et-Moselle, Sarre,Mont-Tonnerre) annexés en 1801 : les résultats ont été manifestement portés à la hausse dans tous les départements (un peu moins dans le Mont-Tonnerre : scrupules du préfet Jeanbon Saint-André ? Meilleure assise des jacobins locaux, héritiers de la Convention mayençaise ?) mais cela déborde assez largement le cadre étroit de ces quatre départements allemands puisque laMoselle (alors constituée de l’essentiel de la Lorraine germanophone) affiche également un taux de participation très fort et que les départements germanophones environnants (Forêts, Bas-Rhin, Haut-Rhin, voire même la Meuse-Inférieure, néerlandaise) connaissent une participation forte.
b) l’île d’Elbe, annexée en 1802 : ici aussi, des résultats manifestement truqués, que l’on renforce en outre par le mélange des genres en les donnant globalement avec les résultats du vote des militaires placés dans l’île.
c) le cas particulier du Cher (préfet Belloc).
Participation forte (50/70 %)
a) les départements « franciques mosellans » déjà cités dans les zones rhénano-mosane.
b) le Maine-et-Loire : le préfet Nardon a-t-il hésité à suivre l’exemple de son voisin des Deux-Sèvres ? Il y a cependant là une coïncidence troublante, laquelle pourrait bien indiquer la volonté d’assurer le soutien total de tout ou partie de la Vendée au régime naissant.
c) une zone occitane allant de la Corrèze au Tarn en passant par le Lot : faut-il y voir l’influence de Murat ?
d) une zone pyrénéenne allant des Basses-Pyrénées à l’Ariège, en passant par les Hautes-Pyrénées (un examen arrondissement par arrondissement permettrait peut-être d’y ajouter l’arrondissement haut-garonnais de Saint-Gaudens);
e) une zone bourguignonne (Nièvre, Saône-et-Loire);
f) une zone champeno-francilienne (Aisne, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Aube);
g) les Basses-Alpes et le Tanaro, départements isolés du moins en apparence.
Faible et très faible participations (moins de 30 %)
a) toute la Bretagne, à l’exception de la Loire-Inférieure : couplée aux chiffres plus ou moins truqués du Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres, il y a là démonstration de l’existence d’un pays chouan, soit qu’il ne s’exprimerait pas, soit auquel on ferait dire ce qu’il ne dit pas. Ce constat permet également de soulever des doutes sérieux quant à la réalité des chiffres donnés pour les deux seuls départements de l’Ouest se trouvant dans la moyenne (Loire-Inférieure, Vendée).
b) la Guyenne et l’Aunis-Saintonge : sans doute faut-il y voir l’effet de l’échec de la paix d’Amiens pour les grands ports régionaux. En outre, lorsque l’on y ajoute les constats faits pour les Landes et les Basses-Pyrénées, c’est bien tout le littoral sud-ouest qui paraîtrait marquer, d’une manière ou d’une autre, ses réticences.
c) une zone sud-est (Bouches-du-Rhône, Var) où le royalisme possède historiquement de forts appuis et où fonctionnent encore les souvenirs des rébellions de Marseille et de Toulon en 1793.
d) le Piémont : sans doute la Sésia et le Marengo affichent-ils des chiffres de participation parfaitement honnêtes, mais le reste des résultats de la région ne peut manquer de faire naître les doutes. Doutes confirmés par l’administrateur général de Menou [1]Dans le Piémont (Doire, Marengo, Pô, Sesia, Stura et Tanaro), le nombre de votes positifs réels est estimé à 16.000, alors que 45.000 votes positifs sont finalement officialisés. … Continue reading.
e) une zone centrale (Puy-de-Dôme, Loire), qui assure le lien entre l’ensemble occitano-gascon (voir 3c) et la zone bourguignonne (zone 3e).
f) une seconde zone centrale, du Loir-et-Cher au Jura, lorsqu’on y joint les cas du Cher et de la zone (3e) déjà citée et à laquelle on peut encore joindre la Côte-d’Or et la Haute-Saône. Qu’en est-il dès lors de la réalité des résultats à l’apparence fiables du Doubs ?
g) car le Léman est lui aussi réticent. Genève ne brille pas par son adhésion au régime et à la France, à laquelle elle a été annexée en 1798. Or, l’on constate que de Chamonix (Léman) à Clèves (Roer), de la frontière piémontaise à la frontière batave, et hormis ce cas vraiment bien particulier du Doubs, c’est tout l’Est qui marque ou ses réticences, ou son excès d’adhésion.
h) une zone normande centrale (Calvados, Eure), ancien « fief » fédéraliste.
i) enfin, les départements de la Belgique : sur neuf départements, six marquent leurs réticences. Encore faut-il remarquer que deux des départements « dans la norme », à savoir l’Ourthe et la Sambre-et-Meuse (ainsi que le nord des Ardennes) correspondent à l’ancienne principauté de Liège, particulièrement francophile. Dès lors, ce sont bien les anciens Pays-Bas autrichiens qui paraissent manquer de chaleur (soit par une participation faible, soit, dans le cas de la Meuse-Inférieure et des Forêts et, plus encore, de la Dyle, par une fraude massive).
References[+]
↑1 | Dans le Piémont (Doire, Marengo, Pô, Sesia, Stura et Tanaro), le nombre de votes positifs réels est estimé à 16.000, alors que 45.000 votes positifs sont finalement officialisés. L’abstention y ayant été massive (notamment dans les départements de la Doire, du Pô et de la Sesia), le général Menou avoue avoir dû « faire recommencer tout le travail » (cité par Frédéric BLUCHE, op. cit., p. 514). |
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