Pierre François Léonard Fontaine (1762-1853)

Portrait de Fontaine (Louis-Leopold Boilly)
Portrait de Fontaine (Louis-Leopold Boilly)

Fontaine naît à Pontoise le 20 septembre 1762. Il est l’aîné de sept enfants, dans une famille où l’architecture est pour ainsi dire héréditaire. Mais l’aïeul, architecte à l’origine, s’était bientôt restreint à l’art de conduire les eaux et de décorer les jardins, y acquérant une certaine célébrité. Quant au père de Fon­taine, architecte aussi, il était devenu entrepreneur de bâtiments, puis plombier-fontainier ! C’est d’ailleurs sur les chantiers de son père qu’il va acquérir sa formation pratique.

C’est ainsi que, sor­ti à seize ans du collège de Pontoise, son père ayant besoin de lui, l’envoie à l’Île-Adam, où, sous la direction de l’architecte André, il fait exécuter de grands travaux dans le château du prince de Conti. Le goût du jeune Fontaine pour l’archi­tecture se révèle alors, ainsi que son aptitude à apprendre : avec les fontainiers, il travaille à la pose des conduits en fer ou en plomb ; avec les maçons, à la construc­tion des aqueducs; avec le contre-maître, à la comptabilité des ateliers. En récompense, il obtient la permission d’étudier les plans de l’architecte, la faveur de recevoir ses leçons et de copier ses dessins. Il reçoit ainsi une parfaite éducation pratique, qui va laisser de profondes et durables empreintes.

A cette époque il fait la connaissance d’un jeune homme qui deviendra aussi un architecte habile : Thibaut. Dessinateur de talent, il a été appelé pour mettre au net les dessins de l’architecte. Les deux jeunes hommes se lient rapidement d’amitié, pour le plus grand bien de Fontaine.

A la fin de 1779, Fontaine arrive, avec son père, à Paris et le lendemain même, il est pré­senté à M. Peyre le Jeune, architecte des bâtiments du roi et dont l’école d’architecture, située rue Boucher, est alors célèbre. C’est là qu’il fait la connaissance de Percier : c’est le début d’une longue et fructueuse amitié.

En 1785 il est admis à concourir au grand prix de l’Académie d’Architecture, après de persévérantes études, sur le thème « projet pour la sépulture des rois et princes de la famille royale ». Son travail de Fontaine lui vaut le second prix de Rome prix.

Projet de sépulture
Projet de sépulture

Un monument sépulcral pour les souverains d’un grand empire, deuxième grand Prix de Rome, coupe. (École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris)

Peu après, il part pour Rome, en compagnie de Dufour, architecte comme lui, du statuaire Michallen, qui vient de remporter le grand prix de sculp­ture, et de quelques autres artistes. L’enthou­siasme est grand au premier aspect de la ville éternelle. Mais il doit bientôt faire face à la vie de tous les jours, car ses moyens sont presque épuisés. La chance lui sourit : il gagne à une loterie pontificale de quoi lui redonner quelques moyens de subsister.

Un peu plus tard, Fontaine rencontre dans un café de la rue du Cours un vieux gentilhomme français nommé de Nainville, fixé à Rome depuis plus de vingt ans. Le vieux gentilhomme prend en sin­cère amitié le jeune artiste et s’intéresse à son avenir. Fontaine s’occupe alors, pour se créer des ressources, de faire des vues de Rome qu’il colorie à l’aquarelle, espérant les vendre aux étrangers de passage à Rome. Mais il connaît ses limites, que Nainville, dessinateur lui-même, va s’attacher à combler.

En 1787, Fontaine est admis, en même temps que Percier, à entrer comme pensionnaire à l’Académie de France, grâce à l’appui de son ancien directeur à Paris.

Mais les nouvelles de Paris commencent à troubler la paix de l’école; Fontaine est rappelé par son père, que les premiers événements de la révolution ont ruiné, et qui réclame avec les plus vives instances la présence et le secours de l’aîné de ses enfants. En 1790 Fontaine repart donc à Paris, accompagné de Dufour. Il y retrouve sa famille, au bord de la misère. Il s’installe dans le domicile de son ami Thibaut, qui est resté à Rome. Un célèbre fabricant de meubles, M. Jacob, lui commande quelques dessins dont le succès attire les fabricants de pa­piers peints et d’étoffes de soie. Les artistes viennent ensuite et l’emploient; l’architecte Ledoux a lui aussi recours au crayon de Fontaine. Il accepte tout, sans grand enthousiasme cependant.

Il décide alors de tenter sa chance à Londres, entreprise périlleuse car il peut être rangé parmi les suspects et être exposé aux coups terribles d’une loi sans pitié.

Après un voyage rocambolesque, Fontaine arrive à Londres, où il ne trouve à Londres que les travaux obscurs et rebutants qui lui ont fait prendre le séjour de Paris en aver­sion : des ornements, des bordures, des dessins pour étoffes et pour les papiers peints.

Aussi, lorsqu’il reçoit de son père la nouvelle qu’un décret de la Convention con­fisque les biens de tout citoyen dont un enfant serait passé à l’étranger sans mission reconnue et légitime, ou qui refuserait de rentrer dans sa pa­trie dans le délai fixé par la loi, il décide de rentrer à Paris.

Au même moment, Percier lui offre de venir partager avec lui le poste de Directeur des décorations de l’Opéra, qui vient d’être libre.  Fontaine se hâte d’accepter. Avec Percier, il travaille bientôt aux décorations de Télémaque, du Jugement de Paris, de Psyché, ballets qui jouissent alors d’une grande célébrité. Peu de temps après, le directeur de l’Opéra devient suspect, et un comité central dont Fontaine et Percier font partie, est chargé, pendant plusieurs années, d’administrer le théâtre.

C’est l’époque où l’argent reparaît et le luxe renaît. Fontaine et Percier sont sollicités de toutes parts, pour redonner du lustre à d’anciennes demeures ou d’hôtels particuliers. C’est alors la mode de l’antique, et les deux architectes n’ont donc pas le choix du style et ne peuvent résister à ce mouvement général ; mais ils contribuent à donner aux travaux d’art de cette époque un style caractéristique et qu’on ne peut méconnaître, parce qu’appli­quant aux choses de la vie usuelle cette nouvelle mode (ci-contre un lit à baldaquin), ils la font pénétrer dans les habitudes du citoyen et dans l’intimité du foyer. D’ailleurs, la peinture, la poésie, la mu­sique les ont précédés dans cette voie : ils ont eu pour précurseurs David, les deux Chénier, Méhul et Chérubini.

En 1798, Fontaine travaille notamment pour Pauline Bonaparte et le général Leclerc, à Montgobert.

Et en 1799, travaillant à la restauration de l’hôtel Chauvelin (ancien ambassadeur de France en Angleterre), situé dans la rue Chantereine, qui deviendra bientôt la rue de la Victoire, Fontaine et Percier, font la connaissance de Joséphine de Beauharnais, qui habite la maison voisine (Bonaparte, devenu Premier consul, ha­bite alors le palais du Luxembourg). Celle-ci, qui vient de faire l’acquisition du château de Malmaison, leur demande bientôt des projets pour cette demeure, que le Premier consul affec­tionne et qu’il se propose d’embellir. Peu de jours après, ils rencontrent le nouveau maître de la France.

Fontaine a entendu le Premier consul se plaindre de la fâcheuse distribution d’une partie des appartements de La Malmaison. Dix jours après ces pièces obscures, étroites, incommodes, auront disparues et  fait place à une bibliothèque spacieuse, pleine de lumière, et, ce qui valait mieux encore, pleine de livres si bien choisis, si conformes au goût du maître, que celui-ci, dans un ravissement qu’il ne cherchera pas même à dissimuler, passera quatre heures dans cette bibliothèque improvisée.

Château de Malmaison. La bibliothèque

Dès ce jour les noms des deux architectes ap­partiennent à l’histoire de nos monuments. Le 16 janvier 1801, Fontaine est nommé architecte du gouvernement, en décembre 1804, il deviendra architecte des palais du Louvre et des Tuileries. Ses fonctions sont désormais triples.

D’une part, avec son ami Périer, les aménagements des palais et demeures impériaux: la Malmaison (1800-1802),  Saint-Cloud et les Tuileries (1801-1802), Compiègne (1806), Rambouillet (1806), Fontainebleau (1804, avec l’architecte Leroy), Versailles (1806), le Louvre (1804 – 1812), mais aussi, car Napoléon les presse constamment, la Bi­bliothèque impériale (image ci-contre), l’Opéra, le temple de la Gloire (devenu l’église de la Madeleine), le palais du roi de Rome, cent vingt fois construits sur le papier, mais qui ne vit jamais le jour.

Bibliothèque impériale
Bibliothèque impériale

Ils préparent également un projet (1806) si souvent formé, si con­stamment entretenu, de joindre l’un à l’autre les deux palais du Louvre et des Tuileries. Mais les deux amis ne négligent pas d’autres travaux moins glorieux : les abords des Tuileries sont dégagés; ils commencent la rue de Rivoli (1802), construi­sent le grand escalier du Musée (1806 – 1809), élèvent l’arc de triomphe du Carrousel (1806 – 1808), seul monument fait en commun qu’ils ont laissé à la postérité. L’arc est alors couronné par un char conduit par la Victoire et la Paix et tiré par les 4 chevaux antiques de Saint-Marc de Venise, qui seront restitués en 1815.

Bas-relief du Carrousel
Bas-relief du Carrouse

D’autre part, Fontaine est chargé de mettre en place les décors provisoires des grandes fêtes et manifestations du régime : le sacre (1804), le mariage avec Marie-Louise (1810), le Champ de Mai, au retour de l’île d’Elbe par exemple.

En 1811, Fontaine est nommé Chevalier dans la Légion d’honneur (il sera fait Officier sous la Restauration). La même année, il devient membre de l’Institut

Il est désormais devenu le conseiller de l’Empereur en matière architecturale, avec lequel il a de nombreuses entrevues, où il donne son avis sur les grands travaux du règne. Le 25 avril 1813, Napoléon le nomme Premier architecte de l’Empereur.

Il conserve cette fonction au moment de la Première Restauration, jusqu’au 24 décembre 1814, lorsqu’il est nommé architecte de Paris, architecte du Roi et architecte du duc d’Orléans.

La carrière de Fontaine se poursuit sous Charles X : du 25 mai 1826 à février 1828, il préside une commission d’architectes pour les travaux de l’Arc de Triomphe de Paris. En août 1828, il deveint membre de la Société des Arts de Genève. En 1828 il reçoit le Cordon de l’Ordre de Saint-Michel.

Sous la Monarchie de Juillet, Louis-Philippe lui demande, en 1833, de conseiller l’architecte Dubreuil.

Fon­taine vit alors dans une demeure agréable, pres­que somptueuse, entourée de vastes et beaux jar­dins et décorée de nombreux objets d’art, touchant au cimetière du Père Lachaise, et dans laquelle, chaque soir,  il dessine ou travaille à ses manuscrits : il a laissé six volumes in-folio de notes journalières et de correspondances.

Dans ses dernières années, il ne sort guère de sa retraite que pour assister fidèlement aux séances de l’Académie des Beaux-Arts et partager les travaux de la section d’architecture. Il se rend aussi assidûment au Conseil des bâtiments civils : huit jours avant sa mort, il préside encore l’une des séances de ce Conseil, dont il a été nommé président honoraire, après avoir donné en 1849 sa démission des fonctions de président.

Pierre-François-Léonard Fontaine est mort en dessinant, le 10 octobre 1853, âgé de 91 ans. Il fut enterré au cimetière du Père Lachaise de Paris (28e division)

Tombe de Fontaine au cimetière du Père Lachaise.
Tombe de Fontaine au cimetière du Père Lachaise.