Pie VII (1740-1823)

Gregorio Luigi Barnaba Chiaramonti est né à Cesena dans les États pontificaux, le 14 août 1740. De naissance noble, il est élevé dans une famille très pieuse. Il reçoit sa première éducation au collège de Ravenne. Puis, à l’âge de seize ans, Gregorio Chiaramonti entre au monastère bénédictin de Santa Maria del Monte-Carlo à Fano. A partir de 1758, il y est d’ailleurs appelé Frère Grégorio. Dans cet environnement conventuel, il achève ses études de philosophie et de théologie. Dès lors, il enseigne la théologie à Parme puis à Rome dans les collèges de son ordre. Frère Grégorio est bientôt nommé abbé du monastère de saint Calixte situé dans la ville sainte par le pape Pie VI, parent de la famille Chiaramonti.

Cependant, une plainte s’élève contre le nouvel abbé. L’abbé de Barnaba est accusé de non résidence dans son monastère. Après enquête de la papauté, il est blanchi. Pie VI le nomme alors évêque de Tivoli en 1782. Monseigneur Chiaramonti rejoint ensuite le diocèse d’Imola ; il est en même temps élevé à la dignité de cardinal, le 14 février 1785. En 1797 cependant, les troupes françaises envahissent le nord de la péninsule italienne. Soucieux d’éviter les malheurs de la guerre, l’évêque d’Imola recommande à ses fidèles de s’abstenir de toutes formes de résistance face à un ennemi plus puissant. Il doit de plus intercéder auprès du général Augereau afin que ce dernier épargne les habitants de Lugo, peu attentifs à ses conseils. Quelques temps plus tard, dans son homélie prononcée lors des célébrations de Noël, il préconise d’ailleurs la soumission à la République cisalpine. Selon l’évêque d’Imola, l’adhésion à la démocratie n’est pas inconciliable avec les commandements de l’Église.
A la mort du pape Pie VI, les cardinaux se réunissent en conclave à Venise. Monseigneur Chiaramonti est alors élu le 21 mars 1800. Il prend le nom de Pie VII.

Pie VII quitte bientôt cette ville autrichienne et rejoint Rome le 3 juillet de la même année : le nouveau pape fait une entrée solennelle dans la ville sainte. Vainqueur à Marengo quelques temps plus tôt, Bonaparte est maître de la ville. Désireux d’apaiser les tensions issues de la période révolutionnaire, le premier consul fait alors au souverain pontife quelques propositions afin de régler la question religieuse. Pie VII lui-même est soucieux de la condition dans laquelle se trouve les catholiques au-delà des Alpes. Malgré les difficultés dues aux oppositions anticléricales ou gallicanes, à la situation des évêques non jureurs ou à celle de l’Église constitutionnelle en France, les négociations laborieuses menées pour la papauté par le cardinal Consalvi aboutissent à la signature du concordat, le 15 juillet 1801.

Celui-ci régira pendant tout le XIX° siècle les relations entre l’Église de France et les autorités. Pie VII fait par cet accord de nombreuses concessions :
Il renonce aux propriétés du clergé, confisquées et vendues comme biens nationaux. De plus, aucune mention n’est faite dans ce texte des légations (les terres d’Église annexées par la France). Il entérine également la démission de tous les évêques issus de l’Ancien Régime. Enfin, le catholicisme dans la France de Bonaparte n’est plus que » la religion pratiquée par le Premier Consul « . En échange le souverain pontife obtient le désaveu de la constitution civile du clergé, la déposition de l’épiscopat institué depuis 1790 ainsi que le droit d’accorder l’investiture canonique aux nouveaux prélats. Le pape triomphe donc du gallicanisme et impose son autorité au clergé de France. Cependant, le premier consul apporte quelques temps plus tard des aménagements à cet état de fait par la publication des articles organiques. Ceux-ci affirment l’autorité du pouvoir civil sur l’Église de France. Le ministère des Cultes doit donner son aval à la publication des bulles et des conciles. La réunion des synodes diocésains et la création de séminaires sont également soumises à son autorisation. Enfin le clergé devient un corps de fonctionnaires, les prêtres des desservants de leur paroisse rétribués par l’État.
Pie VII conclu un accord semblable avec la République italienne le 16 septembre 1803. Les tractations menées par le Saint Siège avec les royaumes de Bavière et du Wurtemberg n’aboutissent pas. Pie VII souhaite de nouveau traiter directement avec Bonaparte qui a mis fin en 1806 au Saint Empire romain germanique. Cependant, les relations avec ce dernier se tendent. Espérant une renégociation des articles organiques du concordat, Pie VII accepte de venir à Paris pour le sacre de l’Empereur le 2 décembre 1804 (et attend pendant deux heures et quart à Notre Dame l’arrivée du cortège amenant Napoléon). Mais les motifs de friction entre l’Empereur et la papauté se multiplient. Pie VII proteste contre l’occupation de la ville d’Ancône en 1805. Il s’offusque également de la condition du clergé italien placé sous l’autorité de Napoléon, roi d’Italie. Enfin, le pape refuse de participer au blocus continental imposé à l’Europe. Le 2 février 1808, les troupes du général Miollis occupent Rome. Pie VII, intransigeant et refusant toutes négociations, se considère désormais comme prisonnier dans son palais du Quirinal. Quelques temps plus tard, le 16 mai 1809, les États de l’Église sont réunis à l’Empire, le Saint Siège est donc dépossédé de son pouvoir temporel. Pie VII réplique par la bulle Quum memoranda [1]La bulle Quum memoranda, excommuniait tous ceux qui avaient « donné l’ordre, tous les fauteurs, conseillers ou adhérents, tous ceux enfin qui [avaient] facilité l’exécution » de la … Continue reading qui excommunie l’empereur le 10 juin de la même année. Le 6 juillet, il est arrêté par le général Radet puis par Florence, Grenoble et Nice, il est conduit de force à Savone, près de Gènes. Bientôt les cardinaux sont appelés à Paris, capitale de l’Empire et centre de la chrétienté désormais.
Pie VII refuse pourtant de se plier à la volonté de Bonaparte et s’oppose à l’investiture canonique de nouveaux évêques. De Savone, le pape continue d’ailleurs à diriger l’Église. Aussi l’Empereur donne t-il bientôt des ordres afin qu’on le place au secret. Le 17 juin 1811, il convoque un concile national, placé sous la présidence du cardinal Fesh, son oncle, et auquel participent des prélats allemands et italiens. Celui-ci, après menaces et arrestations, décide de conférer ce pouvoir de l’investiture à l’évêque métropolitain. Le pape désavoue aussitôt cette décision. Le 20 juin 1812, il est amené à Fontainebleau, Bonaparte devant son refus considérant le concordat de 1801 comme annulé. Après la retraite de Russie, Pie VII signe, sous la pression de l’Empereur, un nouveau concordat d’inspiration très gallicane, le » concordat de Fontainebleau « , le 25 janvier 1813. Il le récuse peu après le 24 mars suivant. Malgré la publicité qu’en fit Bonaparte en le publiant dans Le Moniteur, les curés et les évêques français ne furent pas dupe de ce traité passé sous la contrainte. L’opposition larvée du clergé à L’Empereur persista. Le soulèvement des nations européennes apaisent bientôt les difficultés du pape. Pie VII quitte Fontainebleau le 23 janvier 1814. Il est de retour à Rome, le 24 mai, avec l’accord de l’Empereur.
Le prestige de la papauté sort renforcé de ces événements dramatiques. Elle suscite l’intérêt des apologistes du courant ultramontain. En France, Joseph de Maistre dans son essai Du Pape fait de l’infaillibilité pontificale la clef de voûte de la restauration de l’ordre européen. Différents souverains rendent bientôt visite au pape de Rome : l’empereur d’Autriche en 1819, le roi de Naples en 1821, le roi de Prusse en 1822. Ceci confère à Pie VII le statut d’interlocuteur auprès des puissances européennes de la restauration. Le souverain pontife dans sa grande mansuétude accorde même l’hospitalité à la famille Bonaparte, à la reine Hortense, à la mère de l’Empereur en exil, à ses frères Lucien et Louis ainsi qu’à son oncle, le cardinal Fesch. Il intervient d’ailleurs auprès des autorités anglaises afin que les conditions de captivité de Napoléon soient plus clémentes. Pie VII lui envoie bientôt un aumônier, l’abbé Vignali.
Le Congrès de Vienne où la papauté est représentée par monseigneur Consalvi rend au Saint Siège sa souveraineté sur les États de l »Église. Jusqu’au terme de son pontificat, Pie VII est occupé à restituer dans une Europe bouleversée par vingt années de conflits la situation des Églises nationales. Les tractations du Saint Siège aboutissent à la signature des concordats avec les royaumes de Piémont Sardaigne et de Bavière en 1817, le royaume des Deux-Siciles en 1818 et enfin avec la Prusse en 1821. De nouveaux évêchés sont également érigés aux États-Unis d’Amérique. Avec la France, Pie VII renonce au concordat envisagé en 1817 en compagnie du nouveau souverain Louis XVIII. Cet accord est en effet repoussé par la Chambre des députés. On en revient au texte de référence, le concordat signé en 1801 avec le premier consul.
Dans ses États, la papauté fait le choix de conserver certaines innovations issues de la présence française. Pie VII entérine ainsi l’abolition des droits féodaux de la noblesse, la suppression des antiques privilèges des villes. Ces mesures accroissent le pouvoir temporel du Saint Siège. Elles renforcent également l’opposition libérale des carbonari contre laquelle Pie VII doit bientôt lutter. Celle-ci s’organise bientôt dans la clandestinité. Par la constitution Sollicitudo, publiée le 7 août 1814, le pape rétablie également la Compagnie de Jésus.
Victime d’une chute le 6 juillet 1823, Pie VII meurt le 20 août suivant.
(Marc Nadaux – 2001)
References[+]
↑1 | La bulle Quum memoranda, excommuniait tous ceux qui avaient « donné l’ordre, tous les fauteurs, conseillers ou adhérents, tous ceux enfin qui [avaient] facilité l’exécution » de la violation de la souveraineté politique du Saint Siège.Le nom de Napoléon n’était clairement cité à aucun endroit du texte. Apprenant le contenu de cette bulle pontificale, Napoléon écrivit à Murat une lettre dans laquelle il laissait éclater sa colère, le 19 juin: « Si le Pape […] prêche la révolte […] on doit l’arrêter. » Puis il écrivit à Miollis et une nouvelle fois encore à Murat. Dans la première lettre, il ordonnait au gouverneur militaire de la ville d’arrêter tous ceux qui contreviendraient aux lois et à l’ordre public, même s’ils faisaient partie de la maison du pape. Dans la seconde lettre à Murat, il déclarait que le pape était fou et devait être enfermé, et donnait l’ordre d’arrêter « le cardinal Pacca et autres adhérents du pape » et de se montrer ferme à l’égard du pape (« Si le pape, contre l’esprit de son état et de l’Evangile, prêche la révolte et veut se servir de l’immunité de sa maison pour faire imprimer des circulaires, on doit l’arrêter »). A ces propos d’une rare violence, nul ordre explicite de se saisir du Saint Père ne faisait suite, dans l’immédiat. Néanmoins, dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, le général Radet, à la tête de quelques hommes, entra dans le Vatican pour arrêter le cardinal Pacca, et dans le même mouvement, le Saint Père.- Grenadier Labeille |
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