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Napoléon quitte la France

Napoléon à Sainte-HélèneNapoléon embarque sur le Bellerophon

Le 3 juillet 1815, jour de la capitulation de Paris, Napoléon est à Rochefort. Cette destination, c’est Fouché qui la lui a imposée, alors que l’amiral Decrès, lui, plus logiquement, conseillait le Havre. 

Pour prendre la mer de Rochefort, trois pertuis : celui de Maumusson entre la Tremblade et l’île d’Oléron, d’Antioche entre les îles d’Oléron et de Ré, et le pertuis breton, entre l’île de Ré et la Rochelle. Tous sont facilement contrôlables par la flotte anglaise.

Napoléon à Rochefort peut bénéficier de la frégate la Saale, 40 canons, capitaine Philibert et de la frégate la Méduse, 44 canons, capitaine Ponée. Il y a aussi deux rapides navires marchands américains, le Ludlo, ainsi que le Pike, prêts à partir pour New-York…

La frégate la Saale
La frégate la Saale

Mais les sauf-conduits promis n’arrivent pas. De plus les vents sont contraires. Si Ponée est prêt à mettre les voiles au premier vent favorable, Philibert, son supérieur hiérarchique, s’y oppose formellement.

A Rochefort, Martin, amiral à la retraite, propose de rejoindre en chaloupe la Tremblade, puis, à cheval, Royan, où la frégate la Bayadère, 24 canons, capitaine Baudin se fait fort de conduire l’Empereur en Amérique.

Mais les Anglais verrouillent les passages avec le Bellerophon, navire déjà ancien, surnommé par ses marins “Billie Ruffian”, 74 canons, capitaine Maitland, et trois corvettes, la Daphné, le Slaney et le Myrmidon, toutes de 20 canons. Ce Bellerophon, avec ses artilleurs très entraînés, ne ferait qu’une bouchée des deux frégates si d’aventure, elles tentaient de forcer le passage.

Il y a bien un navire danois, le Magdeleine, capitaine Bresson, venu charger du cognac pour les États-Unis, mais Napoléon refuse de s’y cacher dans un tonneau.

Le 7 juillet, Napoléon, suivi de 64 personnes et de ses bagages, se dirige vers Fouras pour embarquer pour l’île d’Aix. Mais, devant une mer démontée, ce n’est que le lendemain 8 juillet, que la Saale l’y conduit, où il retrouve une garnison acquise à sa cause.

Le 9 juillet, l’Empereur, acclamé par les habitants de l’île d’Aix, passe en revue les troupes. De retour sur la Saale, il retrouve le préfet maritime de Rochefort, Bonnefoux, qui lui présente un arrêt de la commission du gouvernement déclarant traître à la Patrie tout officier qui tenterait de le débarquer sur le territoire français.

Doutant de la fidélité du capitaine Philibert, Napoléon préfère rester dans le fort d’Aix, d’autant plus qu’un envoyé spécial de Paris, le capitaine de Rigny, a apportée avec lui à Rochefort un ordre formel d’arrestation de l’Empereur, et que les sauf-conduits promis n’arrivent toujours pas.

Le 10 juillet, Napoléon, toujours à bord de la Saale, décide d’envoyer Las Cases et Savary à bord du Bellerophon. Tôt matin, Ils embarquent sur un schooner battant pavillon blanc et remettent à Maitland une lettre de Bertrand, adressée à l’amiral Hotham, pour sonder les intentions anglaises.

Alors qu’ils sont sur le Bellerophon, arrive une lettre de Hotham précisant à Maitland :

“il vous appartient d’employer tous les moyens proposer à intercepter le fugitif de la capture duquel dépend la tranquillité de l’Europe”.

Captain Frederick Lewis Maitland
Frederick Lewis Maitland, né le 7 septembre 1777 à Rankeilour dans le Fife et mort le 30 novembre 1839.

Au courrier de Bertrand, Maitland répond :

“Nos deux pays étant en guerre, je ne puis laisser passer aucun vaisseau voulant quitter Rochefort, non plus qu’aucun navire de commerce portant un passager aussi important que l’Empereur, sans autorisation de mon chef qui est actuellement dans la ville de Quiberon”.

Le 11 juillet, des jeunes officiers de marine lui proposent sans succès de tenter une sortie en chasse-marée et d’aborder le premier navire de commerce rencontré pour le détourner vers les États-Unis, ou d’embarquer en haute mer sur le Magdeleine. Ce projet a un temps la préférence de l’Empereur

le 12 juillet, Napoléon débarque à l’île d’Aix. Il peut observer les navires de la Royal Navy qui semblent bloquer toutes les issues possibles. La seule solution honorable est-elle de se rendre auprès des Anglais ? Si Savary, Las Cases et Bertrand, dont l’épouse est irlandaise y sont favorables, Montholon, Planat de la Faye, Lallemand et Gourgaux, qui se ravisera plus tard, y sont opposés.

Napoléon s’installe dans la maison du gouverneur, qu’il avait lui même fait construire après une tournée d’inspection, en 1808. Il y dort dans la grande pièce du rez-de-chaussée, qu’il partage avec le général Becker. Ponée lui propose bien, avec la Méduse, de bloquer le Bellerophon pendant que l’Empereur s’échapperait sur la Saale. Mais Napoléon n’a aucune confiance en Philibert, dont le navire est orné de fleurs de lys.

Le 13 juillet, Napoléon reçoit son frère, Joseph, récemment arrivé à Aix, qui lui propose sans succès de se substituer à lui afin que l’Empereur embarque sur un voilier en partance pour les États-Unis. Il avait frété à Bordeaux pour 18000 francs le brick américain le Commerce, de 200 tonneaux, capitaine Misservey, qui chargeait des eaux-de-vie dans les Charentes. Le lendemain, Joseph envoie encore son secrétaire Louis Maillard, pour insister.

La réponse définitive de l’Empereur est: “Dites au roi Joseph que j’ai bien réfléchi sur sa proposition. Je ne puis pas l’accepter. Ce serait une fuite. Mon frère peut le faire. Il n’est pas dans ma position. Moi je ne le puis pas. Dites-lui de partir sur-le-champ. Il arrivera à bon port. Adieu.”

Joseph s’embarquera finalement à Royan, dans la nuit du 24 au 25 juillet, par un beau clair de lune, et atteindra New York le 20 août.

Sous la pression insistante de son entourage, et devant la phrase de Maitland à Savary : “pourquoi Buonaparte ne demanderait-il pas asile à l’Angleterre? » l’Empereur se confie à Marchand :“il y a toujours danger à se confier à ses ennemis, mais il vaut mieux se risquer à se confier à leur honneur que de tomber dans leurs mains prisonniers de droit”.

Napoléon dicte et signe la fameuse lettre au Prince Régent ; “… et viens comme Thémistocle, m’asseoir sur le foyer du peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois que je réclame de Votre Altesse Royale comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis…”

Gourgaud, Lallemand et Las Cases sont désignés pour apporter cette lettre le lendemain 14 juillet à bord du Bellerophon et il est prévu que Gourgaud la livre en main propre au Prince Régent.

Le 14 juillet, Las Cases informe Maitland que Napoléon se rendra sur le Bellerophon, pour y recevoir des sauf-conduits pour l’Amérique ou pour être transporté en Angleterre, et y vivre en simple particulier

Le 15 à l’aube, l’Empereur apparaît. Il ne revêt plus son costume bourgeois qu’il avait depuis la Malmaison, il porte son uniforme de colonel des chasseurs de la Garde, est coiffé de son chapeau à cocarde, a la poitrine barrée du grand cordon de la Légion d’honneur, il est ceint de son épée, porte des bottes à éperons d’argent et a enfilé une redingote vert-olive.

Il embrasse le général Becker qui lui demande : “Sire, Votre Majesté désire-t-elle que je l’accompagne jusqu’à la croisière ?” Napoléon lui répond : “non, Général Becker, il ne faut pas que l’on puisse dire que la France m’a livré aux Anglais.” L’Empereur salue les marins de l’île d’Aix qui, pour la dernière fois, crient “Vive l’Empereur” et monte, suivi de sa suite de 70 personnes, sur des canots pour rejoindre le brick l’Épervier, commandant Olivier Jourdan de la Passardière. Prisonnier quatre ans sur les pontons anglais, Jourdan, qui s’était évadé, accueille Napoléon à son bord avec émotion et respect.

Napoléon, visiblement troublé, demande à Albine de Montholon en passant la main sur la manche de son habit: “Est-ce vert ou bleu ?”.Comme Albine tarde à répondre, il repose la même question. “Vert, Sire.”“Vert ?”“Oui, Sire, Vert.”

L’absence de vent fait que Maitland envoie des chaloupes vers l’Épervier. Napoléon est le dernier à quitter ce brick, après avoir dit sous des “Vive l’Empereur”adieu à Jourdan et à son équipage . À l’arrière de la chaloupe, il trempe par trois fois sa main dans l’océan et en asperge la coque de l’Épervier.

C’est fini, l’Empereur, sur le Bellerophon, quitte la terre de France…

 

Gérard Mongin – Cercle Napoléon