Napoléon Bonaparte, édification d’une Légende (1793-1823) – 2e partie

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“Discours de Foch devant les Invalides, 5 mai 1921. « Ici dormez en paix ! De la tombe même vous travaillez pour la France, à tout danger de la Patrie, nos drapeaux frémissent du passage de l’Aigle. » )) comme en temps de paix. Cette légende est d’autant plus forte qu’elle a t…”

Deuxième partie

 

LE CULTE DU HEROS

Pendant 15 ans, Napoléon a façonné l’esprit des français, des plus jeunes aux plus anciens, dans tous les domaines pouvant servir à magnifier son image. Le culte du héros dont il faisait l’objet se maintiendra jusqu’à l’invasion de la France et la première abdication.

Mais de cette petite mort renaîtra un mythe plus puissant, celui d’un homme trahi, martyr des vainqueurs de la France.

Napoléon et les Français

Comme nous l’avons dit auparavant, en 1799 le pouvoir était à prendre, mais la difficulté résidait dans sa conservation. Pour y parvenir il fallait amener les français à reconnaître en lui l’homme providentiel. En introduisant sa propagande au cœur de la vie de tous les jours, Napoléon entreprit une manipulation des esprits vers une pensée dirigée, unique, qui touchait les français à tous les stades de leur vie.

L’Empereur à l’école

Ce travail de l’esprit pour être efficace devait débuter très tôt chez les jeunes français. Une première organisation((Par la loi du 1er mai 1802. )) des écoles élémentaires avait d’ailleurs poussé les parents à retirer leurs enfants des écoles publiques pour les placer dans des établissements privés. Le 10 mai 1806 l’Empereur va consacrer le monopole de l’enseignement public en réservant le droit d’enseigner aux Universités Impériales. ((Des dérogations furent délivrées à des écoles privées. Celles-ci ne pouvaient enseigner que si elles bénéficiaient d’une agrégation de l’Université. Liées par un serment de fidélité, celles-ci étaient étroitement surveillées, laissant planer le risque du retrait de l’autorisation.))

Les efforts les plus significatifs portèrent sur l’école secondaire et supérieure qui devaient constituer la Nation en fournissant des cadres inféodés au régime et à l’Empereur, à l’armée et à l’administration ((Vigny nous en donne un témoignage lorsqu’il écrit :   » les maîtres ne cessaient de nous lire les bulletins de la Grande Armée, et nos cris de « Vive l’Empereur » interrompaient Tacite et Platon  » )). D’ailleurs, dans les lycées régnait une discipline toute militaire. ((Pour plus de renseignements sur les lycées impériaux, voir le petit article de Thierry Lenzt, pp 54-57, revue Napoléon n°2.))Une large place était faite à l’éducation civique et morale. Mais l’Empire s’appuya également sur l’Eglise pour inculquer ses valeurs. Les membres du clergé étaient alors amenés à répandre ce que l’on va appeler le catéchisme impérial.

Le catéchisme impérial

L’Empire exploita, plus que la Monarchie d’ancien régime, le clergé et le sentiment religieux des français. Les hommes d’Eglise, attachés au régime par un serment de fidélité, vont constituer des agents de l’Etat au cœur des villes et villages français.

Astreints à prier pour le salut de l’Empereur, ils avaient pour tâche, autre que la lecture des exploits militaires de l’armée, de faire accepter aux français la politique impériale qui, de plus en plus, fera peser sur la population le poids de l’impôt, de la conscription et le respect des lois.

Achevé dès septembre 1803, par l’abbé d’Astor, neveu de Portalis, adopté par décret en 1806, le catéchisme impérial devait enseigner les obligations des chrétiens envers l’Empereur. On y trouve des thèmes tels que l’inégalité sociale et la misère qui ont été voulues par Dieu.

Napoléon dira lui-même qu’il ne voit pas « dans la religion le mystère de l’incarnation, mais le mystère de l’ordre social.« 

La religion devient un instrument au service du pouvoir, à la gloire d’un seul homme qui va jusqu’à instaurer le 15 août la « Saint Napoléon ». L’attente et le cynisme de l’empereur sont résumés dans les lignes de la septième leçon du catéchisme impérial.

Ce catéchisme a été d’autant plus efficace qu’il a bénéficié de l’appui d’une grande partie du clergé qui était sorti de la Révolution divisé et affaibli. Soucieux de se réimplanter dans certaines régions déchristianisées, l’Eglise et le pape Pie VII suivirent l’Empereur même si cette politique conduisit à aggraver les conflits entre ces deux hommes.

Le culte catholique déclaré public et libre, ne recueillit pas l’approbation de tous, notamment l’évêque de Bordeaux, l’Ouest très catholique et la Belgique affirmèrent leur opposition.

Véritables auxiliaires du pouvoir, les membres du Clergé contribuèrent à créer et répandre la légende impériale en se faisant le relais de la propagande. ((Quels sont les devoirs des chrétiens à l’égard des princes qui les gouvernent, et quels sont en particulier nos devoirs envers Napoléon Ier, notre Empereur? Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons en particulier à Napoléon Ier, notre Empereur, l’amour, le respect, l’obé issance, la fidélité, le service militaire, les attributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’ Empire et de son trône; nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et la prospérité spirituelle et temporelle de l’ Etat. Pourquoi sommes nous tenus de tous ces devoirs envers notre Empereur ? C’est {…} parce que Dieu, qui crée les Empires et les distribue selon sa volonté , en comblant notre Empereur de dons, soit dans la paix, soit dans la guerre, l’a établi notre souverain, l’ a rendu le ministre de sa puissance et son image sur la terre. Honorer et servir notre Empereur dieu même {…} Que doit-on penser de ceux qui manqueraient à leurs devoirs envers notre empereur? Selon l’apôtre Saint Paul, ils résisteraient à l’ordre établi de Dieu même, et se rendraient dignes de la damnation éternelle. ))

L’aigle et la plume

L’autre terreau de la propagande populaire se situait dans la presse. Les expériences en Italie et en Egypte vont faire prendre conscience de l’importance de l’outil de presse comme vecteur de la propagande d’Etat, mais encore faut-il briser toute opposition et contestation. Le tour de force fut de réussir à museler la presse d’opposition en conservant à ce qu’il faut bien appeler la presse d’Etat, un caractère légitime.

La censure instaurée en 1803 pour la presse quotidienne par la création d’une commission de censure sera généralisée en 1810. Dans chaque journal sont imposés un rédacteur en chef et un censeur nommés par le Gouvernement. Le Moniteur devient l’organe de presse officiel, source d’inspiration des autres publications.

La presse est dépolitisée, sous l’entier contrôle de la police. Napoléon s’en expliquera d’ailleurs devant le Conseil d’Etat le 11 avril 1809. (( » En France, où la Nation est douée d’une conception prompte, d’une imagination vive et susceptible d’impressions fortes, la liberté indéfinie de la presse ne peut opérer aucun bien et produit beaucoup de maux »))La formation de l’opinion publique pouvait se faire avec d’autant plus de facilité que le caractère privé des publications donnait aux journaux une apparente autonomie que ne permettrait pas un journal gouvernemental.

C’est cette même réorganisation qui secoua le milieu du théâtre. Sous le prétexte de refondre une activité dont l’organisation anarchique entraînait de nombreuses faillites, l’Empereur en limita le nombre et en fixa le répertoire.

Ce contrôle s’étendit à tous les milieux culturels : musique, architecture (colonne Vendôme, Arc de Triomphe), littérature…

De l’école à la littérature le contrôle impérial permit de modeler les esprits des français. Là encore il faut nuancer. Si le paysan fut plus facile à convaincre, il n’en a pas été de même des notables. Or c’est sur eux que s’appuiera l’Empereur, c’est leur défection qui le conduisit à l’exil. Mais c’est eux également qui contribueront à redorer l’image d’un Empire presque idéal dans une France monarchique morose.

Napoléon et la postérité

Jalousé et craint, Napoléon Bonaparte sera lui-même victime d’une contre propagande de la part des souverains d’Europe. Mais celle-ci ne parviendra que temporairement à éclipser la grandeur napoléonienne du cœur des français.

La légende noire

Napoléon fut la cible d’une contre propagande de la part de ses ennemis, depuis le jour où ses ambitions et succès ont commencé à s’afficher en France et en Europe.

Ainsi, dès la campagne d’Italie, certaines gravures commencèrent à circuler, diabolisant la Révolution et son pourvoyeur. Dans une Europe encore très attachée aux valeurs religieuses, le jeune général paraissait sous les traits d’un Antéchrist. Cette contre propagande n’a eu toutefois que peu d’impacts par son manque de diffusion mais également grâce à la présence d’esprit de Bonaparte qui, contrairement aux ordres du Directoire, n’avait pas voulu marcher sur Rome.

Mais c’est surtout à la fin de l’Empire, alors que le temps des crises présentait un terreau favorable à la levée des esprits contre l’usurpateur, que se développa la légende noire, dont subsisteront des éléments au cours du XIXème siècle, celle de l’ogre corse. Cette contre propagande sera diffusée dans une population française, qui, vers la fin de l’Empire, s’était lassée des guerres qui n’étaient plus toujours victorieuse, et des levées de conscrits.

Commencé lors de la guerre d’Espagne le détachement vis à vis de l’Empereur ne fit que s’accentuer après 1813. C’est le commencement de la fin, dira Talleyrand.

Goya illustra les exactions qui furent commises, dans les deux camps, pendant la guerre d’Espagne.

La légende noire faisait de l’Empereur un dévoreur de conscrit selon l’expression consacrée. On le présentait côtoyant la grande faucheuse qui le suivait sur son cheval, Napoléon lui indiquant où elle devait frapper.

Quelle fut la réaction de la population à cette contre propagande ? La légende noire s’opposa à plus de quinze ans de propagande impériale, elle n’eut par elle-même qu’un effet relatif dans la chute du régime.

« Napoléon et la Faucheuse » illustre l’image du mangeur de conscrits qu’a voulu faire passer la contre propagande

« Napoléon et la Faucheuse » illustre l’image du mangeur de conscrits qu’a voulu faire passer la contre propagande

« Ce qui m’importe, c’est l’opinion du gros paysan«  disait Napoléon. Il est vrai que la masse des Français fut facile à manipuler. En 1813, alors qu’il fallait réorganiser des troupes dont l’Empereur avait besoin, le prestige de l’armée était encore si important que Napoléon pu émettre des conditions drastiques pour le recrutement au sein de la Garde, élite parmi les élites, qui attirait toujours beaucoup de jeunes gens qui recherchaient le prestige de revêtir l’uniforme d’un de ces corps. En 1814, lorsque le territoire fut envahi, les réfractaires étaient certainement plus nombreux que jamais, mais l’Empereur reçu en quantité les Marie-Louise qui palliaient leur inexpérience par une rage de vaincre au cri de « Vive l’Empereur« .

La population française passa de 29,1 millions en 1800 à 29,5 en 1805 et 30,3 millions en 1815. Les pertes pour le Consulat et l’Empire sont comprises entre 840 000 et 970000 dont un peu plus de 600 000 Français. Au total se serait l’équivalent d’une année de naissance qui aurait été perdue. ((« Le Consulat et l’Empire », de JPBertaud, p73 éd. Colin ))

Mais l’esprit des citoyens reflétait des ambiguïtés. Si on pouvait entendre parfois « À bas la guerre, Vive l’Empereur« , on pouvait également entendre « Napoléon peut faire la Paix, mais il ne le veut pas« . ((Ce qui n’est évidemment pas exacte, la mascarade de Châtillon étant là pour le prouver. ))

Ce sont les notables, sur qui Napoléon s’était appuyé depuis 1799, leur ayant accordé une Constitution garantissant la propriété, des avantages pour l’industrie, et ayant fait des français une main d’œuvre docile, qui firent défection au pouvoir à la fin du régime, entraînant avec eux le reste de l’opinion publique. ((La création de corps d’élites tels les gardes d’Honneur qui devaient être constitués des fils de notables et bourgeois, ne connurent pas un grand succès. Ce corps, rattaché à la Garde, fut créé en 1813 et dissout en 1814. Lors de son retour, Napoléon n’osera pas le recréer de peur d’effrayer la bourgeoisie qui, en fin de compte, l’avait rappelé. ))

En cette fin de règne deux images se superposent dans l’esprit des français, celle de la France envahie, et celle de la France glorieuse rabâchée par la propagande impériale. Celle-ci n’empêchera pas l’effondrement de l’opinion publique, alors que sans elle il n’y a pas de pouvoir.

La dernière victoire

Après son exil tout fut écrit sur Napoléon en France en des termes violents à l’excès. L’ogre avait été emmené par le diable dans son île, ce qui aurait du réjouir la nouvelle monarchie. Mais cette curée paradoxalement fut bénéfique à Napoléon. Alors qu’il aurait mieux fallu pour le trône que l’on efface le souvenir de l’Empereur, il n’en fut rien. Napoléon était suffisamment habile pour exploiter cette maladresse.

L’abdication avait ouvert le marché français aux produits britanniques. Il en fut inondé, suscitant crise économique et chômage alors que le cocon protectionniste du blocus continental en avait préservé l’Europe. ((Voir sur ce site, du même auteur, « La France, l’Angleterre et le Blocus Continental ». ))

Les Français se remettront à rêver de l’époque glorieuse de l’Empire où les salaires étaient élevés, le prix du pain bas, en écartant plus ou moins inconsciemment les crises de 1810-1811.

Les héros de la Grande Armée, licenciés de l’armée royale, passaient leur inactivité à raconter les événements glorieux qu’ils vécurent sous la direction de l’Empereur des français.

En moins d’un an, jouant et encourageant le mécontentement et la nostalgie impériale, Napoléon de son île réussit à retourner l’opinion publique. Elle contribuera à susciter le retour du sauveur, même si ce retour était voué à l’échec.

Et c’est le vol de l’Aigle de clocher en clocher jusque la capitale désertée par la Cour. Les scènes de joie décrites dans maints ouvrages reflètent réellement l’état d’esprit des français qui n’avaient que trop goûté aux fastes de la gloire pour se contenter d’une France médiocre. Mais l’Angleterre n’accepta pas ce retour et une dernière fois souleva l’Europe contre l’Empereur.

Et c’est Waterloo, mais loin d’être une fin cette « défaite », va sceller la naissance d’un mythe et contribuer à faire perdurer l’image de l’Empereur à tout jamais. Napoléon vaincu allait devenir un martyr, trahi par les Anglais à qui il s’était rendu:

« Je viens comme Thémistocle, dira t-il, m’asseoir sur le foyer du peuple britannique; je me mets sous la protection de ses lois ».

Abusé par Maitland, capitaine du Bellérophon, il ne fera qu’une escale en Angleterre à Plymouth où la foule se massa pour le voir, avant d’être conduit à Sainte-Hélène.

Mais de son rocher, Napoléon va continuer à façonner l’opinion, son ultime œuvre, qui sera rédigée par Las Cases et publié en 1823 sous le titre Mémorial de Saint Hélène où il s’abandonne sur lui et son règne, finit d’achever le mythe du martyr. Le Mémorial n’eut que plus de succès, d’autant que la gloire de l’Empire tranchait avec la médiocrité du sort de la France des Bourbons.

Il y raconte ses souffrances, ses mauvais traitements :

« Chaque heure qui passe, dira t-il, me dépouille de ma peau de tyran »

Sa mort en 1821 finira de consolider le mythe du héros de la République qui, après avoir conquit l’Europe, finit dans la solitude. ((Jean Tulard, Dictionnaire Napoléon, 1987, p1059. ))

« Un mythe n’est populaire que s’il rappelle à l’homme sa condition de mortel « .

« Vivant, Napoléon a marqué le monde, mort il le conquiert » écrivait Chateaubriand.

A la Restauration les romantiques sont royalistes; après 1823, ils se rallièrent à la légende. Le Mémorial de Sainte-Hélène a sans contestation possible influencé ces hommes qui marqueront le monde littéraire et intellectuel du XIXème siècle. D’autant que, élevé aux acclamations de l’Empereur, certains ont vu leur père servir Napoléon.

Vivant, l’Empereur était déjà vénéré, sa mort lui apporte l’apothéose au sens étymologique, l’Empereur devient un Dieu.

La monarchie fut elle-même incapable de résister à cet élan bonapartiste qui connu sa consécration lorsque Louis Philippe, roi des français, organisa le rapatriement des cendres aux Invalides.

Mis à part une courte période après la fin du Second Empire, l’Empereur a toujours distillé sur la population et les hommes d’Etat une fascination, en temps de crise ((Discours de Foch devant les Invalides, 5 mai 1921. « Ici dormez en paix ! De la tombe même vous travaillez pour la France, à tout danger de la Patrie, nos drapeaux frémissent du passage de l’Aigle. » )) comme en temps de paix.

Cette légende est d’autant plus forte qu’elle a traversé les frontières et conquit le cœur des anciens ennemis. Cette influence aurait-elle été aussi grande si l’Empereur avait gagné toutes ses batailles, ou le mythe est-il du au fait que le destin ait rappelé aux yeux du monde sa condition d’homme ? ((« Si Jésus n’avait pas été crucifié il ne serait pas Dieu », Napoléon Bonaparte, Sainte-Hélène))

CONCLUSION

Napoléon Bonaparte aurait-il pu être l’être d’exception qu’il a été s’il avait vu le jour dans un autre pays, ou dans un autre temps ? Cette question, à laquelle certains ont essayé de donner leur opinion (()), non sur un simple élément, à savoir les capacités intrinsèques d’un homme, mais sur une multitude.

C’est dans cette optique de répondre à cette question que va jouer pleinement le jeu de la complexité de l’Histoire. Il serait en effet dangereux de considérer les essais sur « ce qui se serait passé si … » comme vérités premières, voire même comme simple probabilité . Car le jeu de la complexité en Histoire, ce que d’aucuns transposent aujourd’hui dans la théorie du chaos, rend plus qu’hasardeuse toute tentative de supputation. Et s’il fallait, dans le cas présent, qualifier cette complexité il faudrait alors la rechercher à travers une autre notion, celle de « l’homme providentiel « .

De grands personnages ont, de tout temps, traversé l’Histoire du monde, mais peu d’entre eux ont laissé une trace indélébile et universelle. Car il ne suffit pas, pour passer à la postérité, avoir accompli en bien ou en mal des choses hors du commun. Encore faut-il être revêtu de cette aura d’homme providentiel. Ce qui suppose que soient réunis plusieurs éléments tant internes qu’externes aux personnes.

A l’évidence la personne concernée doit jouir soit de grandes capacités ( intellectuelles, de travail, physiques…), soit pour le moins d’un grand charisme. Il n’est pas nécessaire qu’il soit en avance sur son temps, mais il doit avoir pris conscience de toutes les avancées et tous les développements que lui permet le monde dans lequel il évolue. Une autre caractéristique commune à chacune de ces personnes est la constitution, de leur vivant, d’une véritable légende, la plus part du temps voulue et façonnée par un outil de propagande à la mesure de leurs ambitions. Et la transformation de cette légende en mythe à leur mort. Et c’est ce mythe qui les rend aujourd’hui immortel à nos yeux .

A ces capacités personnelles doivent impérativement s’associer d’autres événements rendant plus aléatoires mythification, car extérieurs. Encore faut-il en effet que le Temps lui-même permette l’ascension. C’est une époque de crise ou de troubles profonds qui fournie le meilleur terreau à la culture des prétentions. Le soutien apporté alors par le peuple, ou une partie de la population, est ici capital. Et c’est souvent sur l’appel du peuple, exprimé directement ou indirectement, voire même supposé, que se fondent les légitimités.

A l’heure (2002 – NDLR) où certaines gesticulations politiques sur les bords du Danube semblent émouvoir l’opinion mondiale, alors que dans le même temps les média semblent ignorer ce qui se passe de l’autre côté du Niémen, il serait de bon aloi de faire le point et de s’interroger sur les éventuelles évolutions de ces diverses situations. Car si de l’Histoire il paraît difficile de tirer des lois immuables, il ne faut pas pour autant dénier toute valeur prospective à cette science particulière.