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Napoléon à travers les caricatures anglaises

C’est de cette époque que date l’une des plus célèbres caricatures de Bonaparte, œuvre de Gillray. Ce thème de Gulliver, déjà utilisé, sera décliné sous bien des formes

The King of Brobdingnag and Gulliver. Gillray - 1803
The King of Brobdingnag and Gulliver. Gillray – 1803

Il s’agit là d’une des caricatures les plus célèbres de l’artiste anglais, qui, comme beaucoup d’autres artistes d’ailleurs,  s’inspire de l’œuvre de Swift, « Les Voyages de Gulliver », et met en scène le nain Bonaparte, face au géant Georges III. Ce thème sera repris plus tard par les caricaturistes allemands.
Ici, George III examine le nain Gulliver posé sur sa main. Pour lui, il s’agit du  « petit reptile le plus pernicieux et le plus odieux à qui la nature a permis de ramper sur la surface de la terre », malgré les éloges prononcées sur lui-même  et sur son pays. La supposée petite taille de Bonaparte est mise en opposition avec ses ambitions démesurées.
L’uniforme de Georges III souligne sa légitimité, tandis que celui de Bonaparte rappelle qu’il est le produit de la Révolution.

Bonaparte est de plus en plus attaqué, et son passé violemment critiqué.

A Little Man's Night's Comfort - Or Boney's Visions - Juillet 1803
A Little Man’s Night’s Comfort – Or Boney’s Visions – Juillet 1803

Sur cette caricature apparaissent les supposées visions nocturnes de Bonaparte : le massacre des insurgés royalistes lors du 13 vendémiaire, les exécutions de Jaffa, autant de victimes qui réclament vengeance.  Bonaparte est ici aussi accusé d’avoir sacrifié ses soldats, mais la crainte d’être assassiné le tourmente. Il vient d’être réveillé en sursaut : il tient dans sa main une carte de Malte et de l’Angleterre. Des plans de campagne sont sur sa table de nuit, des caricatures le représentant sont au sol.

Mais l’Angleterre est confiante que sa suprématie maritime permettra d’éviter la conquête du pays par les troupes de Napoléon

Death of the Corsican Fox - Gillray - 1803
Death of the Corsican Fox – Gillray – 1803

Cette caricature montre la confiance de l’Angleterre en une victoire rapide, grâce à sa suprématie maritime. L’artiste nous présente ici la fin de la battue royale : le roi George III, de dos, mais reconnaissable grâce à l’étoile qu’il porte sur sa veste, est descendu de cheval, ayant à la main un renard qui n’est autre que Bonaparte.  Il rameute sa compagnie au cri de « Tally-ho ! », l’incitant à s’emparer également de Talleyrand. Les chiens qui aboient à la vue du renard portent des colliers aux noms des amiraux Saint-Vincent, Nelson, Smith ou Cornwallis. Dans le fond, Pitt, levant son chapeau,  mène le reste de la chasse.
Cette allégorie du renard traqué est classique de la caricature anti-napoléonienne. Dès cette année 1803, l’Angleterre ressent une véritable angoisse d’une possible invasion par les troupes françaises

Cette confiance se retrouve dans ce dessin, qui reprend le thème du nain de Gulliver

Le roi de Brobdingnag et Gulliver - Giilray
Le roi de Brobdingnag et Gulliver – Giilray

Et illustre cette confiance face à la petitesse des efforts français entrepris au camp de Boulogne.

Et dans celui-ci,

Little Boney in the Wales Belly - Robert - 1803
Little Boney in the Wales Belly – Robert – 1803

L’artiste fait ici allusion à l’histoire biblique de Jonas, reflétant la confiance des Anglais dans leur suprématie maritime. L’animal aux formes pour le moins énigmatiques représente la puissance maritime anglaise, qui est ici chevauchée par un jeune marin (Napoléon).

De chaque côté du Channel, on se défie

A Cock and Bull Story - Woodward - 1803
A Cock and Bull Story – Woodward – 1803

Dans cette satire brillamment colorée, un coq de combat, à gauche, à tête de Bonaparte, regarde un superbe taureau avec les traits de John Bull, à droite.  Un oiseau noir est perché sur le dos du taureau. Chacun de son côté se trouve dans un champ d’herbe, séparés l’un de l’autre par de l’eau, dont on peut imagine qu’il s’agit du Channel. Le coq menace de venir bientôt livrer un vrai combat qui mettre son adversaire en sang. Le taureau ne semble pas ébranlé et promet au coq, s’il insiste dans son projet, de lui faire rapidement connaître la nature des lois anglaises.

Bonaparte n’a d’ailleurs qu’à bien se tenir : la vengeance divine, elle, sera terrible !

The Handwriting upon the Wall - Gillray - Août 1803
The Handwriting upon the Wall – Gillray – Août 1803

Le dessin de Gillray s’inspire du fameux Banquet de Balthazar. Bonaparte, point central du dessin, figure ici le roi de Babylone, et il est entouré de sa cour. Joséphine – que Gillray assimile à Salomé – est en train de se saouler au Maraschino et à la prune de Monsieur, qui s’écoulent de sa bouche, sous l’œil narquois et réjoui de ses belles-sœurs, les seins nus et bouclées. Les convives se jettent sur les emblèmes – Saint-James, Banque d’Angleterre aux couleurs de la France – et les chefs de l’Angleterre et sur les « pommes d’Amiens ». Ils sont si absorbés par leur repas qu’ils ne voient pas l’inscription sur le mur.

Seul Bonaparte prend peur et renverse son verre et des bouteilles sur la table. Au-dessus de sa tête, la balance du jugement : la couronne du roi légitime est plus lourde que les symboles du despotisme, dont certains tombent du plateau. Le message est clair : s’en prendre à l’Angleterre signifiera la fin de Bonaparte.

Les soldats derrière Bonaparte regardent également avec horreur l’inscription. A sa droite un officier ouvre de grands yeux, tandis qu’un autre se régale d’un mets appelé « Tour de Londres ».

On promet d’ailleurs le pire châtiment à Bonaparte, au cas où il se risquerait à mettre le pied sur le sol de l’Angleterre

Buonaprte 48 Hours after landing- Gillray - Juillet 1803
Buonaprte 48 Hours after landing- Gillray – Juillet 1803

Le caricaturiste invite ici ses contemporains à contracter une assurance à cent contre un, auprès de la célèbre compagnie d’assurance Lloyd,  et à parier sur la mort de Bonaparte deux jours seulement après son débarquement.  On voit ici quel sort attend ce dernier, Gillray utilisant d’ailleurs la même imagerie – la foule en fureur – qu’il fustigeait du temps de la Révolution. C’est John Bull qui porte la pique, incarnant l’un de ces nombreux volontaires qui s’engagèrent en 1803. Sa puissance est caractérisée par les feuilles de chêne de son chapeau, qui porte la devise  « Britons Strike Home », qui annonce la certitude de la victoire. Il énonce en même temps les atrocités potentielles des Français, tout en se moquant d’eux.

De toute façon, en Angleterre, on est sûr de vaincre

The Consequence of Invasion - Or the Hero's Reward. None but the Brave desere the Fair - Williams - 1803
The Consequence of Invasion – Or the Hero’s Reward. None but the Brave desere the Fair – Williams – 1803

Au centre de la caricature, un John Bull opulent et orgueilleux, de retour de bataille, est embrassé par des admiratrices. Il tient dans sa main droite une épée dégainée, dans la gauche une pique surmontée de la tête de Bonaparte, et portant également un certain nombre de têtes attachées par les cheveux, qu’il se vante d’avoir coupées lui-même.  Attirée par le spectacle, des femmes accourent à sa rencontre. La caricature montre clairement que la motivation et la récompense des actes de bravoures est l’attention des femmes : le repos du guerrier, en quelque sorte. Par contraste avec le gras John Bull, un élégant dandy efféminé se trouve à gauche, serrant les poings et tape des pieds, se lamentant de ne pas avoir été assez brave pour être un soldat, après qui les jeunes femmes auraient couru.

Quels que soient les efforts de Bonaparte et de son acolyte Talleyrand

Destruction of the french gun-boats - or Little Boney and his Friend Talley in high Glee - Gillray - 1803
Destruction of the french gun-boats – or Little Boney and his Friend Talley in high Glee – Gillray – 1803

Talleyrand, au centre du dessin, porte Bonaparte sur son épaule, pour lui permettre d’avoir une meilleure vue de la bataille navale qui est en train de se dérouler. Ce dernier tient un rouleau de papier, sur lequel on peut lire « Plan de Talleyrand  pour envahir la Grande Bretagne », dont il fait un télescope. S’adressant à Talleyrand, il lui dit : « Ah ! Mon Cher Talleyrand, quel spectacle magnifique ! Ma bonne fortune ne me quitte jamais ! Je vais enfin être libéré de cent mille français !  Cela est encore plus fort que le poison d’Egypte ! ». On voit là l’allusion à l’épisode de l’exécution des prisonniers et des pestiférés à Jaffa.

Car, en fait, les deux personnages observent joyeusement la destruction de la flotte française par les forces anglaises. Ce qui frappe c’est que les canons français sont silencieux. Et un drapeau à tête de mort souligne de manière efficace les intentions diaboliques de Bonaparte.

Et le Bull Dog anglais viendra à bout du chien corse

An English Bull Dog and a Corsican Blood Hound - Anonyme - 1803
An English Bull Dog and a Corsican Blood Hound – Anonyme – 1803

L’image est ici brutale : un bulldog costaud s’en prend ici à un chien efflanqué et plus petit que lui, plantant ses crocs dans les cotes du  cabot corse. Il porte un collier sur lequel est inscrit « John Bull ». Le pauvre  cabot essaye désespérément de s’échapper. Il a incontestablement les traits de Bonaparte, alors que le bulldog n’est pas humanisé.

Il s’agit ici de réaffirmer la force de l’Angleterre au moment de la rupture de la Paix d’Amiens et de la reprise des hostilités. Là aussi la confiance des Anglais est perceptible : au bulldog n’est opposé qu’un fragile chien corse !

Et lorsque l’Angleterre vaincra, ce sera le bonheur de l’Europe !

The final Pacification of Europe - Anonyme - 1803
The final Pacification of Europe – Anonyme – 1803

Bonaparte est ici pendu. Il est représenté, suspendu au-dessus du sol, la bouche grimaçant de douleur. Derrière lui, des personnages représentant divers pays d’Europe dansent, soufflant dans des cors, et annonçant la mort de Bonaparte (de gauche à droite) : la Russie, la Prusse, l’Allemagne, la Suisse et la Hollande, que le lecteur peut facilement identifier soit en lisant les bulles soit en simplement regardant les costumes.  La Russie, par exemple, est vêtue d’une pelisse de peau d’ors, tandis que la Hollande est représentée par un bon bourgeois arborant une pipe sur son chapeau.