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Moretonhampstead « ville sur parole »

Carte montrant Moretonhamstead.

Durant les guerres contre Napoléon (1803-1815), les prisonniers tombés aux mains des Anglais (et plus tard de leurs alliés) furent, dans un premier temps, emprisonnés sur des pontons (c’étaient des vaisseaux désaffectés) à Plymouth et dans d’autres ports, mais les officiers furent libérés sur paroles et envoyés dans différents centres dispersés dans le pays, où ils vécurent dans un confort relatif, tout en étant supposés ne pas quitter l’endroit où ils étaient.

Moretonhampstead (dans le Devon, à 21 km à l’ouest-sud-souest d’Execeter) devient « ville sur parole » en janvier 1807, avec l’arrivée d’un officier français :

23 janvier 1807. Arrivée d’un officier français, prisonnier sur parole. C’est le premier prisonnier sur parole ici. (Chronique de Moretonhampstead)

John Ponsford, chirurgien et capitaine des Volontaires, est chargé des dispositions à prendre pour les prisonniers. Les premiers qui arrivent ici sont des Français et des Espagnols.

Samedi 29 août 1807. Sept officiers espagnols, dont un général, sont arrivés ici, venant de Plymouth, pour séjourner sur parole. (Chronique de Moretonhampstead)

mais plus tard, ils furent rejoints par des Hollandais et des Danois.  Beaucoup d’entre eux venaient de la Marine française, faits prisonniers aux Antilles.. Les prisonniers se firent des amis dans la ville, certains se marièrent avec des jeunes filles de l’endroit et fondèrent des familles. Le plus célèbre fut certainement le général Rochambeau, dont le serviteur antillais Pierre Courpon (« Pierre le Noir ») se maria ici, de même que Arnaud Aubrey, Jean Rihl, Louis Quaintin, Jean-François Rohan, Johannes Schindehutte et Bronovo (Archives de l’Amirauté)

Le vicomte Donatien Rochambeau (1755-1813; il est le fils du maréchal Rochambeau) causa pas mal de problèmes aux autorités. Capturé à la fin de 1803 après la bataille de Saint-Domingue, il avait été emmené en Angleterre, détenu dans plusieurs centres, pour arriver enfin à Moreton en juillet 1807.

Samedi 18 juillet  – Un officier français, accompagné d’un serviteur noir, est arrivé ici sur parole, venant de Wincanton (Somersetshire) (Chronique de Moretonhampstead)

Il avait pour habitude d’apparaître dans la ville revêtu de son uniforme, chaque fois qu’il avait connaissance d’une victoire française. Il est quelquefois l’objet de la sollicitude de la police locale :

Mardi 17 mai 1808 – Les Volontaires ont défilés aujourd’hui, et devaient être inspectés par le capitaine Fulford, de la milice de East devon. Mais il semble qu’il soit venu en tant que magistrat, car le capitaine Ponsford, avec quelques sergents des Volontaires, se sont saisis du général Rochambeau et l’on interrogé, au sujet de papiers qu’il aurait eu en sa possession, ainsi que de libelles défavorables au Gouvernement, mais il a dénié posséder de telles choses; mais ils ont fouillé sa personne et sa maison, sans rien trouver qui puisse le faire condamner. (Chronique de Moretonhampstead)

Il sera envoyé à Plymouth pour être rapatrié le 2 mars 1811 (il reprendra du service en 1813, conduira une division à Leipzig, où il sera tué en combattant)

Vie sociale

Dans une lettre envoyée des années plus tard à John Ponsford, le lieutenant hollandais  Bronovo se rappelle combien il apprécia sa vie de prisonnier sur parole à Moreton, s’enquérant de beaucoup de ses anciens amis; il évoque le théâtre amateur, les chasses, les voyages à Blackingstone et même (mais c’était illégal) dans l’Exeter.

Mercredi 19 août. Ce soir, les officiers français assemblés à Cross Tree, avec leur orchestre, ont joué plusieurs morceaux avec beaucoup de goût et de précision.(Chronique de Moretonhampstead)

Le mariage de Pierre Courpon avec Susanna Parker, en 1808, fut un évènement pour la ville :

« Lundi 17 octobre. Mariage de Licence Pierre le Noir, serviteur du général Rochambeau, avec Susanna Parker. Les cloches ont sonné pratiquement toute la journée. Devant la nouveauté de l’évènement – c’était le premier Noir à se marier à Moreton . Un grand nombre de curieux se sont pressés sur le parvis de l’église, et ont défilé avec eux dans les rues. » (Chronique de Moeretonhampstead)

Les archives de l’Amirauté révèlent que Pierre quitta Moreton avec son maître le 2 mars 1811, pour se rendre à Plymouth pour être rapatrié, mais les archives de la paroisse indiquent que Susanna fit baptiser ici trois enfants, en 1809, 1811 et 1815, de sorte que l’on peut penser qu’il revint à Moreton. Susanna est enterrée ici, avec sa fille; le fils aîné construisit une maison à Moretonhampstead, en 1870.

Jean G. Rihl, enseigne dans la marine, fut fait prisonnier lorsque son bâtiement, le Basque, fut capturé en 1809. Il arrive á Moretonhampstead le 13 novembre, pour être envoyé à Oswestry, en 1812. Il eut un enfant d’une Ann Soper (baptisé sous le nom de William Rilh Soper), qui devint plus tard horloger, changea son nom en William Rhill et fonda une famille importante à Moreton.(voir l’encadré)

La famille Rihl à Moreton

Jean G. Rihl, enseigne de vaisseau français, avait été capturé sur le Basquem le 13 novembre 1809, et envoyé comme prisonnier sur parole à Moretonhampstead le 22 mars 1810.Le 13 février 1812, il sera transféré à Oswestry.

Le 21 février 1811, Ann Soper, de Moretonhampstead, donne naissance à un fils, qui est baptisé dans la chapelle Unitérienne, le 19 avril 1818, sous le nom de William Rhil Soper. En 1819, Ann Soper épouse John Bidder, fils aîné de George Parker Bidder.
Plus tard, le premier fils d’Ann deviendra William Rihll, horloger à Exeter, qui épousera, en 1837, Mary Ann Dayment. On dit qu’il changea son nom de Rihl en Rihll parce que cela avait meilleure allure sur une montre.

Johannes Schindehutte , lieutenant sur un bâtiment suédois dans les Indes hollandaises, fut capturé en décembre 1810, et arriva dans la Manche après un voyage en Orient et en Indonésie. Il était né à Amsterdam d’un père allemand et d’une mère hollandaise. Il fut envoyé à Moreton sur parole et (après seulement 5 semaines !) se maria avec Elisabeth Parker, à Moreton, le 7 mars 1811; il est peu après envoyé en Écosse. Leur fils, John Antonie Schindehutte fut témoin au mariage de sa tante Sarah Parker, á Moreton, le 3 octobre 1824. John Anthonie revint de Hollande plus tard, ayant ajouté Parker à son nom, pour devenir employé des chemins de fer.

L’anniversaire de l’Empereur n’est jamais oublié par les prisonniers :

Samedi 15 août. C’est l’anniversaire de Napoléon Bonaparte, Empereur des Français, qui est né dans la ville d’Ajaccio, en Corse, le 15 août 1769. Cette journée a été célébrée ici par les officiers français prisonniers sur parole, avec force festivité, mais de telle manière à ne pas offenser les habitants de la ville. (Chronique de Moretonhampstead)

Quelquefois, ce sont des tentatives d’évasion :

Lundi 28 septembre 1807. Ce matin, on s’est aperçu que quatre des Officiers français avaient rompu leur parole, et on a supposé qu’ils sont allés vers la côte, ce qui s’est révélé correct, car le soir, tous les quatre ont été ramenés ici par les officiers de Teignmouth, ils avaient pris un yacht de plaisance, et s#apprêtaient à sortir du port lorsque l’alarme a été donnée, une chaloupe armée est sortie, a tiré plusieurs salves sur eux, et ils se sont rendus. Ils ont été placés toute la nuit sous la garde de nos Volontaires, dans Bell Inn.(Chronique de Moretonhampstead)

Le 4 février 1808, les prisonniers aident également la population à combattre un incendie qui s’est déclaré dans la ville :

Jeudi 4 février – Vers minuit, un incendie s’est déclaré dans la maison communale de Dolphin (…), qui a sévi avec violence pendant plusieurs heures, causant la destruction d’une partie de la ville (…) Sa progression a été heureusement stoppée grâce à l’intervention énergique des habitants de la ville et des environs, des Volontaires et des Français et Danois résidant ici sur parole (…) Le soir, des remerciements furent adressés aux Volontaires et aux étrangers qui ont aidé. (Chronique de Moretonhampstead)

Mourir à Moretonhampstead

Trois officiers français sont morts et enterrés à Moretonhampstead : deux tombes sont toujours visibles sous le porche de l’église.

A LA MÉMOIRE DE LOUIS
AMBROISE QUANTIN LIEUTENANT DU
4e (?) RÉG. DU CORPS IMPÉRIAL
D’ARTILLERIE DE MARINE
ÂGÉ DE 33 ANS DÉCÉDÉ LE
29 AVRIL 1810

Louis Quintain, lieutenant d’artillerie de Marine, avait été capturés dans « les Îles » et arriva ici le 22 mars 1810. Il meurt le 29 avril, âgé seulement de 33 ans. « Ce qui est à noter, c’est qu’un passeport lui permettant de retourner dans son pays, est arrivé hier ». Le 1er mai « les restes de l’officier français susmentionné ont été enterrés avec les honneurs maçonniques, car il était Franc-maçon » 104 officiers français et hollandais, qui étaient ici sur parole, ainsi que le la plupart des habitants de la place ont assisté à ses funérailles. C’est le premier étranger mort à Moretonhampstead depuis que la ville reçoit des prisonniers sur parole ».

ICI REPOSE LE CORPS DE
MR ARNAUD AUBRY
LIEUT. AU 70TH REG/
D’INFRE DE LIGNE
ÂGÉ DE 42 ANS
DECEDE LE 10 JUIN 1811
PRIÉ DIEU POUR LE REPOS DE SON ÂME

Aubry Arnaud, lieutenant de l’armée française, avait été capturé au Portugal en juillet 1810. Il meurt le 10 juin 1811.

Une troisième tombe a disparu, celle de Jean-François Rohan, aspirant, qui avait été fait prisonnier le 15 août 1810, alors qu’il se trouvait sur un navire marchand. Il mourut le 22 janvier 1811.

Quelques références bibliographiques anglaises

Trevor James, Prisoners of War in Dartmoor Towns (French and American Officers on Parole, 1803-1815), Orchard Publications, 2000,   55 pp.  ISBN 1 898964 39 4.  La publication la plus récente

Anthony Greenstreet, Dartmoor Magazine, 1997. 48, 14-15. Parole Prisoners of War around Dartmoor.  Contient des anecdotes sur Rochambeau.

Susan Laithwaite (in Devon Documents, ed. Todd Gray, publ. Devon & Cornwall Notes & Queries), 1996  p. 116-9.  A Dutch Officer in Moretonhampstead, c. 1807.  transcription partielle, avec commentaires, de quelques lettres d’un prisonnier hollandais, écrites 30 ans après, à des amis anglais (donne une vue assez différente de la façon dont les réglements sur parole étaient interprétés).

Elizabeth Stanbrook, Devon Historian 1991 42, 3-8 A Dartmoor Legend:  Two French Generals at the Ockery, Princetown.   Details sur le séjour de Rochambeau en Angleterre, en particulier à Moretonhampstead.

Rufus Endle, Dartmoor Prison,  Bossiney Books, 1979, 79 pp (seules les pages 1-24 concerne les prisonniers de cette époque. ISBN 0 906456 13 4.

Francis Abell, Prisoners of War in Britain, 1756-1815  (book) O.U.P. 1914.

Basil Thomson, The Story of Dartmoor Prison, 1907, Heineman.

J.D. Prickman, Trans. Devonshire Ass., 1901, 33, 309-21.   Fragmentary notes on the French Prisoners in the West of England and other places in the early part of the 19th Century.