Bas-releif de l’Arc de Triomphe du Carrousel par Raurey
Panckoucke – Gros
Entrevue de Napoléon Ier et de François II à Sarutschitz en Moravie après la bataille d’Austerlitz, le 4 décembre 1805
Antoine-Jean Gros (1771-1835)
La victoire d’Austerlitz porta une si profonde terreur dans l’âme des Autrichiens, que François II résolut d’en prévenir toutes les suites. Il fit demander une entrevue à Napoléon par le prince de Lichtenstein, et il fût arrêté que cette entrevue aurait lieu en Moravie, le 4 décembre 1804, au bivouac du monarque français.
Cette mémorable scène, retracée par le pinceau de Gros, méritait d’être consacrée, puisqu’elle précéda la paix de Presbourg, arrêta l’effusion d’un sang déjà trop prodigué, et offrit un exemple de modération, trop rare parmi les conquérants.
Au pied d’un coteau sur lequel on aperçoit des vedettes avancées et des postes français, est la tente de Napoléon. On a allumé, devant, le feu du bivouac ; c’est près de ce feu, d’où s’élèvent les tourbillons d’une épaisse fumée, que l’on voit arriver à pied l’empereur d’Autriche, suivi du seul prince de Lichtenstein. Le manteau, qu’entrouvre l’empereur, laisse voir le ruban et l’écharpe qui le décorent ; il est découvert, ainsi que le prince ; il est reçu par Napoléon, qui vient à sa rencontre, le chapeau à la main, et semble lui faire excuse de le recevoir dans un tel séjour. A peu de distance, derrière le général français, un jeune page retient son coursier enharnaché ; plusieurs officiers se tiennent éloignés par respect ; mais tous, le regard fixé sur les augustes personnages, cherchent à deviner le sujet de cet entretien. A gauche, près d’une croix environnée d’arbres, une famille de paysans moraves supplie un officier français de les laisser approcher du vainqueur ; mais celui-ci leur montre les limites du camp et les invite à se tenir hors de la palissade qui en forme l’enceinte, et où l’on distingue les officiers autrichiens de la suite de l’empereur.
La composition de ce tableau était difficile : une entrevue n’est point une action, et ce sujet, s’il ne rappelai une époque glorieuse, semblerait plutôt devoir être classé dans le genre des portraits historiques que dans les productions qui méritent d’appartenir à l’histoire. Monsieur Gros lui a prêté tout l’intérêt dont il était sesceptible. La roideur germanique caractérise bien le monarque d’Autriche et son aide de camp. Napoléon a de la dignité, et l’artiste a coloré son tableau d’une manière harmonieuse. Il y a produit des effets très pittoresques, indépendants des agréments qu’aurait pu ajouter à la scène un fonds de paysage. Si le talent n’embellissait toutes ses créations, on regretterait de le voir retracer des sujets qui peuvent borner ses inspirations et qui le circonscrivent dans de si étroites limites. (L.V.)