Maurice Etienne Gérard (1773-1852 )

En 1816, sur le rocher de Sainte-Hélène, l’Empereur, devant ses compagnons, disait: « Entre tous mes généraux, Gérard est né avec l’instinct d’un grand capitaine; c’est une espérance pour la France; le temps m’a manqué pour le faire maréchal ».
C’est bien vrai que sur un champ de bataille, Gérard avait l’intrépidité d’un Ney et un coup d’œil presque aussi parfait que celui du Maître.
Alors pourquoi, diable, tant de qualités n’ont pas concouru à le rendre célèbre ? Comment se fait-il que ce bouillant soldat qui fut aussi plus tard ministre de la Guerre, Président du Conseil, Grand Chancelier de la Légion d’honneur… soit à ce point méconnu ?
Après tout, la faute en incombe peut-être à Gérard lui-même; n’écrivait-il pas, en novembre 1815, dans une lettre au ministre de la Police de Louis XVIII: « le peu de réputation que j’ai dans l’armée, je le dois plutôt à mes principes et à la sagesse de ma conduite qu’à mes succès militaires » et il tenait le même langage à Clarke, ministre de la Guerre: « Jamais on ne m’a compté au nombre des courtisans et des hommes à intrigues; placé dans une honnête médiocrité, j’ai toujours désiré le repos et la tranquillité ».
Lorsqu’on lit ces lignes, on est tenté de s’écrier: « Ma foi, lui qui aspirait tant à la tranquillité, il doit être comblé car il a bien réussi à se faire oublier ! »
Mais tant pis, un siècle et demi après sa mort, j’ai tenu à le tirer de cet oubli où il se complaît sans doute et à retracer sa vie, « cette vie si bien remplie qui se distingue par l’heureux assemblage des grands talents de l’homme de guerre et des vertus de l’homme de bien ». (citation de J.B. Gérard, maire de Damvillers, 1858)
Alain BÉGYN
Creil (Oise) – 2002
1 – Les premières années d’un jeune Lorrain
Maurice Etienne Gérard voit le jour le 4 avril 1773 dans la Meuse, à Damvillers. Son père Jean est huissier royal et sa mère Marie-Jeanne Saint-Rémy est veuve d’un premier mariage; elle a déjà trois enfants; de son union avec Jean, elle en aura sept autres.
On sait peu de choses concernant son enfance; il est probable qu’il ait acquis sa solide instruction auprès de plusieurs curés successifs, soit à Damvillers, soit dans les alentours; il aurait achevé ses études dans un collège de Metz.
Mais la France – et plus particulièrement la Lorraine où s’est achevée la fuite du roi – est en ébullition en cette année 1791 et le fougueux Maurice renonce à l’étude paternelle pour aller s’engager dans un des bataillons de volontaires créés au lendemain de Varennes, imité en cela par d’autres jeunes Lorrains qui connaîtront, eux aussi, la gloire et les honneurs comme Oudinot et Exelmans.
2 – Les premiers combats
Depuis le 20 avril 1792, la France est en guerre contre l’Autriche qui possède les Pays-Bas méridionaux, la future Belgique. Gérard sert alors sous les ordres de Dumouriez; il reçoit le baptême du feu à Jemmapes le 6 novembre 1792; l’année suivante, il combat à Neerwinden; le 30 décembre 1793, il est promu lieutenant.
3 – Quinze ans avec Bernadotte
Fin 93, la France doit faire face à la première coalition et la Convention décrète la levée en masse; Carnot réorganise l’armée et en avril 94, Gérard est affecté à la 71ième demi-brigade sous les ordres de Bernadotte : c’est le début d’une très longue amitié entre les deux hommes. Durant l’été 1794, on se bat à Fleurus, Charleroi …
Fin 94 : création de la fameuse armée de Sambre-et-Meuse, confiée à Jourdan; Gérard y sert dans la division de Bernadotte et met en évidence ses qualités de bravoure et de sang-froid au passage de la Roër. En 1795 et 96, il prend part à de nombreux combats de l’autre côté du Rhin comme celui de Teining.
Mais l’armée de Jourdan et celle de Moreau qui combattent en Allemagne ont en face d’elles un adversaire coriace en la personne de l’archiduc Charles, frère de l’empereur d’Autriche. Le Directoire envoie alors une armée dans l’Italie du nord, elle aussi sous domination autrichienne; cette armée, chargée de faire diversion, a, à sa tête, un jeune général en chef du nom de Bonaparte. Ce général de 27 ans a déjà remporté de nombreux succès sur les Autrichiens mais ses troupes sont essoufflées et il réclame à Paris des renforts. Le Directoire donne l’ordre à la division Bernadotte d’aller prêter main-forte à l’armée d’Italie; après une marche de près de mille kilomètres et le franchissement des Alpes en plein hiver, elle arrive en Italie et se met à la disposition de Bonaparte. En mars 1797, Gérard prend part à l’assaut et à la prise de la forteresse de Gradisca sur l’Isonzo, dernier obstacle sérieux sur la route de Vienne. Ce beau succès vaut à Gérard d’être nommé capitaine, le jour-même, par le général en chef.
La paix signée avec l’Autriche à Campo-Formio a entraîné la dissolution des troupes de Bernadotte. Ce dernier est dédommagé par le poste d’ambassadeur à Vienne (1798); Gérard est du voyage en qualité d’aide de camp, mais le séjour à Vienne sera bref car bientôt – à la vue du drapeau français au balcon de l’ambassade – une émeute éclate et Bernadotte est contraint, dans ce climat hostile, de quitter la capitale autrichienne avec ses aides de camp… et aussi avec panache.

Au printemps 1799, en l’absence de Bonaparte parti en Egypte, la situation s’est sérieusement dégradée : une seconde coalition nous a repris tout le nord de l’Italie et menace même les frontières de la France. Gérard est appelé à l’armée d’Helvétie commandée par Masséna; il participe, avec sa fougue habituelle, à la victoire de Zurich sur l’archiduc Charles. Sa belle conduite au cours de cette campagne lui vaut d’être nommé chef d’escadron sur un rapport élogieux du ministre de la Guerre du moment qui n’est autre que Bernadotte.
Le passage au ministère du général gascon est de courte durée et bientôt ce dernier se retrouve chargé du commandement en chef de l’armée de la Loire. Gérard est à nouveau son aide de camp. Il s’agit de venir à bout des Chouans en essayant d’obtenir la soumission de leurs chefs Cadoudal et Bourmont (1800); en octobre, Gérard franchit un nouveau grade : il est nommé chef de brigade (équivalent de colonel) par le Premier Consul.
La paix d’Amiens (1802) apporte un temps mort dans la carrière de Gérard après dix années de combats sans guère de repos. Mais dès 1803, la paix est rompue et voilà le colonel Gérard appelé à de nouvelles aventures : Bonaparte, auquel la possession de la Louisiane pose des problèmes, désigne Bernadotte pour se rendre, en qualité de ministre plénipotentiaire, aux Etats-Unis, afin de régler les différends entre les deux pays. Gérard accompagne son général à Rochefort pour embarquer, mais des incidents retardent le départ et pendant ce temps Bonaparte se décide soudainement à vendre la Louisiane aux Américains; du coup, la mission tombe à l’eau. En mai 1804, Gérard est nommé, à quelques mois d’intervalle, chevalier puis officier dans le nouvel ordre que le Premier consul vient de créer : la Légion d’honneur. Quant à Bernadotte il fait partie de la première promotion des maréchaux d’Empire.
Napoléon, lui, décidé à en finir avec l’Angleterre, a rassemblé un gros corps expéditionnaire, au camp de Boulogne, avec l’intention de traverser la Manche si les circonstances le permettent. Le projet échoue et Napoléon se retourne contre l’Autriche; la campagne est fulgurante : l’imprudent général Mack doit capituler à Ulm et Gérard, dans le corps de Bernadotte, entre en vainqueur à Munich (oct. 1805). Mais la campagne n’est pas terminée; Napoléon a décidé de défier les empereurs de Russie et d’Autriche à Austerlitz. En affrontant la redoutable garde russe sur le plateau de Pratzen, Gérard reçoit sa première blessure grave, un coup de biscayen à la cuisse. Sa conduite au feu est récompensée par la promotion au grade de commandant (on dit aujourd’hui commandeur) dans l’ordre de la Légion d’honneur; et Maximilien 1er de Bavière, devenu roi par la grâce de Napoléon, le fait chevalier de l’ordre du Mérite militaire bavarois.
Napoléon, en créant en 1806 la Confédération du Rhin, a irrité la Prusse qui se croit capable de tenir tête militairement à l’Empereur, mais en quelques jours l’armée prussienne est étrillée et Gérard participe à la « grande poursuite », lancé aux trousses des Prussiens qui ont échappé au double désastre de Iéna et d’Auerstaedt; il est victorieux à Halle, à Streilitz, et force le général Blücher à capituler à Lübeck. C’est là, à Lübeck, qu’il reçoit les étoiles de général, tout juste quinze ans après avoir signé son engagement. Après le traité de Tilsit qui réconcilie Napoléon et Alexandre, Bernadotte se voit confier le gouvernement des villes hanséatiques (1807), avec mission de faire appliquer, dans la Baltique, le blocus continental; Gérard, récemment promu général de brigade, est nommé chef d’état-major du corps que Bernadotte a emmené avec lui à Hambourg. Le séjour au bord de la Baltique restera un moment agréable dans la carrière de Gérard puisque le roi du Danemark le décore de la Grande Croix de l’ordre de Danebrog en 1808.
Le bon temps dure jusqu’en 1809 car, à nouveau, des menaces se précisent du côté de l’Autriche que l’Angleterre a réussi à entraîner dans une nouvelle coalition. A Wagram (juillet 1809) Gérard a encore donné le meilleur de lui-même avec le 9e corps de Bernadotte pour contraindre l’archiduc Charles à la retraite. En récompense de ses faits d’armes, il est fait baron d’Empire (1809), mais sa joie est un peu ternie car il ne servira plus sous les ordres du prince de Pontecorvo; depuis quinze ans, les deux hommes ne s’étaient presque jamais séparés.
4 – Les campagnes de 1810 à 1814
Après un congé passé à Damvillers, le général Gérard est affecté à Nantes mais il n’y restera pas longtemps. Fin juillet, il reçoit l’ordre de se rendre à Bayonne pour servir ultérieurement en Espagne; il y attendra des instructions pendant tout l’été de 1810; il ronge son frein car pendant toutes ces semaines se joue le destin de Bernadotte. Ce dernier a posé sa candidature au titre vacant de prince héritier de Suède; il a été agréé par la Diète et par le roi et s’apprête à rejoindre Stockholm. Gérard voudrait bien l’y accompagner et le lui fait savoir, mais il doit se plier aux ordres, rejoindre le 9ième corps et se rendre au Portugal. Le seul fait marquant de cette campagne dans la péninsule ibérique sera le combat de Fuentès de Onoro (mai 1811). Après une retraite éprouvante, Gérard obtient un congé de convalescence qu’il passe près des siens en Lorraine.
1812 : les rapports entre Napoléon et Alexandre se sont dégradés, le tsar négligeant de plus en plus de faire appliquer le blocus; un conflit devient inévitable. En mars, Gérard quitte Damvillers pour aller à Stettin rejoindre le maréchal Davout sous les ordres duquel il va servir; en juin, il pénètre en Russie; la brigade qu’il commande appartient à la division du général Gudin.
Après avoir bousculé les Russes à Minsk puis à Mohilev, le corps de Davout arrive devant Smolensk; les Russes se dérobent constamment mais ils sont contraints d’accepter le combat à Valoutina; les Français sont vainqueurs mais le brave général Gudin est blessé mortellement, confiant, avant d’expirer, le commandement de sa division à Gérard. Napoléon continuant sa marche vers Moscou, Koutousov décide d’attendre les Français sur la Moskowa : c’est la terrible bataille de Borodino très éprouvante pour la Grande armée. Pendant son bref séjour à Moscou, Gérard est promu général de division. Au cours de la retraite, après le combat de Malo-Jaroslavetz, il faut subir les assauts constants de Koutousov et des Cosaques de Platov. Gérard a été placé à l’arrière-garde, d’abord avec Davout puis avec Ney; il est, avec le « brave des braves », le dernier général à repasser le Niémen en décembre.

1813 : alors qu’après cette terrible campagne, il aspire à un repos bien mérité, Eugène, qui commande désormais la Grande Armée après les départs successifs de Napoléon et de Murat, le garde auprès de lui pour continuer à retraiter jusqu’à l’Elbe. Son amertume sera atténuée lorsqu’il apprendra que l’Empereur vient de le faire comte de l’Empire puis Grand Croix de l’ordre de la Réunion.
Napoléon a réussi à mettre sur pied une nouvelle armée après le désastre de l’année précédente et en mai il entre à nouveau en campagne. La division de Gérard appartient désormais au 11ième corps de Macdonald vainqueur à Bautzen; mais Gérard est grièvement blessé à Lauban (25 mai) et on craint pour ses jours; il va mettre à profit un armistice que Napoléon a accordé aux coalisés pour hâter sa guérison.
Quand les combats reprennent, Gérard remporte une brillante victoire à Goldberg; cette victoire lui vaut d’être nommé commandant en chef du 11ième corps. Malheureusement, il faut, à nouveau, reculer devant des ennemis qui ont une nette supériorité numérique. Gérard reçoit deux nouvelles blessures, au combat de la Katzbach et à « la bataille des Nations » à Leipzig en octobre, mais continue d’assumer son commandement; il a bien mérité son congé de convalescence qu’il va passer à Damvillers; le grade de Grand officier de la Légion d’honneur vient récompenser sa bravoure et son dévouement au cours des deux dernières campagnes.
1814 : les Alliés ont tiré la leçon de la campagne précédente et se concertent pour ne pas laisser à Napoléon le temps de mettre une nouvelle armée sur pied; il y aura donc une campagne d’hiver et Gérard n’ira pas jusqu’au bout de son congé de convalescence.
Début janvier, il prend le commandement à Meaux d’une division de réserve destinée à barrer la route aux Prussiens de Blücher et aux Autrichiens de Schwarzenberg, pendant que Napoléon courant d’une armée à l’autre accomplit de véritables prodiges.
Gérard doit reculer à la Rothière et se replier sur Troyes puis sur Nogent et Guignes. A partir du 17 février, sur l’impulsion de Napoléon, les Français reconquièrent le terrain perdu : c’est la fameuse bataille de Montereau au cours de laquelle l’Empereur, exaspéré par la lenteur et les atermoiements du maréchal Victor, lui retire son commandement pour le donner à Gérard qui, lui, fait lâcher prise à l’ennemi. Les jours suivants Troyes est reprise et le corps de Gérard atteint l’Aube près de Bar; mais ce succès va être de courte durée car les Autrichiens ont repris l’avantage et Gérard est à deux doigts d’être fait prisonnier à Thennelières. Maintenant, les Alliés continuent leur marche inexorable vers Paris sans plus se soucier de l’existence de Napoléon.
Ce dernier, inquiet pour son trône si jamais les coalisés entrent dans Paris, fonce, à marches forcées, vers Fontainebleau. Gérard, avec des troupes complètement exténuées y arrivera quatre jours plus tard. Entre temps, Paris est tombé aux mains des Alliés et le Sénat a voté la déchéance de l’Empereur; de plus, une mutinerie de plusieurs de ses maréchaux le contraint à abdiquer (6 avril).
Gérard doit se résigner à accepter le retour des Bourbons; il reçoit l’ordre de conduire son corps d’armée dans la Nièvre pour le démobiliser; il n’ira pas jusque Nevers car il a appris la présence à Paris de Charles Jean (c’est ainsi que s’appelle, depuis 1810, Bernadotte). Les deux anciens compagnons se retrouvent avec grand plaisir et, après son retour en Suède, le prince héritier fait parvenir à Gérard le cordon et la plaque de Commandeur grand-croix de l’ordre royal et militaire de Suède.
L’armistice négocié par Talleyrand stipule que la France devra remettre toutes les places fortes qu’elle occupe encore hors de ses frontières. Parmi celles-ci figure Hambourg tenue par Davout. C’est Gérard qui reçoit la mission de se rendre auprès du prince d’Eckmühl afin que ce dernier lui remette le commandement de la garnison, garnison qu’il devra ramener en France. Les choses se passent fort bien entre les deux hommes qui s’estiment (Gérard n’a t-il pas fait presque toute la campagne de 1812 sous ses ordres?) et Gérard s’acquitte de sa mission avec brio. Louis XVIII reconnaissant le fera chevalier de Saint-Louis puis Grand Croix de la Légion d’honneur.
Au moment où Napoléon s’apprête à quitter son minuscule royaume de l’île d’Elbe pour tenter de reconquérir son trône, Gérard vient d’être nommé inspecteur général d’infanterie de la 5ième division militaire en Alsace.
5 – Les Cent-Jours
Le vol de l’Aigle a réussi; le 20 mars 1815, Napoléon réoccupe les Tuileries; Louis XVIII est en fuite vers Gand et Davout est nommé ministre de la Guerre. Gérard reçoit le commandement du 4ième corps d’observation et doit rejoindre Metz. Récompense de son ralliement ( ? ), Napoléon le nomme Pair de France (2 juin).
Les Alliés ont mis Napoléon au ban de l’Europe comme « perturbateur du repos du monde » et s’apprêtent à lever contre lui pas moins de six armées. L’Empereur décide de prendre les devants et de tirer le meilleur parti des 126.000 hommes de l’armée du Nord dont il dispose, mais il est très préoccupé par le manque de cadres. A qui confier ses corps d’armée ? A défaut de maréchaux, ce seront les meilleurs de ses généraux: Gérard, Vandamme, Mouton, Reille…
Le 6 juin, Gérard quitte Metz pour concentrer le 4ième corps au sud de la Sambre. Le 15, au moment de traverser la rivière, Gérard apprend la trahison d’un de ses divisionnaires, Bourmont l’ex-chouan; le 4ième corps est en partie décapité.

Le matin du 16, Gérard retrouve l’Empereur dans un moulin à vent et reçoit pour mission de s’emparer de Ligny. La bataille pour la possession de Ligny commence l’après-midi; elle est d’une âpreté incroyable; les troupes de Gérard parviennent à déloger les Prussiens; ceux-ci font néanmoins une retraite en bon ordre en direction de Wavre. Le lendemain, Grouchy est chargé par l’Empereur de poursuivre les Prussiens pour les empêcher de se joindre aux Anglais de Wellington; le 4ième corps, subordonné à Grouchy, bivouaque à Gembloux le 17 au soir.
Le 18 juin, Napoléon attaque les Anglais à Waterloo, en avant de la forêt de Soignes; il pense que Grouchy a réussi à s’interposer entre Wellington et Blücher. En entendant la canonnade dans le lointain, Gérard conseille au maréchal Grouchy de se rapprocher du lieu de la bataille pour prêter main-forte à l’Empereur. Grouchy qui ne veut pas outrepasser les ordres refuse. Ce sont finalement les Prussiens de Blücher qui, ayant bloqué Grouchy de l’autre côté de la Dyle, vont tomber sur la droite des Français et provoquer le sauve-qui-peut. Dans l’après-midi même, Gérard, en menant une charge au moulin de Bierges, tombe blessé d’une balle à la poitrine.
Le lendemain matin, Grouchy reçoit la nouvelle du désastre et décide de faire retraite par Namur et Dinant vers Reims et Paris pour ne pas laisser ses corps d’armée tomber aux mains des Prussiens. De Paris, cette troupe repartira au-delà de la Loire où elle sera licenciée. Bien que blessé, Gérard fait la retraite parmi ses hommes; le 14 juillet, il a remis au roi la soumission de son corps d’armée et est allé poursuivre sa convalescence à Tours.
6 – La Restauration (1815-1830)
Gérard a été mis en non-activité; une fois sa blessure guérie et sa santé recouvrée, il envisage d’entreprendre un grand voyage, destination la Suède.
Mais son ralliement à « l’usurpateur » pendant les Cent-Jours lui vaut des ennuis: des rapports défavorables ont été faits contre lui et il est victime de l’épuration qui frappe l’armée. Le ministre de la Police et celui de la Guerre lui font savoir qu’il est indésirable en France. Gérard préfère prendre les devants et s’exiler, mais au lieu d’aller retrouver son cher compagnon à Stockholm, il va s’installer à Bruxelles où vivent déjà beaucoup de proscrits. Il va rester en Belgique jusqu’à ce que, au début de 1817, il reçoive l’autorisation de rentrer à Paris; mais il ne revient pas seul : l’année précédente il a épousé Rosamonde, fille du général de Valence.
Dans les mois qui ont suivi son retour, Gérard s’est rendu acquéreur du château de Villers-Saint-Paul, près de Creil, dans l’Oise. Sa famille s’agrandit rapidement : un premier fils Cyrus naît en 1817, un second, Fortuné, en 1819 et une fille, Félicité, en 1822.
Sa carrière militaire est momentanément terminée mais son besoin d’action le pousse vers la politique; en 1822, il est élu député du 1er arrondissement de Paris et siège sur les bancs de l’opposition. Battu en 1824, il revient à la Chambre en 1827 au sein d’une opposition de plus en plus vigoureuse. Le gouvernement de Polignac formé en 1829 qui rassemble bon nombre de ministres impopulaires (comme ce traître de Bourmont au ministère de la Guerre) est de plus en plus vivement combattu surtout par la presse d’opposition. Le roi ne trouve d’autre solution que de dissoudre la Chambre, mais les élections de juillet 1815 ayant encore renforcé l’opposition, Charles X signe des ordonnances suspendant la liberté de la presse et dissolvant la Chambre nouvellement élue. Ces ordonnances vont déclencher une révolution mettant fin au régime des Bourbons.
7 – La monarchie de Juillet (1830-48)
Pendant trois jours Paris est en insurrection : ce sont les Trois Glorieuses. Gérard, dont la réputation de sagesse et de loyauté est reconnue dans les deux camps, va jouer un rôle important pendant ces journées, bien souvent sans l’avoir voulu, si bien qu’il sera considéré comme un meneur par le roi et menacé d’arrestation, puis nommé ministre de la Guerre, le lendemain, par le même roi dans un nouveau ministère, alors que Paris insurgé l’a reconnu comme commandant en chef des troupes de la capitale: un véritable imbroglio !
Les Trois Glorieuses aboutiront au renversement de Charles X et à son remplacement par Louis-Philippe, un Orléans remplaçant un Bourbon ! Le nouveau roi va faire du lieutenant général Gérard son ministre de la Guerre et l’élever à la dignité de maréchal de France (17 août 1830)

En ces lieux fut blessé/le 18 juin 1815/
le général Etienne Gérard/héros de l’Empire et
défenseur de notre/indépendance nationale
Durant l’été 1830, Bruxelles s’est aussi soulevée; le mouvement a gagné d’autres villes et la Belgique s’est détachée de la Hollande, constituant un Etat indépendant (4 octobre). Ce nouvel Etat se donne une constitution visant à établir une monarchie constitutionnelle. Il ne reste plus aux Belges qu’à se trouver un roi : ce sera Léopold de Saxe-Cobourg, fondateur de la dynastie actuelle (21 juillet).
Cependant, le roi de Hollande, Guillaume 1er, n’accepte pas la situation : 80.000 soldats hollandais placés sous le commandement d’un de ses fils envahissent le jeune Etat belge pour restaurer l’autorité des Orange (2 août). Léopold 1er n’a d’autre ressource que d’appeler à l’aide les puissances amies: la France envoie le maréchal Gérard à la tête d’un corps expéditionnaire pour lui porter secours.
L’apparition de l’armée de Gérard a pour effet d’obliger Guillaume à renoncer à son coup de force et à rappeler ses troupes. Un traité dit des XXIV articles doit mettre fin au contentieux mais Guillaume, obstiné, continue de maintenir une garnison dans la citadelle d’Anvers. Il faut qu’une nouvelle fois, Gérard pénètre en Belgique pour aller assiéger Anvers; après 25 jours de siège, le général hollandais Chassé doit capituler (23 déc. 1832).
Cette dernière campagne de Gérard lui vaut un véritable triomphe; on lui décerne le titre de « libérateur de la Belgique » et le roi des Belges le nomme Grand Croix de l’ordre de Léopold tandis que la Chambre belge lui vote une épée d’honneur en or , au nom du peuple belge. Après son retour d’Anvers, le roi des Français le nomme pair de France.
Pendant tout le règne de Louis-Philippe, le maréchal occupera de hautes fonctions, successivement Président du conseil (1834), Grand Chancelier de la Légion d’honneur de 1836 à la fin de 1838, Commandant en chef de la Garde nationale de Paris, à nouveau Grand Chancelier de 1842 à 1848 … Il est le seul Grand Chancelier à avoir été nommé deux fois depuis la création de l’ordre; il renoncera à cette charge après la chute de Louis-Philippe.
8 – La fin d’une belle carrière
Le maréchal a maintenant 75 ans; sa santé est préoccupante; il est devenu borgne et il a connu de grands chagrins familiaux avec la perte de deux de ses enfants et de son gendre.
C’est le 17 avril 1852 qu’il rend l’âme. Une imposante cérémonie a lieu aux Invalides en présence des maréchaux Jérôme Bonaparte et Exelmans. Le corps du maréchal est transporté dans une crypte sous l’église de Nogent (Oise) où l’attendent les dépouilles de ses deux enfants, Cyrus et Félicité.
En 1858, après maintes tergiversations, une belle statue en bronze sera érigée au centre de Damvillers, la commune où il est né. (La statue du général Maurice Gérard se trouve sur la place de la commune; elle remplace celle, en bronze, saisie par les Allemands au cours de la Première Guerre Mondiale) (NDLR)

Edité à l’occasion du 150e anniversaire du décès
du Maréchal Gérard
par l’association » Les Amis de Ligny » – Mouvement culturel napoléonien