Mars 1814 – Le 21e à Bergen op Zoom

 

Erny van Wijk

Il y a quelque temps, alors que  je commençais à fréquenter le 21ème, on me raconta différentes batailles auxquelles avait participé le régiment. Un de ces lieux me fascinait : Bergen op Zoom, une petite ville fortifiée dans l’ouest de Noord-Brabant, donc sur sol Hollandais.

Le 21e de ligne
Le 21e de ligne

L’année passée[1]Cet article est paru en 2012 sur l’ancienne versionb du site j’eu finalement le temps nécessaire pour me plonger dans les événements qui avaient eu lieu à Bergen op Zoom en mars 1814.

Une visite à la bibliothèque du Musée de l’Armée, à Delft, me permit de consulter des copies d’un livret du colonel de génie (français) Legrand et un rapport du colonel Carmicheal-Smyth of the Royal Engineers, aide de camp de Sa Royale Majesté le Prince Régent.

Les recherches me menèrent aux archives communales de Bergen op Zoom. J’espérais – en vain –  retrouver les lieux où le 21ème avait livré bataille. Mais j’ai bien trouvé les archives de l’hôpital militaire de la ville. Ces archives nous apprennent de façon précise qui fut hospitalisé à telle date et pour quelle raison.

Une des cours de "Markiezenhof" hôpital militaire pendant la bataille

Une des cours de « Markiezenhof »
hôpital militaire pendant la bataille

A partir de décembre 1813, plusieurs régiments se rendent à Bergen op Zoom, et on retrouve des soldats du 21e dans les registres de l’hôpital. Les patients y sont  classés en quatre catégories: fiévreux, galeux, vénériens, et blessés. La plupart souffraient de fièvre, une minorité souffrait de la gale, de maladies vénériennes ou était blessée. Il n’est pas surprenant que la majorité des patients était fiévreux: la région était marécageuse et humide.

Dans les registres des salles on note les noms des patients, leurs salles respectives, leur traitement et médicaments et bien sûr la raison de leur hospitalisation. 

A partir du 9 mars, on ne remplissait plus toutes les colonnes, seulement le numéro du bataillon du patient et son rang.- Il   y avait probablement une telle affluence de blessés que les médecins n’avaient pas le temps de remplir leurs tâches administratives. Ce n’est qu’après quelques jours qu’on note à nouveau les noms des patients, la nature des blessures et la médication (les soldats ne recevaient pas plus que de l’eau au citron).

Les officiers anglais étaient soignés dans une autre salle et ils disposaient de leur propre chirurgien et infirmiers.

Dans les grands registres “Entrans” et “Sortans” étaient notés les noms des patients, avec leur date d’entrée et de sortie. Et c’est là que j’ai  trouvé les premiers noms de soldats du 21e. Des garçons âges en moyenne de 20 à 22 ans, pour la plupart des fusiliers, parfois un caporal ou sergent ou même un rang plus haut.

Ligne 5 : "Dame" Elisabeth Weitz
Ligne 5 : « Dame » Elisabeth Weitz
Et quelle surprise de voir tout d’un coup:

 “Dame” Elisabeth Weitz. A part le numéro de bataillon (6e) et de  la compagnie (2e) et le fait qu’elle ait été hospitalisée à cause de fièvre, il n’y avait pas d’autres données sur sa personne, comme son âge ou son lieu d’origine. Dans le livre “Compte ouvert 1er trimestre 1814” on trouve plus de détails: cette dame (son nom étant écrit Elizabeth Weitz cette fois), était blanchisseuse, avait 25 ans et était originaire du Département du Roer. Elle resta à l’hôpital du 4 au 27 janvier.

Les blessés de la bataille restaient en général quelques semaines, voire quelques mois, dans l’hôpital. En juin 1814 l’administration se termine et les patients français sont transportés dans d’autres hôpitaux militaires. L’occupation française de Bergen op Zoom s’achève avec la défaite de Napoléon et les Français quittent la ville.

Mais l’attaque de Bergen op Zoom, la bataille qui est a l’origine de l’affluence de morts et de blessés, commence dans la nuit du 8 au 9 mars 1814…

L’attaque de Bergen op Zoom, 1er partie

En décembre 1813, la plupart des villes au Nord des Pays-Bas avaient été libérées de l’occupant français, grâce à l’action des troupes alliées et à la révolte des populations locales. Les français se retirent dans les dernières forteresses. Il y avait des garnisons françaises à Breda, Willemstad, Tholes et Steenbergen. Le général Decaen craignait pour sa position; les garnisons françaises n’étant pas fortes, il jugeait sage de concentrer ces troupes autour d’Anvers, où il résidait. Les garnisons des différentes villes sont supprimées au début de l’année 1814. A l’annonce de cette mesure, Napoléon ordonne de reconquérir les villes abandonnées. De nouvelles troupes sont formées. Des garçons des départements autour d’Anvers sont recrutés, et équipés à dans cette ville; ils apprennent à manier les armes pendant la route. La tentative de réoccuper Breda échoue complètement. Une garnison de Cosaques, qui était arrivée dans la ville, repousse les français.

A Bergen op Zoom se trouvait une petite garnison d’environ 400 hommes. Quand Napoléon ordonne de transformer cette ville en bastion de défense contre les armées alliées (Bergen op Zoom se trouvait sur une importante ligne d’approvisionnement entre Anvers et la Hollande), plusieurs régiments se dirigèrent sur Bergen op Zoom. La garnison compte rapidement 4000 hommes. Mais ce nombre va rapidement diminuer à cause du grand nombre de malades et du fait que beaucoup de conscrits flamands, qui montaient la garde, désertaient. Ils avaient été enrôlé contre leur gré et fuyaient le service français pour joindre les armées alliées. Lors d’une revue, le 5 mars,  la garnison ne comptait plus que 2700 hommes.

La garnison s’entraîne en janvier et février. Chaque bataillon avait son propre lieu d’exercice et était responsable de sa défense, en cas d’une attaque.

La génie s’occupait de construire des fortifications. La glace dans les fossés était cassée tous les jours et l’artillerie améliorait ses pièces, qui étaient chargées de mitraille.

Il n’y avait pas d’avant-postes, par manque de troupes et par crainte de nouvelles désertions. Mais on était bien préparé contre une éventuelle attaque.

Thomas Graham, 1erBaron de Lynedoch
Thomas Graham, 1erBaron de Lynedoch

Le général Thomas Graham conçoit le plan d’attaquer  Bergen op Zoom avec quatre colonnes, qui chargeraient simultanément les quatre côtés de la forteresse. De cette façon, il serait impossible pour l’ennemi de concentrer ses forces. 

La première colonne (environ 1000 hommes), sous la direction du Major-General Cooke, attaquerait le bastion Oranje, du côté sud. 

La deuxième colonne (environ 1200 hommes) était menée par le colonel Morrice. Venant de l’est, elle marcherait sur la Porte de Breda.

La troisième colonne (environ 1100 hommes) sous le commandement du Major-General Skerret, devait attaquer sur l’entrée du port. 

La dernière colonne, enfin, ne comptait que 650 hommes et était placée sous la direction du Colonel Henry. Ils devaient mener un simulacre d’attaque sur la Porte de Steenbergen.

L’attaque devait commencer le 8 mars, à 11 heures du soir. Les colonnes prirent leurs positions et attendirent le moment de l’attaque. Mais Henry attaqua trop tôt. Les avant-gardes français furent surprises et les anglais réussirent à pénétrer jusqu’au pont. Ce pont étaient en trois parties: une partie fixe, o était élevée une barricade en bois; le pont-levis qui était bien sûr levé, et encore une partie fixe qui était dépourvue de tabliers. Malgré ces obstacles, les salves des canons du capitaine Denis et des tirs de fusils, quelques anglais réussirent à atteindre la porte, où les français les attendaient et où ils trouvèrent la mort. Les Anglais restant sur le pont furent mitraillés par la pièce de Maupin, adjudant de la forteresse.

Après les premiers coups de feu, l’alarme avait été sonnée à Bergen op Zoom et la garnison se retira sur ses positions de défense. La population locale fut obligée de rester dans les maisons : ils sont menacés de la peine à mort s’ils osent en sortir !

Place du Petit Pont tournant au Vieux Port
Place du Petit Pont tournant au Vieux Port
Morrice avait entendait les coups de feu et avançait sur la Porte de Breda par le Zoom. Le premier fossé ne posait pas de problèmes, mais une fois que les Anglais furent sur la glace du fossé intérieur, les français ouvrirent le feu.. Morrice, deux autres officiers et une trentaine de soldats furent blessés. Les troupes paniquèrent et se retirèrent jusqu’au point de rassemblement.

Skerret avait divisé sa colonne en trois: une avant-garde sous le commandement du lieutenant-colonel Carleton, une division sous la direction du brigadier-général Gore, et l’arrière-garde menée par Skerret. 

Au son des coups de feu à la Porte de Steenbergen,-Carleton avança. Ses hommes durent patauger dans l’eau pour arriver à l’entrée du port. Des herses devaient prévenir que la ville ne puisse être envahie par la voie de l’eau, mais à l’aide de fagots, les Anglais réussissent à prendre cet obstacle. Le garde d’un bateau, qui avait accosté au port de Bergen op Zoom, avait fuit, abandonnant deux canons, sans même avoir tiré un seul coup. Les anglais entrent  dans la ville par la Porte de l’Eau, et la colonne se scinde. Carleton, suivi par Gore, avance vers le port, Skerret,  se dirigent à gauche et 600 hommes des Royal Scots restent à la Porte.

Skerret s’empare de l’arsenal et des bastions 14 et 15. Mais au magasin à poudres, il doit faire halte à cause d’un piquet composé de 300 français, et des soldats qui avaient fuit les bastions abandonnés aux anglais. Skerret se replie et s’occupe de la défense des bastions.

Le gouverneur, apprenant que les choses tournaient mal à la Porte de l’Eau, ordonne à toutes les réserves (matelots et vétérans) de marcher sur cette porte. Mais cette mesure le prive de troupes pour défendre les autres points. Grâce à l’artillerie, les réserves réussissent à libérer la porte et les quais du port. En route vers la Porte d’Anvers, ils rencontrent Carleton. Celui-ci vient de  conquérir les bastions 1 et 2. Lui et Gore marchent sur la Porte d’Anvers. Le corps de garde de cette porte avait été conquis par les Anglais qui y avaient placé deux détachements. Ces détachements devraient ouvrir la porte pour le général Graham qui marchait sur Bergen op Zoom.

Carleton avance vers la Porte de Breda. Les bastions 6 et 7 ne résistent pas, mais le bastion 8, défendu par le 12e régiment sous le commandement du chef de bataillon Baron,  tient tête. 

La colonne de Carleton était divisée sur un front allongé et Carleton n’avait plus que 100 hommes avec lui. Supposant que Morrice, qui devait être, à ce moment, à la Porte de Breda , passera vite à la charge, il avance et demande à Baron de se rendre. La réponse : une salve meurtrière. Carleton et la plupart de ses officiers sont mortellement blessés.

Gore ordonnait aux troupes de se replier sur bastion 6.

Maisons coté sud du port
Maisons coté sud du port
Entre-temps…

La colonne de Cooke avance du sud et elle atteint Bergen op Zoom sans problèmes. Ses hommes prennent le camp retranché de “Kijk-in-den-Pot”. Au glacis du front 4-3, ils essayent d’atteindre les remparts. Mais la glace est brisée. La colonne fait demi-tour et essaye d’entrer par le bastion Oranje. Pour cela, ils doivent traverser une fossé asséché. Cette mission n’est pas sans danger: les soldats doivent descendre dans le fossé puis en ressortir avec des échelles d’assaut. Malgré le feu croisé des français, ils réussissent à escalader les remparts. Le colonel Proby donne l’ordre de libérer les rues et d’occuper les maison au sud du port.

Le reste de la colonne était scindé : une partie rejoignit Skerret et une autre partie Gore à la Porte d’Anvers.

Il est environ 11 heures et les Anglais ont des chances de succès. Skerret occupe la partie droite du port, l’arsenal et-bastion 13. Il est tout près de la Porte de Steenbergen.

Gore a des détachements à la Porte de l’Eau et sur le quai, Clifton contrôle la Porte d’Anvers. Cooke et sa colonne sont entrés dans la ville, contrôlant le bastion Oranje et envoyant des renforts vers les autres-commandants.  

Suite

References

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1Cet article est paru en 2012 sur l’ancienne versionb du site