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L’Italie Napoléonienne (1802-1814)

Le Couronnement de Milan

Napoléon fait part de ses projets de réformes constitutionnelles en Italie à l’audience diplomatique du 7 mai 1804, en présence de Marescalchi. L’Italie doit devenir un royaume avec à sa tête un membre de la famille Bonaparte : Joseph, Louis ou Napoléon lui-même : la question n’est pas encore résolue. Le 28 mai, Melzi réunit la Consulte de Milan et lui fait voter un projet de constitution pour la future monarchie héréditaire. Il est à noter que Melzi, depuis le concordat, a tenté divers rapprochements avec l’Autriche. Il se rapproche aussi de l’opposition. Ainsi le texte constitutionnel qu’il présente n’est pas tout à fait respectueux de la volonté de l’Empereur. Il est composé de deux cent quatre articles. Il pose le principe de séparation des couronnes de France et d’Italie, prévoit une alliance avec la France sans soumission de l’Italie et sans tribut, la reconnaissance de ce royaume par l’Autriche et enfin un contrôle du pouvoir du Roi par une Consulte indépendante et non responsable. Si les deux premiers principes devront prendre effet après le décès de l’Empereur les autres sont à effet immédiat. L’année étant agitée pour Napoléon celui-ci ne réagira qu’en octobre avec cette menace faite à Marescalchi :

 « Que veulent donc ces messieurs de Milan ? (…) S’ils veulent reculer, ils risquent d’être transformés en département français ! » [1]A. Fugier, op.cit. , p.160.

Melzi et dix-huit notables de son choix sont invités au Sacre à Paris, là Napoléon leur renouvelle son mécontentement et leur donne ordre de réunir une nouvelle commission à Paris afin d’élaborer un nouveau projet. En janvier la question du souverain du futur royaume est réglée. Plutôt que d’accepter le trône d’Italie, les frères de Napoléon refusent de renoncer au potentiel trône de France de leur frère sans héritier. Napoléon sera donc roi d’Italie, chose qui sera difficile à faire admettre à l’Autriche. Malgré tout une solution sera trouvée d‘ici le Couronnement de Milan.

Le 5 février 1805 un conseil extraordinaire de cabinet est convoqué, on y retrouve Melzi et cinq italiens ainsi que les grands dignitaires de l’Empire. Talleyrand présente les statuts du Royaume, rédigés par avance et examinés le 30 janvier par Cambacérès avant d’être présentés aux députés italiens. Napoléon avait déjà exprimé sa volonté à d’Hauterive de maintenir la constitution de Lyon et de n’en modifier que quelques détails. Ces modifications tiennent surtout de l’expérience de la République italienne. Ainsi l’organisation judiciaire doit être simplifiée : les jurisconsultes auront la charge de la rédaction des codes. En revanche, les autres réformes vont dans le sens d’un affermissement du pouvoir exécutif dans cette nouvelle monarchie : sa seule limite est financière, le pouvoir législatif a pour seule mission de voter l’impôt, l’administration est dirigée directement par le souverain. Sur la forme la Consulte devient le Sénat et le Conseil Législatif est renommé Conseil d’Etat [2]A. Pingaud, Bonaparte président de la République italienne, vol. II, p.444. .

Melzi présente ces statuts à la Consulte de Milan, le 15 mars, qui l’accepte à l’unanimité. Selon l’article 1er du statut constitutionnel du 17 mars 1805, l’Empereur des Français devient provisoirement Roi d’Italie et s’engage à remettre la couronne à un successeur naturel ou adoptif à la fin des hostilités avec l’Angleterre et la Russie [3]Dufau, Duvergier et Guadet, Collection des constitutions, vol.4, p.302-3, source site internet : www.heraldica.org. . Les cérémonies habituelles suivent le vote les 17 et 18 mars. On peut cependant en citer les discours, d’abord celui de Melzi qui ne voit dans la constitution de Lyon qu’une :

« Œuvre de circonstance, d’un système constitutionnel trop imparfait pour présenter des garanties de durée et de conservation ».

 Par là Melzi suit son opinion selon laquelle la république italienne est trop faible pour exister d’elle-même et doit être prise en main par Bonaparte en tant que président puis comme Roi.   Il ne précise pas si la nouvelle constitution est plus solide que l’ancienne et si le système monarchique assurera la durée dont la nouvelle Italie manque. Melzi croit que l’Italie a besoin d’un maître, trouvant Napoléon trop ferme, il a cherché le soutien de l’Autriche mais comprenant que seul Napoléon permet à son état d’exister, il se tourne toujours vers lui pour sauvegarder les institutions italiennes.

Le discours de Napoléon 1er est tout aussi révélateur, même s’il est de circonstance :

 «Nous avons toujours eu la pensée de rendre indépendante et libre la nation italienne. [4]A. Pingaud, op.cit., vol. II, p.446. »

On retrouve cette volonté dans Le Mémorial de Sainte Hélène : les idées de Napoléon   sont souvent critiquées car écrites a posteriori et parce qu’elles ne concordent pas toujours avec ses actions. Or cette volonté est exprimée ici alors qu’il transforme l’Italie. Peut-être peut-on y voir un  réel  plan de sa part, dessein d‘autant plus réalisable après Austerlitz quand reviendra la paix continentale, soit quelques mois après le Couronnement de Milan. L’adoption du vice-Roi ira dans le sens de la volonté de séparation des couronnes, puisqu’un successeur adoptif est envisagé dès le départ bien que la naissance du Roi de Rome modifiera ce projet dynastique.

Les cérémonies de félicitations au nouveau roi, organisées par les différentes institutions du royaume, durent jusqu’au mois d’avril. Le couronnement a lieu le 26 mai 1805 sous le Dôme de Milan après un voyage à travers le Piémont et tout le royaume. Cette cérémonie est la phase finale de la campagne d’opinion que Napoléon mène depuis deux mois. Le Pape y est absent mais son représentant Caprara le remplace avec seize évêques. Il se couronne lui-même de la Couronne de fer en prononçant la phrase rituelle :

 « Iddio me l’ha data, guai a chi la toccherà ! »

« Dieu me l’a donnée, gare à qui la touchera ! [5]A. Pillepich, op.cit., p.65. »

 Détail symbolique, l’Empereur porte la couronne de fer au dessus de la couronne impériale comme pour rappeler que l’Italie est soutenue par l’Empire [6]A. Fugier,  op. cit. , p.164. . Le passage symbolique de la république au royaume est achevé : l’organisation concrète des institutions peut commencer.

References

References
1 A. Fugier, op.cit. , p.160.
2 A. Pingaud, Bonaparte président de la République italienne, vol. II, p.444.
3 Dufau, Duvergier et Guadet, Collection des constitutions, vol.4, p.302-3, source site internet : www.heraldica.org.
4 A. Pingaud, op.cit., vol. II, p.446.
5 A. Pillepich, op.cit., p.65.
6 A. Fugier,  op. cit. , p.164.