Lettres de Marie-Louise – Septembre 1813

Saint-Cloud, 29 septembre 1813

(Première journée de la bataille de Brienne)

Mon cher Ami. J’ai reçue ce matin ta lettre du 24 datée de Hartau, je suis enchantée de voir que ta santé est toujours bonne et que les communications soient rétablies, je craignais bien que tu ne puisses plus recevoir mes lettres, et je serais fâchée si cela t’avait donné de l’inquiétude. Quant à moi, je ne puis décrire que faiblement tout le plaisir que la tienne m’a fait. J’étais un peu de mauvaise humeur de n’en avoir pas reçue hier, tandis qu’il était arrivé une estafette, mais ne crois pas que j’étais fâchée contre toi, je sens bien que tu ne peux pas m’écrire quand tu est à cheval et que tu est occupé.

J’ai eu le conseil des Ministres ce matin, il n’a pas été très long malgré les débats qu’il y a eu entre plusieurs de ces Messieurs par rapport à la solde et à l’habillement des troupes espagnoles, servant dans ton armée en Espagne; tu te moqueras de moi si je te dis que toutes les fois que je vois ces Messieurs s’échauffer dans une dispute, je prend des peurs qui me donnent envie de me sauver. Tu vois que j’ai un beau courage.

Ton fils t’embrasse, il se porte à merveille et est extrêmement gai, il m’a obligé de lui promettre que je lui donnerai un bonnet de Mameluk de la Garde, il a une passion pour le Militaire et bientôt nous verrons sa chambre remplie, au lieu de joujoux, de tous les attirails militaires.

Ma santé est fort bonne, je me suis promené à cheval pour profiter un peu des dernières belles journées de l’automne, le temps a été superbe, j’ai été au bois de Boulogne. J’ai demain spectacle italien, on dit qu’il y a eu hier une foule incroyable à Feydeau pour assister à la représentation de deux pièces de Grétry où tous les acteurs ont été en deuil à l’occasion de sa mort, on dit que son convoi a été aussi très beau.

J’ai fait donner à la princesse de Neuchâtel des nouvelles du Prince, elle en était très inquiète, car elle n’en avait pas des nouvelles depuis quelques jours.

Adieu, mon cher Ami, crois à tous les tendres sentiments

Ta fidèle Amie Louise