Lettres de Marie-Louise – Avril 1814
Chateaudun, 1er avril 1814, 10 heures du matin
Mon cher Ami.
Seulement deux mots aujourd’hui pour te remercier de ta bonne lettre du 31 que j’ai reçue ce matin à 3 heures, ces lignes m’ont fait bien du bien, j’avais besoin de te savoir bien portant et près de nous. Je suis cependant encore bien inquiète, je suis fâchée de te voir là tout seul, accompagné de peu de monde, je crains qu’il ne t’arrive quelque chose. Cette idée me rend bien malheureuse. Donnes-moi aussi souvent que possible de tes nouvelles, je ne vis que d’inquiétudes, et quand je suis malheureuse, j’ai besoin de savoir que tu m’aimes et que tu ne m’oublies pas.
Le Roi m’écrit que tu lui a mandé que je me rend à Orléans ou à Blois. J’irai donc à Blois, je crois que l’on y sera plus en sûreté. L’ennemi est déjà venu une fois bien près d’Orléans. Je vais coucher ce soir à Vendôme et demain à Blois, il n’y a que 16 lieues de trajet mais je voyage avec tes chevaux, et l’on ne peut pas faire plus de 10 lieues par jour.
Nous avons couché cette nuit dans un bien vilain endroit, dans une mauvaise auberge, heureusement que ton fils y a eu une bonne chambre, voilà tout ce qu’il me fallait. Il se porte à merveille, et pleure dans ce moment pour avoir des joujoux. Dieu sait quand je pourrai lui en donner.
Ma santé n’est pas très bonne, mais tu sais que j’ai du courage, ainsi ne te tourmentes pas. Je trouve des forces pour faire tout ce qu’il faudra encore pour nous mettre en sûreté. Dieu veuille que tu puisses bientôt nous donner de tes nouvelles et avec elles celles de la paix. Voilà le seul désir que je forme dans ce monde, en attendant crois moi pour la vie.
Ta fidèle Amie Louise
Chateaudun, 1er avril 1814, 9 heures du soir
Mon cher Ami.
Je t’ai envoyé ce matin un courrier pour te donner de mes nouvelles ; ce soir, quoique bien fatiguée, je veux t’écrire encore un mot pour une affaire qui me parait assez importante. Le général Caffarelli (Gouverneur du palais de l’impératrice) vient de me trouver pour me représenter tout l’encombrement qu’il y aurait à Blois, si toutes les princesses et rois y restaient. La ville est très petite, et il y a fort peu de logements ; en cas que nous fussions obligés de nous retirer précipitamment, cela ferait un engorgement épouvantable. Le Roi et la Reine de Westphalie ont avec eux une douzaine d’officiers allemands, ce peuvent être de fort honnêtes gens mais ils peuvent aussi être des aventuriers ou des espions, car on ne les connaît pas. D’ailleurs, les Princes et Princesses exigent qu’eux et leur maison soient nourris par ta bouche, cela te fait une dépense effroyable dans le moment où il te faudrait plutôt beaucoup d’économie, et cela nous embarrassera beaucoup pour l’argent. Le général Caffarelli m’a représenté tout cela et m’avait prié de décider qu’à l’exception du roi Joseph, ils iraient tous dans un autre endroit. J’ai dit que je ne pouvais guère le faire, je t’expédie donc pour cette raison un Courier auquel j’ai dit d’attendre ta réponse, je crois qu’une décision est urgente.
J’ai aussi appris que le Roi Joseph avait ordonné à M. de la Bouillerie de laisser un forgeon (fourgon ?)contenant deux millions et demi à Rambouillet, en cas que tu eût besoin d’argent, de sorte que le trésor n’est pas réuni dans le même endroit, je t’écris cela parce que je ne sais pas si tu a ordonné cette mesure. Le Roi voulait me faire aller à Tours, j’ai dit que je ne le ferais pas sans un ordre de ta part, il y règne des épidémies affreuses, des fièvres de prison qui enlèvent 60 personnes par jour, juge comme il serait dangereux d’y aller; pour ton fils et pour moi, nous pourrions gagner des maladies.
Ton fils t’embrasse, il se porte très bien. Je vais aussi assez bien, nous avons fait heureusement notre chemin, nous sommes arrivés à Vendôme à 5 heures, nous y sommes un peu moins mal logé qu’à Châteaudun, nous arrivons demain à Blois. On dit que nous y serons bien et en bon air. Le roi a donné ce soir l’ordre que l’on évacue les prisonniers anglais qui s’y trouvent, ce sont eux qui étaient à Verdun. Il me tarde bien de te savoir de retour à Fontainebleau, je suis bien tourmentée à ce sujet. Je te prie de me donner une prompte réponse à ce que je t’écris. Je t’embrasse et t’aime tendrement.
Ton Amie Louise
Blois, 2 avril 1814, 10 heures du soir
Mon cher Ami.
J’ai reçue cette nuit ta seconde lettre du 31, elle m’a fait bien plaisir, ce sont les seules émotions de joie que je puis éprouver dans un moment où nous sommes si tourmentés. Je suis bien contente de voir que ta santé est bonne malgré toutes les fatigues que tu a dû éprouver, je t’assure que je les sens autant que si je les avais partagées avec toi.
Depuis mon arrivée ici j’ai vu un auditeur, M. de Pallavicini, qui t’a quitté hier à quatre heures, je l’ai accablé de questions, tous les détails qu’il m’a donné sur ta santé ont été bien bons, j’ai besoin de m’entendre répéter souvent cette assurance. Crois, mon cher Ami, que j’ai beaucoup de courage; je sens que nous sommes dans un moment où il en faut plus que jamais, et je suis assez calme, mais j’ai le coeur bien triste; je crois qu’il n’y a que la paix qui me rendra toute ma gaieté, tu devrais bien nous la donner bientôt.
Le Roi Joseph et l’Archichancelier m’ont montrés ce matin une lettre du duc de Bassano par rapport à plusieurs affaires et à cause de mon séjour, on débattra cela demain matin, l’Archichancelier voudrait que l’on t’envoie quelqu’un d’intelligent qui puisse te rendre compte verbalement de toutes les affaires, on n’a pas encore décidé qui. En attendant, je voudrais bien mieux que nous puissions rester ici. Nous y sommes bien mieux que nous ne pourrions être logés à Orléans, ni à Tours, il n’y a pas de maladie, les logements sont spacieux, et l’air y est excellent pour ton fils. En tout cas, il faudra rester demain toute la journée ici, nous avons eu des chemins épouvantables; les escortes qui viennent de faire depuis 5 jours 50 lieues, n’en peuvent plus, et les chevaux qui nous ont menés, ont aussi besoin d’une journée de repos.
Ton fils t’embrasse, il a supporté la route à merveille, ,il est d’une gaieté charmante, il est d’un bien heureux âge, je l’envie souvent, il est charmant en route et nullement embarrassant; c’est un enfant si doux et si aimable, que même les personnes qui le connaissent peu, sont obligés de s’attacher à lui.
Ma santé est assez bonne, nous avons fait 10 lieues dans des chemins affreux et dans une telle boue qu’on n’a pu aller qu’au petit pas, aussi suis-je bien fatiguée. Je loge ici à la Préfecture, j’y suis à merveille et ton fils aussi, nous avons une vue superbe sur la Loire. Je recevrai demain les autorités le matin, comme je fais un séjour, je n’ai pu m’y refuser.
Je viens d’envoyer dans ce moment le maréchal des logis à Orléans, pour savoir à cause des logements s’il y aura de la place; on dit qu’il y a déjà plus de 10.000 personnes de plus que la population. Il viendra demain me rendre réponse.
J’aurai aussi demain le conseil des Ministres. Ces messieurs croient que tu devrais bien me permettre de t’envoyer quelqu’un qui dans les circonstances présentes pourrait demander beaucoup de choses que l’on ne pourrai pas écrire, comme de discuter sur l’endroit où je devrait me retirer, si j’étais obligée de quitter Orléans. Si tu veux donc que nous t’envoyons quelqu’un, je te prierai de me désigner la personne.
Je reçois dans l’instant ta lettre de ce matin, je suis bien contente d’avoir aussi exactement de tes nouvelles, ce que tu me dis de la possibilité de nous réunir bientôt m’a bien plaisir, c’est la seule chose que je pourrais avoir pour consolation dans ce moment. En attendant, je te promets de soigner ma santé. Tout ce que tu me dis sur ce que je te suis nécessaire pour ton bonheur, me touche vivement, mais ce que je sens, par dessus tout, c’est qu’il n’y a personne qui t’aime aussi tendrement et qui voudrait te donner tant de preuves de son dévouement que
Ta fidèle Amie Louise
Blois, 3 avril 1814, 8 heures du soir
Mon Cher Ami.
Je n’ai pas reçue de tes nouvelles depuis hier au soir, le temps me parait bien long, j’espère être assez heureuse pour en avoir cette nuit et de te savoir toujours tranquille à Fontainebleau.
J’ai eu hier le conseil des Ministres dont je t’ai parlé hier au soir ; tous ces Messieurs ont été d’avis que je reste à Blois jusqu’au moment où nous pourrons avoir une réponse de toi. Ils trouvent beaucoup d’inconvénients au séjour d’Orléans, ces inconvénients doivent t’être expliqués dans le procès-verbal de la séance que l’on doit t’envoyer ce soir. M. de la Bouillerie est aussi d’avis qu’on n’y envoie pas le trésor, il craint qu’il ne soit trop près du théâtre de la guerre, et il craindrait qu’en cas d’événements fâcheux, il n’eusse pas le temps de l’évacuer. Pour le reste des mesures desquelles le Duc de Bassano a parlé à l’Archichancelier dans sa lettre, on a réglé différentes choses ; le ministre de la police doit s’occuper de la rédaction d’un journal dans lequel on insérera les bulletins que tu voudras nous envoyer. Les Ministres ont fini par conclure que la paix était une chose indispensable dans l’état actuel et qu’il fallait la faire à tout prix ; ces Messieurs se proposent de t’écrire là-dessus et de t’exposer leurs différends motifs, je me borne à faire des voeux pour qu’elle soit possible, cela me rapprocherait de toi, et cela mettrait fin à tant de tourmentes et d’inquiétudes auxquelles nous sommes exposés depuis tant de temps.
J’ai vu M. de Nicolay (Chambellan) cette après dîner, il est sorti de ce pauvre Paris un quart d’heure avant que l’ennemi n’y entrât, mais tu dois avoir des nouvelles plus récentes. J’ai reçu aujourd’hui à 5 heures les autorités, comme elles ont demandés à voir ton fils, je l’ai mené avec moi, ils l’ont trouvé le plus bel enfant qu’il soit possible de voir, il venait de se réveiller de sorte qu’il avait des couleurs magnifiques. Il se porte très bien et a été toute la journée à l’air sur une terrasse qu’il a près de son appartement, cela lui a fait grand bien.
Ma santé est assez bonne, je me suis promenée dans le jardin d’où l’on découvre une vue superbe sur la Loire ; on voit de loin les tourelles du château de Chambord.
J’ai eu la famille à dîner, je viens de rentrer pour fermer ma lettre. Le Roi Joseph m’a dit que tu nous envoyais le grand Maréchal, je l’attends avec bien de l’impatience, j’espère qu’il me donnera de bonnes nouvelles de toi, au moins sera-t-il bien questionné, j’ai besoin d’avoir fréquemment de tes nouvelles pour soutenir mon courage qui veut m’abandonner par moments; il est vrai que notre position n’est pas belle, et comme je suis la personne qui t’aime le plus, je me tourmente tant pour toi, mais je ne veux pas te parler d’aussi tristes choses, je sens que cela doit t’affliger et tu n’a pas besoin de chagrins. Je finis donc en t’assurant qu’il n’y a personne au monde qui t’aime comme
Ta fidèle Amie Louise
Blois, 4 avril 1814
Mon cher Ami.
Je t’ai écrit ce matin un mot par le Roi Joseph, cependant je ne veux pas laisser partir l’estafette sans te donner encore une fois de nos nouvelles. Le Duc de Cadore est parti il y a 2 heures, il a emporté un duplicata de ma lettre en cas que une des deux ne fut prise. J’espère, et je désire encore plus, que nous le voyons revenir bientôt avec de bonnes nouvelles. Il y a vraiment trop longtemps que tu es malheureux, toi qui méritait tant d’être si heureux, mais je ne veux pas parler de cela, je sens que je t’attristerai beaucoup, si je te disais toutes mes idées.
Nous allons prendre des mesures pour diminuer l’encombrement de Blois, et pour parvenir à cela, nous allons tâcher de faire filer autre part beaucoup de monde qui est arrivé depuis mon départ. Ces Messieurs ont cru qu’il fallait charger le Ministre de la police d’ouvrir les dépêches du Ministre de la guerre pendant l’absence de ce dernier. L’Archi-chancelier m’a aussi conseillé de charger M. Regnaud de St Jean d’Angely (Président de la section des affaires étrangères du Conseil d’État) des fonctions de secrétaire d’état de la régence, jusqu’au retour du duc de Cadore.
Ton fils t’embrasse, il se porte à merveille, il a joué beaucoup toute la journée, le mauvais temps l’a empêché de sortir, mais cela ne l’a pas empêché d’être fort gai.
Ma santé est assez bonne, j’avais si peur de ce que tu ne t’inquiètes mal à propos à ce sujet que j’avais presque envie de prier M. Corvisart de me faire un bulletin pour te tranquilliser, j’espère qu’en attendant tu me croiras sur ma parole. Je te prie de croire à tous les tendres sentiments de
Ta fidèle Amie Louise
Blois, 7 avril 1814
Mon cher Ami. je t’écris aujourd’hui par une occasion sure, par un aide de camp du prince de Neufchâtel, de sorte que je pourrai te dire tout ce que j’ai fait depuis ce matin.
Je suis bien inquiète de ne pas avoir plus fréquemment de tes nouvelles dans un moment où tu es malheureux et ou tu cours tant de dangers ; tout ce que je désirerais dans cette occasion, ce serait de me réunir à toi, si cela était possible ; je serai plus courageuse, plus calme, en pensant que je partage ton sort, je te consolerai autant que possible de tous les revers que tu éprouves, et je tâcherai de pouvoir t’être utile à quelque chose. Tu me connais assez, mon Ami, et je te promets que ma vue ne te chagrinera pas, ainsi, de grâce, fais moi venir.
Je crains que le duc de Cadore ne soit pas parvenu jusqu’à mon père, car les russes arrêtent, à ce que l’on dit, toutes les lettres qui pourraient l’informer de ce qui se passe; j’ai donc pris le parti de lui envoyer quelqu’un d’autre par la route de Dijon; ces Messieurs ont jugé que M. Regnaud de St Jean d’Angely serait le plus capable. Je lui ai donné la même lettre qu’au duc de Cadore, en disant à mon père, que je savais toutes les propositions généreuses que tu avais fait pour le bien de la France et que l’ennemi ne les avait pas acceptées. Je lui ai dit [à St Jean d’Angely] de prendre une route qui fasse que ce soit les Autrichiens qui nous prennent.
La garde murmurait un peu ici de ce que l’on ne donnait pas la solde arriérée, j’ai dit avec le conseil du Roi que l’on mette 500.000 à la disposition de M. Mollien pour acquitter ses dépenses.
Je crois que les Princesses et Rois songent sérieusement à aller dans d’autres endroits. Le Roi Joseph m’a dit qu’ils étaient dans un dénuement absolu, il m’a dit qu’en partant tu lui avais dit que tu mettrais deux millions à sa disposition et qu’il me prierait de donner cent mille écus à chacun, cela a fait neuf cent mille francs. Tu devrais bien donner un ordre sur ce que l’on doit faire avec le trésor et où le mettre ; je crains qu’il n’attire les cosaques.
Chartres est pris, les Anglais ont déjà fait une apparition à Saintes, de sorte que Tours n’est pas fort sur. Cette raison nous a déterminé aussi à rester à Blois – où aller ? Notre situation est terrible, mais la tienne l’est encore plus, elle me fend le coeur. Tu devrais bien m’envoyer quelqu’un pour me dire ce que je dois faire, tout le monde a perdu la tête ici, depuis le premier jusqu’au dernier.
Ton fils t’embrasse, il se porte bien, il est si heureux, ce pauvre petit, il ne se doute de rien, qu’il est heureux !
Ma santé est bonne, dans les grandes circonstances elle se soutient assez pour être bonne à tout ce que tu veux m’ordonner, je serai bien contente quand je serai réunie à toi. J’envoie un Courier qui attendra ta réponse, je te prie de ne pas nous laisser dans cette cruelle incertitude. D’ailleurs, je voudrais que tu me répondes aux questions que je te fais dans cette lettre. Je t’embrasse et t’aime tendrement.
Ta fidèle Amie Louise
Blois, 8 avril 1814
Mon cher Ami.
Je t’envoie un Courier, homme intelligent, pour te prier de me donner tes ordres et de te prier en grâce de permettre que je vienne te rejoindre, car l’on me fait tourner le sang ici. Il y a 100 cosaques à Châteaudun.
Le Roi est venu ce matin pour m’engager à aller me jeter dans les bras du premier corps autrichien que je trouverais. Il m’a dit qu’ils me suivraient, qu’ils n’avaient de sûreté que là, que l’Empereur d’Autriche leur assurait un sort, et qu’il ne fallait pas te conseiller dans un moment où il n’y avait pas de temps à perdre et où tu désapprouverais peut être cette démarche.
Je lui ai répondu que je croyais que ce serait une trahison de ma part, que tant qu’il me resterait un souffle de vie, je te resterais attachée, que d’ailleurs je ne savais pas si les corps autrichiens de Lyon n’étaient pas gagnés par les Russes, et que je ne voulais pas m’abandonner à leur merci. Il m’a dit que c’était de mauvais raisonnements, et le Roi de Westphalie m’a répondu qu’ils me feraient bien partir de force. Alors, j’ai consenti d’aller à Rambouillet, bien décidé de ne pas aller plus loin. Mais au moment où il voulait donner les ordres du départ, les officiers de la garde sont venus dans la cour et ont déclaré qu’ils ne souffriraient pas qu’on me fasse partir, qu’ils étaient décidés à se faire hacher en pièces pour toi, ton fils et moi – que ils savaient qu’on voulait me faire partir du côté des Autrichiens et qu’ils ne le feraient pas, à moins que cela soit moi ou toi qui leur donne l’ordre et que si tes frères avaient peur, ils n’avaient qu’à s’en aller; ils ont dit à qui voulait l’entendre, que d’ailleurs ils se feraient plutôt tuer que d’abandonner ton fils, on les a apaisés, et ils se sont retirés fort contents. J’ai alors déclaré au Roi que je ne partirais pas, que tout le monde était de cet avis et que je voulais attendre tes ordres, cela les a mis fort en colère, cela est égal ; je me mets au dessus de cela.
J’attends donc tes ordres, et je te prie de me faire venir. J’ai prises différentes dispositions que je te dirai moi même. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne peut pas aller à Bourges, car il nous est venu de fort mauvais rapports sur M. de Sémonville (Commissaire extraordinaires à Bourges).
Ton fils se porte bien, moi aussi. Je t’embrasse et t’aime tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
Blois, 8 avril 1814
Mon cher Ami.
Je t’écris un mot pour te dire que je pars demain matin pour Orléans et que je serai après-demain à Fontainebleau. J’ai besoin de te voir et de partager es chagrins.
Ton fils se porte bien. Je suis bien malade, j’ai une grosse fièvre, j’espère encore avoir assez de forces pour pouvoir me traîner jusqu’à Fontainebleau, au risque de ce qui pourra arriver à ma santé après Je t’aime et t’embrasse de tout mon coeur
Ta fidèle Amie Louise
Orléans, 10 avril 1814 (au matin)
Mon cher Ami.
J’ai reçue tes deux lettres par M. Anatole Montesquiou, je vois avec peine tous tes chagrins, tout ce que je désire c’est de pouvoir te consoler, et de te prouver combien je t’aime. Je suis persuadée que je pourrais beaucoup sur l’esprit de mon père, je viens de lui écrire pour le prier de me permettre d’aller le voir, et je suis décidée de ne pas partir [avec toi] avant ce moment. Je suis convaincue que je pourrai beaucoup sur son esprit et que j’agirai là dans l’intérêt de ton fils. Si je ne peux pas le voir de quelques jours, je te rejoindrai après, et, je suis convaincue, avec de meilleures nouvelles que l’on ne pense, car tu ne doutes pas de mon tendre attachement et de tous les soins que je mettrai à te consoler.
Je ne t’envoie pas la liste des personnes pour le voyage. Mme de Montesquiou et la Duchesse de Montebello sont décidées à nous accompagner jusque là et puis de retourner près de nos [= leurs] enfants après.
Au reste, je te répète encore un fois, mon cher Ami que je suis décidée à ne pas partir jusqu’après que j’aurai vu mon père ; je crois que c’est mon devoir, tes intérêts et ceux de mon fils. D’ailleurs, mes forces physiques et morales ont trop souffert par les inquiétudes que j’ai éprouvées pour toi, je suis malade, et dans un état à ne pas pouvoir bouger de chez moi, mais ce qui me chagrine le plus, c’est de voir tous tes malheurs, tout ce que je désire, c’est de les partager avec toi, en attendant, je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
Si tu veux me laisser aller voir mon père, je suis sûre, presque sûre, que j’obtiendrai la Toscane.
Orléans, 10 avril 1814
Mon cher Ami.
Je t’ai écrit ce matin pour te remercier de tes deux lettres. J’attends avec bien de l’impatience de tes nouvelles, j’ai besoin d’en avoir souvent en ce moment où je te sais si tourmenté et triste. Au moins tu dois l’être à en juger après ce que je suis.
J’ai toujours encore de l’espoir dans l’idée que je verrai mon père, il est bon, il se laissera toucher par mes larmes et tu auras un meilleur sort, car quoique tu iras rester dans l’île d’Elbe, tu régneras aussi dans les possessions que l’on pourrait nous donner, car j’entends par là la Toscane.
Tout le monde demande à nous quitter, cela me dégoûte bien de cette terre parce que j’y vois tant d’ingrats. La Duchesse et M. Corvisart ont demandé à me suivre jusqu’à Livourne, M. Menneval aussi. Le Prince Aldobrandini a déclaré qu’il ne le ferait pas. Il y a deux de mes premières femmes qui viennent, et 3 des secondes, et comme tout le service de mon fils et même à ce que je crois, Mme de Montesquiou l’abandonne, on pourrait en mettre une de celles là près de lui.
J’ai fait donner de l’argent à différentes personnes que je laisserai ici, j’ai pensé que tu ne le trouverait pas mauvais, j’ai prié M. de la Bouillerie de me donner pour cela 900.000 francs.
Je ne te parle pas de ma mauvaise santé qui se détraque tous les jours un peu plus, dans le moment où je te parle, j’ai la fièvre bien fort, je crache le sang, tout ce que je désirerais c’est d’avoir assez de force pour soutenir toutes ces secousses mais elles m’abandonnent, je sens que j’ai besoin de repos et de grands soins. Je n’aurai le premier que quand je te saurai et verrai heureux et content et familiarisé avec ta triste position. C’est le seul bonheur que je désire après celui d’être toujours aimée de toi. Mais j’attends beaucoup de la démarche que j’ai fait auprès de mon père, aussi attendrai je ici avec bien de l’impatience la nouvelle de la permission de le voir. Je t’aime et t’embrasse de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
P.S. J’ai vu ce soir M. Anatole Montesquiou, il m’a donné plus que jamais l’envie de te rejoindre, j’espère que tu seras plus heureux que le sort ne parait te favoriser.
Note des personnes qui veulent m’accompagner :
La Duchesse de Montebello
Madame Brignole .
Le général Caffarelly
M. Corvisart
M. Menneval
Mme Kastener [Katzener, femme rouge]
Mme Rabusson [lectrice]
Mme Durand [femme rouge]
Si on ne peut amener que 2, j’aime mieux les premières
Femmes de garderobe
Mme Eduard [femme noire]
Mme Geoffroy
Mme Barbier [femme noire], cette dernière ne garantit que son mari la laisserait dans l’île, mais Mme Aubert qui désirerait venir et qui est à Paris, la remplacerait.
Une fille de garde-robe.
Orléans, 11 avril 1814 à 11 heures du soir
Je vois dans ce moment le général Fouler (écuyer de Marie-Louise)’ qui m’apporte ton aimable lettre, crois, mon cher Ami, que je mettrai tout mon bonheur à te consoler et à te prouver que je t’aime tendrement. Je ne sais pas encore si Mme de Boubers a envie de venir avec nous, j’en serais enchanté, parce que c’est une excellente personne. J’attends tes ordres pour venir te rejoindre, j’espère que j’aurai la force de supporter le voyage, si tu me permets de m’arrêter pendant quelques jours au milieu de notre voyage, car ma poitrine ne vas pas bien. M. Corvisart est toujours d’avis que j’ai besoin de me soigner et de prendre des eaux, mais ce ne serait que quand je te verrai bien tranquille et bien installé quelque part.
J’écrirai demain à mon père, en attendant je vais me coucher, car je suis bien fatiguée et souffrante. Mme Brignole m’accompagnera si tu veux bien le permettre. Je tâcherai de pouvoir voir mon père en route. Adieu, mon bon Ami, je t’aime et t’embrasse de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
Orléans, 11 avril 1814 (au soir)
Mon cher Ami.
Je suis bien tourmentée de ne pas avoir de tes nouvelle, j’en ai besoin dans un moment où tant d’intérêts m’occupent tant. J’aurais besoin de te savoir heureux, car ce n’est qu’alors que je pourrai avoir un peu de tranquillité et de repos. J’attends avec une bien vive impatience de tes nouvelles, et des nouvelles de mon père qui, j’espère, me donnera la permission d’aller le voir. J’espère que ma vue fera beaucoup sur lui et qu’il m’écoutera pour les intérêts de ton fils et, par conséquent, pour les tiens. J’espère obtenir quelque chose, et je tâcherai de le voir pour cela, dussé-je même en souffrir beaucoup, car je suis toujours bien souffrante et bien fatiguée ; je t’assure que si je ne désirais pas rester dans cette vie pour te consoler, j’aimerais assez à mourir, mais j’ai envie de vivre pour tâcher de te consoler et de t’être utile.
Ton fils se porte bien, Madame me charge de t’envoyer sa lettre, elle vient de me quitter avec le Cardinal pour aller à Rome. Elle est bien triste, elle m’a dit que tout ce qu’elle désirait, ce serait de partager ton sort, et de venir te joindre. M. de la Bouillerie doit partir aujourd’hui, de manière que le trésor reste abandonné, j’ai donc dit qu’au lieu de 3 millions, on nous en mette quatre dans nos voitures, ce sera toujours un peu plus d’argent pour toi. Tu devrais bien penser à ce pauvre M. Menneval, il est décidé à me suivre jusqu’au bout de la terre et à y venir et à s’y établir avec moi, mais ses affaires sont embarrassées, il a 200.000 francs de dettes, à ce que j’ai appris ; tu devrais bien lui donner une somme de 150.000 francs pour les payer en partie. Il le mérite bien par le dévouement qu’il a pour toi. J’attends à ce sujet une réponse de toi.
J’ai fait donner 500.000 francs à Mme de Montesquiou pour distribuer au service de mon fils, et je donnerai aussi quelque chose au mien. Ton bon coeur ne pourra pas le trouver mauvais. Tâche, mon cher Ami, de te bien porter, cette assurance m’est nécessaire pour soutenir ma pauvre santé qui bientôt ne pourra plus résister aux secousses qu’elle éprouve depuis deux ans. Je me soigne, en attendant que mon père me fasse die de venir le voir. Pense un peu à celle qui ne t’a jamais aussi tendrement aimé que dans ce moment.
Ta fidèle Amie Louise
Orléans, 12 avril 1814 (au matin)
Mon Cher Ami.
Je reçois dans ce moment ta lettre que tu m’as envoyée par M. de Bausset. Je te promets d’avoir du courage; j’espère que dans peu de jours j’aurai assez de force pour prendre le dessus et de montrer que je suis digne de t’appartenir. Mais dans un moment où je reçois tant de preuves de dévouement et d’attachement des personnes qui me quittent, il m’est impossible que mon coeur ne saigne pas cruellement.
- de Sainte-Aulaire vient de m’apporter une lettre de M. de Metternich qui me dit que l’on m’assure un sort indépendant ainsi qu’à mon fils, et que je ferais toujours bien en attendant que cela soit arrangé, d’aller en Autriche pour attendre que tout soit réglé, il a dit en même tems à M. de Sainte Aulaire que même si je ne faisais pas cela (comme tu dois le supposer), mon père désirait extrêmement me voir; ne crois -tu pas que je ferais bien d’attendre ici le moment où il me donnera la permission de venir le voir, et que je vienne te rejoindre sur le champ après, car il parait que c’est impossible que je voie mon père en route. M. de Metternich écrit que mon père arrivera demain à Paris. J’attendrai donc ici ta réponse à cette lettre, je te prie donc de me la donner sur le champ.
J’ai, en attendant, tout arrangé pour le voyage, j’emporterai plus de cinq millions avec nous dans les voitures, et comme j’avais des dépenses à payer, je me suis fait donner le mois de Mars et d’Avril à la fois, j’ai pensé que tu ne le trouverais pas mauvais ; d’ailleurs, j’étais contente d’envoyer un peu d’argent à celles de mes femmes et ceux de mes gens qui restent sans pain à Paris.
Ma santé ne va pas bien, je désire cependant pouvoir soutenir le voyage jusqu’à Parme; je m’y reposerai avec ta permission et j’irai après prendre les eaux. Corvisart dit que les bains de Pise et de Lucques seraient aussi contraire l’une que l’autre pour moi; comme il m’accompagnera pendant quelque temps, il se propose de t’en parler lui même dans le voyage, mais il insiste toujours pour que je me repose à Parme, et que je suive là un régime. J’attendrai donc ici avant de te rejoindre la réponse à ton courrier, je te prie de me la donner sur le champ.
Le prince Esterhazy va arriver, je t’écrirai ce qu’il m’a dit. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise.
Orléans, 12 avril 1814, l’après-midi
Mon Cher Ami.
Je t’ai écrit ce matin par un courrier, je t’écris encore un mot au moment de me mettre en voiture pour aller à Rambouillet. Le Prince Esterhazy et le Prince de Liechtenstein viennent d’arriver pour m’engager de la part de mon père à partir sur le champ pour Rambouillet, parce qu’il s’agissait de tes intérêts, de ceux de ton fils, le Duc de Vicence même nous l’a fait dire, je leur ai dit que je ne pouvais pas partir sans avoir ton consentement, ils m’ont dit qu’on ne pouvait pas l’attendre, et que même si je voulais partir avec toi sans avoir vu mon père, ils l’empêcheraient de tous les moyens possibles. Alors j’ai pensé qu’il fallait consentir de bonne grâce, j’ai l’âme noire d’être obligée de partir comme cela sans t’avoir vue, cette idée me met tellement au désespoir que je ne sais que devenir; mais ne soit pas fâché contre moi, mon cher Ami; je ne peux pas l’empêcher, je t’aime tant, que cela me déchire le coeur; je crains que tu ne pense que ce soit un complot que je ne forme contre toi avec mon père. Mais quand je l’aurai vu, je viendrai te rejoindre, il faudrait être bien barbare pour m’en empêcher, et si on le voudrait (sic), je t’assure que l’on ne le pourrait pas. Je veux partager ton malheur, je veux te soigner, te consoler, t’être utile, et adoucir tes chagrins. Je sens que j’ai besoin de cela pour vivre, pour ne pas succomber à ce dernier coup.
C’est ton fils qui est bien heureux, il ne sent pas toute l’étendue de son malheur, pauvre petit, ce n’est que toi et lui qui puissent me faire supporter la vie. Je l’emmène avec moi, je crois qu’il touchera le coeur de mon père, et je pourrai te le ramener après, car je veux vivre avec toi; plus on me veut séparer de toi, plus je sens le besoin d’être près de toi pour te soigner. Tâches au moins, en attendant, que je te voie bientôt et que je puisse t’écrire tous les jours ; j’en ai bien besoin, je suis si triste, si souffrante que je sens que je ne survivrai pas à tous ces malheurs que l’oh menace; au moins sois persuadée qu’il n’y a personne qui t’aime et te chérisse aussi tendrement que moi, je ne désespère pas de pouvoir t’en donner bientôt des preuves. En attendant, pense à moi et aimes toujours un peu celle qui t’embrasse tendrement.
Ta fidèle Amie Louise
Je laisse quelqu’un ici pour t’envoyer mes lettres et pour m’envoyer les tiennes, et je suis persuadée que dans peu je te manderai quelque chose de bon ou, ce que j’aime encore mieux, je te l’apporterai moi-même.
Mi-chemin Orléans Rambouillet, 12-13 avril 1814
Je t’écris un mot par un officier polonais qui vient de m’apporter à Angerville ta lettre, tu sauras déjà que l’on m’a fait partir d’Orléans et qu’il y avait des ordres de m’empêcher d’aller te rejoindre, même à recourir à la force. Sois sur tes gardes, mon cher Ami, on nous joue, je suis dans des inquiétudes mortelles pour toi, mais j’aurai du caractère en voyant mon père, je lui dirai que je veux absolument te rejoindre, et que je n’entends pas qu’on me fasse violence pour cela. Nous avons emporté ce que nous pouvions du trésor, je te le ferai passer par tous les moyens possibles, mais je suis sûre plutôt que je te l’apporterai moi même.
Ton fils dort dans ce moment, ma santé va mal. Je tiendrai ferme de ne pas aller plus loin que Rambouillet, fies-toi à mon amour et à mon courage dans cette occasion. Je t’aime et t’embrasse tendrement.
Ton Amie Louise
Rambouillet, 13 avril 1814
Mon cher Ami.
Je t’ai écrit hier un mot par l’officier polonais que tu m’as envoyé. Je t’écris malgré cela encore aujourd’hui, quoique je craigne que cela ne te parvienne pas, mais l’idée de ne pas pouvoir te donner de mes nouvelles m’est insupportable. Je désire bien que tu ne sentes pas autant le besoin d’avoir des miennes que j’ai celui d’avoir de tes lettres. Je suis bien malheureuse, bien triste, et je tâche seulement de prendre sur moi pour être plus propre à te consoler, car tout ce que je désire, c’est de pouvoir partager ta mauvaise fortune et de pouvoir t’être utile.
Mon père n’est pas encore arrivé. On dit qu’il va venir demain. J’attends avec bien de l’impatience ce moment pour pouvoir venir te rejoindre tout de suite après où je te trouverai.
Ton fils a soutenu la route à merveille. C’est vraiment un enfant charmant. Il devient tous les jours plus aimable. Il ne se propose pas de faire un très bon accueil à l’Empereur d’Autriche, et je crains, quoi que nous lui disions, qu’il y tienne beaucoup.
Ma santé est toujours mauvaise. Je suis si malheureuse loin de toi que je sens que je ne pourrai entièrement me rétablir que quand je te reverrai. En attendant, je suis bien fatiguée d’avoir passé toute la nuit. Le chemin a été affreux. Je me suis couchée tout de suite en arrivant. Je ne fais que penser à toi. Tu es si bon et si malheureux, et tu mérites si peu de l’être. Au moins, si tout mon tendre amour pouvait te servir à te faire espérer un peu de bonheur, tu en aurais encore beaucoup dans ce monde. J’ai l’âme déchirée de ta triste situation. Je finis. Je sens que je t’affligerais. Je te prie de ne jamais douter de tous les tendres sentiments de ta fidèle amie
Louise
Fontainebleau, 14 avril 1814, au soir
Mon cher Ami.
Le général Flahault est arrivé cette après-dînée à Rambouillet, il m’a remis ta bonne lettre, et tu croiras bien que je l’ai bien questionné à ton sujet. J’ai été bien touchée en entendant parler de la manière courageuse dont tu supportes tous tes malheurs ; ce courage n’est vraiment digne que de toi. Je t’assure que cette crise m’a aussi bien dégoûtée du monde et des hommes, comme j’ai vu de l’ingratitude et de la fausseté depuis quelque temps. Je crois que l’île d’Elbe est le seul endroit qui puisse nous convenir, c’est la où je pourrai vivre heureuse dans ta société.
Mon père n’est pas encore arrivé, j’ai reçue en attendant une lettre de lui qui était du 12, il me disait qu’il était à Troyes et qu’il ne pourrait être qu’aujourd’hui à Paris, je dois donc suivre les conseils de Metternich qui est son seul et véritable ami, et qui, par conséquent, pensera à sa fille et son petit fils. Ce qui me révolte dans cela, c’est qu’il ne dit pas un mot de toi, mais je lui ferai tes commissions, et ce que tu peux être sûr, c’est que pour rien au monde on ne me fera aller en Autriche, car ma place est près de toi et mon devoir et mon inclination m’y guident.
D’ailleurs, s’ils veulent me faire partir pour Vienne, je ferai la malade, car j’ai gagné un grand mal de gorge avec la fièvre, et je ne me suis levée que pour voir M. de Flahault et j’ai été obligée de me recoucher après, je ne sais quelle maladie j’ai, il me vient des plaques rouges sur la peau, je crains que cela ne devienne la rougeole.
Ton fils se porte à merveille, je me suis promenée avec lui devant la maison, il m’a beaucoup parlé de toi, ce pauvre enfant, je t’assure que je redouble à présent de soins pour lui. Je le traite en grand garçon, je le fais déjeuner avec moi, ce qui l’enchante et ce qui ne fait pas de mal à la dépense qui est bien forte. J’ai mis M. de Bausset à la tête du service de la bouche pour prêcher un peu d’économie, car je crois que tu en as besoin.
Je te prierai de me dire ce qu’il faut faire avec le trésor, j’ai plus de deux millions ici; il m’embarrasse, je voudrais pouvoir te le faire passer en lettres de change. En attendant, crois à tous les tendres sentiments de celle qui ne connaît d’autre bonheur que d’être réunie à toi
Ta fidèle Amie Louise
Rambouillet, 15 avril 1814
Mon cher Ami.
Je ne t’écris qu’un petit mot par M. de Flahault, je l’ai chargé de te dire verbalement tout ce qu’il aurait pu recueillir ici. Je crains bien que l’on nous joue et que l’on veuille m’empêcher de te rejoindre, mais j’y tiendrai, parce que je sens que ce serait un coup auquel je ne pourrais survivre; je t’aime trop pour cela.
Mon père, ou plutôt M. de Metternich, vient de m’envoyer le comte Paar pour me dire que mon père venait aujourd’hui à Paris et qu’il voudrait bien que j’aille à sa rencontre ou que je me rende à Trianon, je lui ai déclaré que j’étais décidée, à l’attendre aujourd’hui, même s’il le fallait pendant huit jours, ici, que je ne me portais pas bien et que j’avais si mal à la gorge que je ne pouvais pas sortir. Je suis sûre qu’ils font tout cela pour m’entraîner en Autriche mais je suis décidée en tout cas de ne pas souscrire à cette condition, j’insisterai beaucoup pour aller te rejoindre, car j’y tiens entièrement, car j’espère pouvoir te consoler là bas. Il parait que depuis que je suis partie, on a encore pris la partie du trésor qui était à Orléans, j’en suis désolée pour toi, tu dois manquer d’argent dans ce moment.
Ton fils se porte bien, il est très gai et surtout très content de se trouver à Rambouillet, il est bien heureux d’être aussi jeune, il ne sent aucun chagrin, je l’envie bien.
Ma santé va mal, j’ai eu de la fièvre toute la nuit, j’espère que cela se passera, mais c’est toujours un bon prétexte pour ne pas aller à Trianon. En attendant, je suis bien triste de ne pas te voir, le courage me manque tout à fait. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
Rambouillet, 16 avril 1814
Mon cher Ami.
Mon père vient d’arriver il y a 2 heures, je l’ai vu sur le champ, il a été très tendre et bon pour moi, mais cela a été anéanti par le coup le plus affreux qu’il ait pu me porter, il m’empêche de te rejoindre, de te voir, il ne veut pas me permettre de faire le voyage avec toi. J’ai eu beau lui représenter que c’était mon devoir de te suivre; il m’a dit qu’il ne le voulait pas, et qu’il voulait que je passasse deux mois en Autriche et qu’après je m’en aille à Parme, d’où j’irai te voir. Ce dernier coup me tuera, tout ce que je désire, c’est que tu puisse être heureux sans moi, car pour moi, il m’est impossible d’être heureuse sans toi.
C’est M. de Flahault qui t’apportera cette lettre, je te prie, donne-moi de tes nouvelles aussi souvent que possible, je t’écrirai tous les jours, et je penserai toujours à toi. Aies bon courage, au mois de Juillet j’espère pouvoir aller te voir, je ne l’ai pas dit à ces Messieurs, mais j’y tiens beaucoup.
Ma santé va de plus mal en plus mal. Je suis si triste que je ne sais que te dire, je te prie encore une fois de ne pas m’oublier et de croire que je t’aimerai toujours et que je suis bien malheureuse. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise
Rambouillet, 17 avril 1814
Mon cher Ami.
J’ai passé une nuit bien triste aujourd’hui, le coup qui me sépare de toi pour quelques mois, m’est si douloureux que je ne puis pas encore m’y faire, et que je ne m’y résignerai jamais. Je suis bien triste de l’idée de ne pas te voir, le Duc de Vicence aura pu te dire tout mon chagrin, car je le lui ai bien témoigné; comme tu en dois aussi souffrir, je sens que je t’aurai consolé, que j’aurais adouci tes chagrins, j’aurais apporté avec moi dans ta retraite le même dégoût des hommes que tu me dis d’avoir, j’aurais mis tout mon bonheur à te rendre heureux, et voilà qu’on vient me ravir cette seule consolation, aussi suis-je bien malheureuse, mais crois, mon cher Ami, qu’avant quatre mois nous serons réunis.
Le Duc de Vicence a du t’apporter de l’argent, je garderai, si tu permets, la quantité suffisante pour faire mon voyage. Je viens de voir mon père qui m’a montré lui même l’intention de me promettre de te rejoindre. J’ai déclaré à mon père que je voulais me mettre à la campagne, arrivée à Vienne, et que là je ne recevrais personne, que j’étais trop triste et malheureuse pour qu’il puisse l’exiger de moi; il me l’a promis, je veux aussi éviter toutes les cours d’Allemagne, et j’aime mieux faire un détour de quelques lieues que de m’y exposer. On dit que l’Empereur Alexandre viendra me voir après demain, quelle triste chose encore que celle de le recevoir, à quelles humiliations sommes-nous encore exposés ?
Je partirai jeudi d’ici, je ne sais plus encore la route que je suivrais, je te le dirais demain, car je veux t’écrire tous les jours, et on me facilitera la manière d’avoir tes réponses, de manière que si je ne puis pas avoir de tes lettres, je te prierai de me faire écrire par quelqu’un d’autre, j’ai bien besoin de te savoir bien portant et heureux, cela m’aiderait à supporter mon malheur.
Ton fils t’embrasse, il se porte bien, il a été bien aimable pour son grande père, il demande toujours après son Papa, cela me fend le coeur, et quand il me voit pleurer, il demande si j’ai du chagrin.
Ma santé n’est pas bonne, j’ai toujours extrêmement mal à la gorge, je crains que cela ne devienne une esquinancie (???), je ne sais pas si je ne devrais pas désirer mourir, puisque je ne suis pas avec toi. Crois au moins que je t’aime bien tendrement et que je suis pour la vie
Ta fidèle Amie Louise.
Rambouillet, 18 avril 1814 (au matin
Mon cher Ami.
Je viens de voir M de la Place que tu viens de m’envoyer, avec une bien bonne lettre de toi qui m’a bien touchée et bien émue. Il te dira comme j’ai envie de te rejoindre, et comme j’y compte dans peu de mois me trouver dans l’île d’Elbe avec toi. J’ai besoin de cela pour mon bonheur. Je suis au moins contente de savoir que tu as pris ton grand courage dans cette occasion, cela me console un peu du chagrin que j’ai. Je te promet de t’écrire tous les jours, et si je ne peux pas les envoyer journellement, j’en enverrai plusieurs à la fois d’un autre côté. Je te prierai aussi de me donner bientôt fréquemment de tes nouvelles. Je tâcherai encore de négocier chez mon père la permission d’aller tout de suite aux eaux, je crains que je ne l’obtiendrai pas, mais enfin je tenterai toujours, sans cela je m’y rendrai au mois de Juin, et après dans l’île d’Elbe.
J’ai fait la commission à Corvisart, il en a été bien touché, il me prie de t’exprimer tout le chagrin qu’il a de ne plus te voir, il t’est bien sincèrement attaché, et il le prouve bien dans ce moment où tout le monde t’abandonne et m’abandonne et où il reste avec moi. Il t’enverra toutes les semaines au moins une fois un bulletin de ma santé; en attendant, il me charge de te dire qu’il est persuadé que les eaux d’Aix et le repos me rétabliront dans peu de mois entièrement.
Ton fils se porte bien, il t’embrasse tendrement, sois bien persuadé que je le soignerai bien et que je te le ramènerai bien portant et bien intelligent.
Ma santé est passable, aujourd’hui j’ai encore de la fièvre toutes les nuits, mais cela va un peu mieux. Je tâcherai toujours de te faire passer de l’argent autant que possible, car je crois que cela te sera nécessaire. Je partirai toujours jeudi, en attendant, je t’écrirai encore. Crois, mon cher Ami, qu’il ne se passe pas de moment dans la journée où je ne pense à toi et où je ne partage tes peines. Je t’embrasse tendrement,
Ta fidèle Amie Louise
Rambouillet, 18 avril 1814 (au soir)
Mon cher Ami.
Je reçois dans de moment ta lettre d’aujourd’hui, tu es bien bon de me donner aussi souvent de tes nouvelles, cela me console et me rend bien heureuse, si je puis l’être dans un moment aussi triste que celui où on nous sépare, j’ai besoin au moins de la consolation de te savoir bien portant.
J’ai encore pour demain un fier coup à soutenir, mon père m’envoie l’Empereur Alexandre; aurait-on jamais cru que je sois destinée à voir encore celui qui nous a fait tout le mal qui nous est arrivé, enfin je vois qu’il faut se résigner à tout, je ne serai donc contente que quand je serai avec toi loin de tous les hommes, c’est là que je serai heureuse.
Mon père m’a envoyé son grand écuyer aujourd’hui pour me montrer l’itinéraire de la route qu’il m’a conseillé jusqu’à Vienne, je tâcherai cependant encore de le persuader de me laisser aller aux eaux, je le lui ai déjà dit plusieurs fois, mais il ne me laisse pas faire ce que je veux, et nous sommes ici sous la sauvegarde des troupes autrichiennes qui peuvent faire de nous ce qu’elles veulent. Je dirai malgré cela que j’ai besoin d’aller aux eaux, tout de suite.
Tu me dis de parler de la conduite du Prince Aldobrandini et de Beauharnais, ce dernier est resté longtemps indécis, et il n’est parti qu’après moi d’Orléans, mais le Prince est parti le lendemain de mon arrivée [à Orléans] sans me demander même de prendre congé de moi, après cela je ne sais rien de leur conduite et de ce qu’ils ont dit et fait dans le salon, car je n’ai presque pas vu mon service.
J’ai donné les ordres pour l’argent, je crains qu’il ne soit difficile de se procurer à Bâle autant de lettres de change que tu le désire, mais nous ferons notre possible.
Ma santé est passable, j’ai essayé de monter à cheval pendant peu d’instants pour pouvoir prendre l’air, cela m’a très fatiguée.
Ton fils se porte bien, tous les Autrichiens qui l’ont vu le trouvent superbe, il était un peu enrhumé ce matin, mais ce soir il va assez bien. Je te prie de penser un peu demain à moi pendant le moment où je serai obligée de recevoir l’Empereur de Russie, cette idée me fait saigner le coeur. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise.
Rambouillet, 20 avril 1814
Mon cher Ami.
Je reçois dans ce moment deux de tes lettres par Baillon; je te remercie bien de me donner aussi souvent de tes nouvelles, cela m’est une grande consolation et tu sais que j’en ai besoin dans ce moment où je suis séparée de toi, peut être pour quelques mois.
Sois toujours sûr que je ferai mon possible pour te rejoindre, et j’ai déjà arrangé mon plan de campagne pour cela, et si tu me promets de ne m’en pas parler, je vais te le communiquer. Je m’en vais à présent en Autriche, parce que mon père le désire vivement et que je vois que si je n’y allais pas, il m’amènerait de force. Je lui ai déclaré que je veux aller tout de suite à la campagne et que je n’y verrai que ma famille, et personne d’autre; mon père m’a dit qu’au mois de Juin il aurait à Vienne tous les princes d’Allemagne, l’Empereur Alexandre et le Roi de Prusse; je lui ai dit que j’irai alors tout de suite aux eaux, que j’en avais très grand besoin pour ma santé et que cela me fournirait d’ailleurs le prétexte de ne pas recevoir des personnes dont la vue devait m’être désagréable, et que je comptais me rendre de là à Parme et à l’île d’Elbe.
Mon père m’a dit qu’il croyait que je ne pourrai pas aller en Italie avant le commencement de l’hiver, que rien n’était arrangé et qu’il fallait que je revienne des eaux à Vienne, il a beaucoup appuyé sur cela ; et je n’ai pas insisté, parce que je crois inutile de contrarier pour le moment un projet, que, malgré cela, je ne lui laisserai jamais exécuter dans le temps, mais je ne veux pas avoir l’air d’y tenir à présent ; ainsi je te prie de n’en pas parler, parce que cela gâterait le tout. Je ne t’ai pas écrit hier, parce que je n’avais pas d’occasion pour envoyer ma lettre.
J’ai eu la visite de l’Empereur Alexandre, il m’a beaucoup parlé des événements qui se sont passés, pour me prouver que ce n’était pas sa faute, si nous étions réduits à l’état où nous sommes. Il m’a fait de belles protestations, et il m’a demandé si l’on ne me menait malgré moi à Vienne, et qu’il l’empêcherait dans ce cas; je lui ai dit que j’étais contente de me prêter dans cette occasion aux volontés de mon père, qu’après j’étais décidée à ne pas y rester et à conserver une indépendance, à laquelle je tenais extrêmement, et que d’ailleurs je voulais aller te voir.
Ce dernier article ne lui a pas plu, car il m’a répondu d’un ton fort aigre, « mais, Madame, on ne vous en empêchera pas, quoique peut être vous avez tort d’aller dans l’île d’Elbe ». Je lui ai dit que mon devoir et que mon inclination me portait à cette démarche et que j’étais sûre de ne jamais m’en repentir. Il a mis une grande affectation à ne pas me parler de toi; du reste il a beaucoup parlé surtout pendant le dîner, et après il a été voir ton fils qu’il a trouvé superbe, il est parti à 4 heures. J’ai tâché de montrer bien du courage devant lui mais j’avais la mort dans le coeur.
On m’a dit que Baillon vient chercher le reste de l’argent; je m’empresserai de le lui donner mais tu devrais bien me laisser de quoi faire le voyage ; il me serait dur d’être obligé d’en demander à mon père, surtout dans un moment pareil.
- de Cussy (préfet du palais) a demandé à être attaché à ma personne, tu me diras ce qu’il faudra que je fasse, il est décidé à aller partout où j’irai. M. de Beausset a demandé à rester 6 mois avec moi. La Duchesse Montebello, Mme Brignole, M. Caffarelly, Beausset, St Aignan sont les seuls qui ont demandé à m’accompagner dans mon voyage [à Vienne].
Ton fils t’embrasse, il se porte très bien, il est gai et bien portant, j’en prends un grand soin, et je voyagerai à petites journées afin qu’il ne lui arrive rien.
Ma santé n’est pas très bonne mais ce n’est rien dans un moment pareil, c’est ma moindre inquiétude. J’ai dit que l’on t’envoie mon portrait peint en pied que tu avais dans ton salon aux Tuileries, ainsi que toutes les broderies que je t’ai faite, j’ai pensé que tu serais content de les avoir.
- Anatole Montesquiou m’apporte dans ce moment ta lettre, je l’ai beaucoup questionné sur ton compte, j’ai été affligé de voir que Constant t’ait abandonné, comme nous avons appris à connaître des gens ingrats dans ce monde.
Je m’en vais tâcher de négocier encore l’affaire pour les eaux ; j’espère y réussir, je serais bien contente que cela soit possible, je ne connais pas d’idée plus insupportable que celle de passer toute ma vie en Autriche; je t’écrirai le résultat de mes négociations, le général Caffarelli qui va faire une tournée ce soir à Paris, se chargera de porter ma lettre à mon père, dans laquelle je lui demande aussi de faire en sorte que je n’ai pas besoin de voir le Roi de Prusse.
Je te prie de croire que je prendrai tous les moyens possibles pour te donner de mes nouvelles, en attendant je t’aime et t’embrasse de tout mon coeur
Ta fidèle Amie Louise
Rambouillet, 23 avril 1814 (matin)
Mon cher Ami.
Je ne t’ai pas écrit hier, parce que je n’ai plus d’occasion de t’envoyer mes lettres, cela me désole tout à fait, une idée à laquelle je ne puis pas encore me faire, c’est celle que je resterai quelque fois et peut être plus de 8 jours sans tes nouvelles, cela me désole, je pense que tu seras aussi un peu fâché quelque fois de n’avoir pas des miennes.
Je te remercie de la lettre que tu m’as écrit par M. de Turenne (Le comte Turenne, maître de garde-robe de l’Empereur) et de celle que M. de la Place m’apporte dans ce moment, je suis contente de te savoir arrivé sans accident à Briare, ce que tu me dis de l’amour et de l’attachement que les peuples te montrent, ne m’étonne pas, ils apprendront à te regretter, bientôt ils apprendront à connaître la perte qu’ils ont faite, et ils s’en désoleront, mais je ne veux pas réveiller ainsi des chagrins que tu tâche d’oublier et qui sont encore bien douloureux chez moi, puisque ce sont les tiens. Tout ce que je désire, c’est de pouvoir aller bientôt te trouver à l’île du repos, et parvenir au moment où je regarderai tout ceci comme un rêve douloureux, j’espère que cela sera bientôt, et je tâche de prendre du courage. Je numérote mes lettres afin que tu voies s’il s’en perd.
J’ai eu ce matin la visite du Roi de Prusse, quoique j’ai fait toutes les démarches nécessaires pour l’éviter. Il n’est resté qu’une demie heure, et il s’est assez bien conduit, j’ai été contente de la manière avec laquelle il a évité de me parler de toutes les choses qui auraient pu m’être désagréables.
Mme de Noailles (Nièce de Talleyrand) et son Mari sont venus me voir hier et ne m’ont pas touché du tout, c’était une visite de curiosité, ils avaient l’air tous les deux rayonnants, et Madame avait. des lys sur son chapeau. Mme de Luçays (Dame d’atours)., la Duchesse de Plaisance (Sophie Barbé-Marbois). et M. d’Andlau (Écuyer de l’impératrice) sont venus me voir et se sont fort bien conduits. On dit que M. et Mme de Beauvot (Le prince Beauvau, dont la femme, née de Rochechouart-Mortemart, était dame d’honneur de l’impératrice) .se conduisent à merveille.
Je pars demain pour Grosbois, où je dois passer la journée du Dimanche avec mon père, et de là j’irai poursuivre mon grand voyage.
Ton fils se porte bien, il me charge de t’embrasser et de te dire qu’il t’aime bien tendrement, il est enchanté de l’idée de faire un grand voyage, il parle beaucoup de celui qu’il a fait jusqu’à présent, quel heureux âge !
Ma santé est passable depuis deux jours, au moins M. Corvisart me le dit. Ce dernier est dans un grand désespoir, figure-toi qu’il s’est mis dans la tête que tu le prendrais pour un ingrat, parce qu’il n’a pas été te voir à Fontainebleau et j’ai beau lui représenter, que tu ne le pense pas, que tu aurais au contraire été fâché, qu’il me quittât pour aller te voir dans un moment où j’étais souffrante, il s’en afflige, et il pleure de regret tous les jours. Il me prie de t’envoyer une lettre que je joins ici.
Je finis celle-ci, Dieu sait si elle te parviendra mais je te prie, si même tu ne reçois pas de mes nouvelles, que je ne t’en aime pas moins et que je suis au désespoir de ne pas te voir.
Je t’embrasse et t’aime tendrement.
Ta fidèle Amie Louise
Provins, 26 avril 1814
Mon cher Ami.
Il me parait bien long ce temps que j’ai passé sans avoir de tes nouvelles, voilà 3 jours que je n’ai pas pu t’en donner, cette fois-ci je hasarde quelques mots par la poste,. ils ne te parviendront peut être pas, mais j’aurai au moins la consolation de n’avoir rien négligé pour t’en faire parvenir.
Ton fils t’embrasse, il se porte à merveille, le voyage lui fait du bien, il acquiert tous les jours plus d’intelligence, et il est frais comme une rose. Il s’est beaucoup amusé à Grosbois avec mon père qui a l’air de l’aimer à la folie, j’en suis bien contente, mais le jour où je serai heureuse, c’est quand je pourrai te revoir.
Ma santé est toujours de même, j’ai gagné un rhume affreux à Rambouillet, et il ne veut pas me quitter. Nous sommes arrivés hier soir à Provins en bonne santé, je vais coucher aujourd’hui à Troyes, où je compte arriver de bonne heure. J’espère que ton voyage aura été heureux et que j’aurai bientôt la satisfaction de te savoir heureusement arrivé. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur
Ton Amie Louise
Dijon, 28 avril 1814
Mon cher Ami.
Je tâche de te faire parvenir quelques mots par toutes les occasions possibles, aujourd’hui j’envoie ma lettre à mon père pour la faire passer.
Il m’est bien cruel de n’avoir pas plus souvent de tes nouvelles, voilà 8 jours que je n’en ai pas, j’ai passé ce temps bien tristement, ma santé souffre du chagrin que j’ai, je suis si maigrie que tu ne me reconnaîtrais plus, mais ne t’en inquiètes pas; Corvisart dit que les eaux d’Aix me rétabliront entièrement mais que si je ne les prenais pas, ma poitrine pourrait devenir fort malade, aussi suis-je décidée à y aller au commencement de juillet.
Ton fils t’embrasse, il se porte à merveille et soutient le voyage on ne peut pas mieux; partout où il passe, on s’extasie sur sa beauté, et je t’assure que je jouis bien de tous les compliments que l’on me fait sur lui.
Je suis arrivée hier à Dijon, j’ai vu de loin le Mont Blanc qui a beaucoup étonné ton- fils. Le temps est beau, le pays est superbe, mais je ne jouis de rien, je ne serai contente que quand je te saurai heureusement arrivé et tranquille. Je t’embrasse et t’aime de tout mon coeur
Ton Amie Louise
(Cette lettre ne parviendra pas à Napoléon)