Les Vieux de la Vieille
Quelques photographies de vétérans
Ce qui suit est la traduction d’un article de M. Peter Harrington. Les photos présentées sont la propriété de la « Anne S.K. Brown Military Collection » et ne peuvent être reproduites sans autorisation.
Quelques unes des plus anciennes photographies de vétérans forment une série de quinze sépia de membres de l’armée de Napoléon, prises alors que ces vieux soldats étaient déjà dans leur 70e ou 80e année. On ignore comment Mme Brown les a acquises. Elles mesurent 12″ sur 10″ et sont montées sur carton. Le nom de chaque vétéran et de son régiment sont inscrits au crayon, au verso de chacune. Quatorze exemples sont présentés ici.
![]() Burg | ![]() Delignon | ![]() Dreuse | ![]() Ducel | ![]() Dupont |
![]() Fabry | ![]() Lefebre | ![]() Loria | ![]() Maire | ![]() Mauban |
![]() Schmitt | ![]() Taria | ![]() Verlinde | ![]() Vitry |
Ces remarquable photographies sont probablement les seules images que l’on a de vétérans de la Grande Armée et de la Garde, portant leurs uniformes et insignes originaux, bien qu’une partie de l’uniforme a, à l’évidence, été recoupée par des tailleurs des années 1850. Chaque photo présente un homme photographié dans un studio. Certains se tiennent devant un mur blanc ou lambrissé, sur un tapis décoré, tandis que d’autres sont assis. Un vieux vétéran, qui paraît avoir perdu son œil droit, Monsieur Loria, du 24e de chasseurs à cheval et Chevalier de la Légion d’Honneur, se présente devant un meuble, qui apparaît aussi dans autre portrait, avec un rideau. On ne connaît pas le photographe et le flou d’une ou deux photographies suggère la difficulté, pour des personnes âgées, à se tenir immobiles plusieurs secondes, pendant que les plaques ont été exposées.
Le grand soldat, que l’on voit dans une élégante pose et portant le bonnet d’ours de grenadier, est le sergent Taria, dans l’uniforme de Grenadier de la Garde de 1809-1815. Le Mamelouk est Monsieur Ducel qui combattit entre 1813 et 1815. Le fringuant personnage qui tient un shako à plumet dans sa main droite est M. Dreuse, du 2e lancier à cheval de la Garde (vers 1813-14). Il y a Monsieur Mauban, du 8e de dragons de 1815, assis, Monsieur Lefebre, sergent au 2e régiment du génie de 1815, debout et portant un shako à plumet, et M. Maire du 7e hussards (vers 1809-1815). Revêtu d’une belle chapka, c’est M. Verlinde, du 2e lanciers (1815), et, assis, dans un grandiose uniforme de hussard, c’est Monsieur Moret, du 2e régiment (1814/15). Monsieur Vitry, de la Garde Départementale, s’appuie à un meuble, près d’un rideau, tandis que M. Dupont, qui était fourrier au 1e hussard, se tient debout avec une épée de mamelouk.
Il y a le corpulent Delignon, maréchal des logis chef, dans l’uniforme d’un chasseur à cheval de la Garde (1809-1815). Complétant la série on trouve le sergent Fabry, du 1e hussard, Monsieur Schmitt, du 2e chasseur à cheval (1813-14), portant une casquette souple, et finalement le grenadier Burg, du 24e régiment de la Garde (1815), avec sa barbe blanche. Il n’y a pas de « carte de visite » pour Moret, qui se tient dans une position légèrement différente de celle habituellement utilisée pour une photo de studio.
Quand et pourquoi ces hommes ont été photographiés reste un mystère, mais quelques indices sont offert dans le livre de Henri Bouchot « l’Epopée du Costume Militaire », publié à Paris en 1898, et illustré par le célèbre Job. On y trouve un dessin en couleur, sur lequel est superposé un dessin transparent intitulé ‘Les Vieux de la Vieille, le 5 mai 1855’. Il montre dix vétérans napoléoniens, en grand uniforme, passant devant la colonne Vendôme. Un zouave du second Empire regarde la lente procession voûtée. Mais le plus intéressant est que deux de ces vétérans portent des couronnes. Si on compare avec les personnes sur les photographies, ils correspondent très bien avec celles qui traversent la place.
La date de l’événement – le 5 mai, – fournit alors la raison de la présence de ces hommes à Paris, car c’est le jour anniversaire de la mort de Napoléon, et chaque année, à cette date, les vétérans se rassemblaient dans la capitale, comme le Times de Londres de mai 1855 le note : »Le socle et le parapet de la colonne de la Place Vendôme apparaît ce jour recouvert des offrandes annuelles à la mémoire de l’homme dont statue pare le sommet. L’exposition de couronnes d’immortelles, et autre offrandes de ce genre, est plus important qu’habituellement…les vieux soldats de l’Empire ont hier apporté ici, leur habituel hommage. Le même jour, un service religieux a été donné dans la chapelle des Invalides, en présence du prince Jérôme et d’autres dignitaires. Tout le personnel des Invalides et des soldats du Premier Empire était présents.
Pourtant, le 5 mai 1858 pourrait être une date plus vraisemblable, car tous les vétérans portent la médaille de Saint Hélène, qui avait été distribué, le 12 août 1857, à tous vétérans des guerres de la Révolution et l’Empire.