Les Tirailleurs Corses

1806, en route pour la Pologne

Cette malheureuse ville de Lübeck fut fort mal traitée et subit un pillage de 2 heures. Non qu’il fut ordonné ; mais parce qu’il était inévitable après une prise d’assaut, elle ne devait s’en prendre, comme écrivait l’Empereur, qu’à ceux qui avaient attiré la guerre dans ses rues. Le lendemain matin, le général Blücher, se trouvant acculé au territoire danois, avec une armée découragée par une longue retraite et les pertes énormes qu’elle avait subies signa une capitulation.

La division Legrand bivouaqua sur le terrain, le 8 novembre, elle se rangea en bataille pour voir défiler 20.000 Prussiens, désarmés marchant derrière le général Blücher, le prince Frédéric-Guillaume de Brunswick-Elo et tous les autres officiers, prisonniers de guerre.

Cette affaire de Lübeck terminée, la 3e division se rendit à Wismar et ses environs où elle fit séjour pour prendre un peu de repos dans de bons cantonnements.

« Un temps magnifique favorisait notre armée, le ciel était serein et le soleil radieux, les habitants s’empressaient de distraire et de ravitailler nos soldats, les recevant avec autant de prévenance et d’amabilité qu’au fond de l’âme ils avaient d’aversion pour eux ». (Saint Chamans)

Les Tirailleurs Corses purent enfin se délasser et se reposer de la dure campagne qui venait de finir et de ses marches forcées continuelles qui l’avaient rendu fort fatigante. Le repos qu’on leur accorda enfin, leur apporta le plus grand bien, ils purent se réorganiser, réparer l’habillement, renouveler ou remplacer leur fourniment, compléter les vivres, en un mot être à nouveau prêt pour de nouveaux combats.

Le 15 Novembre, la division levait ses cantonnements et se dirigeait à petites étapes sur Berlin, qu’elle rejoignit le 22 novembre.

Le 23 novembre, l’Empereur employa toute la journée pour passer en revue l’infanterie du IV° Corps. S’arrêtant ici, pinçant une oreille par-là, il félicita personnellement le bataillon de Tirailleurs Corses, on distribua quelques croix, et l’Empereur annonça que le Major d’Ornano allait quitter son bataillon pour une promotion immédiate, le commandement du bataillon serait alors confié au capitaine Morandini qui avait gagné ses épaulettes de Commandant. [1]d’Ornano sera nommé Colonel au 25e Dragons.

Morandini remplaçant d’Ornano, les Corses continuaient à avoir un chef digne de leur courage et de leur ténacité. Le moral des troupes est au beau fixe, les victoires d’Iéna et de Lübeck ont exalté leur ardeur et l’on a pu écrire que « la revue de Berlin refit à l’armée une âme nouvelle » .

Qu’on  s’imagine l’impression que dut produire la vue de l’Empereur, leur compatriote, l’un des leurs, passant dans les rangs, leur parlant, leur distribuant grades et récompenses. Il faut je crois garder à l’esprit cet enthousiasme extraordinaire pour comprendre que des hommes, faits de chair et de sang, aient pu résister aux dures épreuves qu’ils avaient rencontrées, et qui les attendaient encore dans les sables de la Poméranie et dans les Bannes de la Margovie.

Le 24 novembre, les Tirailleurs Corses se dirigent vers Landsberg après un arrêt à Küstrin, où ils vont pouvoir prendre un peu de repos. On arrivait à Landsberg le 27, mais le 29, il fallait se remettre en route pour cantonner à Posen.

Le 2 décembre, la division est à Pawlice. L’Empereur a choisi cette date pour adresser sa proclamation à l’armée.

Soldats ! Il y a aujourd’hui un an, à cette date même, que vous étiez sur le champ de bataille d’Austerlitz ; les bataillons Russes épouvantés fuyaient en déroute ou enveloppés rendaient les armes à leurs vainqueurs … Qui donnait aux Russes le droit d’espérer de balancer les destins… .

 

Le 3 décembre, la division Legrand est à Turnik en pleine Pologne prussienne, le 15, elle est à Konin. Et le 21, la division passe la Vistule à Plock :

Malgré de très grandes difficultés et le peu de ressources que nous rencontrons, car les Russes, dont nous commençons à trouver les traces avaient coulé à fond tous les grands bateaux qui étaient sur le fleuve. Mais dans ce temps-là nous étions accoutumés à triompher de tous les obstacles. » (Saint Chamans).

Le soir la division couchait à Borowice.

Le 24 décembre au soir, la tête de la division est à Gumowo. Le 25, le IV° corps atteignant la Wka qu’il traversait à Sochocin. La 3ème division s’installa au bivouac sur la route de Cicchanow. Après une marche de 24 kilomètres dans des chemins couverts de quatre pieds de boue dans les deux dernières journées le corps du maréchal SOULT avait fait 16 000 prisonniers, pris 30 pièces de canon, 3 drapeaux, 1 étendard (45e bulletin de la Grande Armée).

Le 26 décembre, la division Legrand marche sur Bogurzyn qu’elle atteint après une marche de 28 kilomètres des plus pénibles.

Il était impossible d’avancer, les chemins étaient tellement devenus impraticables que pour faire les deux lieues de Cicchanow à Bogurzyn, la 3ème division mit plus de 11 heures, elle ne put être réunie que le lendemain vers midi. » (Rapport de Soult à l’Empereur)

Le 27, la division est au bivouac en avant de Kolaczlovo. Les marches devenaient de plus en plus pénibles. Le terrain était tellement mou qu’il fallait redoubler d’efforts à chaque pas, pour comble de malheur, dans cette partie de la Pologne, à la fin décembre, la nuit commence à tomber vers 15 heures, et de ce fait, une partie de la marche se faisait dans une nuit noire, sans lune pendant qu’une pluie fine mêlée de neige venait, poussée par le vent glacial fouetter les visages et glacer les membres.

Douze pièces d’artillerie sont tellement embourbés dans les épouvantables chemins que les divisions ont suivies qu’il n’est pas à espérer qu’on puisse avant demain au soir les en tirer, et peut-être même faudra-t-il plus de temps». (lettre de Soult à l’Empereur).

Cependant les Maréchaux Lannes et Davout avaient battu les Russes à Pultusk et à Golguin. Si le Maréchal Soult réussissait à atteindre l’ennemi, les armées de Benningsen et de Buxhoeden étaient détruites. Dans cette intention, l’Empereur envoya le Chef de Bataillon Lejeune vers le général Legrand en lui demandant de se porter en toute hâte sur Kokow pour couper la retraite à un corps Russe qui fuyait. Lejeune raconte

La neige tombait, et la nuit était excessivement noire, je n’avais ni guide, ni direction fixe pour traverser des bois remplis de fondrières que la gelée avait heureusement durcies à la surface. Après trois heures de marche, j’entendis un malheureux Français qui criait, jurait et appelait au secours, son cheval et lui même allaient disparaître dans une tourbière dont la glace s était rompue sous eux. Ce ne fut pas sans peine que je m’approchai de la personne dont je croyais reconnaître la voix. Je demandais : Qui est là ? et l’on me répondit : Ah ! c’est vous Lejeune ! Je suis dans le plus grand péril ! Mon cheval s’est enfoncé jusqu’au col, je suis dans la vase jusqu’à la ceinture ; je suis épuisé par mes efforts et transi de froid. Aidez-moi de grâce à me tirer de ce gouffre qui va m’engloutir. C’était le général Legrand que je cherchais. Il était seul, égaré comme moi, ne sachant où trouver sa division et dans la position la plus critique. J’approchai du général, mes efforts réunis aux siens l’arrachèrent jusque sur le sol, et ensuite son cheval dégagé du poids de son cavalier parvint à sortir de la boue. Après quoi nous cherchâmes la division. Nous aperçûmes d’abord quelques feux épars, et ensuite ceux de son infanterie qui put arriver au jour sur le point où j’étais chargé de le conduire. L’ennemi en se retirant, n’avait pas eu de meilleurs chemins que nous, et il abandonna après les avoir longtemps défendues, plusieurs pièces de canons embourbées qu’il ne pouvait enlever.

 

Dans cette terrible journée du 28 décembre, la 3e division ramassait dans le bois, en arrière de Makow, une quarantaine de Russes qui s’étaient égarés et venaient prendre position à la tête du bois de Zeremby, à une lieue de Makow, dans une région triste et désolée.

Non seulement nous ne trouvions rien dans les villages, et pour les hommes et pour les animaux, mais encore ils sont déserts. Tous les habitants ont fui. Je ne sais en vérité comment pourra faire le corps du Maréchal Soult pour vivre ici. » (Murat à l’Empereur)

Est-ce que ceci émut l’Empereur ? Le fait est que celui-ci résolut le 29 décembre à 1 heure du matin de faire prendre les quartiers à son armée. il était temps de s’arrêter si l’on ne voulait pas tout perdre. Dans cette journée le Général Legrand fit placer sa légère depuis Kobilino au confluent de la Wengerka avec l’Orzyek jusqu’au dessus de Makow pour garder les ponts et les gués de la région.

Le bataillon de Tirailleurs Corses passa environ 1 mois dans les environs de Makow. Il put ainsi se reposer des dures privations qu’il venait de supporter. Le mauvais temps, la rareté, la mauvaise qualité des vivres l’avaient considérablement affaibli.

Le 5 janvier 1807, il ne comptait plus que 26 officiers, et 541 hommes, soit environ 60 hommes par compagnie. Dans le courant du mois, il reçut 1 officier et 38 conscrits, on était encore loin du complet réglementaire. Cette situation préoccupait l’Empereur qui écrivait au général Lacuée :

Je vous prie de penser au bataillon de Tirailleurs Corses et au bataillon de Tirailleurs du Pô.

Dans les derniers jours du mois de janvier de 1807, l’armée Russe ayant fait mouvement sur le Maréchal Bernadotte, l’Empereur résolut de se porter en avant.

Le 27 janvier les Tirailleurs Corses s’établissent dans les villages situés près de l’embouchure de l’Omulew, le 29 on quitte le cantonnement pour se concentrer dans les environs de Wilemberg.

Le 2 février, le III° Corps est à Allenstein, et le 3, l’infanterie légère du 3ème Corps attaque et prend le poste de Bergfried. Le 4 la poursuite continue toujours aussi acharnée.

Le 5 février 1807, l’avant garde de Soult, composée des Tirailleurs Corses et des Tirailleurs du Pô bivouaquait, simplement séparée par un ruisseau, de la forte arrière garde, que Bennimgsen a laissé au défilé de Burgerswald. Le lendemain, à la pointe du jour, notre cavalerie et le corps de Soult se mettaient en marche, serrant au plus près l’arrière garde ennemie.

Las sans doute d’être poursuivis l’épée dans les reins, et ce depuis huit jours, les Russes résolurent de s’arrêter et de tenir ferme en avant de la petite ville de Landsberg.  Pour cela, ils placèrent douze bataillons de chasseurs à pied, vingt escadrons de hussards et un régiment de cosaques, sous les ordres du général Barclay, dans l’excellente position de Hoff. La droite des Russes, appuyée au village, leur gauche à un bois touffu, leur centre couvert par un ravin fort encaissé que l’on ne pouvait traverser que sur un pont très étroit. Huit pièces de canon garnissent cette ligne.

References

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1d’Ornano sera nommé Colonel au 25e Dragons