Les Tirailleurs Corses

Sans perdre de temps, le général Legrand donne le signal de l’attaque. A cheval, au centre des bataillons, le Major d’Ornano et le commandant Hulot s’élancent en avant suivis par les Corses et les Piémontais aux cris de Vive l’Empereur !

Le général Lariboisiere installe ses batteries entre les bataillons et le combat s’engage, acharné. Nos Tirailleurs à portée de fusil des remparts criblent de balles les canonniers ennemis à leurs embrasures pendant que nos artilleurs bouleversent les talus et cherchent à renverser les portes ou à ouvrir des brèches.

Le combat durait depuis plus d’une heure sans grand résultat et notre situation devenait périlleuse. Nous avions réussi grâce aux tirs judicieux et précis de nos Tirailleurs à calmer quelque peu le tir des batteries ennemies, mais nous risquions de nous faire exterminer avant que la brèche ne fut praticable. Enfin le maréchal Soult donne l’ordre d’assaut. Aussitôt les officiers s’élancent en avant et aux cris mille fois répétés de « Vive l’Empereur ! » les Corses et les Piémontais s’élancent comme un seul homme avec la rapidité de l’éclair. Cet assaut soudain et furieux déconcerte et surprend l’ennemi, tout est franchi, redoutes, bastions fossés, il semble que rien ne puisse plus arrêter ces collets verts (surnom donné aux Corses par l’ennemi), d’autant que simultanément, le 26e léger, soutenu par les 18e et 75e de ligne, escalade les parapets, pendant que l’artillerie enfonçait la porte. 1500 prisonniers avec leur officiers étaient pris dans cette attaque. On se battit dans les rues de la ville pendant une heure.

On se battit souvent au corps à corps et à la baïonnette. Aussitôt que l’artillerie put être portée sur les remparts, elle s’y établit et, étant alors plus rapprochée des bataillons Prussiens qui étaient sur une demi-lune rasée entre la porte de Mulhen et le canal de Walkenitz où, quoique tournés et vigoureusement poussés par les Tirailleurs Corses et du Pô, ces deux bataillons faisaient encore résistance. Il était extrêmement difficile de déboucher dans la rue qui aboutit à la porte de Mulhen, tant le passage était encombré d’hommes et de chevaux morts, par ces canons et des caissons que l’ennemi avait du abandonner successivement et il fallut prendre quelques instant pour la décombrer et pour s’ouvrir une autre voie, enfin on y parvint. » (lettre de Soult à l’Empereur)

Ce fut en vain que l’ennemi voulut se défendre et tenta de se réorganiser, dans les rues, sur les places, dans les maisons, il fut partout chassé, les places furent jonchés de cadavres. La 3ème division fit sur les remparts de la ville, 2500 prisonniers avec leur officiers et deux généraux ; elle prit 9 drapeaux et 25 pièces de canon avec leurs caissons…. Par l’effet des sages dispositions que le général Legrand a prises et par la rare intrépidité que ses hommes montrèrent leurs pertes ne furent pas très considérables. » (Journal du IV° corps)

 

Rapport complet du maréchal Soult à l’Empereur.

Le maréchal Soult  à l’Empereur.

                                                                     Lübeck le 6 novembre 1806

Ainsi que j’ai eu l’honneur d’en rendre compte à V.M. par mon dernier rapport, le corps d’armée est parti ce matin avant le jour de Ratzeburg et s’est dirigé sur Lübeck. A 8 heures, la cavalerie jointe à celle de S.A.I. et R. le Grand Duc de Berg était devant cette ville. Il y a eu une charge conduite par le général Lasalle, qui a fait prendre un étendard et beaucoup de chevaux. Aussitôt que l’artillerie légère a été arrivée, elle a été placée à cent toises de la place et des ouvrages et l’ennemi a été immédiatement attaqué. La division Legrand a été chargée d’enlever l’ouvrage avancé de la porte de Mülhen. Les Tirailleurs Corses et les Tirailleurs du Pô l’ont emporté à la baïonnette, après une résistance d’une heure. Le 26ème d’infanterie légère, soutenu par les 18ème et 75ème de ligne ont escaladé en même temps les remparts, pendant que l’artillerie enfonçait la porte. 1500 prisonniers et leurs officiers, et 2 généraux ont été pris dans cette attaque. La division du général Leval était en même temps dirigée sur la porte de Hertzberg qu’elle devait aussi enlever ; celle du général Saint-Hilaire était en réserve, mais on n’eut point besoin de ses forces. Le général Legrand a forcé la porte de Mülhen et est entré dans la ville en, même temps que le I°corps d’armée y pénétrait de l’autre côté. La jonction des deux corps s’est faite dans la ville même, en poursuivant l’ennemi. Une espèce d’ouvrage à cornes absolument détaché et défendu par 2 bataillons ennemis, tenait encore et faisait une farouche résistance ; mais il a également été forcé et tout a été pris. Aussitôt que la cavalerie a pu déboucher, celle du corps d’armée s’est mise à la poursuite de l’ennemi. Dans son premier mouvement elle a coupé quatre escadrons Prussiens avec leurs canons. Après une légère résistance ils ont capitulé. Le restant de la colonne du général Bücher et de celle du général Wenniping réunis s’est retiré vers Travermünde. Demain il y sera poursuivi et sans doute obligé de se rendre à moins qu’il ne force le cordon de troupes danoises qui est sur la frontière de Holstein. Mais quoiqu’il fasse il n’échappera pas à son sort. Cette journée produit au moins 6 000 prisonniers, 50 canons, plusieurs drapeaux et étendards, 3 généraux et considérablement de bagages. Le corps d’armée commandé par le maréchal Bernadotte et le IV° y ont également participé. Tout le monde rivalisait de zèle, et les troupes ont marché à l’ennemi aux cris de : vive l’Empereur !. S.A.I. et R. le grand duc de Berg qui a principalement dirigé les attaques et qui avaient fait arriver sa cavalerie pour y prendre part, rendra à V.M. un compte plus détaillé de ce qui s’est passé dans la journée et moi-même j’y reviendrai lorsque tous les rapports me seront parvenus. A peine en ce moment puis-je en connaître les principales circonstances ».