EYLAU – 06.02.1807
Après l’affrontement de Hoff, les deux partis sont à bout de force, beaucoup se sont couchés à même le sol gelé, sans même avoir retiré leurs sacs à dos. Et nos sentinelles surveillent, sous la lune blafarde, sans tirer, les sentinelles ennemies qui à demi-portée de fusil, se détachent sur la rive gauche du Stein, entre deux bouquets d’arbres enguirlandées de givre. Avant l’aurore tout le monde est debout, on vérifie les armes et les équipements, on ajuste le havresac et par un froid glacial, les Tirailleurs Corses reprennent leur marche sur la route de Preussich-Eylau, marchant derrière la cavalerie et précédant les Tirailleurs du Pô et le 26ème Léger. En débouchant du hameau de Grunhofchen, nos cavaliers accourent à bride abattue, prévenir de la présence de l’arrière garde de l’armée Russe qui s’est installée sur le plateau de Ziegelhoff. Il ne s’agissait pas de l’arrière garde mais de toute l’armée Russe qui avait pris position sur le plateau et dans la ville d’Eylau.
Le général Legrand fait déployer les Corses et les Piémontais, à droite et à gauche de la route et envoie le 18e de Ligne prolonger leur droite. Le Commandant Morandini et le Commandant Hulot, forment leurs bataillons en colonnes de division et marchent à l’ennemi, repoussant les charges répétées des hussards Russes, par des tirs nourris et bien ajustés et un mur de baïonnettes. Malheureusement le 18e de Ligne qui sur le plateau venait d’aborder l’infanterie Russe à la baïonnette, fut chargé de flanc sans avoir eu le temps de se reformer et fut repoussé en désordre. La résistance opiniâtre des bataillons de Tirailleurs donne à la division Leval le temps de rétablir le combat et de refouler l’ennemi qui bat en retraite en toute hâte, poursuivi par notre cavalerie de réserve. Quelques escadrons de dragons pénètrent ainsi pêle-mêle dans les rues d’Eylau, mais ils ne peuvent tenir, les rues étant vaillamment défendues par des fantassins qui, postés derrière les fenêtres les fusillent à bout portant.
Le 24e léger de la division Saint-Hilaire s’engage courageusement sur la lisière, bientôt chargé par une division entière, il cède le terrain et ne s’arrête que dans les faubourgs sur la route de Landsberg. Voyant cela le général Legrand lance immédiatement les Tirailleurs Corses et ceux du Pô à l’attaque de la ville, il est 16 heures. Le Commandant Morandini, et ses Corses, la droite appuyée à la route, et la gauche par les Tirailleurs du Pô, attaque vigoureusement les maisons qui sont devant lui. Aux cris de Vive l’Empereur ! les compagnies pénètrent dans Eylau, chaque rue, chaque maison de cette malheureuse ville deviennent un champ de bataille, la brigade légère du général Legrand ne laisse sur son passage que des morts ou des mourants, sur lesquels on est contraint de faire rouler les pièces d’artillerie et les caissons.
Les Russes se battaient eux aussi avec courage et fougue, et ne cédaient le terrain que pied à pied, il fallait se disperser dans toutes les directions. Le petit nombre en ligne ne permettait pas d’opérer méthodiquement. Chaque chef de section combattait pour son compte.
Enfin le 26e Léger débouche, le général le lance résolument dans la rue principale et va s’établir à la sortie de la ville, en chassant les derniers Russes qui se replient en courant vers le reste de leur armée regroupée plus loin. La nuit commençait à tomber. Dans cette mémorable journée, les Tirailleurs Corses avaient combattu toujours en première ligne et partout ils avaient forcé l’ennemi à se replier, leur infligeant de lourdes pertes. Mais le tribut avait été lourd, les capitaines Fontana, Giovannino, le lieutenant Muchielli étaient mortellement blessés et expiraient quelques jours plus tard. Le lieutenant Leccia, et les sous lieutenants Peraldi, Arrighi étaient tués. Les Capitaines Battini, Riolacci, les lieutenants Ambroggi, Ollagnier, Venturi et Sportuno étaient blessés, 80 hommes du bataillon étaient hors de combat. Le Commandant Morandini, reçoit sa deuxième blessure.
Le bataillon panse ses plaies en installant son bivouac à la sortie d’Eylau, la droite vers la route de Koenigsberg, la gauche vers l’étang, protégé en avant par deux postes d’avant garde. Par cette nuit glaciale, les Corses se reposaient blottis près d’un maigre feu que la neige fondante éteignait à chaque instant. Le Commandant Morandini raconte :
Je passais la nuit derrière le centre de mon bataillon, sur deux planches arrachées à une maison voisine, n’ayant pris comme nourriture qu’un morceau de galette et une portion de viande de cheval rôtie sur la braise. Je grelottais de froid, mais ma fatigue était si grande que vers une heure du matin je m’endormis profondément enveloppé dans mon manteau. Il faisait encore nuit lorsqu’un chasseur vint me dire que l’Empereur faisait la ronde des bivouacs. Je me levai aussitôt, rectifiai ma tenue et en trois enjambées me trouvais devant sa majesté qui me dit à brûle pourpoint :
– Combien d’hommes présents ?
– Quatre cent Sire !
– Avez-vous des traînards ?
– Les blessés seulement Sire !
Vous avez assez souffert, faites rentrer vos bataillons en ville et rappelez vos postes.
Et sans attendre ma réponse, il tourna le dos et disparut au grand étonnement de mes soldats qui disaient de manière à entre entendus : il ne fait pas aussi chaud qu’à Ajaccio !
Je fis immédiatement porter le bataillon sur l’emplacement désigné par l’Empereur et donnais l’ordre aux grands-gardes d’occuper les dernières maisons sur la route. A la pointe du jour, je faisais distribuer les cartouches aux compagnies quand subitement l’artillerie Russe commença à nous inonder de boulets et de mitraille. Je venais de donner l’ordre de faire avancer le bataillon d’une cinquantaine de toises pour l’éloigner des maisons qui servaient de point de tir quand tout à coup je vis mes compagnons de grand garde déboucher sur la route au pas de course, en pleine déroute. J’eus de la peine à arrêter les fuyards qui, sourds à la voix de leurs officiers auraient continué leur route sans l’intervention d’une autre compagnie qui vint barrer la route. Je fis immédiatement rassembler les compagnies, puis me mettant à leur tête, je commandais « l’arme au bras, au pas ordinaire ! » et je me portai en avant, me retournant souvent pour rectifier le port d’arme et l’alignement. Je ramenais ainsi les compagnies sur leur emplacement. Je n’ai jamais pu connaître exactement, la cause de cette panique, partagée par les Tirailleurs du Pô et le 26e léger… »
Pouget, lui, donne une explication :
Aussitôt que le jour permit aux Russes de nous voir, ils firent sur notre ligne un feu d’artillerie, si bien nourri que les boulets et les obus tombaient comme la grêle…l’artillerie Française n’étant pas encore en batterie, son silence encourageait celle de l’ennemi, qu’on voyait se rapprocher de nous.
Le Commandant Morandini poursuit :
déjà la mitraille faisait rage et, je songeais à faire renforcer ma première ligne, quand je rencontrai le général Ledru qui me dit que le bataillon avait pour mission de tenir sur place. Et il ajouta tout bas : « C’est tout ce que nous pouvons faire, la division n’en peut plus. »
J’étais bien content d’entendre dire par mon général ce que je pensai moi-même. A Eylau, je retrouvai le général Legrand qui précisa l’ordre que je venais de recevoir.
– Vous avez deux compagnies en tirailleurs que vous relèverez toutes les heures. Nous n’avons pas à marcher en avant, mais si les Russes marchent sur nous, l’ordre de l’Empereur est de tenir bon. Je compte sur vous Morandini !
Vers 7 heures, je fis relever les deux compagnies qui avaient reculées le matin. En les voyant arriver, les chasseurs des autres compagnies se mirent à les plaisanter. J’intervins aussitôt pour couper court à toutes les discussions et je dis de manière à être entendu par tout le monde : « les chasseurs ont été entraînés par les fuyards des autres régiments, et toutes les compagnies du bataillon se valent ».
Il faut dire qu’à ce moment les Russes avaient interrompu leur feu. Nous n’avions rien à craindre. Nous avions les pieds dans la neige, mais il n’y a pas de feu qui fasse oublier le froid comme les boulets qui sifflent au-dessus de votre tête. Je continuai de relever mes Tirailleurs d’heure en heure. La bataille heureusement se termina sans que les Russes vinssent nous attaquer, excepté quelques boulets qui vinrent dans nos rangs et mirent hors de combat le sergent Berlandi, blessé à l’épaule gauche, le bataillon ne souffrît pas beaucoup en comparaison des pertes énormes qu’il avait fait la veille. Les Généraux Legrand et Ledru étaient parmi les blessés.
Telle fut la part prise par le Bataillon de Tirailleurs Corses à la bataille d’Eylau.
Elle fut sanglante et opiniâtre et depuis l’invention de la poudre on n’en avait pas vu de si terribles effets car, eu l’égard au nombre de troupes qui prirent part à la bataille, c’est de toutes le batailles anciennes ou modernes, celles où les pertes furent relativement les plus grandes. (Marbot)
Les bataillons passèrent la nuit dans la neige à attendre impatiemment le lever du jour, se demandant si la bataille allait reprendre et quand ?.
Le Maréchal Soult était à cheval à cinq heures du matin et visitait ses postes avancés pour avoir des nouvelles des Russes. Aussitôt qu’on put distinguer les objets on s’aperçut que l’ennemi profitant de la nuit s’était retiré. Soult envoya aussitôt le capitaine Saint-Chamans porter la nouvelle à l’Empereur.
Aussitôt le Maréchal fit regrouper sous les armes son corps d’armée … ou ce qu’il en restait .
C’était pitié de voir tous ces régiments qui, dix jours auparavant, étaient si forts et si beaux, réunir ce jour là les débris de leurs trois bataillons pour en former un demi-bataillon au centre duquel on plaçait l’Aigle.
Les débris de la brigade d’infanterie légère furent passés en revue, à la place où ils avaient combattu et bivouaqué par le Colonel Pouget, qui remplaçait momentanément le Général Ledru blessé.
Quand l’Empereur passait devant ses troupes. Au milieu des cris de Vive l’Empereur! j’entendis beaucoup de soldats crier Vive la paix! d’autres criaient Vive la France et la paix! d’autres enfin du pain et la paix! C’était la première fois que je voyais le moral de l’armée française un peu ébranlé, mais elle avait tant souffert pour arriver à la boucherie d’Eylau que celà ne pouvait être autrement. Au reste, j’ai su depuis que les Russes et les Prussiens n’étaient pas en meilleur état que nous. (Saint-Chamans)
Le IV° Corps passa les 9 et 10 février à Eylau, tant pour relever les blessés et enterrer les morts que pour réorganiser ses bataillons.
Le 11 février, le IV° corps quittait le champ de bataille d’Eylau pour installer ses cantonnements quelques kilomètres plus au nord près du village d’Althorff. Les Corses commençaient à se remettre des terribles fatigues qu’ils venaient d’éprouver lorsqu’ils apprirent avec une grande joie que l’Empereur avait décidé de faire prendre les quartiers d’hiver sur la rive gauche de la Passarge. La division Legrand recevait l’ordre de se mettre en route pour aller s’installer aux environs de Liebstadt.
Le 18 au matin, par un cuisant froid polaire, le bataillon s’engagea sur la route de Landsberg à Hoff, où 1 an auparavant il avait combattu avec tant d’acharnement.
La neige avait nivelé le champ de bataille, effaçant la moindre trace des terribles chevauchées menées par nos cuirassiers. Après avoir passé la nuit à Franendorff, il arriva enfin au cantonnement définitif le 19….. Il était temps.
Nous avions grand besoin de repos. La dysenterie faisait des ravages dans l’armée. les officiers et les soldats étaient ennuyés et mécontent. Personne dans ce moment là ne se souciait plus de se battre. Le temps était très froid, les vivres assez rares. On ne trouvait pas de vin, et la bière, dans l’état lamentable où nous étions ne nous convenait pas. (Saint-Chamans)
L’Empereur du reste jugeait la situation de son armée peu brillante puisqu’il avait prescrit à ses maréchaux de n’engager aucune affaire sérieuse.
Le 1er mai, les Tirailleurs Corses vinrent installer leur bivouac sur la lisière d’un bois, près de Morungen, avec les autres corps de la 3e division disposés en carré. Ce nouveau cantonnement donnait satisfaction aux troupes, et forçait l’admiration de nos ennemis.
On ne peut rien voir de mieux fait dans ce genre, tant pour la commodité des troupes que pour l’élégance. Ces huttes rangées en rues étaient construites comme des maisons de bois avec plancher. On y trouvait des bancs, des tables et même des chaises. (Général Benningsen)
Ces trois mois passés dans de bons cantonnements ou dans de confortables baraques avaient produit un excellent effet. Mieux nourris, et bien logés, les hommes avaient retrouvé leur gaieté et même dans ces régions du Nord, peu favorisées par la nature, ils trouvaient le moyen de se distraire dans des bals ou des fêtes improvisés en plein air. L’état sanitaire était satisfaisant et la discipline s’était raffermie. Les pertes de la dernière campagne avaient été comblées. Le bataillon avait reçu des chasseurs exercés venus du dépôt et de nouvelles recrues. L’instruction était poussée dans le camp.
Avec un zèle et une activité infatigable, cette école fut tout semblable au camp de Boulogne. Les officiers et les soldats s’y formèrent aux manœuvres de guerre, et acquirent un degré de perfection dont les résultats ne tardèrent pas à se montrer. Les reconnaissances continuelles, les petites affaires de postes sur la rive droite de la Passarge servirent à aguerrir les conscrits. » (M. Dumas)
Enfin l’Empereur venait de récompenser par des grades et des décorations les officiers et les chasseurs qui s’étaient fait remarquer par leur courage et leur conduite depuis le commencement de cette campagne. Le moral de l’armée se trouvait en cette fin mai à un degré très élevé. Le matériel usagé avait été remplacé, l’entraînement des recrues terminé, les tenues et les armes impeccables.
Et c’est ce moment que choisit Benningsen pour reprendre les opérations de guerre.
Le 5 juin, tôt le matin une forte canonnade suivie d’une fusillade bien nourrie nous annonçait la reprise des hostilités. Notre tête de pont sur la Passarge, à Lormtten était attaquée par des forces considérables dont les efforts vinrent se briser contre l’héroïque résistance de la 2e division du IV° Corps ( 24e Léger, 46e et 57e de Ligne ).
Le Maréchal Soulkt concentre immédiatement son corps d’armée sur la rive gauche de la rivière et le 8 juin au matin, il débouche avec toutes ses forces par les ponts d’Elditten et lance la 3ème division à la rencontre des Russes. Le Général Legrand, sous la protection des Tirailleurs Corses, placés à l’avant garde, atteint l’ennemi à Pittenen. Il le fait sabrer par le 8e Hussards qui le chasse jusqu’à Wollsdorff. Ce village défendu par un bataillon d’infanterie et un régiment de cavalerie, résiste vigoureusement et oblige nos cavaliers à se replier.
Sans l’ombre d’une hésitation, le Commandant Morandini lance ses Corses sur l’ennemi. Leur attaque est si impétueuse qu’en quelques minutes, la rue est jonchée de cadavres. Pour dégager son infanterie, la cavalerie Russe s’élance à la charge, elle est gênée par tous ces cadavres Russes et le matériel qu’ils ont abandonné, aussi les Corses les mitraillent par un feu nourri et les contraignent au retour après leur avoir fait subir des pertes très sérieuses.
Le corps d’armée passe la nuit en tête du bois de Wollsdorff. Le lendemain, après avoir poussé une vigoureuses pointe sur Rietrichsdorf, le Maréchal Soult porte ses bivouacs à Altkirch.
On ne savait plus où prendre l’ennemi. On avait envoyé des reconnaissances de cavalerie légère dans toutes les directions. Le rapport de l’une d’elles fit penser que l’armée Russe se retirait sur Heilsberg. Et l’armée Française y marcha aussitôt. La cavalerie de Murat et l’infanterie de Soult formaient l’avant garde. A deux lieues d’Heilsberg, on trouva l’armée ennemie en bataille, sur un terrain entrecoupé de ravins, dominé par des élévations, couronnées de redoutes formidables. » (Journal du IV° Corps ).
HEILSBERG – 10.06.1807
Le corps de Soult, une division de Ney, et la cavalerie de Murat allait se heurter à 80 000 hommes environ. Nos têtes d’avant garde arrivèrent devant Heilsberg vers midi, la lutte s’engagea, très vive, la cavalerie de Murat après quelques charges heureuses, finit par avoir le dessous et se replia pour permettre à l’infanterie de s’avancer.
Pendant que les divisions de Saint-Hilaire et Carra Saint-Cyr manœuvraient pour enfoncer la gauche de l’ennemi, la Division Legrand, Tirailleurs Corses en tête, marche sur le village de Lawden occupé par un parti de cavalerie qui se replie et disparaît à notre approche. Le général reçut alors l’ordre de soutenir les mouvements de la cavalerie de réserve et d’attaquer le bois de Lawden. Celui-ci était fortement occupé par huit régiments d’infanterie légère, trois régiments de cavalerie et une compagnie d’artillerie volante. Immédiatement, les Tirailleurs Corses, les Tirailleurs du Pô et le 26e Léger se déploient en ligne de colonnes de bataillon à distance de peloton et marchent à l’ennemi. Les 18e , 75e et 105e de ligne formant la réserve. Après une heure de combats très vifs la division resta maître du bois. En même temps, la division Carra Saint-Cyr après une brillante charge s’arrêta épuisée, elle dut être relevée par la division Saint-Hilaire.
La division Saint-Hilaire exécuta un mouvement sous un feu de mitraille épouvantable avec la même exactitude que dans un camp d’instruction, la ligne ennemie fut enfoncée en en partie détruite. (Comte de Persan)
Maître du bois de Lawden, Legrand cherche à gagner les redoutes ennemies, sa gauche appuyée au bois, il dirige sa droite sur la redoute principale. A 400 mètres nos colonnes sont reçues par un feu d’artillerie à boulets et à mitraille lancé de tous les ouvrages construits sur notre front, en même temps, soixante escadrons s’élancent sur les flancs pour nous sabrer. Les Tirailleurs Corses et les Tirailleurs du Pô vivement formés en carré résistent avec une ténacité héroïque empêchant l’ennemi de nous tourner. Notre cavalerie fait alors des prodiges pour nous dégager, Murat, Lasalle, Pajol, chargent trois fois, culbutant tout ce qui se trouvait devant eux, mais accablés par le flot de 80 escadrons qui reviennent furieusement au combat, ils sont ramenés en désordre, et viennent trouver refuge dans les carrés de l’infanterie qui maintenue dans le plus grand ordre, refoule l’ennemi avec rage et le force à tourner bride.
De position en position, nous abordons la ligne ennemie. Le 26e Léger s’empare de la redoute principale et s’y maintient un quart d’heure. Mais les Russes recevant à chaque instant des troupes fraîches et protégées par un grand nombre d’artillerie de position nous assaillent de toutes parts.
La division Legrand lutte héroïquement contre un adversaire quatre fois plus nombreux, elle est obligée de se replier. Ceci se fait en carré, par échiquier, dans sa retraite elle entraîne les divisions Saint-Hilaire et Carra Saint-Cyr. La brigade du général Lasalle ayant été mise dans le même instant dans la déroute la plus complète, ce général n’eut que le temps pour ne pas être pris, de se jeter dans un carré formé par le 26ème Léger, où Murat et Soult se trouvaient déjà. La débandade de notre cavalerie avait été si prompte que chacun s’était réfugié où il avait pu..
Le général Legrand s’était lui réfugié dans le carré des Tirailleurs Corses et voyant son commandant blessé se traîner péniblement, soutenu par un carabinier.
Régler l’allure Morandini, je ne suis pas pressé, je connais la valeur de vos Tirailleurs.
Et le Commandant répliqua sur le ton du commandement :
Au pas du général, Soldat !
Une masse de cavalerie et d’artillerie légère ennemie, ayant en même temps débouchée sur le front du 55e de Ligne qui formait la gauche de la division Saint Hilaire et sur celui du 26e Léger qui occupait la droite de la division Legrand, ces deux corps composés des Tirailleurs Corses et de ceux du Pô n’eurent que le temps de se former en carré pour recevoir les charges dont ils étaient menacés, retenant l’ennemi, ils permirent aux autres régiments d’opérer leur retraite en bon ordre, en entamant la leur par échelon ». (VIVIEN)
Les bataillons firent leur retraite en bon ordre, sans être entamés, malgré les charges incessantes et furieuses portées par la cavalerie ennemie.
Une première charge de dix escadrons de hussards de la mort, d’un second régiment de hussards prussiens, et d’un régiment de cosaques réguliers de la Garde Russe, vint échouer sur nos baïonnettes et laissa les quatre faces du carré jonchées de cadavres. Dans le même temps, le carré du 26e Léger était enfoncé, ses débris vinrent se jeter sur nous, et furent accueillis sans qu’il en résultat aucun désordre apparent… » (Vivien)
Il apparaît que le 26e Léger, avait formé deux carrés de ses deux bataillons, un seul s’était redéployé pour prendre la redoute mais ne fut pas enfoncé et ne partit pas en débandade vers le carré du 55e de Ligne comme le dit Vivien. Nous en voulons pour preuve le rapport de Pouget.
Menacés par la cavalerie, mes deux bataillons furent disposés en carré, l’un sous le commandement de mon général de brigade, et l’autre sous mon commandement, en approchant d’une redoute, je fis déployer mon bataillon qui franchit fossé et talus et pénétra dans l’intérieur et s’empara de quatre pièces et d’un obusier. J’étais à cheval et je tournais la redoute quand déjà mes Tirailleurs étaient à plus de cent pas en avant. Une charge de cavalerie Prussienne fondit sur eux et fit quelques prisonniers, au nombre desquels se trouvait mon frère. Mais le gros du bataillon, maître de la redoute, la repousse par sa mousqueterie, et notre cavalerie lancée sur les Prussiens, leur reprirent bientôt les prisonniers qu’ils n’avaient pas gardé cinq minutes. J’eus un cheval tué sous moi, par un biscaïen qui me toucha la cuisse gauche, à la partie interne, ce qui m’empêcha d’en monter un autre. Mon premier bataillon faisait merveille sur la droite à deux cent toises de moi. Il était resté en carré et soutenait glorieusement l’honneur du 26e. Le grand duc de Berg qui se trouvait sur ce point, le maréchal Soult, les généraux Lasalle et Ledru, pressés par une charge de la Garde Royale Prussienne, se réfugièrent dans son carré, le général Legrand, lui s’était réfugié dans le carré des Tirailleurs Corses. Le carré du 26e attendit l’ennemi, à vingt pas et fit feu, si à propos qu’il culbuta presque toute cette cavalerie et fit rétrograder le reste. Quelques cavaliers arrivèrent jusqu’au carré qui les reçut la baïonnette croisée. Le terrain resta jonché d’hommes et de chevaux. Notre cavalerie se lança à ses trousses ,fit des prisonniers et leur tua encore beaucoup de monde.
Alors, carré enfoncé ou pas ? il semble qu’il n’y eut pas de carré enfoncé. Vivien a-t-il recueilli dans son carré les ex-prisonniers libérés du 26e dont nous parle le Colonel Pouget ? Mais tous s’accordent à dire que les Corses ont brillamment tenu, et c’est ce qui nous importe.
La division Legrand ainsi que les deux régiments de fusiliers de la garde étaient dans une plaine contre le bois de Lawden et les redoutes, comme des rochers inébranlables repoussant successivement les flots de l’immense cavalerie ennemie et protégeant celle de la réserve de l’armée. » (Journal du IV° Corps)
Ces redoutes vivantes contenaient les lignes Russes qui avaient voulu se porter en avant, elles renfermaient des cavaliers Français démontés, des Russes de toutes armes même des Cosaques prisonniers, qui, à chaque instant, voyant les efforts de leurs troupes impuissantes, attestaient par leur présence la valeur indomptable des braves qui formaient cet impénétrable bouclier ». (M. Duma)
Il faisait presque nuit lorsque la division Verdier, du Corps du Maréchal Lannes arriva sur le champ de bataille et s’élança en avant jusqu’aux pieds des retranchements qu’elle ne put forcer malgré ses attaques répétées.
L’action étant devenue moins vive, le général Legrand se porta en avant avec les Tirailleurs Corses et ceux du Pô à la gauche du bois de Lawden, près de la route qui conduit à Eylau pour dégager le 18e de Ligne qui soutenait seul les attaques incessantes de trois régiments. Vers minuit le combat cessa et la 3e division se rassembla en tête du bois de Lawden où elle bivouaqua.
Les pertes du IV° Corps en cette journée furent considérables et s’élevèrent à 36 officiers et 650 soldats tués, 215 officiers et 5613 soldats blessés, 6 Officiers et 35 soldats faits prisonniers, 91 chevaux tués.
Les Tirailleurs Corses, s’étaient particulièrement distingués, le Commandant Morandini, qui avait été blessé au cours de la bataille avait fait preuve de toutes ces belles qualités qui distinguent un officier aussi courageux, qu’habile manœuvrier. Le Général Legrand lui témoigna toute sa satisfaction dans son rapport.
LA PRISE DE KOENIGSBERG
Le 12 juin, le IV° Corps se trouvait au bivouac dans les environs d’Eylau. Les champs que nous avions laissés trois mois auparavant couverts de neige et de cadavres et de sang, offraient à présent un tapis de verdure émaillé de petites fleurs multicolores. Les anciens du bataillon montraient aux conscrits les emplacements sur le champ de bataille où ils avaient tant soufferts.
Le 13 juin la division se porte vers Heiligenbeil avec mission de nettoyer les bords du Frisch-Hoff et de refouler vers Koenigsberg ou d’anéantir tout ce qu’elle pourrait y rencontrer. On n’y rencontra que très peu de troupes ennemies qui prirent la fuite à notre approche.
Le 14 juin au matin le corps du Maréchal Soult se porta sur Koenigsberg.
A 9 heures la division Legrand se présentait devant Kraschau occupé par un bataillon Prussien. L’attaquer en l’en chasser ne fut l’affaire que d’un instant, devant la détermination des troupes françaises, les Prussiens reculent, puis abandonnent la position en désordre.
Les généraux alliés essayent en vain de prendre position devant le bois de Kraschau , pressés, débordés, et vivement canonnés, ils furent contraints de se renfermer dans Koenigsberg. Le général Legrand dirige alors sa brigade légère vers une redoute qui défendait les approches de l’enceinte, à droite de la porte de Mulhen. Pendant que le 26e Léger esquissait un mouvement tournant, les Tirailleurs Corses et les Tirailleurs du Pô attaquent la position de front, culbutent les défenseurs dans les fossés et entrent pêle-mêle avec lui dans l’ouvrage. Ils pourfendent les artilleurs et prennent les quatre pièces de canon qui défendaient la redoute. Ces pièces qui tirant à mitraille sur nos troupes, leur avaient fait beaucoup de mal quelques instants auparavant.
Regroupant sa brigade légère, le général Legrand l’envoie renforcée par la brigade Ledru sur les faubourgs de Nasse-Garten , là, l’ennemi qui le défendait est promptement chargé, on lui tue considérablement de monde et lui fait 400 prisonniers. Quelques instants après, l’ennemi ayant fait une sortie de cavalerie, le bataillon Corse le reçut à bout touchant avec une perte d’un grand nombre d’hommes et de chevaux…la division Legrand se maintenait dans les faubourgs ». (Journal du IV° Corps).
Dans la soirée, Murat rappelé à Friedland partit avec toute sa cavalerie et le corps de Davout, laissant à Soult le soin de prendre la ville.
Le général Legrand a poussé jusqu’à l’extrémité du faubourg où il a été arrêté par un feu de mitraille très vif, que la demi-lune fraisée et palissadée qui couvre la porte lui a fait. L’ennemi a entrepris une sortie de cavalerie, le bataillon Corse l’a repoussé et le général Legrand s’est maintenue dans le faubourg », (Rapport de Soult à l’Empereur)
Ce 15 juin, le Maréchal Soult continua de canonner la place et de faire les apprêts de l’assaut. Mais au moment même ou prêts et tendus, nous nous disposions à donner l’assaut, nous apprîmes que la garnison, ayant reçu dans la nuit la nouvelle de la bataille de Friedland, gagnée par l’Empereur sur les troupes Russes, était partie précipitamment. Nous y entrâmes aussitôt sans obstacle, et l’ordre y fut maintenu. Les divisions s’installèrent au mieux dans cette ville, qui du fait de la fuite ennemie, n’avait pas trop souffert.
Le traité de Tilsit ( 21 juin 1807 ) mettait fin aux hostilités et dans sa proclamation du lendemain, l’Empereur disait aux soldats :
Mes bienfaits vous prouveront ma reconnaissance et toute l’étendue de l’amour que je vous porte…
Je confère la croix de Commandeur au Général Ledru des Essarts qui, avec les Bataillons Corses et du Pô, avait plusieurs fois repoussé la cavalerie Russe qui tentait de contourner notre gauche à Heilsberg…..
Soult proposa pour la croix d’officier le Commandant Morandini qui à la tête des Corses avait été blessé à Heilsberg. ( J. Durieux – La Sabretache 1907).
La division Legrand se porta sur la route de Tilsit où elle baraqua. L’Empereur la passa en revue le 12 juillet 1807 , et le 15, elle levait le camp pour venir cantonner sur la rive gauche de la Passarge.
Ce pays était si riche, que malgré la guerre qu’on y faisait depuis sept mois et la présence continuelle des armées Françaises, Russes et Prussiennes, tout s’y trouvait encore en abondance….
Une seule compagnie d’infanterie ou de cavalerie occupait de beaux et riches villages où des régiments entiers auraient pu vivre largement. Les officiers y étaient parfaitement bien, sans qu’il leur en coûtât rien ; ils pouvaient envoyer les trois quart de leur solde en France ; les soldats n’en étaient pas moins bien traités. » (Saint-Chamans)
Le 19 novembre, les cantonnements sont levés pour se retirer sur la Vistule, après une première étape à Fraunsberg, on les dirigea le 20 sur Elbing où ils arrivèrent presque à la nuit. Le soir tous les généraux et les officiers supérieurs de la 3e division dînèrent chez le Général Legrand qui leur apprit que le Maréchal Soult quittait le commandement du IV° Corps pour se rendre à l’armée du Portugal et chargeait ses divisionnaires d’être ses interprètes auprès des chefs de corps pour leur témoigner son extrême satisfaction sur leur manière de servir.
Le 21 nous arrivâmes à Christburg où nous restâmes quelques jours en campement sur la rive gauche de la Vistule. Le 1er décembre, nous quittâmes ces cantonnements pour passer le fleuve dont nous n’étions qu’à 6 heures. Après avoir passé par Marienburg, ancienne résidence des chevaliers Teutons, nous arrivâmes à Dirschau, où le général Ledru fixa son quartier général. » (Saint-Chamans)
La vie que menait nos troupes dans ses divers cantonnements était assez agréable. Les officiers étaient logés dans des jolies propriétés appartenant aux plus riches, dont ils partageaient les joies et les plaisirs. Les soldats, bien logés et bien nourris par l’habitant se plaisaient et organisaient des parties de chasse et de pêche pour tuer le temps. Cette vie de bourgeois dura pour nos troupes jusqu’au 20 avril 1808 où l’ordre parvint à la division de se tenir prête à camper.
On vient de nous fournir tous les outils nécessaires au baraquement, ainsi que notre batterie de cuisine qui est considérable. Je crois que le Roi de Prusse veut nous régaler. Je vais au camp aussi gai que si je restais ici. (Saalan dans Prusse Occidentale)
Mon ordinaire sera bien différent, mais il faudra bien s’en contenter, nous autres soldats nous sommes tantôt dans l’abondance, tantôt dans la misère, au vu de ce départ, l’Empereur avait bien raison, ayant fait accorder une gratification qui fera bien plaisir à tout le monde, d’en retarder le paiement, nous risquons d’en avoir besoin ; » ( Notes du fourrier du 26e Léger. La Sabretache 1898 ).
Que veut dire notre caporal fourrier du 26e Léger par ses paroles : L’armée au repos vient de vivre ces mois d’hiver dans des cantonnements plaisants, on l’a vu, avec un confort respectable, nourrie par l’habitant, donc sans toucher à sa solde, pour les surplus de nourriture, comme on doit souvent le faire au bivouac. Elle était au sec, et au chaud, consacrant tout son temps au loisir… Tout cela était terminé. On allait se mettre en campagne…. Le paiement retardé par l’Empereur était du à la décision qu’il avait prise de reverser à l’armée 100 millions de francs, prélevés sur la contribution de guerre à la Prusse, et distribués de la manière suivante :
– Tout sous-officier ou soldat ayant fait la campagne d’Iéna aurait droit à 15 francs.
– S’il avait en outre fait celle d’Eylau, 30 francs
– Celle de Friedland 45 francs.
– Enfin chaque soldat qui avait été blessé dans une des Campagnes de Prusse ou de Pologne recevrait le maximum des trois sommes.
Le 19 mars 1808, le Commandant Morandini fait l’objet d’une donation de 4 000 francs en Westphalie.
20 avril 1808, la division Legrand s’établit au camp de Mëwe sur la rive gauche de la Vistule. Les troupes occupaient de vastes baraques dont le toit de chaume terminé en pointe était surmonté d’un drapeau aux trois couleurs, sur la baraque du commandant, plus spacieuse, et coquettement installée, flottait une flamme tricolore de 25 pieds de longs. » (Pouget)
Chasseurs et carabiniers menaient là, la belle existence du camp de Boulogne. L’instruction était poussée avec ardeur sans s’arrêter sur des mouvements inutiles et compliqués qui font les délices des officiers que l’expérience de la guerre n’a jamais guidés. On n’apprenait que les manœuvres indispensables sur un champ de bataille. » (Persan)
Aux exercices, succédaient les divertissements, une troupe triste est une mauvaise troupe mal commandée. Les soldats de l’Empereur étaient gais, chaque chef de corps organisait des jeux, courses à pied ou de chevaux, concours de tir, le tout couronné par des prix, représentations théâtrales, musicales, feux d’artifices.
Le 15 août, on célébre la St Napoléon.
Un autel fut artistement et militairement construit au camp et la messe y fut dite par le grand vicaire de Poméranie. Toutes les troupes de la division, généraux en tête s’y trouvèrent. Après la messe on exécuta des manœuvres où l’artillerie et la mousqueterie se firent entendre, puis on fit aux troupes une distribution de vin et double distribution de vivres. Le Général Legrand avait fait construire dans le jardin attenant à sa barque une immense tente en coutil tapissés, au dehors de verdure, et au dedans de trophées, dans laquelle il fit servir un très bon dîner auquel il avait convié tous les officiers généraux et autres de tous grades. Il y avait aussi un grand nombre de personnages Prussiens et Polonais et quelques dames. La santé de l’Empereur fut portée avec enthousiasme. La musique de tous les corps se fit alternativement entendre. Le dîner fut suivi d’un bal où toutes les jolies femmes des environs se montrèrent. Il y avait aussi un bal au camp. Tout respirait la joie et la concorde, un temps magnifique favorisa cette journée. » ( Pouget)
Le 20 septembre, le général Legrand était instruit que l’Empereur Alexandre de Russie devait passer par Marienwerder pour se rendre auprès de Napoléon à Erfurt, il fit porter ses tentes près du pont de la Vistule pour lui rendre les honneurs militaires. Il rentra au camp quelques jours après. Après l’entrevue d’Erfurt, Soult rentra à Paris pour se rendre au Portugal.
Le 12 octobre, Napoléon rendit un décret qui dissolvait définitivement l’Armée d’Allemagne et constituait une armée du Rhin, sous les ordres du Maréchal avout.
Le 06 novembre, la division Legrand quittait le camp de Mëwe et par petites étapes, après avoir connu diverses variétés dans ses cantonnements, des bons et des moins bons, elle atteignit Ochsenfurt le 10 décembre où elle séjourna quinze jours au frais de la ville.
Ce fut dans cette petite ville du Duché de Würzburg, baignée par le Main que nous ressentîmes les premières rigueurs du froid. » (Pouget)
Le 25 décembre, les Tirailleurs Corses, hommes fervents Morandini en tête, fêtaient la Nativité dans cette ville. Dès le lendemain la division se mettait en route et passant par Frankfort et Mayence, rejoignait Oppenheim sur la rive gauche du Rhin.
Il était curieux de voir avant le passage du Rhin, les officiers et les soldats faire leurs provisions de sucre et de tabac. On ne leur fit pas ouvrir les sacs quoique sur ce point les douaniers fussent très sévères. (Pouget)
Le 1er Janvier 1809, l’Empereur prescrivait que la division Legrand, hormis les Tirailleurs Corses et les Tirailleurs du Pô, qui passèrent sous les ordres du général Oudinot, se rendrait à Paris par petites journées.
Un ordre du 14 janvier maintenait cette division à Metz, mais les Corses et les Piémontais restaient affectés au Corps d’Oudinot sur insistance de ce dernier. Ce fut avec quelques peines, que le bataillon quitta ses vieux camarades d’Austerlitz, de Lübeck, d’Eylau, d’Heilsberg et de Koenigsberg.
ETAT DU BATAILLON A FRANCFORT LE 31 décembre 1808
État-major
Chefs de bataillon : 2
Adjudant-Major : 1
Chirurgien : 1
Sous aide chirurgien : 1
Capitaines 2
Bataillon
Officiers 27
Sous-Officiers 42
Soldats 748
Tambours 8
Cornets 2
Cantinières et blanchisseuses : 4
Chevaux d’officiers : 7
Chevaux d’équipages 7
Chevaux de cantiniers 8
Signé MORANDINI
C’est dans la brigade d’avant-garde du général Coehorn que se trouvait le Bataillon des Tirailleurs Corses, surnommé dans l’armée Les Cousins de l’Empereur. (Parquin – Mémoires )
Le 1er janvier 1809, la bataillon passa donc au corps de réserve, commandé par le Général Oudinot et dans le rapport du ministre en date du 27 janvier, il figure comme ayant rejoint la division à Deux-Ponts (Bavière).
Le bataillon des Tirailleurs Corses, se compose toujours de 9 compagnies, et les renforts qu’il a reçu portent ses effectifs à 933 hommes ( état du 9 mars ). Mais l’Empereur ayant prescrit la formation de douze nouveau bataillons de marche. Les Tirailleurs durent fournir 120 hommes destinés à entrer dans la composition du 10e bataillon, comprenant en outre deux compagnies du 26e Léger, de vieux compagnons de combat. L’effectif du bataillon se trouve donc réduit à 813 hommes, soit 90 environ par compagnies. Tous insulaires, car l’Empereur veille à ce que tous les conscrits Corses soient envoyés aux Tirailleurs Corses.
Aucun changement dans la constitution des cadres. L’avancement dans le corps est conservé, et aucun Vélite de la Garde n’est nommé sous lieutenant au bataillon, comme dans les autres corps.
Quoique enrégimentés, les Tirailleurs Corses conservaient l’autonomie de leur administration et leurs uniformes ne subissaient aucune modification, hormis nos adjoints porte-aigle qui reçurent sur chaque haut de manche deux galons de laine rouge en V inversé. Il faut dire que nos Corses conservèrent leur Aigle, dans ce corps d’armée où tous les bataillons, Tirailleurs du Pô, exceptés, ne possédaient qu’un drapeau fait de serge tricolore portant d’un côté le numéro de la demi-brigade et de l’autre celui du bataillon.
Le drapeau des Tirailleurs Corses portera l’inscription : 4e demi légère à l’avers et Tirailleurs Corses au revers. » (Correspondances, XVIII,525)
C’est ce qui fut prévu mais non appliqué, les Tirailleurs Corses, à la demande de Morandini, conservèrent leur Aigle, qu’ils avaient su couvrir de gloire, jusqu’en 1811. Ils conservent de plus son excellent esprit de corps que l’Empereur et Masséna vont proclamer devant l’armée toute entière.
En 1809, la 4e demi-brigade légère, composée des Tirailleurs Corses, de ceux du Pô, et d’un bataillon du 26e Léger, (tous issus de la division Legrand et de la brigade Ledru dont les exploits faisaient l’admiration du IV° Corps) est sûrement le corps le plus solide et le plus instruit des grenadiers réunis. A leur tête, le Colonel Salmon, un des plus brillants officiers des grenadiers d’Oudinot, au dessus de lui, commandant la 1e brigade, le Général Coehorn, dont le nom est resté synonyme de vaillance et de courage. Et enfin, au dessus, le Général de division Claparède, un émule et un disciple du Maréchal Lannes. Nos Corses étaient bien encadrés et bien commandés.
Le bataillon quitte le cantonnement pour prendre la direction de Augsbourg, en passant par Darmstadt, Geislingers, Ulm, du 14 au 25 février, il avait parcouru une partie de la route bien connue des anciens d’Austerlitz. La guerre n’était pas encore déclarée, et les étapes n’étaient pas aussi dures qu’à leur dernier passage en ces sites. D’autant qu’à chaque étape on s’arrêtait chez l’habitant, les officiers vivaient à la table de leur hôtes, et la troupe recevait de l’habitant en plus de leur ration de pain, au déjeuner, la soupe et l’eau de vie, au dîner, la soupe, la viande, des légumes et un demi pot de bière, au souper des légumes et un demi pot de bière.
Les Tirailleurs Corses cantonnèrent dans les environs d’Augsbourg, du 25 février au 9 avril, date à laquelle un aide de camp de l’Archiduc Charles faisait remettre à Davout une déclaration officielle, portant qu’il avait ordre d’avancer avec ses troupes et de traiter en ennemies, toutes celles qui lui opposeraient résistance.
La guerre était déclarée.
Au début des hostilités, Napoléon n’avait pas encore quitté Paris, en son absence le Maréchal Berthier, Major-Général plaça le Général Oudinot sous les ordres de Masséna chargé de garder la ligne de Lech. Dès le 9 avril, la division Claparède se concentre à Pöttmes « pour s’y battre et au besoin se retirer sur le Main » (ordre de Berthier).
Du 10 au 16 avril, nos troupes restent dans une expectative énervante, recevant à chaque instant des ordres suivis immédiatement de contre ordres qui peignent bien le désarroi du commandant en chef. Mais le 17, Napoléon arrive à Donauverth et adresse un impérial salut à ses troupes, sous forme de proclamation.
A l’Armée !
Soldats ! Le territoire de la Confédération q été violé ! le général Autrichien veut que nous fuyions à l’aspect de ses armes et que nous lui abandonnions le territoire de nos alliés.
J’arrive au milieu de vous avec la rapidité de l’aigle.
Soldats ! J’étais entouré de vous, lorsque le souverain Autrichien vint à mon bivouac de Moravie. Vous l’avez entendu implorer ma clémence et me jurer une amitié éternelle. Vainqueurs dans trois guerres, l’Autriche a du tout à notre générosité ; trois fois elle a été parjure ! Nos succès passés nous sont un sûr garant de la victoire qui nous attend. Marchons donc, qu’à notre aspect l’ennemi reconnaisse ses vainqueurs.
Avec sa proclamation partaient ses premiers ordres, Masséna devait marcher sur Aichach, et le 18 avril, le corps d’Oudinot se porte d’Augsbourg à Aichach. Puis le lendemain, le général Oudinot levait ses bivouacs et se dirigeait sur Pfaffenhofen. Tôt le matin, nous nous heurtons aux avant postes Autrichiens qui, refoulés par notre cavalerie sont rejetés dans la place. Le Général Scheibler, chargé de la défense, tente alors une sortie avec six bataillons d’infanterie, un régiment de Dragons et un de Hussards. Le Général Claparède déploie sa première brigade. L’intrépide Général Coehorn attaque avec son impétuosité habituelle. Les vieux soldats des 2e et 4e Légère donnent une nouvelle preuve de leur bravoure en repoussant les charges successives de l’ennemi. Mais bientôt, plus de 4 000 Autrichiens menacent de nous disputer le passage, Oudinot lance en avant la Brigade Lesuire qui, en quelques minutes, culbute les Autrichiens et les oblige à se retirer laissant sur le terrain 60 morts et 260 prisonniers. Nos pertes s’élevaient à une cinquantaine des tués ou blessés ( dont 6 Tirailleurs Corses)
La poursuite continua très vive, malgré la grande fatigue des troupes engagées dans des chemins affreux, que la pluie avait rendu impraticables, mais on ne faiblissait pas, les ordres étaient précis :
vous suivrez mes premiers succès, vous ne pouvez vous en dispenser sous aucune considération .
Le soir, la division Claparède bivouaquait sur la route de Freysing. Fatiguée mais pleine de zèle pour son souverain
Le 20 avril au matin, Masséna avait concentré ses quatre divisions autour de Pfaffenhofen. Dans l’après midi de la même journée, la division Claparède marche sur Freysing, qu’excédée de fatigue elle n’atteindra que vers 18 heures. La brigade s’installe au bivouac de Langenbach, protégeant son front par les Tirailleurs Corses et son flanc gauche par ceux du Pô.
Le 21 avril au matin, avant le jour, Masséna fait occuper Mosburg par la cavalerie légère et pousse Claparède sur la route de Landshut, sans plus d’instruction. Aux portes de la ville, sur la rive droite de l’Isar, nos cavaliers sont arrêtés par une violente fusillade des Autrichiens. Le Général Coehorn, n’a pas un moment d’hésitation, se mettant à la tête de ses tirailleurs, il marche à l’attaque de la position, malheureusement le général de division juge inopportun de prendre l’offensive, sans l’ordre du maréchal, il prescrit donc à sa première brigade de suspendre son mouvement et de se borner à faire surveiller les Autrichiens par une ligne de tirailleurs. Cette inaction de quelques heures sauvera l’armée d’Hiller, attaquée sur l’autre rive par l’Empereur.
Masséna n’arriva devant Landshut que dans l’après midi au moment où les divisions Morand et Saint-Hilaire, victorieuses, pénétraient dans la place. Il fit alors avancer la division Claparède, qui dans son mouvement sur Landshut fit 500 prisonniers dont plusieurs officiers.
La brigade Coehorn avait fait 56 lieues en trois jours, et le 22 avril se remettait en route pour se rendre à Ratisbonne, sur la rive gauche de l’Isar. Malgré toute la diligence dont elle put faire preuve, elle ne put participer à la sanglante bataille d’Eckmühl. Fatiguée par ses marches consécutives, la brigade s’arrêta et bivouaqua à Egglofsheim.
Le 23 avril, la division Claparède lève ses bivouacs et se rend en tout diligence à Straubing et passe la nuit sur les deux côtés de la route de Passau. Le lendemain de bon matin, elle repartait en direction de Plattling, nouveau bivouac et nouveau départ pour bivouaquer le 25 avril aux environs de Vilshofen, elle avait parcouru 70 km en deux jours.
Le 26 avril, 4 heures du matin, la division Claparède, avant garde du corps d’armée, reprend sa marche sur Passau. A son approche l’ennemi évacue la ville, laissant à Innstadt, 500 Croates commandés par un major qui a pour mission de s’opposer au rétablissement du pont de l’Isar, détruit en grande partie. Jugeant impossible de s’emparer de vive force d’un passage changé en véritable précipice et fortement défendu par des troupes abritées dans des maisons écroulées et un amas de chariots et fourgons retournés, le duc de Rivoli, donna ordre au général Coehorn de s’embarquer sur le Danube avec 600 hommes, de descendre le fleuve jusqu’au dessous d’Innstadt et d’y débarquer pour aller attaquer ce faubourg, d’en déloger l’ennemi, en même temps, il plaça les Tirailleurs Corses et ceux du Pô à l’entrée du pont pour fixer l’attention des Croates.
Une troupe brave ne peut rester longtemps face à l’ennemi, sans marquer le désir de passer à l’attaque. Spontanément, d’intrépides Tirailleurs, impatients et las d’essuyer le feu d’un adversaire invisible , s’offrent au Commandant Morandini, pour forcer le passage sans attendre le résultat de la manœuvre du général. Le Commandant Morandini donna son consentement. Immédiatement les volontaires s’alignent, et guidés par un sergent, (héros obscur, dont nous n’avons pas retrouvé le nom) s’élancent, sous une grêle de balles sur le pont, sautant comme des cabris, un à un, d’une poutre à l’autre, ils franchissent ensuite comme des furieux, les deux plus larges travées sur deux longerons, disposés à deux mètres l’un de l’autre et sur chacun desquels un homme avait de la peine à se tenir debout. Puis sautant les derniers obstacles, pénètrent dans les maisons où ils firent les occupants prisonniers
Malgré le feu constant de mousqueterie, que l’ennemi continuait sur eux à brûle pourpoint, ils atteignirent la rive droite de l’Isar sans s’arrêter, ils pénétrèrent dans les maisons pour y faire 400 prisonniers Croates qui tiraient des fenêtres. Nous n’avions perdu que trois hommes. (Journal du Général Chambarlhiac).
Dans l’après-midi, le général Coehorn poursuivit pendant deux lieues plusieurs pelotons ennemis dispersés dans les bois voisins. A sept heures du soir, le pont de l’Inn était réparé, le reste de la division Claparède le traversa à neuf heures du soir.
Nous sommes maintenant sur le territoire des contre-frères.» écrivait le Général Coehorn.
A la suite de ces opérations, le Maréchal Masséna adressait à l’Empereur la lettre suivante, datée de Passau le 26 avril.
Sire,
Si l’intention de VM est de me retirer la division Claparède, je la supplie de vouloir bien me donner les Bataillons Corses et du Pô, que je mettrai dans la division Boudet qui n’a que trois régiments. Ce sera un véritable cadeau que je tiendrai de VM – Masséna.
La valeur, le courage des Corses hautement consacrés par l’Enfant chéri de la Victoire, voilà un brevet de vaillance dont les Corses ont lieu d’être fier à jamais.
Le 27 avril vers midi, les troupes de Masséna sont réunies à Schärding, après que le pont eut été rétabli, la division Claparède près de Süben, la tête de colonne, toujours la brigade légère de Coehorn dans Süben.
Le 28 avril, le duc de Rivoli apprenant que l’ennemi restai sur ses positions entre Braunau et Schärding, prescrivit au Général Claparède de porter sa brigade légère avec trois pièces d’artillerie de 4 en avant. A Obernberg, les Tirailleurs Corses retrouvent et tout de suite accrochent l’arrière garde Autrichienne. Au pas de course, ils la rattrapent, la chargent, la mettent en déroute et lui font une centaine de prisonniers.
Le 29 et le 30 avril, nos troupe restent sur leurs positions et se bornent à pousser quelques explorations sur les routes. Le corps d’armée occupait une zone de 5 à 6 lieues et pourtant le ravitaillement se faisait avec de grandes difficultés.
Le pays est désert, et ce ne sera qu’à Efferding, à quatre lieues de Linz, que nous trouverons des ressources. (lettre de Masséna) .
Le 1er mai, le Major-Général écrivait à MASSENA pour l’inviter non seulement à presser le pas vers Linz, mais aussi de s’emparer d’Ebersberg, sur le Traun et, s’il était possible d’un pont sur le Danube que l’on couvrirait aussitôt par une tête fortifiée. Masséna, précédé par la cavalerie légère de Marulaz, et la division Claparède, quitte Schärding le jour même à deux heures. La route suivie formait un étroit défilé gardé par de l’infanterie Autrichienne, qui à la sortie d’Efferding, accueillit notre cavalerie légère par une vive fusillade. Marulaz, qui ne pouvait se déployer dans ce défilé, dut rétrograder et attendre l’infanterie.
Dès son arrivée, Claparède lança en avant la brigade légère de Coehorn qui par une fusillade nourrie, suivie d’une charge fougueuse, culbuta l ‘ennemi, le chassa au-delà du défila et nous ramena quelques prisonniers, dégageant ainsi la route pour nos troupes. Tous les prisonniers faits au cours de cette attaque s’accordaient à annoncer, que l’on trouverait de très grandes forces à Linz, et que des préparatifs de défense avaient été faits sur le Traun.
Le 3 mai, de bonne heure, le IV° Corps se mit en marche sur Linz à la poursuite du corps d’Hillet, la division Claparède formait l’avant garde dans laquelle le Général Coehorn appuyait directement la cavalerie de Marulaz avec les Tirailleurs Corses, les Tirailleurs du Pô et ses trois pièces d’artillerie légère.
A deux lieues de Linz, la route serpente dans un long défilé enserré entre le Danube et les hauteurs boisées de la rive droite du fleuve, où le moindre obstacle est difficile à surmonter. Les Autrichiens avaient fait occuper cette position par un bataillon dont le feu arrêta net la marche de notre cavalerie. Énergiquement dirigés par Coehorn, les deux bataillons de Tirailleurs chargent, refoulent l’ennemi et pénètrent à leur suite dans les faubourgs de Linz. La ville elle-même, fut traversée sans grande résistance, la fuite effrénée du bataillon poursuivi ayant entraîné avec elle de nombreux défenseurs. Les Autrichiens, aussi vite qu’ils le purent, prirent la direction du Traun, abandonnant dans leur fuite plusieurs canons, deux caissons, et quelques prisonniers. Il était 9 heures.
En débouchant de Linz, la cavalerie légère repris la tête de colonne et s’élança à la poursuite de l’ennemi sur la route d’Enns, elle dut s’arrêter aux abords du bois de Scharling devant une ligne de plusieurs bataillons qui firent un feu roulant sur le peloton d’avant garde. Les escadrons suivants furent contraints de se ranger de part et d’autre de la route pour faire place à l’infanterie légère d’avant garde. A l’approche de la brigade de Coehorn, les Autrichiens se retirèrent vers le village de Klein-Munchen sans plus opposer de résistance.
Lorsqu’il arrive en vue de Klein-Munchen, l’état major de Masséna, regarde étonné et surpris cette bourgade fortifiée de façon impressionnante, les jardins bordés de haies sont occupés par une nombreuse infanterie chargée de défendre l’accès de la Traun qui en cet endroit est divisée en plusieurs bras que des ponts de bois relient entre eux. Le pont le plus grand, qui fait 284 mètres de long est supporté par 24 piliers. Il donne accès à une vieille tour fortifiée, dont la porte est ouverte toute grande, pour permettre à un obusier de balayer le passage. Cette porte donne accès à la petite ville d’Ebersberg, également orthographiée Ebelsberg, bâtie en amphithéâtre, à flanc de coteau. Sur des collines escarpées se détache, à une centaine de mètres de la rivière, la masse imposante d’un château hérissé de canons. Sur les hauteurs, derrière les haies des jardins, les fenêtres des maisons, ou en colonne d’assaut dans les bois qui bordent l’horizon, les 40.000 hommes d’Hiller attendent l’Armée Impériale.
Deux batteries que l’on aperçoit de part et d’autre du pont attirent fortement l’attention de Masséna, qui, après avoir longuement étudié les positions de l’ennemi lance l’ordre d’attaque. La brigade Coehorn, soutenue par la cavalerie légère prononce son attaque, la première ligne ennemie (Benjowsky) est refoulée sans opposer une grande résistance, un régiment retranché dans les maisons, ouvre le feu par toutes les ouvertures, mais ne parvient pas à arrêter l’élan des Tirailleurs Corses et du Pô qui pénétrant par les jardins, défoncent les portes et tuent ou prennent les défenseurs les plus hardis, forçant les autres à fuir en désordre. Pêle-mêle avec les Autrichiens en fuite, ils enfilent la grand-rue, sorte de long défilé bordé à droite par le canal, et à gauche par des maisons et des haies, et se précipitent avec une extrême rapidité sur les ponts des petits bras de la Traun repoussant les fuyards vers le pont principal, sur lequel en quelques minutes, s’empilent les fantassins et les cavaliers Autrichiens.
Derrière eux à portée de baïonnette se ruent les Corses ». (Colonel Castillay).
A la sortie du pont, les Autrichiens entassaient des fagots goudronnés pour y mettre le feu, arrêtés subitement dans leur opération, par l’arrivée de tous ces fuyards et surtout par la présence des Corses derrière eux ils font converger vers les assaillants un feu de peloton, qui décimera plus de fuyards que de Corses, puis à la hâte passent la porte d’accès et la referment sur eux, sans plus de soucis pour leurs soldats en fuite. Ceux-ci, criblés de balles et de mitraille par les leurs, frappés à coups de baïonnettes par les Tirailleurs, se précipitent du haut des ponts dans les îlots où ils deviennent nos prisonniers.
Coehorn ordonne de jeter dans le fleuve les morts et les chariots chargés de blessés qui obstruent le passage. Sous un feu terrible partant des batteries du château et des maisons voisines, la brigade légère arrive à l’extrémité du pont, quelques madriers ont déjà été retirés.
Il nous faut arrêter et attendre que les sapeurs du génie aient réparé la partie rompue, ce qu’ils font avec une rare intrépidité en y laissant deux officiers et un bon nombre des leurs ». (Colonel Castillay, Mémoires).
Il ne reste plus maintenant qu’à faire sauter la porte barricadée par derrière, et pendant que les haches des sapeurs font voler en éclats les battants de la porte, assaillants et défenseurs se fusillent à bout portant, les compagnies, elles avancent toujours, les rangs se serrent, il n’y a même plus de place pour tomber, les morts restent debout. Enfin un dernier coup de hache, une dernière poussée la porte s’ouvre, le Capitaine Ferrey est blessé, et soutenu par un sapeur donne l’ordre à ces derniers de s’effacer. Alors l’intrépide Coehorn fait irruption sur la place couverte d’infanterie, le Commandant Morandini le sabre haut, le suit à la tête de ses Tirailleurs qui foncent à la baïonnette sur des Autrichiens surpris et stupéfaits de tant d’audace.
Les Corses engagent vivement une lutte disproportionnée, heureusement les Tirailleurs du Pô et le Bataillon du 26e Léger arrivent à la rescousse. Toute la 4e demi-brigade légère est aux prises. Deux pièces d’artillerie sont disposées près du pont. Artilleurs et fantassins combattent côte à côte, la mêlée est sanglante. Appuyée par nos canons, la brigade légère frappe avec vigueur tout ce qui passe à sa portée. La place est nettoyée. Une dernière charge à la baïonnette chasse les ultimes défenseurs. La 4e demi-légère occupe enfin la place abandonnée par l’ennemi.
Sans attendre plus, le Général Coehorn lance le Colonel Salmon avec la 2e demi-légère sur sa droite, vers l’église, et la 4e sous les ordres du Colonel Landry sur la gauche et se tournant vers le Commandant Morandini s’écrie :
Vous, suivez-moi ! .
J’avais l’œil sur lui, sous le feu il était aussi beau à voir que le Général Legrand. J’étais transporté d’admiration. Je levai mon sabre et criai de toutes mes forces : Vive le Général Coehorn ! Vive le général ! Cri que repris en chœur la division ». (Pelet)
et Coehorn écrit :
L’enthousiasme était si vrai, que j’en ai ressenti un frisson qui venait du fond de l’âme.
Le mouvement de la brigade a pour résultat de couper en deux une colonne Autrichienne de 3.000 hommes et de la faire prisonnière.
La situation est telle que l’on n’a pas le temps de s’occuper de ces prisonniers de la première heure ». (lettre de Coehorn).
Vous, suivez-moi ! Et dans cet apothéose de vivats, de cliquetis d’armes et de salve d’artillerie, le bouillant général, à cheval, marche sur le château dans ces étroites ruelles où cinq hommes à peine peuvent marcher de front, suivi de près par Morandini.
Le mouvement est effectué avec une telle rapidité que les sentinelles Autrichiennes ont à peine le temps de donner l’alerte, déjà nos troupes tiennent la porte principale. L’état-major et une partie de la compagnie de carabiniers des Tirailleurs Corses tuent les défenseurs qui s’efforçaient en vain de lever le pont-levis, et réussirent à pénétrer jusque dans la cour, lorsqu’une décharge de peloton faite à bout portant renverse tous les assaillants et tue le cheval du général ». (lettre du Lt Colonel Moreton de Chabrillant).
Fortement contusionné Coehorn se redresse, son aide de camp est mortellement frappé à côté de lui, et des fenêtres, des créneaux, la mousqueterie fait rage. Quelques grenades tombent sans qu’il soit possible de répondre efficacement…. Il faut sortir de cet enfer.
Coehorn donne l’ordre de faire surveiller les abords du château par un détachement et entraîne ses hommes à l’attaque des Autrichiens.
Le château, les maisons des hauteurs escarpées situées en arrière se garnissent de fusils et de canons. Masséna estime à 40.000 hommes les forces déployées devant lui, il comprend que la brigade Coehorn est perdue, et avec elle la possession du pont, il faut promptement lui porter secours ». (Buat).
Masséna, jugeant la situation critique, engage au fur et à mesure de leur arrivée les brigades Lesuire et Ficatier. Ces renforts permettent au Général Coehorn de respirer, de s’étendre un peu et de gagner les hauteurs d’Ebersberg.
Revenu de sa surprise, le Général Hiller s’aperçoit qu’il n’a devant lui qu’une seule division. Il prononce une contre attaque musclée avec deux régiments de cavalerie et dix bataillons d’infanterie. Les Colonels Salmon et Landry, le Commandant Morandini, à la tête de leurs corps respectifs défendent bravement le terrain conquis, les cours, les jardins, les clôtures sont disputés avec acharnement et chaque haie prise et reprise devient un combat meurtrier. Pour les Français la situation est critique. Il est à peine une heure et toutes les forces de Masséna sont au contact, sans aucune réserve.
Laissant une compagnie de Tirailleurs Corses, Morandini à leur tête, avec mission de continuer le feu et de retenir l’ennemi, la brigade Coehorn, redescend les pentes de la ville et arrive sur la place du pont.
Plusieurs maisons étaient occupés par des soldats ennemis qui tiraient des coups de fusils par les croisées . (De Moreton de Chabrillant).
Pendant ce temps l’arrière garde des Tirailleurs Corses, débordée de tous côtés, était taillée en pièces, et ceux qui n’étaient pas tués étaient prisonniers. Ils seront libérés peu après par une contre charge de leurs camarades.
Dans cet enfer, je faillis cent fois être foulé aux pieds, blessé gravement, je dois la vie au lieutenant Spoturno qui me protégea de son corps. Exténué et perdant mon sang, je fermai les yeux pour ne pas voir le tombeau des mes Tirailleurs. Le capitaine Mattei gisait à mes côtés, gravement blessé, quand nous fûmes relevés par les Autrichiens, qui nous traitèrent avec beaucoup d’humanité ». (lettre de Morandini).
Depuis plus de trois heures, la division Claparède, résiste opiniâtrement à des forces six fois plus élevées que les siennes. Ses pertes sont considérables. La division ne tenait plus que les maisons les plus proches du pont. C’est alors que la brigade du Général Legrand fait enfin son apparition et aborde le pont. Le Général Bire qui avec ses escadrons était retenu sur la rive gauche du Traun, s’avance vers le général pour lui donner des explications sur le combat :
Hé ! faites moi place, d’abord, vous me conseillerez plus tard, nous ne sommes pas ici pour faire des phrases ! répliqua Legrand. (Lejeune)
Une nouvelle fois le pont de la Traun est franchi au pas de charge. Le 26e Léger se porte sur le château, dirigé par le Général Ledru et le Colonel Pouget. Le 18e s’efforce de déborder le village par l’ouest et le sud. L’entrée en ligne de la division Legrand, permet à Claparède de reprendre l’offensive, après un combat acharné, les hauteurs du château sont enlevées par la brigade Ledru. Les Autrichiens se replient derrière Ebersberg, ils y sont poursuivis et là se livre de part et d’autre un combat acharné, longtemps incertain. Pendant ce temps, là petite ville d’Ebersberg, était foudroyée par toute l’artillerie Autrichienne.
Les flammes nous incommodaient de toutes parts, et notre position n’y était plus tenable. On voulait éviter de monter par le sentier long et difficile du château et il ne nous restait d’issue que la porte de Vienne. Cette porte où le chemin passe sous une voûte de plusieurs arcades, n’ayant pas la largeur d’une voiture débouche au pied des hauteurs escarpées couverte par des jardins clos par des haies derrière lesquelles les Autrichiens étaient en bataille. Ces troupes ainsi embusquées tiraient à mitraille et presque à bout portant sur les têtes de colonne qui sortaient au pas de charge par un étroit défilé. Ici devait se dérouler une scène plus terrible encore [que celle] qui venait d’avoir lieu au passage du pont
La rue assez large aux abords de cette porte, était en feu et les brandons enflammés tombaient sur les blessés Autrichiens qui tentaient de se sauver. Cependant Coehorn n’ayant pas le choix du terrain, y réunit sa tête de colonne, fait croiser la baïonnette et passe sur le corps de tous les malheureux qui gênaient sa marche. Aux cris de En avant ! que tous répètent en marchant, nos braves s’élancent au pas de course et en ordre, jusqu’au delà des arcades où le premier rang reçoit mille coups, le second rang monte par dessus, et il est encore renversé. La même ardeur anime tout ce qui suit, le même cri se fait entendre : En avant ! En avant ! et vingt rangs tombent successivement sans arrêter la marche de ceux qui les pressent par derrière, ayant eux-mêmes sur le dos des flammes ardentes, auxquelles ils cherchent à échapper en gravissant cet affreux encombrement de morts et de blessés » . (Lejeune).
Et le combat n’était pourtant pas fini.
Lorsque j’ai voulu sortir du village, j’ai trouvé 30.000 hommes placés dans des positions les plus avantageuses, ayant derrière eux, suivant les rapports des officiers prisonniers une réserve de 20.000 hommes ». (Claparède à Masséna).
La lutte continue acharnée, la situation reste critique sur notre ligne de retraite, le château, plus bas la ville dont les maisons et spécialement celles contiguës au pont, ne forment plus qu’un immense brasier, le pont lui-même est menacé par les flammes, il a déjà fallu dégarnir une partie du tablier et des madriers.
Il était impossible de faire retraite et de recevoir des renforts. Les Autrichiens avec tant soit peu de résolution, devaient prendre toute ma brigade et ce qu’il restait des grenadiers de Claparède, mais notre audace les avait démoralisés au point que leurs officiers ne pouvaient plus les décider à prendre l’offensive». (lettre du Général Ledru).
Côté Français, au contraire, les pertes pourtant sévères subies, n’ont pas entamé l’ardeur et la ténacité des troupes, la division Claparède continue sa vigoureuse attaque.
Elle emporte, toujours de vive force, le plateau qui se trouve derrière le village. (Claparède à Masséna).
Claparède marche alors vers les défenseurs du bois, qui borde la route d’Enns, au moment même ou l’armée Autrichienne, pressée, retraitait en toute hâte pour rejoindre cette route. Sa retraite alors, contrariée par ces troupes qui foncent dans leur direction, devient une déroute.
La nuit mit fin au combat, Claparède s’efforçât alors de rassembler sa division sur le plateau d’Ebersberg, la gauche appuyée sur la route d’Enns. Une compagnie de Tirailleurs Corses qui se trouvait sur les talons de l’arrière garde ennemie fut rappelée, et les débris du bataillon vinrent se réunir à la brigade Coehorn.
Une compagnie de Tirailleurs Corses, dans la poursuite, fit à elle seule 700 prisonniers. (Victoires et Conquêtes XXV).
Vers 8 heures du soir, l’Empereur et son état major arrivèrent sur le champ de bataille, en débouchant de la porte de Vienne, devant l’étendue du carnage, l’Empereur fut navré de douleur. Il donna les ordres les plus pressants pour relever les blessés et chargea le Lieutenant Castellane, un de ses aides de camp de reconnaître les morts.
Les jambes de nos chevaux s’enfonçaient dans une boue de chair et de sang humain encore chaud, nous éprouvâmes un vif sentiment de dégoût et d’horreur dont je n’ai jamais pu perdre le souvenir. La rue était couverte de corps hideux à moitié brûlés, et il nous fallut repousser, par un cruel amour de la victoire, le besoin de pleurer le malheur de ne l’avoir obtenue qu’en la payant si cher. Comparativement à l’espace rétréci sur lequel a eu lieu cette affaire, elle a été la plus sanglante de toutes nos guerres ». (Lejeune).
Castellane parcourt cet horrible champ de bataille et écrit
Les soldats me suivaient avec des chandelles, m’éclairant pour voir les numéros des régiments.
Les Corses ne voulaient s’en remettre à personne pour relever les leurs. Leur bataillon était une famille, au sens propre du mot, ils passèrent la nuit à la recherche des leurs parents et de leurs camarades. Le Lieutenant Andrei racontera plus tard à son oncle le Commandant Morandini qu’il avait passé la nuit à sa recherche, une lanterne à la main. Au matin, il cherchait toujours quand on vint le prévenir que le général Clkaparède avait envoyé un aide de camp avec l’ordre de rassembler le bataillon et de l’envoyer aux avant-postes, mais l’Empereur était intervenu en disant :
Laissez les Corses ramasser leurs morts et leurs blessés. Ils se sont conduits en braves, je suis bien fier d’eux.
Il donna deux jours de repos au Bataillon..
A la suite de cette journée, le Général Coehorn me signala à l’attention de l’Empereur, mais la jalousie du sénateur C…. m’empêcha d’être nommé major. ( Morandini)
[1]Morandini ne le nomme pas dans sa lettre, mais il ne peut s’agir que du sénateur Raphaël Casabianca, né à Vescovato en 1738, Capitaine au régiment Provincial Corse en 1770. il fut nommé … Continue reading
De son côté très ému par les évènements de cette journée, l’Empereur se jeta à côté du Général Mouton, sur un lit de paille et passa la nuit au bivouac, au milieu de ses braves soldats. Ceux-ci de leur côté se sentirent un peu consolés de la perte de leurs camarades, en voyant l’Empereur, à côté d’eux, partageant la même couche de paille, leur fatigue et leurs privations.
L’incendie de la petite ville d’Ebersberg, continuait et sous la direction d’une compagnie du génie, on utilisait des prisonniers pour l’éteindre. Autour de la ville s’étaient allumés les feux de bivouac, où les hommes s’étaient réunis par compagnie, où par affinité et chacun commentait le combat qu’il avait vécu :
Jamais, je crois, aucune fête nocturne ne fut plus illuminée, aucun bivouac n’entendit plus de ces conversations animées où chacun se félicite d’avoir échappé à telle ou telle scène de l’affreux combat de la journée. Coehorn, Masséna et Legrand étaient les noms que tous répétaient avec admiration. Après quoi chacun nommait le camarade tombé à ses côtés çà et là, regrettait l’habit ou la manche ou la capote brûlés, le shako perdu, et l’explosion de la giberne en traversant les flammes d’Ebersberg et ces mots : as-tu vu ceci ? as-tu vu cela ? couraient de bouche en bouche, suivis du récit de l’événement ».(Lejeune).
Le 4 mai, de bonne heure, l’Empereur fit demander le général Coehorn pour l’accompagner sur le champ de bataille.
Tout en examinant les positions qui venaient d’être conquises, il se faisait expliquer les phases de la lutte. Pendant le récit, on voyait son visage, d’ordinaire si impassible, exprimer tour à tour le regret et l’admiration. Le regret pour ses nombreuses victimes de cette sanglante journée, l’admiration pour les héros de ce brillant combat. Il félicita en particulier les Tirailleurs Corses et m’adressa cette phrase en particulier : Ce passage vaut celui du pont de Lodi. » (Lettre de Coehorn).
L’Empereur accorda deux jours de repos à la division Claparède, pour lui permettre de se remettre de ses lourdes fatigues, et surtout de se réorganiser. Elle avait perdu beaucoup de monde. Son séjour dans cette ville brûlée était loin d’être enchanteur ; les odeurs, la fumée, le manque de confort n’apportaient pas la sérénité due au repos bien méritée par ces hommes.
Une botte de paille, dans la plus mauvaise baraque fait mon bonheur et mon opulence. » (Général Coehorn).
Le lendemain, le 5e Bulletin annonçait à l’Armée, à la France, et à l’Europe entière, la vaillance et la dureté des Combats d’Ebersberg.
Ce combat est un des plus beaux faits d’armes dont l’histoire puisse conserver le souvenir. La division Claparède qui faisait partie des Grenadiers d’Oudinot s’est couverte de gloire. L’impétuosité des Tirailleurs du Pô et des Tirailleurs Corses a fixé l’attention de toute l’armée. Le pont, la ville et la position d’Ebersberg sont des monuments durables de leur courage. Le voyageur s’arrêtera et dira : « C’est ici, c’est de ses superbes positions, de ce pont d’une si longue étendue, de ce château si fort par sa position, qu’une armée de 36.000 hommes, Autrichiens a été chassée par 7.000 français. ».
Pour perpétuer la mémoire d’un si beau fait d’armes, l’Empereur chargea Taunay d’exécuter un tableau pour le salon de 1810, tableau de 8 pieds de long et 5 de hauteur représentant l’attaque d’Ebersberg. Le Commandant Morandini posa pour l’exécution de cette œuvre.
Dans cette affaire, la 1e brigade de la division Claparède avait glané ses lauriers et s’était couverte d’une gloire immortelle et dans la brigade, les Tirailleurs Corses en avaient mérité une très grande part, se maintenant au premier rang. C’est avec une légitime fierté que le Général Coehorn pouvait écrire de son bivouac d’Ebersberg :
Sans compter une colonne de 3.000 hommes dont je n’ai pas eu le temps de m’occuper, ma brigade a pris un drapeau, deux pièces de canon, vingt cinq caissons attelés et fait 1.800 prisonniers.
La division Claparède avait 70 officiers hors de combat, 34 de la brigade Coehorn, 19 de la brigade Lesuire, et 17 de la brigade Tricatier.
Les Tirailleurs Corses avaient 2 officiers tués, les sous-lieutenants Sebastiani et Epoigny, ainsi que 85 hommes, et 8 officiers blessés, le Chef de bataillon Morandini était prisonnier, les capitaines Mattei, Ciavaldini, les Lieutenants Morelli, Peretti, Rocca Serra, les sous lieutenants Francheschi, Hersenroth.
Le 6 mai, la division Claparède, rejoignait près de Saint Pölten les corps d’Oudinot. Elle fut accueillie sous les vivats par les Grenadiers de ce corps dont elle avait été séparée depuis le 20 avril.
Le 7 mai, M. Casabianca, chef de bataillon, aide de camp du duc de Rivoli prenait le commandement des Tirailleurs Corses, en place de Morandini, fait prisonnier, le bataillon détaché à l’avant-garde marchait sur Vienne.
L’occupation des faubourgs de Maria-Hilf ne présenta aucune résistance, mais dans les rues de la ville, le feu violent des Autrichiens obligea la brigade à plus de prudence. La division Claparède se retrancha entre Bläumgarten et Dornbach, le bataillon Corse fut détaché en avant pour protéger son front, toute la journée se passa en échange de coups de canon et quelques tirs de mousqueterie. Le jeune Lieutenant Susini fut grièvement atteint. L’Empereur envoie Lagrange en parlementaire, mais celui-ci très mal reçu, faillit être mis en pièce par la populace. Napoléon nomme Andreossy, préfet de Vienne [2]le geste est habile car, cet ancien ambassadeur dans cette même ville, compte de solides amitiés dans la ville et l’envoie transmettre à l’Archiduc Maximilien la sommation suivante :
Sa Majesté, l’Empereur et Roi, désire épargner à cette grande et intéressante population les calamités dont elle est menacée… Si Votre Altesse continue à vouloir défendre la place elle causera la destruction d’une des plus belles villes d’Europe… La ruine de cette capitale sera consommée en trente six heures par le feu des obus et des bombes de nos batteries… Si Votre Altesse ne se décide pas à prendre un parti qui sauve la ville, sa population plongée par votre faute dans des malheurs aussi affreux, deviendra de sujets fidèles, Ennemis de votre maison.
Cet ultimatum n’a pas tout de suite l’effet escompté. L’Archiduc Maximilien hésite, il espère encore recevoir des secours et veut gagner du temps. Napoléon qui s’impatiente fait bombarder la ville et dès le 11 mai au soir, le canon gronde. Près de 2.000 projectiles tombent sur les quartiers Graben et Kolhmarkt. En même temps, les Français réparent un pont sur le Danube pour couper la retraite éventuelle de l’Archiduc. Celui-ci qui s’en aperçoit, décide d’abandonner la ville, laissant à O’Reilly, le soin de négocier la capitulation.
Ce même jour, la brigade Coehorn est détachée à Schönbrunn pour fournir la garde de l’Empereur, le reste de la brigade Claparède vient alors prendre position près de Klosterneuburg. Le lendemain elle se préparait à l’attaque, lorsqu’on apprit la capitulation de Vienne. Celle ci est signée le 13 mai à 2 heures du matin.
A six heures, les Grenadiers d’Oudinot occupent la porte de Carinthie, à huit heures, la garnison est désarmée, à dix heures, les Français sont maîtres de la ville.
Les Tirailleurs Corses pour la seconde fois entraient dans Vienne, tenant la tête de colonne de la vaillante brigade Coehorn, avant garde de l’armée. Pour prévenir toute exaction, l’Empereur fit une nouvelle déclaration.
Soldats ! Un mois après que l’ennemi passa l’Inn, au même jour, à la même heure nous sommes entrés dans Vienne… Soyez bons pour les pauvres paysans, pour le peuple qui a tant de droit à votre estime; ne conservons aucun orgueil de nos succès, voyons y une preuve de cette justice divine qui punit l’ingrat et le parjure.
La division Claparède cantonna dans Vienne jusqu’au 18 mai, et le 19, remplacée par la brigade Friant allait camper sur les bords du Danube. Pendant ce temps l’Empereur, cherchait des points favorables à l’établissement de ponts, il veut rapidement reprendre le contact avec l’Archiduc Charles qui concentre ses forces sur la rive gauche. Il charge Masséan de régler cette affaire.
Le duc de Rivoli envoie la 4e division ouvrir la route de Léopoldau et charge la division du général Bertrand de la construction de ponts entre la rive et l’île Lobau.
Le 19 mai, les voltigeurs du 2e de Ligne chargés sur de grandes barques abordent sur l’île, la fusillade crépite tout de suite, une centaine d’Autrichiens qui bivouaquaient dans l’île sont accrochés et laissent entre leurs mains 20 prisonniers.
Les Autrichiens ralliés face à Essling, pensant à une escarmouche ne s’en inquiètent pas. Les Français prennent position dans l’île Lobau et se préparent à traverser pour atteindre la rive gauche du Danube.
Le 20 mai, à 6 heures du soir, le dernier pont est terminé. Le IV° Corps, suivi de la cavalerie de Lasalle et d’Espagne, traversent, et le 21 mai à l’aube, 30. 000 hommes ont traversé et occupent une excellente position sur 2.000 mètres de front.
Les Autrichiens ralliés face à Essling, pensant à une escarmouche ne s’en inquiètent pas. Les Français prennent position dans l’île Lobau et se préparent à traverser pour atteindre la rive gauche du Danube.
Le 22 mai à trois heures du matin, l’armée française après être restée toute la nuit sous les armes se forma en bataille. Le corps de Lannes s’étendait entre Essling, occupé par la division Boudet, et Aspern, point d’appui de la division Claparède, les divisions Saint-Hilaire et Tharreau au centre.
L’Empereur jugeant qu’il fallait attaquer par le centre, ordonne le mouvement en avant. Les divisions par échelon se mettent en marche, les divisions Claparède et Tharreau, formées en colonne de division s’ébranlent les premières, la division Saint-Hilaire suit.
Vers 6 heures les balles commencent à siffler au-dessus de nos têtes et la distance se réduisant, commencent à faire des trouées dans nos rangs. La mitraille qui se met à son tour à rugir fait subir des pertes importantes dans les colonnes de division, mais la marche continue, on resserre les rangs, on augment l’allure et c’est au pas de charge qu’on aborde l’ennemi. Tout se retire devant la fougue des Français. Les Tirailleurs Corses avec un courage et une opiniâtreté admirables, foncent sur la ligne ennemie, la rompent et la mettent en déroute.
Lannes, Saint-Hilaire, Claparède, Coehorn s’avancent triomphants sur le champ de bataille, Napoléon dirige leurs progrès et conduit lui-même cette belle opération, s’occupant surtout à modérer la bouillante ardeur de ses troupes…. Il n’était que 7 heures du matin, et tout promettait la plus belle issue pour cette journée.
L’Archiduc Charles comprenant le danger, s’empare du drapeau d’un régiment, rallie les fuyards et appelle à son secours la brigade de Grenadiers. Le combat reprend plus acharné encore, le Général Coehorn est blessé, il va se faire panser et revient immédiatement reprendre le commandement de sa brigade.
10 heures du matin, côté Français, les munitions commencent à manquer, il faut aller prendre les cartouches dans les pelotons de réserve pour approvisionner les tirailleurs. L’on se bat partout avec un acharnement terrible lorsque à midi la rupture du grand pont interrompt brusquement le passage des Français.
15 heures, voulant profiter de cette aubaine, l’Archiduc attaque vigoureusement. Les unités du IV° Corps défendent avec force le point d’appuis. Masséna violemment attaqué à Aspern par Hiller, tient tête avec énergie. Les Autrichiens qui croient la victoire à leur portée attaquent sans cesse et sans se lasser cherchent à déloger les Français du village. Bientôt ils vont pratiquer quelques brèches et réussir à pénétrer dans le village. Chaque maison prise et reprise, fait l’objet d’un âpre combat. Les Français reculent et au soir, Bellegarde arrivé en renfort, occupe l’église et le presbytère.
A Essling, Boudet résiste aux attaques répétées de troupes bien supérieures en nombre, mais il tient bon. « Il me faut Essling ! » crie l’Archiduc Charles, venu se rendre compte sur place, on envoie en renfort une partie du corps de Liechtenstein, mais toutes les attaques échouent, le village reste aux mains des Français.
Cependant Napoléon est inquiet, il suit la bataille depuis la tuilerie d’Essling et chaque fois que le besoin s’en fait sentir, il envoie des renforts pour protéger les points menacés. La cavalerie française emmenée par Lannes, Berthier, Lasalle et Espagne fait des prodiges. Ils vont arrêter la progression de Hohenzollern qui cherchait à percer le centre Français entre Essling et Aspern. Bessières viendra même en renfort.
Le soir vient, le feu cesse, les attaques Autrichiennes ont échoué. Par le grand pont entre temps rétabli, arrivent la division Carra Saint-Cyr et les cuirassiers de Saint Germain. La nuit tombe et chacun couche sur ses positions.
A 11 heures du soir, l’Empereur avec tous ses maréchaux et généraux, établi son plan de bataille pour le lendemain :
Masséna gardera Aspern, Boudet tiendra dans Essling la garde surveillera Enzersdorf, tandis que Lannes et Bessières, le Corps d’Oudinot et la cavalerie se tiendront massés devant la trouée, Davout placera son monde devant la tête de pont .
Masséan dès son réveil donne ses ordres. Il faut déloger l’Autrichien d’Aspern. Glissant dans le brouillard du petit matin, les hommes de la division Molitor s’avancent et malgré leurs lourdes pertes de la veille attaquent les hommes de Vaquant. La lutte sera âpre, Aspern sera pris et repris. L’Archiduc qui a bien compris la qualité stratégique de ce point d’appui de l’aile gauche Française, veut en déloger les troupes de Masséna, les couper de leur liaison avec l’île Lobau et les encercler.
Napoléon, lui a décidé d’attaquer sans attendre Davout, il a remarqué que le dispositif de l’ennemi est très étiré et veut en profiter pour le disloquer.
L’attaque est lancée bousculant les troupes de Hohenzollern et malgré les charges de cavalerie de Liechtenstein, les Français atteignent Breitenlee. L’Archiduc voit le danger, il rallie à lui les régiments épars, fait donner l’artillerie de la Garde, l’attaque Française s’arrête.
A ce moment un ordre de l’Empereur est apporté à Oudinot lui demandant de se retirer sur le Danube. Les Autrichiens, en effet profitant de la crue envoient sur le fleuve des brûlots ou des bateaux chargés de pierres pour détruire les ponts ; le grand pont est détruit. Davout qui est toujours sur la rive droite ne peut plus passer, le ravitaillement et les munitions ne peuvent plus suivre.
Cependant le corps de Lannes résiste à toutes les contre attaques que l’infanterie ennemie lui porte sans arrêt, repoussant du bout des baïonnettes les charges de cavalerie, mais bientôt épuisé, il est contraint sur ordre de l’Empereur de se replier en échiquier, sur l’intervalle compris entre Aspern et Essling.
L’intrépide maréchal ramène lentement ses bataillons, se retournant souvent pour contenir les charges de l’ennemi, sous une pluie effroyable de boulets et de mitraille. Il réussit à prendre position sur le terrain indiqué par l’Empereur. L’Archiduc en vain multiplie ses attaques, nos divisions ne se laissent pas entamer , vers midi, Claparède est blessé au bras gauche, il se fait panser sur place et continue à combattre.
L’Archiduc Charles tente alors de copier notre manœuvre du matin, en portant tous ses efforts sur notre centre. Pour ce faire, il lance en avant son infanterie et sa cavalerie serrées en masse et précédées de 200 pièces de canon. Les divisions Tharreau et Claparède vont supporter le premier choc. Nos bataillons laissent approcher les Autrichiens à demi-portée et leur offrent un feu tellement vif que les ennemis s’arrêtent pour répondre à la fusillade et n’osent plus avancer , quant aux escadrons ennemis, c’est en vain qu’ils essayent d’entamer les lignes Françaises, les divisons Tharreau et Claparède leur opposant des carrés impénétrables. Un nouvel assaut est lancé, il est repoussé, puis un autre, puis encore un autre. Par six fois les grenadiers Autrichiens viennent brûler leur moustache sur les troupes d’Oudinot. Rien ne passe, l’Archiduc est contraint de renoncer à son attaque , il était temps, les Français commençaient à manquer de munitions, celles-ci ne parvenaient qu’au compte goutte par des bateaux légers que lançaient Davout , coincé sur l’autre rive. Il était cinq heures, on pouvait plus espérer gagner , aussi les maréchaux reçurent l’ordre d’effectuer leur retraite par le pont conduisant sur l’île Lobau. La retraite au pas ordinaire est exécutée comme sur le champ de manœuvre, les blessés soutenus par leurs camarades suivent les bataillons.
La brigade Coehorn resta tout l’après midi à l’est d’Aspern, vers cinq heures elle se retira dans le bois qui borde le Danube. Le bataillon du 26e Léger, appuyé au pont de l’île Lobau, ayant à sa droite les Tirailleurs Corses et les Tirailleurs du Pô. A la nuit le mouvement de retraite commence. Vers une heure du matin la division Claparède s’engagea sur le pont ramenant tous ses blessés.
Dans ces circonstances terribles, les soldats furent à la hauteur de leurs chefs.
Ces admirables troupes oublièrent la faim et l’excessive fatigue de ces deux longues journées où la chaleur fut extrême, où l’on eût à boire que l’eau limoneuse du Danube, où elles durent soutenir trente heures de combat » . (Pelet, III)
Ces journées avaient de plus été ternies par la mort de Lannes, Saint Hilaire, et de nombreux hommes de valeur. Les Tirailleurs Corses perdaient le capitaine Ponte et avaient cinq officiers blessés.
Après le match nul de la bataille d’Essling, Napoléon veut à tout prix écraser l’armée Autrichienne. Pour cela, il lui faut regrouper se forces et rameuter des troupes fraîches. Il lui faut surtout empêcher l’Archiduc Jean qui retraite d’Illyrie, poussé par Eugène, de mêler ses forces à celles de son frère Charles.
Napoléon, aménage l’île Lobau et les îles adjacentes en camp retranché, fait construire 4 ponts, qu’il protège en aval par la construction d’un barrage. Il fait préparer dix ponts de bateaux prêts à être lancés entre l’île Lobau et la rive gauche.
Napoléon disposait de 178 000 hommes, Charles disposait d’une force de 130 000 hommes, dont beaucoup d’unités de Landwehr et de 414 canons. Il avait aménagé dans la plaine face à l’île de Lobau des fortifications de campagne.
Le 4 juillet, à 9 heures, les 1.500 hommes de la brigade Conroux, parmi eux notre Bataillon de Tirailleurs Corses, s’embarquent sur la flottille du Danube pour aller attaquer les Autrichiens et les débusquer à la pointe du Hansel-Grund
L’obscurité d’une profonde nuit orageuse enveloppait la terre et pour permettre aux hommes de se reconnaître on leur avait distribué des brassards blancs, un vent favorable poussait nos bateaux dans la direction convenable et en agitant les arbres avec fracas, empêchait l’ennemi de nous entendre. Au bout d’une demi-heure de navigation, la flottille arriva par le travers des batteries ennemies. Les postes donnaient aussitôt l’alarme et l’ennemi fit sur nous sa première décharge de ses canons, puis la fusillade commença. Notre feu fut si vif et les batteries de terre, qui étaient vis à vis de celles de l’ennemi, nous secondèrent si bien qu’environ une heure après, les Autrichiens évacuaient leurs batteries et se retiraient dans le plus grand désordre. Le Général Conroux fit procéder au débarquement de nos détachements sans être inquiété. » (Rapport du Capitaine Barte, commandant la flottille).
La brigade Conroux s’installe dans le Hansel-Grund et s’empare d’un canon. Le temps est affreux, la pluie tombe à torrents, les éclairs et le tonnerre se mêlent au bruit épouvantable que font les 109 pièces d’artillerie qui envoient leurs boulets et leurs obus par dessus les têtes de nos soldats.
Vers une heures et demie du matin, le corps d’Oudinot passe sur la rive droite et à la pointe du jour, par un soleil radieux, se forme en bataille en face de Mühlleiten et présente sa tête de colonne devant Sachsengang, où s’étaient réfugiés les restes du détachement de Conroux. L’ennemi ouvre un feu roulant sur notre avant garde, mais la division Tharreau a tôt fait de culbuter les postes, il fallait aussi réduire le château entouré de douves remplies d’eau et armé de nombreuses pièces d’artillerie, mais après un vif bombardement et quelque résistance, le commandant se rendit.
Après la prise du château, et une remise en ordre la division Tharreau, se dirigea vers l’Est. Elle occupa un temps la droite du Corps de Davout, vers 10 heures, elle reprit sa place au II° Corps derrière la division Grandjean et, faisant un changement de direction vers la gauche, marcha à l’ennemi laissant sur sa gauche Enzerdorf.
A midi et demie, l’Empereur ordonne un mouvement général vers l’avant.
Le II° Corps se dirige sur Rutzendorf et Grosshofen sur trois lignes de division, et vers six heures et demie se trouvait près de Baumerdorf. Le soleil commençait à décliner, la journée semblait finie, lorsque Napoléon appelle le Colonel Gerardin et lui dit :
Allez dire à Oudinot que je n’entends plus rien, qu’il pousse un peu plus en avant et qu’il nous fasse un peu de musique avant la nuit .
Les troupes étaient exténuées, après une nuit sans sommeil, passée sous un orage terrible. Elles venaient de passer la journée au milieu d’une plaine surchauffée.
L’ardeur du soleil calciné les cerveaux, dévore l’eau des ruisseaux. Le soldat meurt d’une soif qu’il ne peut étancher avec rien. A peine rencontre-t-il quelque mare dont l’eau trouble et bourbeuse est bientôt tarie. Un puits, au milieu de cette grande plaine, est assailli par une foule d’hommes qui, dans quelques minutes l’abandonnent, épuisé . (Général Paulin)
A la voix de leurs officiers, ces admirables troupes reprennent la marche en avant, on leur annonce l’arrivée prochaine près d’une rivière, le Russbach, et on y arrive mais l’ennemi est là…
La division Grandjean s’élance appuyée par la division Tharreau. Un combat violent s’engage sur les bords du Russbach. Les Tirailleurs Corses, en première ligne, chargent avec leur vigueur habituelle et refoulent les Autrichiens, mais viennent échouer devant le village de Grosshofen, fortement et vaillamment défendu. La lutte se prolonge longtemps, même à la tombée de la nuit, avec une égale énergie. Mais bientôt la nuit étant bien installée et la visibilité nulle, Oudinot fit rétrograder ses troupes et installa ses divisions épuisées à l’Ouest du village.
Le 6 juillet de bon matin le combat repris, sur le front du II° Corps et pendant plus d’une heure, ce ne fut que duel d’artillerie.
Pendant ce temps à notre gauche, le 4e corps de Masséna, se couvre de gloire en colonne, par bataillons serrés en masse il défile sous le feu d’une artillerie terrible. Cette marche est un des plus beaux mouvements d’infanterie qui ait jamais été exécuté. Le brave Campi, recevant l’ordre du général Legrand, dans un instant critique , l’ordre d’accélérer, commande : Pas ordinaire ! et resserre les rangs du 26e Léger, labouré par les boulets. Cette fière contenance en impose à l’ennemi. (Pelet).
Ce 6 juillet, vers midi Oudinot, reçut l’ordre de franchir la rivière. En peu d’instant, la position fut emporté et l’ennemi culbuté à la baïonnette se retire entre Wagram et Helmshof. Tharreau le poursuit avec vigueur. Les Autrichiens essayent en vain d’opposer des masses, des carrés, tout est dispersé. Wagram est enlevé et la division s’empare d’un drapeau. L’Empereur rendra cette journée historique par l’utilisation de l’artillerie.
La bataille de Wagram fut gagnée grâce au génie de l’Empereur, mais surtout par la ténacité et la fougue des troupes sous ses ordres. Cette journée nous coûtera beaucoup de monde. Un officier tué, le Sous-lieutenant Barbieri, quatre officiers blessés, le Sous-lieutenant Casalta, le Capitaine Morelli, le Sous-lieutenant Ristori, le Lieutenant Poli.
Cette journée était endeuillée par la mort du brave Général Lasalle. Napoléon, devant la vaillance et le comportement de ses troupes, élevait Oudinot au rang de Maréchal d’Empire.
Au total ces journées auront coûté 70 000 hommes tués ou blessés, se répartissant également dans chaque camp. Les Français étaient épuisés mais vainqueurs. Les Autrichiens, au nombre de 80.000 se retirèrent. La poursuite ne commencera qu’au soir du 7 juillet. L’Archiduc Charles était découragé. Il recula jusqu’en Moravie, où eut lieu quelques engagements. Il demanda un armistice le 11 juillet, et le 14 octobre, l’Autriche acceptait avec résignation la paix de Schönbrunn et déposait les armes
EPILOGUE
Le 7 juillet 1809, le II° Corps se met en route à la poursuite des Autrichiens. N’en trouvant aucune trace, il bivouaquera le 8 et le 9 près de Wolkersdorf pour y tenir et surveiller la route de grande communication de Brünn.
Le 10, Oudinot reçoit l’ordre de « faire ce qu’il pourra de chemin » pour gagner l’Aa. Les marches forcées reprennent, le temps toujours affreux, un orage d’une rare violence éclata le 11 juillet vers 3 heures de l’après-midi, et nos braves Tirailleurs continuèrent leur route par des chemins détrempés, vers 7 heures du soir, ils arrivaient au pont de Joslowitz ; deux heures après, ils s’arrêtaient enfin pour bivouaquer à Erdberg. Le jour même l’armistice était signé.
Le 13 juillet, le Corps se replie sur Vienne , et vient prendre ses cantonnements d’armistice au nord du Danube.
Le 16, la division Tharreau se porte aux environs de Wagram pour y camper. Les soldats se construiront eux-mêmes leurs baraquements. Pendant leur séjour au camp, les soldats furent chargés de ramasser les fusils sur le champ de bataille. On leur donnait 30 sous pour chaque fusil rapporté au parc, et 15 sous par baïonnette ou fusil incomplet.
Le 7 août, le Sergent Berlandi, blessé à la cuisse à Wagram, reçoit la croix des braves.
Le 15 août, jour anniversaire de l’Empereur, le Commandant Morandini reçoit une rente sur Bayreuth. Il est rendu des prisonniers le 17 août .
A partir du 28 août, les soldats sont employés à la tête de front de Spitz. Le corps d’Oudinot fut réduit, les Tirailleurs Corses furent affectés à la 1e Demi-brigade Légère, avec les 4e bataillons des 16e et 27e Légers.
Le 1er novembre, l’évacuation prévue par le traité de Vienne (14 octobre 1809) commença. Oudinot se retire sur Saint Pölten.
Un décret du 1er février 1810 prononce la dissolution du corps d’Oudinot, les Tirailleurs Corses passent au III° Corps (Maréchal Davout) et restent en Allemagne. Ils font partie de la 1e division du Général Morand, destiné à la garde des villes hanséatiques.
Le 5 février, la 1e division quitte Salzburg pour se rendre à Bayreuth. Dans les derniers jours du mois, le Bataillon des Tirailleurs Corses se rend à Ratisbonne pour y faire le service du quartier général, il y restera jusqu’au 16 juin, date à laquelle il se rend à Mayence. De là, départ pour Anvers, puis pour Boulogne, où il arrive dans les premiers jours du mois d’août.
Un décret du 4 août réduisit une nouvelle fois le bataillon, il ne comptait plus que six compagnies de 140 hommes. Les hommes des compagnies supprimées sont versées dans les compagnies restantes, les officiers les plus capables conservent leur commandement, les autres sont mis à la suite ou versés dans d’autres corps.
Le 2 septembre 1810, le Chef de bataillon Morandini est nommé Chevalier d’Empire, sous la dénomination d’Eccataye.
Le bataillon de Tirailleurs Corses fait partie du Corps de Vandamme. Il compte alors un effectif de 20 officiers, 701 hommes, 4 chevaux.
Le 24 mars 1811, l’Empereur prescrit au Ministre de la Guerre d’envoyer à l’Armée d’Allemagne le Bataillon des Tirailleurs Corses. Le bataillon quitte Boulogne le 20 avril, et se dirige sur Wesel, où il arrive dans le courant du mois de mai. Destiné à faire partie de la 4e Division du Corps d’Observation du Rhin, il se rend au camp d’Emden.
Au Maréchal DAVOUT, Prince d’Eckmühl, Commandant l’Armée d’Allemagne à Hambourg
Mon Cousin,
Le 33ème régiment d’infanterie légère doit être arrivé à votre corps d’armée….. Les bataillons Suisses et les deux bataillons des Tirailleurs Corses et du Pô, qui sont en marche, arriveront dans le courant du mois de mai.
Ne tenez en Westphalie que 12.500 hommes. Lorsque les deux bataillons de Tirailleurs Corses et du Pô seront arrivés, vous les placerez également à Magdeburg et aux environs. (Instructions de l’Empereur à Davout).
L’existence de bataillons formant corps présentaient certains inconvénients. Au moment d’entrer en campagne, on était obligé de les enrégimenter et l’expérience de la Campagne de 1809 était là pour prouver que les intérêts des officiers et des soldats étaient souvent sacrifiés par des colonels qui se souciaient peu de faire ressortir l’état des troupes mises momentanément sous leurs ordres.
Le 11 août 1811, Napoléon décida de supprimer les Bataillons des Tirailleurs Corses et du Pô, et de les fondre en un régiment d’infanterie légère qui prendrait le n° 11, qui était vacant depuis 1803. Le décret stipulait que le Bataillon des Tirailleurs Corses, formerait le fond du 1er bataillon, les Tirailleurs du Pô, le fond du 2e , les 3e , 4e et 5e bataillons devaient être formés par la Légion du Midi ; or celle-ci se trouvait en Espagne. Il fallut donc prendre d’autres dispositions.
– Le 1er Bataillon était composé de six compagnies des Tirailleurs Corses –
– Le 2e Bataillon était composé de six compagnies des Tirailleurs du Pô
– Le 3e Bataillon était composé de six compagnies du Bataillon Valaisan
– Le 4e Bataillon était composé de conscrits Corses et Piémontais.
-Le 5e Bataillon constituait le dépôt.
Ce dernier est à Trêves. Il est alimenté par des hommes provenant des conscriptions de l’île de Corse et de l’île d’Elbe et une partie des recrues du Royaume d’Italie.
Le 11e Léger aura l’insigne honneur d’inscrire sur les soies de son drapeau les batailles inscrites au drapeau des Tirailleurs Corses :ULM, AUSTERLITZ, JENA, EYLAU, ESSLING, WAGRAM.
Le déficit d’officiers doit être comblé par des sujets provenant des Vélites de la Garde Impériale ou de l’École de Saint Cyr choisis parmi les Corses, les Piémontais, les Gênois et les Romains » . (lettre de l’Empereur en date du 1er novembre 1811).
Le Major Pierre Casabianca est désigné par l’Empereur pour prendre le commandement du régiment avec le grade de Colonel. le Commandant Morandini, n’aura pas l’honneur d’être nommé à la tête du régiment. Le vieux soldat couvert de blessures est nommé le 1er novembre 1811, Commandant d’Armes de 4e Classe.
Nos Corses au sein de ce régiment continuèrent à faire parler d’eux, mais ils n’étaient plus :
Ce bataillon autonome constitué entièrement de Corses, du chef de corps au plus jeune fifre. » (Médecin général Santini) .
Après l’abdication de Napoléon, 33 officiers, 375 hommes et 8 enfants de troupes du Régiment Real Corso au service de Murat, qui avaient refusé de le suivre lors de sa défection, demandèrent à servir Louis XVIII, et furent versés au 11e Léger.
D’autres unités à composantes Corses auront l’occasion de s’illustrer, comme le Bataillon Corse de l’île d’Elbe, lequel pendant l’épisode des Cent-Jours fut versé dans la Garde, et forma le 1er Bataillon du 1er régiment de Voltigeurs de Jeune Garde. Cette unité sera engagée à Plancenoit, lors de la bataille de Waterloo. Les Corses n’auront pas à rougir de la défaite, car c’est le nombre de leurs adversaires et non leur bravoure qui aura raison d’eux.
References[+]
↑1 | Morandini ne le nomme pas dans sa lettre, mais il ne peut s’agir que du sénateur Raphaël Casabianca, né à Vescovato en 1738, Capitaine au régiment Provincial Corse en 1770. il fut nommé Colonel au 49e Régiment d’Infanterie le 25 juillet 1791. nommé par la suite Général, il participe à la désastreuse expédition de Sardaigne avec BONAPARTE. Il aura un commandement sous Masséna à l’armée d’Italie et en 1797 sera nommé gouverneur de Calvi. Mis à la retraite peu de temps après, Bonaparte le nomma sénateur en 1800…. Pour quelle raison était-il jaloux de Morandini ? Vieille histoire de famille ? Ou voulait-il favoriser son parent, le chef de bataillon Casabianca, aide de camp du duc de Rivoli, qui prendra le commandement des Tirailleurs Corses peu de temps après ? |
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↑2 | le geste est habile car, cet ancien ambassadeur dans cette même ville, compte de solides amitiés dans la ville |