Léon Aune (1774 – 1803) Le deuxième grenadier de France
Léon Aune serait né le 7 février 1774, à Aix en Provence [1]. Il est le fils du directeur de l’école de dessin d’Aix en Provence, qui décède en 1787. Il entre, sous le nom de Léon, comme simple soldat au 11e régiment d’infanterie [2], le 12 mars 1792. Le 22 octobre 1793, il passe, au moment de l’amalgame, à la 21e demi-brigade, puis, le 15 mars 1796, à la 32e.
Il se distingue à Montenotte (13 avril)- il sauve la vie á deux généraux) , Dego (16 avril – il prend un drapeau à l’ennemi), Lodi (10 mai – c’est lui qui ouvre les portes de la ville) , Borghetto (30 mai), Lonato, San Giorgio et Bassano. Le 21 décembre 1799, il est promu sergent (sous-lieutenant).
Ayant reçu un sabre d’honneur [3] pour ses faits d’armes, il se permet d’écrire, le 7 décembre 1799, directement au tout nouveau chef de la France :
Léon Aune, sergent des grenadiers de la trente-deuxième demi-brigade, au citoyen Bonaparte, premier consul.
Toulon, le 16 frimaire an 8 (7 décembre 1799)
Citoyen consul,
Votre arrivée sur le territoire de la république a consolé toutes les âmes pures, principalement la mienne, n’ayant plus d’espoir qu’en vous. Je viens a vous comme à mon Dieu tutélaire, vous priant de donner une place dans votre bon souvenir à Léon, que vous avez tant de fois comblé d’honneur au champ de bataille.
N’ayant pu m’embarquer pour l’Egypte, y cueillir de nouveaux lauriers sous votre commandement, je me trouve au dépôt de votre demi-brigade en qualité de sergent. Ayant appris par mes camarades que vous aviez souvent parlé de moi en Egypte, je vous prie de ne pas m’abandonner, en me faisant connaître que vous vous souvenez de moi. Il est inutile de vous rappeler les affaires où je me suis montré comme un républicain, et mérité l’estime de mes supérieurs; néanmoins, à l’affaire de Montenotte j’ai sauvé la vie au général Rampon et au chef de brigade Masse, comme ils vous l’ont certifié eux-mêmes; à l’affaire de Dego, j’ai pris un drapeau à l’ingénieur en chef de l’armée ennemie; à l’affaire de Lodi, j’ai été le Premier à monter à l’assaut et j’ai ouvert les portes à nos frères d’armes; à l’affaire de Borghetto, j’ai passé le premier sur des pontons, le pont étant rompu, j’ai fondu sur l’ennemi, et pris le commandant de ce poste; a l’hôpital, étant fait prisonnier, j’ai tué le commandant ennemi, et par cet acte de bravoure, quatre cents hommes, prisonniers comme moi, ont été rejoindre leurs corps respectifs. En outre, j’ai cinq blessures sur le corps; j’ose tout espérer de vous, et suis bien persuadé que vous aurez toujours égard aux braves qui ont si bien servi leur patrie.
Salut et respect.
LÉON AUNE.
Cette lettre, certainement plus remarquable par sa simplicité et son honnêteté que par sa modestie, va donner à Bonaparte une magnifique occasion d’impressionner sa Garde et l’ensemble de l’armée. Il s’arrangea pour rendre publique sa réponse, pourtant personnelle, datée du 15 janvier 1800
Au brave Léon Aune, sergent des grenadiers de la trente-deuxième demi-brigade
J’ai reçu votre lettre, mon brave camarade; vous n’aviez pas besoin de me parler de vos actions: je les connais toutes.
Vous êtes le plus brave grenadier de l’armée, depuis la mort de Benezette. Vous avez eu un des cent sabres que j’ai distribués à l’armée. Tous les soldats étaient d’accord que c’était vous qui le méritiez davantage.
Je désire beaucoup vous voir. Le ministre de la guerre vous envoie l’ordre de venir à Paris.
BONAPARTE
Cette réponse, on s’en doute, causa un effet prodigieux au sein de l’armée : le Premier consul de la République, et le plus grand général des temps modernes écrivant personnellement à un simple sergent, et le nommant, de surcroît : mon brave camarade ! Certes, il occupait les Tuileries avec toute la pompe d’un empereur, un tel langage faisait taire toutes les critiques. Il ne pouvait y avoir meilleur républicain ! Et qui n’aurait pas combattu bravement sous un chef qui usait de tels mots envers le plus humble de ses soldats ?
Léon Aune passe alors, le 20 février 1800, dans les grenadiers à pied de la Garde consulaire nouvellement constituée. Le 14 juin 1800, il est à Marengo, c’est lui qui porte le drapeau de la Garde à pied [4] qui se fait alors malmener [5] et dont les Autrichiens ne parviennent pas à s’emparer.
Le 2 décembre 1802, Léon Aune sera promu lieutenant, mais il mourra seulement quelques mois plus tard, à Paris, le 23 février 1803.
Quelques mois plus tard, un décret assure l’avenir financier de sa veuve :
Saint-Cloud, 23 juin 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE ler. – La veuve de Léon Aune, officier de la garde qui s’est distingué par des actions d’éclat et est mort des suites des blessures nombreuses qu’il a reçues à la guerre, jouira d’une pension de 500 francs par an.
ART. 2. – Les ministres de la guerre et du trésor public sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Léon Aune fera aussi partie de la première nomination de la Légion d’Honneur, le 24 septembre 1803.
Repères bibliographiques
Balteau, J. et coll. Dictionnaire de biographie française, 1933, vol 4, p. 645-6.
Lumbroso, A. Correspondance de Joachim Murat, 1899.
Roguet, F. Mémoires militaires du lieutenant général comte Roguet (François), colonel en second des grenadiers à pied de la Vieille Garde, pair de France, 1862.
Lievyns, Verdot, Bégat. Fastes de la Légion d’Honneur. Vol. 1, p. 464, Paris, 1845.
[1] Mais les Archives de la vi
Léon Aune serait né le 7 février 1774, à Aix en Provence [1]. Il est le fils du directeur de l’école de dessin d’Aix en Provence, qui décède en 1787. Il entre, sous le nom de Léon, comme simple soldat au 11e régiment d’infanterie
[2], le 12 mars 1792. Le 22 octobre 1793, il passe, au moment de l’amalgame, à la 21e demi-brigade, puis, le 15 mars#_ftn2 1796, à la 32e.
Il se distingue à Montenotte (13 avril)- il sauve la vie á deux généraux) , Dego (16 avril – il prend un drapeau à l’ennemi), Lodi (10 mai – c’est lui qui ouvre les portes de la ville) , Borghetto (30 mai), Lonato, San Giorgio et Bassano. Le 21 décembre 1799, il est promu sergent (sous-lieutenant).
Ayant reçu un sabre d’honneur
[3] pour ses faits d’armes, il se permet d’écrire, le 7 décembre 1799, directement au tout nouveau chef de la France :
Léon Aune, sergent des grenadiers de la trente-deuxième demi-brigade, au citoyen Bonaparte, premier consul.
Toulon, le 16 frimaire an 8 (7 décembre 1799)
Citoyen consul,
Votre arrivée sur le territoire de la république a consolé toutes les âmes pures, principalement la mienne, n’ayant plus d’espoir qu’en vous. Je viens a vous comme à mon Dieu tutélaire, vous priant de donner une place dans votre bon souvenir à Léon, que vous avez tant de fois comblé d’honneur au champ de bataille.
N’ayant pu m’embarquer pour l’Egypte, y cueillir de nouveaux lauriers sous votre commandement, je me trouve au dépôt de votre demi-brigade en qualité de sergent. Ayant appris par mes camarades que vous aviez souvent parlé de moi en Egypte, je vous prie de ne pas m’abandonner, en me faisant connaître que vous vous souvenez de moi. Il est inutile de vous rappeler les affaires où je me suis montré comme un républicain, et mérité l’estime de mes supérieurs; néanmoins, à l’affaire de Montenotte j’ai sauvé la vie au général Rampon et au chef de brigade Masse, comme ils vous l’ont certifié eux-mêmes; à l’affaire de Dego, j’ai pris un drapeau à l’ingénieur en chef de l’armée ennemie; à l’affaire de Lodi, j’ai été le Premier à monter à l’assaut et j’ai ouvert les portes à nos frères d’armes; à l’affaire de Borghetto, j’ai passé le premier sur des pontons, le pont étant rompu, j’ai fondu sur l’ennemi, et pris le commandant de ce poste; a l’hôpital, étant fait prisonnier, j’ai tué le commandant ennemi, et par cet acte de bravoure, quatre cents hommes, prisonniers comme moi, ont été rejoindre leurs corps respectifs. En outre, j’ai cinq blessures sur le corps; j’ose tout espérer de vous, et suis bien persuadé que vous aurez toujours égard aux braves qui ont si bien servi leur patrie.
Salut et respect.
LÉON AUNE.
Cette lettre, certainement plus remarquable par sa simplicité et son honnêteté que par sa modestie, va donner à Bonaparte une magnifique occasion d’impressionner sa Garde et l’ensemble de l’armée. Il s’arrangea pour rendre publique sa réponse, pourtant personnelle, datée du 15 janvier 1800
Au brave Léon Aune, sergent des grenadiers de la trente-deuxième demi-brigade
J’ai reçu votre lettre, mon brave camarade; vous n’aviez pas besoin de me parler de vos actions: je les connais toutes.
Vous êtes le plus brave grenadier de l’armée, depuis la mort de Benezette. Vous avez eu un des cent sabres que j’ai distribués à l’armée. Tous les soldats étaient d’accord que c’était vous qui le méritiez davantage.
Je désire beaucoup vous voir. Le ministre de la guerre vous envoie l’ordre de venir à Paris.
BONAPARTE
Cette réponse, on s’en doute, causa un effet prodigieux au sein de l’armée : le Premier consul de la République, et le plus grand général des temps modernes écrivant personnellement à un simple sergent, et le nommant, de surcroît : mon brave camarade ! Certes, il occupait les Tuileries avec toute la pompe d’un empereur, un tel langage faisait taire toutes les critiques. Il ne pouvait y avoir meilleur républicain ! Et qui n’aurait pas combattu bravement sous un chef qui usait de tels mots envers le plus humble de ses soldats ?
Léon Aune passe alors, le 20 février 1800, dans les grenadiers à pied de la Garde consulaire nouvellement constituée. Le 14 juin 1800, il est à Marengo, c’est lui qui porte le drapeau de la Garde à pied
4] qui se fait alors malmener
[5] et dont les Autrichiens ne parviennent pas à s’emparer.
Le 2 décembre 1802, Léon Aune sera promu lieutenant, mais il mourra seulement quelques mois plus tard, à Paris, le 23 février 1803.
Quelques mois plus tard, un décret assure l’avenir financier de sa veuve :
Saint-Cloud, 23 juin 1803
ARRÊTÉ
ARTICLE ler. – La veuve de Léon Aune, officier de la garde qui s’est distingué par des actions d’éclat et est mort des suites des blessures nombreuses qu’il a reçues à la guerre, jouira d’une pension de 500 francs par an.
ART. 2. – Les ministres de la guerre et du trésor public sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Léon Aune fera aussi partie de la première nomination de la Légion d’Honneur, le 24 septembre 1803.
Repères bibliographiques
Balteau, J. et coll. Dictionnaire de biographie française, 1933, vol 4, p. 645-6.
Lumbroso, A. Correspondance de Joachim Murat, 1899.
Roguet, F. Mémoires militaires du lieutenant général comte Roguet (François), colonel en second des grenadiers à pied de la Vieille Garde, pair de France, 1862.
Lievyns, Verdot, Bégat. Fastes de la Légion d’Honneur. Vol. 1, p. 464, Paris, 1845.
[1] Mais les Archives de la ville ne possèdent pas d’acte de naissance à son nom, entre 1773 et 1782. Certaines sources laissent penser qu’il pourrait en fait être né en Arles, le 7 février 1777, d’autres (notamment Fastes etc. voir bibliographie) qu’il serait né en 1774.
[2] L’ancien régiment de la marine-infanterie.
[3] Ce sabre est au Musée de l’Armée, à Paris.
[4] A Marengo, les grenadiers de la Garde des Consuls sont sous les ordres du général de brigade Frère, le 1er bataillon est commandé par le chef de bataillon Soulès, le 2e par le chef de bataillon Tortel. Les porte-drapeaux sont respectivement Léon Aune et Morlay.
[5] L’épisode de la Garde „bloc d’airain“ fait, encore de nos jours, l’objet de nombreuses discussions.
lle ne possèdent pas d’acte de naissance à son nom, entre 1773 et 1782. Certaines sources laissent penser qu’il pourrait en fait être né en Arles, le 7 février 1777, d’autres (notamment Fastes etc. voir bibliographie) qu’il serait né en 1774.
[2] L’ancien régiment de la marine-infanterie.
[3] Ce sabre est au Musée de l’Armée, à Paris.
[4] A Marengo, les grenadiers de la Garde des Consuls sont sous les ordres du général de brigade Frère, le 1er bataillon est commandé par le chef de bataillon Soulès, le 2e par le chef de bataillon Tortel. Les porte-drapeaux sont respectivement Léon Aune et Morlay.
[5] L’épisode de la Garde „bloc d’airain“ fait, encore de nos jours, l’objet de nombreuses discussions.