L’empereur détrôné. 35 caricatures francaises (1813-1814)

Les trois fédérés.

(Lacroix – 1815)

Personnage à gauche de Napoléon : « Vive la Liberté ! »

Personnage à droite de Napoléon : « Vive l’Égalité ! »

Deux fédérés, aux poches vides, gilets troués, pantalons rapiécés crient « Vive l’égalité » et « Vive la liberté » Ils sont dans la Vigne du Seigneur et pratiquent la « fraternité : ils soutiennent leur compagnon Napoléon, qui tient une bouteille et un gobelet dans la main, mais n’arrive plus à prononcer un seul mot. On dénigre ici crûment Napoléon : elle le présente comme un « roi de la jacquerie »

Voici mon fils bien-aimé qui me procure de la satisfaction

(Anonyme – 1813/1814)

La force de l’image réside dans le caractère divers et concis de son message. Les yeux enflammés, ayant une barbe et des cornes de bouc, des pieds de cheval et une queue de taureau, le diable est assis par terre, à l’instar de Marie avec l’Enfant. Il porte l’enfant, emmailloté d’une bande tricolore et ayant la tête de Napoléon – dans ses bras et tient dans sa main une croix de la Légion d’honneur en guise de jouet. Le « père » et « l´enfant » se regardent affectueusement ; le diable utilise des paroles bibliques (Marc I, II) prononcées par Dieu le Père après le baptême du Christ. Napoléon est un suppôt de Satan, l’Antéchrist prophétisé.

Guerrier pleurant sa gloire

Son superbe coursier, qu’on voyait autrefois,
Plein d’une ardeur si noble obéir à sa voix,
L’œil morne maintenant et la tête baissée,
Semble se conformer à sa triste pensée.

Le général Jacot ayant juré qu’on ne le mènerais pas vivant à Sainte-Hélène se décide enfin à ce couper la gorge

Ah mon dieu, quel bonheur que ce rasoir ne coupe pas !

(Lacroix – 1815)

Ah mon dieu, quel bonheur que ce rasoir ne coupe pas !

Napoléon (un rat, un singe ?) est à la proue du Northumberland, debout sur une chaise, chancelle et ses genoux flageolent. Levant la tête, il découvre son cou d’une main et de l’autre tient un énorme rasoir, avec lequel il va se trancher la gorge. Mais il est lâche et remercie le ciel de ce que le rasoir ne coupe pas.

Jacot est bien sûr le nom généralement donné au perroquet. Mais le mot signifie aussi « fanfaron, hâbleur, jactance ». Mais Jacquot était aussi, prétendument, le vrai prénom de Napoléon. (cf. dans l’Aiglon, d’Edmond Rostand)

Il s’agit là d’une des caricatures de Napoléon parmi les plus dures. Elle insinue que l’empereur fut trop poltron pour se donner la mort après sa chute, seul geste qui eut pu sauver son honneur.

Annales du ridicule

Le joueur, ou Napoléon et le destin

Napoléon joue son destin aux dés avec la Mort.

Napoléon : je joue le tout. Il jette sur la table des hommes, son trône.

La Mort, qui se tient derrière le Destin (qui a les yeux bandés) : « j’ai gagné ».

Elle ramasse la mise.

La consultation

(Dubois – 1815)

Napoléon : Cher cousin, comment trouvez-vous mon état (cf. État) ?

Cambacérès : Sire, il ne peut pas durer, Votre Majesté a une trop mauvaise constitution !

Cambacérès, dans le rôle d’un docteur, tâte le pouls de Napoléon, son patient. Affaibli, l’Empereur est assis sur un fauteuil décoré  d’abeille impériales. Comme sa tête laurée est tombée en arrière, la couronne dégringole. Il laisse pendre son bras gauche, dont l’index attire l’attention sur l’acte additionnel des Constitutions de l’Empire, qui traîne par terre.

La crise salutaire

(Anonyme – 1814)

Napoléon, sur une estrade, est installé sur un trône « de toilette » sous lequel est installé un vase de nuit. Le dossier est surmonté d’une couronne ornée d’une tête de mort. Le médecin essaye d’administrer une thérapie toute politique.

La caricature traite de nouveau de la défaite de Napoléon face à l’Angleterre. C’est le docteur John Bull qui a administré le remède, peu favorable à la santé de Napoléon, mais qui a remis sur pied l’Europe entière. Les jeux de mots et allusions donnent ici tout son sens à la caricature : Napoléon doit « rendre » ses conquêtes et suivre « l’Ancien Régime »

Bonaparte :  Voyez-vous, docteur, dans quel état je me trouve : j’ai pris des bains de sang, j’ai levé toute la milice, et rien n’est arrivé. Quel régime dois-je maintenant suivre, toujours le même, n’est-ce pas ?

Le docteur John Bull : Non, il vous faut retourner à l’ancien régime

Bonaparte : Mon Dieu, donnez moi de nouvelles recrues et vous me sauverez.

Le docteur John Bull : Vous vous sauverez aussi bien sans elles. Vous en avez sans doute pris beaucoup trop. Videz-vous en les rendant  bravement et nettoyez-vous complètement.

Bonaparte : Ah ! Docteur, de Moscou à Paris, je n’ai fait que faire de la place et rendre !

Le docteur John Bull : Tant mieux ! Tout doit être rendu !

En arrière,  on aperçoit un drapeau, avec l’inscription « Fontainebleau ». Aux pieds de Napoléon sont tombées deux cartes, celles de la Méditerranée et de l’océan Atlantique, c’est-à-dire celles menant à Elbe et Sainte-Hélène.