L’empereur détrôné. 35 caricatures francaises (1813-1814)

La ruine du fabricant de cire

(Saint-Phall)

Le caricaturiste joue ici sur les mots sire et cire. Le dessin fait ici allusion aux trônes créés pour ses frères et sœurs. Ceux-ci, à présent, fondent ou se brisent au sol. On voit ainsi : Joseph, le roi d’Espagne, Murat, le roi de Naples, Jérôme, le roi de Westphalie, Elisa, la grande-duchesse de Toscane, et Louis, le roi de Hollande. Ces souverains fantoches sont ici exposés dans une baraque foraine, où ils peuvent être vus pour deux sous. Maintenant, l’Empereur crie sa ruine et son désespoir à cette vision.

Cette caricature montre l’influence de la culture populaire, dévalorisante, sur la propagande anti-napoléonienne. L’image devient le cadre du spectacle forain, très apte à toucher le petit peuple des villes.

Voilà ce que c’est que d’avoir du coeur

(Fontallard – 1815)

Sur le socle de la colonne, allusion à la colonne Vendôme, Napoléon, ventripotent, mais la main gauche sur le cœur pour renforcer la sincérité de son message, écrit  » Napoléon se rend et ne meurt pas. » (par opposition ironique au « La Garde meurt mais ne se rend pas »). L’auteur de la caricature veut ainsi suggérer que Napoléon, quoique tyran, était poltron, sacrifiant sans état d’âme des milliers de personnes. Pour augmenter la charge, le fourreau de l’épée est vide.

Sur ce même socle, sous l’inscription « Il se sauva », les noms des champs de bataille d’où l’empereur se serait enfuit. « d’Égypte, d’Espagne, de Moscou (sic), de Leipzig, du Mont Saint-Jean (Waterloo)

Le lapin, symbole animalier de la couardise, est là pour bien identifier le monument comme une colonne de la honte.

La Colère ou le vilain enfant gâté grondé par sa gouvernante.

Cette caricature fait référence au bannissement de Napoléon à Elbe (mais peut-être aussi à Sainte-Hélène). L’auteur en est un légitimiste convaincu, partisan de Louis XVIII.

La pièce est décorée de lys bourboniens, tout comme la commode et le trône portent les insignes des Bourbons. Louis XVIII (la gouvernante) s’est emparé du trône de Napoléon (l’enfant), ce qui provoque la colère de ce dernier.

« Je veux enlever les épaulettes à tous les braves (ceux de ses soldats qui ont rejoint Louis XVIII) et donner la légion d’honneur à tous les faiseurs de perruques (les partisans des Bourbons). »

En vain. Sa Gouvernante (la France) lui répond :

« Tu as fait tellement de bêtises, qu’il faut faire venir ton maître »

Ce dernier (il personnifie cette partie des français qui se félicitent de la chute de l’Empereur et accueillent avec plaisir son bannissement) crie depuis la porte :

« Attends un peu, je vais t’apprendre à devenir doux comme un agneau. »

Le Congrès.

La caricature fait évidemment référence au bon mot du prince de Ligne : « Le Congrès ne marche pas, il danse »

A gauche, Talleyrand (appelé « bien au vent ») observe la scène (« il observe »), pour voir d’où vient le vent.

A ses cotés, le représentant de l’Angleterre, Lord Castlereagh (« il ballotte »), semble dans l’expectative.

François Ier d’Autriche, le tsar Alexandre Ier de Russie et le roi de Prusse, Frédérique-Guillaume Ier (« ils balancent »), semblent danser du même pas.

A leurs côtés, le roi de Saxe, Frédéric-Auguste III (« il danse terre à terre »), fait grise mine : il paie sa fidélité à Napoléon par la perte de sa couronne.

Enfin, la pauvre république de Gênes (« elle saute pour le roi de Sardaigne ») doit sauter pour le roi de Sardaigne, à qui elle est donnée.

Le désespoir du tourneur en jambes de bois

Le tourneur Barnaba, breveté de Sa majesté Lucifer Ier, ne comprend plus.  La chute de Napoléon, c’est aussi la fin de ses belles affaires, qui marchaient si bien. « Encore une campagne, et mon bonheur était fait ! ». Maintenant, il doit louer son magasin, car il n’a plus de travail

Le soldat et la femme qui arrivent, joyeux, le montrent du doigt : « Regardes qui est dans la rue ! »

Au mur sont affichées des proclamations « …vée 300 mille hommes… en… masse » « Remplaçant… »

Cinquième et dernier tour de passe-passe
ou le Grand Escamoteur escamoté

(Elie – 1815)

En mer, le « Bellérophon » fait voile de gauche à droite, en direction des rochers de Sainte-Hélène. Une table pliante, couverte d’une nappe à franges, se trouve sur le rivage. Debout, en costume de magicien, Wellington tient une timbale  à la main et cherche à capturer Napoléon, représenté en nabot en train de se sauver. Sur le plateau de la table se trouvent quatre autres timbales , désignées respectivement « Égypte », « Espagne », « Moscou » et « Leipzig » et – à l’intérieur – par la précision « rien ». Avec elles, le prestidigitateur a essayé en vain de faire disparaître le nain. D’une main, il touche encore celle portant l’inscription « Espagne » : en 1813, Wellington chassa les troupes napoléoniennes de la péninsule ibérique. Marquées sur la cinquième et dernière timbale, les inscriptions « Mont-Saint-Jean » (Waterloo) et « disparais » mettent en évidence la réussite du tour de prestidigitation. Jusque là c’est Napoléon qui fut le « grand escamoteur » (politique), réussissant quatre fois à s’échapper. Mais cette fois-ci, l’empereur se fait attraper : en tant que prisonnier, il disparaît à jamais de la circulation.

Origine de l’étouffoir impérial

(Lacroix – 1815)

Les généraux Blücher (à gauche) et Wellington (à droite) appuient sur le couvercle d’un grand seau métallique, Napoléon est bloqué à l’intérieur, et seuls sa tête et ses bras dépassent. Il les supplie de lui laisser la vie.

Blücher : « Mon cher ami, cet homme là respire de votre côté ! »

Wellington : « Reposez vous sur moi, mon ami, son affaire est faite. »

Napoléon : « Ah, Messieurs ne m’étouffez pas, sauvez moi la vie. »

Interprétation : les puissances victorieuses décident de faire disparaître Napoléon.