Le statut de la famille impériale
Le 30 mars 1806, Napoléon, soucieux de « s’assurer la collaboration et la docilité de sa turbulente famille » [1]Thierry Lentz. Nouvelle Histoire du Premier Empire, vol. 1, p. 214. Paris, 2002. adresse au Sénat, par l’intermédiaire de Cambacérès [2]« Il fut convenu que j’en donnerais communication au Sénat, non pour les abandonner à sa discussion, mais afin qu’il en eût le dépôt et la garde » (Mémoires de Cambacérès), pour être transcrit sur ses registres [3]Normalement, un Décret, pour être applicable, nécessitait la publication au Bulletin des Lois. Ici, le Sénat se voit demander de l’inscrire dans ses registres (on voit ici une analogie avec les … Continue reading , le Statut formant la loi de Famille de l’Empereur des Français [4]Cela était parfaitement constitutionnel, l’article 14 du texte de 1804 précisant que le nouvel empereur « établit par des statuts auxquels ses successeurs sont tenus de se conformer (…) les … Continue reading, achevant ainsi l’organisation du Grand Empire, en révélant tout le système. Sous l’apparence de pourvoir à l’état, à l’éducation, à la fortune des princes, il étend sur eux tous son autorité absolue, sans faire de distinction concernant la dignité, l’âge ou le sexe : l’Empereur est le chef et le père commun de sa famille, ce qui l’autorise à exercer, sur tous les membres de celle-ci, la puissance paternelle pendant leur minorité, conservant, à leur égard, le pouvoir de surveillance, de police et de discipline.
Cette Maison Impériale, dont Napoléon est le « chef et père commun de sa famille » (Art. 1.) de quoi se compose-t-elle (Art. 3) ?
- Des Princes, compris dans l’ordre d’hérédité, ainsi que leurs épouses et de leur descendance issue de mariages légitimes;
- Des Princesses, soeurs de l’Empereur, de leurs époux, et de leur descendance, jusqu’au cinquième degré inclusivement;
- Des enfants d’adoption de l’Empereur et de leur descendance légitime.
Il leur est interdit (Art. 4) de se marier sans l’autorisation expresse de l’Empereur, contracter des mariages que l’on dit « de la main gauche » [5]Sic (Art. 5), de divorcer (Art. 7), d’adopter ou de reconnaître des enfants naturels. Ils peuvent cependant se séparer de corps (Art. 8), sans forme ni procédure, mais sous la seule autorisation de l’Empereur.
C’est l’Archichancelier qui dresse leur état civil (Titre II)), assisté d’un secrétaire de l’état de la Famille impériale. (Art. 15)
L’éducation de leurs enfants appartient à l’Empereur (Titre III) : de sept [6]C’état l’âge où les enfants royaux, sous l’Ancien Régime, étaient retirés des mains des femmes (in T. Lentz) 6] à seize ans (Art. 28), né dans l’ordre de l’hérédité, seront élevés ensemble et par les mêmes officiers, au palais de l’Empereur où dans un palais voisin. Les enfants de ceux des princes, dans l’ordre de l’hérédité, qui monteraient sur un trône étranger, devront, à l’âge de sept ans, devront recevoir cette même éducation commune.
Princes et princesses ne peuvent (Titre IV), à n’importe quel âge, sortir du territoire de l’Empire, ni s’éloigner au delà de 30 lieues de la ville où la résidence impériale est établie.
Le Statut prévoit des sanctions à l’encontre de celui des Membres de la Famille Impériales se livre à des débordements ou à oublier sa dignité ou ses devoirs : l’Empereur peut alors infliger, pour une année au plus, les arrêts, l’éloignement de sa personne, voire l’exil (Art. 31). Il peut même, après l’avis du Conseil de famille (Titre V), prononcer une peine de prison allant jusqu’à deux ans.
On notera (Titre VI) que les grands dignitaires et les ducs sont assujettis aux dispositions de l’article 31 .
Enfin, l’Empereur s’est doté du droit d’ordonner aux membres de sa famille d’éloigner d’eux les personnes qui lui paraissent suspectes (pourtant ces personnes ne font pas partie de leurs Maisons)
Ce statut de la famille doit être lu à la lumière des différents décrets qui paraissent le même jour, et qui attribuent à Joseph, Pauline, à Élisa, à Murat les dépuilles issues du trité de Presbourg
« Depuis le point de départ, l’idée initiale, l’idée corse s’est élargie et amplifiée : elle s’est murie d’exemples; elle s’est nourrie d’histoire; elle s’est coulée en des moules romains, carolingiens ou féodaux, mais c’est elle qui domine tout ce système, qui lui forunit son organisme, lui prête ses formules et lui impose ses lois. Napoléon a eu beau, depuis dix ans, livrer combat sur combat, recevoir échec sur échec, lutter constamment avec ses frères, il croit encore que le lien familial est le seul sérieux, durable et permanent; il tient encore que nulle alliance politique n’est stable si elle n’est doublée par une alliance de famille; il est encore convaincu que, seul, le sentiment de la famille peut plier les individus à dépouiller leurs ambitions personnelles pour confondre, sous la direction du chef familial, l’effort de leurs volontés. » (Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, tome 3, p. 194)
References[+]
↑1 | Thierry Lentz. Nouvelle Histoire du Premier Empire, vol. 1, p. 214. Paris, 2002. |
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↑2 | « Il fut convenu que j’en donnerais communication au Sénat, non pour les abandonner à sa discussion, mais afin qu’il en eût le dépôt et la garde » (Mémoires de Cambacérès |
↑3 | Normalement, un Décret, pour être applicable, nécessitait la publication au Bulletin des Lois. Ici, le Sénat se voit demander de l’inscrire dans ses registres (on voit ici une analogie avec les anciens actes royaux enregistrés par les Parlements. |
↑4 | Cela était parfaitement constitutionnel, l’article 14 du texte de 1804 précisant que le nouvel empereur « établit par des statuts auxquels ses successeurs sont tenus de se conformer (…) les devoirs des individus de tout sexe, membre de la famille impériale, envers l’Empereur (…) » in T. Lentz. |
↑5 | Sic |
↑6 | C’état l’âge où les enfants royaux, sous l’Ancien Régime, étaient retirés des mains des femmes (in T. Lentz |