Le régiment autrichien d’infanterie RI 42 von Erbach

"Le régiment Erbach s'est, le 6, très bien comporté. Ce régiment reçoit le privilège d'exécuter, à l'avenir, et en toutes circonstances, la marche des grenadiers.""Le régiment Erbach s'est, le 6, très bien comporté. Ce régiment reçoit le privilège d'exécuter, à l'avenir, et en toutes circonstances, la marche des grenadiers."

Nunquam retrorsum (Ne recule jamais !)

Vzlt Prof. Walter A. Schwarz

Traduction – Adaptation : R. Ouvrard

[1]Présentation faite lors de l’inauguration, le 22 avril 2007, de la salle consacrée à ce régiment, au musée de Deutsch-Wagram En 1674, le belliqueux évêque Johann Hartmann von Würzbourg und Bamberg signait, avec l’empereur Leopold I, un contrat par lequel il s’engageait à mettre sur pied un régiment (2 bataillons) de 2040 hommes. Ce régiment était, à cette époque, subordonné tant à l’évêque qu’à l’empereur, et destiné tout autant à la défense de Wurzbourg et du duché Franken, que des territoires impériaux.

Lors des campagnes contre la France, de 1675 à 1679, le régiment est pour la première fois engagé, au siège et à la prise de Philippsburg [2]La ville avait été conquise par les Français en 1644., les 3-5 octobre 1676.

En octobre 1685, il passe intégralement au service impérial autrichien.

La place et le temps manquent ici pour citer, ne serait-ce que brièvement, toutes les actions d’éclat de ce régiment au cours des années, jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale.

Mais si l’on regarde la liste des campagnes auxquelles, de 1675 à 1914, ce régiment a participé, on s’aperçoit qu’il fut toujours en première ligne durant toutes les campagnes militaires importantes de l’histoire autrichienne et austro-hongroise : guerres contre la France et les Turcs, guerre de la Succession d’Espagne, guerre de la Succession d’Autriche, guerre de Sept-Ans, guerre de la Succession d’Espagne, de nouveau guerre contre la France, durant la période révolutionnaire et napoléonienne, affrontements de 1848 à Prague, Vienne et en Hongrie, enfin contre l’Italie et, en 1866, contre la Prusse. A chaque occasion, le régiment a fait son devoir et glorieusement combattu, souvent en essuyant de lourdes pertes.

Durant le premier conflit mondial, il combattit en Serbie, dans les Carpathes, en Galicie, au cours de l’offensive russe de Brussilow, et sur le front italien, en particulier sur le Piave.

Mais, durant ces 244 années de son histoire, une bataille prend une place particulière. Durant la bataille de Wagram, en effet (bataille qui succède au succès d’Aspern), il est le « régiment d’infanterie de ligne FZM Carl Eugen Graf zu Erbach-Schönberg, n° 42 et combat [3]Au sein de la division Fresnel, du 1er corps d’armée de Bellegarde, le 5 juillet, de façon si remarquable que, dans un ordre du jour daté du 7 juillet, le général en chef autrichien, l’archiduc Charles, lui accorde, en témoignage  de son superbe courage, un privilège unique pour un régiment d’infanterie :

« Le régiment Erbach s’est, le 6, très bien comporté. Ce régiment reçoit le privilège d’exécuter, à l’avenir, et en toutes circonstances, la marche des grenadiers. »

C’est aussi, à partir de ce moment là, que la fête du régiment sera fixée au 6 juillet, et ce jusqu’en 1918.

"Le régiment Erbach s'est, le 6, très bien comporté. Ce régiment reçoit le privilège d'exécuter, à l'avenir, et en toutes circonstances, la marche des grenadiers."
« Le régiment Erbach s’est, le 6, très bien comporté. Ce régiment reçoit le privilège d’exécuter, à l’avenir, et en toutes circonstances, la marche des grenadiers. »

Même s’il s’était, durant la sanglante bataille d’Aspern, les 21 et 22 mai 1809, magnifiquement comporté [4]A Aspern, le régiment fait partie de la division Nostitz, également du 1er corps d’armée (2e colonne) de Bellegarde. – prenant une part importante à l’assaut du village, résistant aux puissantes charges de cavalerie, restant des heures durant sans défaillance sous le feu de l’artillerie ennemie, et se lançant, avec ses grenadiers, à l’assaut d’Essling – c’est la bataille de Wagram qui va faire sa renommée.

Après l’arrêt des combats au soir du 22 mai, le régiment bivouaque près de Deutsch-Wagram (les grenadiers sont à Helmahof) [5]Helmahof se trouve sur la route qui mène, aujourd’hui , à Bockfließ, à la sortie de Deutsch-Wagram.. Tôt le matin du 5 juillet, les Français franchissent le Danube et se lancent à l’assaut des avant-postes autrichiens. L’archiduc Charles les attend dans des positions, derrière le Russbach, entre Deutsch-Wagram et Marktgraf-Neusiedl, où il compte bien les arrêter et lancer une contre attaque.

Le régiment Erbach est positionné entre Deutsch-Wagram et Baumersdorf (aujourd’hui Parbarsdorf), et entre en ligne, sous le feu ennemi, le soir de cette première journée.

Une colonne d’environ 20.000 soldats français passe le Russbach à l’ouest de Baumersdorf et se glisse par un fossé entre les 1er et 2e corps autrichiens. Ceux-ci sont surpris, d’autant plus que de la cavalerie française charge, les faisant reculer. Tout semble alors perdu.

Pourtant, le régiment Erbach ne se laisse pas impressionner. Alors que son chef, le colonel Brixen est blessé, le major Fromm prend le commandement et se lance à l’attaque sur le flanc ennemi. Cette attaque inattendue oblige les Français à s’arrêter et à se mettre sur la défensive. Ceux des Autrichiens qui avaient reculé saisissent cette occasion pour se reformer. Au même instant, l’archiduc Charles, lui-même blessé légèrement, se met à leur tête et les conduit contre l’ennemi. Après un long combat meurtrier, la situation est retournée au profit des Autrichiens et les Français mis en déroute.

L’archiduc a personnellement assisté à l’action décisive et au combat courageux du régiment Erbach, dont il a demandé le nom, et lui fait parvenir sa satisfaction par l’intermédiaire du colonel d’artillerie Smola (qui vient lui-même de recevoir la Croix de Marie-Thérèse pour son action à Aspern – La caserne de Gros-Enzersdorf porte aujourd’hui son nom).

Peu après, l’archiduc Charles se présente en personne devant le régiment et le harangue :

« Soldats, vous avez courageusement combattu; vous avez été courageux; vous avez eu une chaude après-midi. Je vous en exprime ma reconnaissance ! »

Au major Fromm il dit :

« Major, je décorerai moi-même votre poitrine de l’Ordre de Marie-Thérèse ! »

Chevauchant devant le régiment, il ajoute :

« Braves soldats d’Erbach, si demain les choses se déroulent de la même façon, c’est à vous que je le devrai ! »

Le jour suivant, la bataille reprend dès le matin. Le régiment Erbach se trouve au centre, entre Aderklaa et Wagram. Le 1er corps forme la liaison avec les troupes de l’aile gauche qui se trouvent sur le Russbach. Liaison importante, pour éviter que les deux ailes ne soient séparées et sans soutien.

Les grenadiers du régiment sont sur l’aile droite, où trois corps doivent mener l’attaque autrichienne. C’est le 1er corps qui est le premier engagé, occupant dès 4 heures du matin Aderklaa, et se positionnant entre ce village et Deutsch-Wagram. Les soldats du régiment Erbach doivent une nouvelle fois rester de longues heures sous le feu de l’artillerie ennemie. Vers 9 heures, les Français attaquent Aderklaa et les Autrichiens commencent à reculer. Mais, derrière Aderklaa, se trouve le RI 42.

Lorsqu’il voit les siens reculer et les Français avancer, le major Fromm forme ses hommes pour l’attaque et se place à leur tête. Un boulet le renverse de son cheval. Cela les rend  encore plus furieux. Le caporal Wiener donne le signal de l’attaque, ordonnant au tambour de sa compagnie :

« Langbein, bat la charge, que cette charogne nous respecte ! »

Le major Schober prend la tête du régiment et l’emmène, baïonnette au canon et sans tirer un seul coup de fusil à l’assaut de l’ennemi, sous un terrible feu de mitraille et de cartouches. Après le plus sauvage des combats, les Autrichiens parviennent à repousser les Français hors d’Aderklaa et à s’emparer du village. La percée que Napoléon a essayé à cet endroit n’a pas réussi.

Mais le régiment ne pourra rien contre l’issue malheureuse , pour les Autrichiens, de la bataille. Lorsque les Français battent les Autrichiens sur le Russbach et parviennent à s’emparer des hauteurs de Margraf-Neusiedel, la victoire escomptée se transforme en défaite.

Malgré tout, l’archiduc Charles parvient, malgré de lourdes pertes, à conserver son armée. Celle-ci entame une retraite en bon ordre et avec discipline, emportant avec elle les drapeaux et les canons gagnés, ainsi que les prisonniers faits durant ces deux journées. Les Français, eux aussi très touchés, ne se risquent pas à les poursuivre.

Lorsque, au début de 1918, il est décidé de supprimer les tambours au sein des régiments d’infanterie, le commandement du 42e régiment adressa au commandement général impérial et royal, se basant sur le privilège accordé en 1809 par l’archiduc Charles, la requête de conserver ses tambours. Une circulaire du 11 mai 1918 confirme ce privilège, de telle façon que le régiment – ou partie du régiment – se voit accorder le droit de battre la marche des Grenadiers, durant les revues et les relèves d’officiers de garde.

References

References
1Présentation faite lors de l’inauguration, le 22 avril 2007, de la salle consacrée à ce régiment, au musée de Deutsch-Wagram
2La ville avait été conquise par les Français en 1644.
3Au sein de la division Fresnel, du 1er corps d’armée de Bellegarde
4A Aspern, le régiment fait partie de la division Nostitz, également du 1er corps d’armée (2e colonne) de Bellegarde.
5Helmahof se trouve sur la route qui mène, aujourd’hui , à Bockfließ, à la sortie de Deutsch-Wagram.